CA Rennes, 4e ch., 6 novembre 2025, n° 24/02013
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 241
N° RG 24/02013
N° Portalis DBVL-V-B7I-UVDE
(Réf 1ère instance : 22/01069)
(3)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Mme Gwenola VELMANS, Conseillère,
Assesseur : Mme Valentine BUCK, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [U] [X]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [X]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS JAOUEN FRERES
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Société LA [Adresse 9]
Société coopérative ouvrière de production à responsabilité limitée
[Adresse 4]
[Adresse 12]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS dont le sigle est SMABTP, société d'assurances mutuelles
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [R] [X] et M. [U] [X] sont propriétaires d'une maison ancienne située [Adresse 10] à [Localité 11].
A la suite de dégâts des eaux constatés au plafond du séjour au droit de la cheminée et de la chambre au-dessus, ils ont confié :
- à la société Etablissements Jaouen Frères, assurée auprès de la SMABTP, en 2010, des travaux de réparation à la jonction de la couverture et du carré de cheminée, au niveau de la tête de cheminée, correspondant à des travaux de couverture avec réfection de chéneau et de noue, de tuyau de descente d'eau, suivant facture du 6 juillet 2010 et, en 2012 des travaux intérieurs d'empoutrement, de parquet et d'enduit à la chaux et de changement des boiseries en soubassement, dans la chambre et le salon suivant facture du 7 mai 2013;
- à la société La Laborieuse, assurée également auprès de la SMABTP, en 2014, des travaux de peinture des murs et des boiseries dans le salon suivant facture du 14 novembre 2014.
Déplorant l'apparition d'un décollement des peintures et de moisissures sur les murs du salon, M. et Mme [X] ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur, ce qui a donné lieu à la tenue d'une expertise amiable, par la société Eurisk le 30 octobre 2017.
Par acte d'huissier du 16 avril 2018, M. et Mme [X] ont fait assigner les sociétés Etablissements Jaouen Frères et La Laborieuse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest en expertise. Par ordonnance du 11 juin 2018, M. [W] a été désigné en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 29 octobre 2021.
Par actes d'huissier des 10 et 13 juin 2022, M. et Mme [X] ont fait assigner les sociétés Etablissements Jaouen Frères, La Laborieuse et la SMABTP devant le tribunal judiciaire de Brest en réparation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 25 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Brest a :
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 45 933,25 euros, en réparation des désordres, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du présent jugement,
- condamné in solidum la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 8 572,01 euros, en réparation des désordres, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du présent jugement,
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à leur payer la somme de 1 500 euros, en réparation de leur préjudice de jouissance,
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 4 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
M. et Mme [X] ont fait appel de cette décision le 4 avril 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 5 mai 2025, Mme [R] [X] et M. [U] [X] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement rendu en sa totalité ;
Statuant à nouveau
Sur les désordres :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères et son assureur la SMABTP à leur régler la somme de 106 746,19 euros HT correspondant à l'ensemble des travaux de reprise exceptés les travaux de peinture, avec indexation sur l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (21 octobre 2021) et la date du jugement à intervenir, ainsi que l'application du taux de TVA en vigueur ;
- condamner solidum la société la Laborieuse et son assureur la SMABTP à leur régler la somme 12 796,88 euros HT au titre des travaux de peinture, avec indexation sur l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (21 octobre 2021) et la date du jugement à intervenir ainsi que l'application du taux de TVA en vigueur,
Sur le préjudice de jouissance :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la Société la Laborieuse et leur assureur la SMABTP à leur verser la somme de 150 euros par mois depuis le mois d'octobre 2017, soit la somme de 13 350 euros (89 mois x 150 euros) au titre du préjudice de jouissance, somme à actualiser au jour de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société la Laborieuse et leur assureur la SMABTP aux entiers dépens lesquels comprendront les honoraires de l'expert judiciaire,
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société la Laborieuse et leur assureur la compagnie SMABTP à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux termes de leurs dernières conclusions du 29 août 2025, la société La Laborieuse, la société Etablissement Jaouen Frères et la SMABTP demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en sa totalité
Statuant à nouveau
Sur les travaux effectués par la société Etablissement Jaouen Frères
- s'agissant des travaux concernant l'humidité du salon, limiter l'indemnisation de Mme et M. [X] à la somme de 27 828,4 euros,
- s'agissant des désordres d'humidité en cave, débouter Mme et M. [X] de l'intégralité de leurs prétentions,
Sur les travaux effectués par la société la Laborieuse
- à titre principal, débouter M. et Mme [X] de l'intégralité de leurs prétentions à l'égard des sociétés la Laborieuse et la SMABTP,
- à titre subsidiaire, limiter l'indemnisation relative aux travaux de peinture à la somme de 2 173,57 euros,
Sur le préjudice de jouissance
- débouter M. et Mme [X] de leur demande de préjudice de jouissance,
- à défaut, limiter ledit préjudice à la somme de 900 euros,
En toutes hypothèses,
- débouter M. et Mme [X] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamner in solidum M. et Mme [X] à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [X] aux dépens de la présente procédure.
MOTIFS
Sur la demande en réparation des dommages dirigée contre les entreprises
Le tribunal a condamné l'entreprise Etablissements Jaouen Frères à indemniser les travaux de reprise des seuls désordres qui lui sont imputables et la société La Laborieuse à payer les frais de reprise des peintures. Il a limité les préjudices indemnisables à ceux exclusivement liés à l'intervention des entreprises à l'exclusion de ceux imputables à la vêtusté et au défaut d'entretien de l'immeuble. La Cour constate que, pour cela, le tribunal s'est fondé indifféremment sur la garantie décennale due par les constructeurs d'ouvrage des articles 1792 et 1792-1 du code civil et sur la responsabilité contractuelle de l'entreprise au sens de l'article 1231-1 du code civil. Le tribunal a en effet retenu l'existence de désordres de nature décennale mais en statuant finalement sur la responsabilité contractuelle des entreprises et en constatant un manquement à leur devoir de conseil, outre, pour la société La Laborieuse, le non-respect dues préconisations du document technique unifié (DTU).
M. et Mme [X] trouvent que le montant retenu par le tribunal n'est pas celui préconisé par l'expert. Ils estiment que l'intervention d'Etablissements Jaouen Frères a aggravé les désordres. Se fondant sur les conclusions de l'expert (pages 77 à 79 du rapport) M. et Mme [X] demandent l'indemnisation de tous les travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux. Ils invoquent à la fois la garantie décennale des entreprises et leur responsabilité contractuelle, considérant qu'elles ont manqué à leur devoir de conseil, responsabilité dont elles ne peuvent pas s'exonérer au motif que M. [X] était un fonctionnaire ayant exercé au sein de la direction interministérielle de la transformation publique jusqu'en avril 2024.
Les entreprises répliquent que les travaux de réparation sollicités correspondent en réalité à une réfection intégrale de la maison impactée par les infiltrations. L'entreprise Etablissements Jaouan Frères en particulier ne s'estime concernée que par les dommages liés aux dégâts des eaux dans la chambre et le salon. Les entreprises répondent essentiellement sur le terrain de la responsabililité contractuelle. Elles rétorquent que M. [D] n'était pas un profane en matière de construction, que M. et Mme [X] savaient que leur manoir était vêtuste et déjà humide lorsqu'ils ont entrepris les travaux. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères considère que le constructeur ne peut être tenu de réparer les dommages qui préexistaient à son intervention et pour la réparation desquels elle n'a pas été sollicitée et qu'elle n'a donc jamais reçu pour mission de procéder à une réfection générale de l'immeuble. De son côté, la société La Laborieuse rappelle qu'elle n'est intervenue que pour des travaux d'embellissement.
***
Pour apprécier si la responsabilité des entreprises est de plein droit ou pour faute prouvée, il est nécessaire de déterminer si elles ont construit un ouvrage, si les travaux ont été reçus, si les désordres sont de nature décennale et si la cause des dommages se situait bien dans leur sphère d'intervention.
- la nature des travaux
Il résulte des factures produites que :
- en intervenant en 2010 sur la couverture de la maison et au niveau de la souche de cheminée pour sceller des mitres boisseaux, déposer une partie de la couverture en ardoise, pour reprendre un chéneau et une noue en zinc, pour modifier le tuyau de descente des eaux entre les toitures et pour reprendre une tête de cheminée, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux sur existants assimilés à la construction d'un ouvrage se rapportant au clos et au couvert,
- en intervenant en 2012 au niveau du salon notamment pour changer des parties de bois contaminés, déposer partiellement le parquet et reprendre l'empoutrement, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux de construction sur ouvrage existant se rapportant à la solidité.
En revanche, les seuls travaux de peinture à l'intérieur du salon effectués par la société La Laborieuse ne constituent pas des travaux de construction d'un ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil.
- la réception
En application de l'article 1792-6 du code civil, la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves, sachant qu'en cas de travaux sur un ouvrage existant, la prise de possession permettant, avec le paiement du prix, de faire présumer la réception, ne peut résulter du seul fait que le maître de l'ouvrage occupait déjà les lieux (3e Civ., 23 mai 2024, pourvoi n° 22-22.938).
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. et Mme [X] ont réglé le prix des interventions successives de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères sans émettre de réserve, puis ont continué à occuper leur maison. Ils ont donc reçu tacitement les travaux réalisés, au sens de l'article 1792-6 du code civil.
En revanche, ils n'ont pas reçu les travaux de la société La Laborieuse car ils ne les ont pas payés après avoir constaté les désordres à la fin de son intervention (voir en ce sens le rapport d'expertise non contesté, page 67).
- la nature des désordres
Le tribunal a considéré que l'apparition d'un champignon lignivore dans les soubassements et les infiltrations d'eau portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rend impropre à sa destination.
M. et Mme [X] considèrent que l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux de grande ampleur en intervenant à de nombreuses reprises depuis 2010 à l'extérieur et à l'intérieur de leur maison pour remédier à des infiltrations, ces interventions venant aggraver les problèmes, que le salon est rempli d'humidité et que des champignons se répandent, que la cave subit des infiltrations, que cela porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ainsi qu'à sa destination, la vêtusté préexistante du manoir étant indifférente.
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères soutient que les désordres étaient pré-existants à son intervention limitée, que le bâtiment était déjà vêtuste, manquait d'entretien, et comportait des problèmes d'humidité d'origine structurelle connus du propriétaire.
***
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :
- dans le salon, pourriture cubique des boiseries de soubassement déposées (pages 29/30 du rapport), humidité (taux de 84,7%) au droit du plancher dans l'embrasure de la baie, présence de champignons avec commencement de destruction de lame de parquet (page 31/32 du rapport) ;
- dans le salon, dégoulinures et humidité (taux de 48,8%) au niveau des fenêtres (page 32 du rapport) ;
- dans le salon, humidité des murs intérieurs (taux de 100%) jusqu'à une hauteur de 1,30 mètre (page 33/34/35 du rapport) ;
- dans le salon, humidité de 75,9% au droit de la totalité des parties en boiserie et des embrasures avec une peinture cloquée (page 34 du rapport) ;
- dans le salon, dégradation du bois au droit des travaux de reprise en plafond ;
- dans l'escalier, humidité retrouvée dans le mur au droit du salon et de la cave avec un taux d'humidité de 100% (page 37 du rapport) ;
- dans la cave, les murs sont tous très humides (taux de 100%) ; les poutrelles métalliques sont attaquées par la rouille révélant l'ancienneté du problème (page 39 du rapport).
Ces désordres d'humidité très importante avec la présence de champignons lignivores dans une pièce importante d'une maison qu'est le salon, ainsi que dans les pièces attenantes et dans la cave, rendent ces parties de la maison impropres à leur destination.
Pour l'expert, les causes de cette humidité et de l'infestation du champignon sont multiples :
- vêtusté du bâtiment ;
- défauts d'exécution d'origine (voir page 61 du rapport) ;
- interventions ponctuelles de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères qui ont aggravé les désordres (pages 63-64-65 du rapport) car le bois était déjà contaminé en 2010 : l'intervention de l'entreprise n'a pas permis de traiter correctement le problème des bois contaminés en plafond qui existait déjà en 2010 lors des dégâts des eaux ; l'exécution d'un doublage en soubassement n'a pu qu'engendrer un départ de champignon dans la mesure où le parquet se trouve contre le mur qui est humide ; le fait de mettre un isolant sur un soubassement en contreplaqué ne peut qu'aggraver le problème (pas de ventilation ; bois des soubassements non traités contre l'humidité) ; le départ du champignon se trouve au niveau des travaux de reprise ; en conclusion l'expert judiciaire considère qu'il y a eu une accumulation de faits aggravants.
- la garantie décennale de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères
Aux termes de l'article 1792-1 du code civil, sont présumés responsables tous les constructeurs concernés par les désordres revêtant un caractère décennal, sauf s'ils démontrent que les dommages proviennent d'une cause étrangère ou ne rentrent pas dans leur sphère d'intervention.
En l'espèce, à la suite de la réception des travaux de construction réalisés par l'entreprise Etablissements Jaouen Frères, des désordres de nature décennale décrits ci-dessus sont apparus.
Il résulte notamment du rapport d'expertise que les interventions ponctuelles de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères ont aggravé les désordres d'humidité déjà présents en raison de la vêtusté de la maison ancienne et de ses défauts de construction. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères est donc tenue, de plein droit, de réparer les désordres de nature décennale directement en lien avec sa sphère d'intervention qui était :
- en 2010, de réparer à la suite d'infiltrations la toiture par la reprise de couverture et la modification de la descente eaux de pluie (EP) ;
- en 2012, de reprendre et renforcer l'empoutrement au droit de la chambre à l'étage, changer une fenêtre de la chambre, changer des boiseries en partie basse des murs du salon, mettre un enduit intérieur à la chaux après piquetage des murs du salon et de la chambre.
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères ne justifie d'aucune cause étrangère à l'origine des désordres. La circonstance que M. [X] ait été nommé en mars 2013 au secrétariat général pour la modernisation de l'action publique et qu'en octobre 2023, la direction interministérielle au sein de laquelle il était nommé a réalisé un mode d'emploi en assistance à maîtrise d'usage afin de partager des méthodes et outils au profit de tous les acteurs impliqués dans la conception de bâtiments publics n'exonère pas de sa responsabilité, ni ne vient la limiter, l'entrepreneur intervenu en 2010 et 2012.
- la responsabilité contractuelle de la société La Laborieuse
En application de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil, l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat à l'égard du maître d'ouvrage dont il ne peut s'exonérer que, par exemple, l'immmixtion fautive du maître de l'ouvrage, son acceptation délibérée des risques, son défaut d'entretien de l'immeuble.
Avant d'engager les travaux, l'entrepreneur a une obligation de conseil dans les limites de sa mission, qui l'oblige à renseigner le maître d'ouvrage sur la faisabilité de ceux-ci et sur l'inutilité d'y procéder si les mesures, extérieures à son domaine de compétence, nécessaires et préalables à leur exécution ne sont pas prises.
La responsabilité des intervenants ne peut être recherchée que pour des dommages à la
réalisation desquels ils ont concouru et pour des travaux qu'ils ont contribué à réaliser.
En l'espèce, s'agissant du taux d'humidité et de la présence de champignon lignivore, l'expert judiciaire n'a pas relevé de faute imputable à la société La Laborieuse. Il a précisé que 'les travaux de peinture ne peuvent en aucun cas avoir une conséquence sur le développement du champignon lignivore' (page 100 du rapport), que ce n'est pas la peinture qui a dégradé les soubassements (page 101 du rapport) et que c'est le travail de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères qui a eu pour conséquence une aggravation du problème (page 100 du rapport).
Il n'en demeure pas moins que la peinture appliquée par la société La Laborieuse dans le salon s'est vite dégradée et a cloqué. L'expert judiciaire a indiqué que cela était dû à l'humidité préexistante du support et de la pièce (pages 66 et 101 du rapport), que le peintre aurait dû vérifier avant d'intervenir. Il a considéré que compte-tenu de l'humidité préexistante, la société La Laborieuse n'aurait jamais dû intervenir (page 62 du rapport). Pour l'expert, elle devait indiquer au maître de l'ouvrage son refus d'intervenir dans de telles conditions et lui demander un relevé préalable d'hygrométrie de la pièce et de l'humidité des supports, conformément au DTU en la matière.
Certes, selon l'expert, cette humidité préexistante et la vêtusté de la maison étaient 'connues de tous' et donc également des maîtres d'ouvrage. Cependant, cela ne suffit pas à exonérer ou limiter la responsabilité de l'entreprise, ceux-ci ayant fait confiance aux entreprises professionnelles.
La faute de la société La Laborieuse a donc contribué uniquement à la dégradation de la peinture qu'elle avait posée.
- Les réparations
A l'encontre de la société Etablissements Jaouen Frères, M. et Mme [X] sollicitent le paiement des travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux précédents sur la base des conclusions de l'expert qui a distingué les travaux de reprise liés à la vétusté de la construction (travaux chiffrés à 31 688,90 euros HT) et les travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux précédents (chiffrés à 119 543,07 euros HT).
A l'encontre de la société La Laborieuse, M. et Mme [X] estiment que le montant de la facture non payée ne peut pas être déduit du montant des réparations car la réclamation du paiement de la facture est prescrite.
Enfin, ils considèrent que le préjudice de jouissance ne doit pas être réduit au motif que la maison était une résidence secondaire. En tout état de cause, elle est devenue leur résidence principale depuis décembre 2024.
Les entreprises répliquent que les travaux de réparation sollicités correspondent en réalité à une réfection intégrale de la maison impactée par les infiltrations. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères ne s'estime concernée que par les dommages liés aux dégâts des eaux dans la chambre et le grand salon.
***
* sur les travaux réparatoires
M. et Mme [X] s'appuient sur le tableau des travaux de reprise liés à la présence de champignon et aux dégâts des eaux figurant en pages 77 à 79 du rapport de l'expert judiciaire.
Cependant, après avoir examiné les éléments présentés par les parties pour chiffrer les travaux réparatoires, l'expert judiciaire a signalé que c'est le tableau figurant en pages 90-91, récapitulant celui en pages 88 à 90, qui pouvait constituer la base de l'analyse du tribunal.
Il résulte de ce tableau que les travaux réparatoires des dommages à la réalisation desquels l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a concouru et pour des travaux qu'elle a réalisés sont :
- B2/ traitement des conséquences de l'humidité dans le salon : 47.244,01 euros TTC
- B3/ remplacement des soubassements en bois dans emprise du salon : 4 422 euros TTC
- C/ travaux de mise en conformité de la descente d'eaux pluviales : 1980 euros TTC
L'expert judiciaire a rappelé la nécessité d'un maître d'oeuvre, notamment parce que ces travaux s'inscrivent dans un traitement plus général de l'humidité. Il conviendra donc d'y ajouter les frais d'honoraires d'architecte à hauteur de 12% du montant des travaux retenus.
Au total, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères sera condamnée, in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à payer à M. et Mme [X] la somme de :
(47.244,01 + 4 422 + 1980) + 12% = 53646,01 + 6437,52 euros = 60 083,53 euros TTC.
M. et Mme [X] et la société La Laborieuse ne contestent pas le montant de 12 796, 88 euros des travaux réparatoires retenu par le tribunal pour la réfection des peintures, mais la société La Laborieuse considère que M. et Mme [X] doivent prendre en charge 50% de ce montant en raison de la vêtusté générale de la maison.
Aucune faute n'étant à reprocher à M. et Mme [X] en lien avec les désordres sur les travaux de peinture réalisés, la société La Laborieuse sera condamnée, in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à leur verser la somme de 12 796, 88 euros.
La Cour constate que M. et Mme [X] sollicite l'indexation de ces montants sur l'évolution de l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la date du jugement, et non de l'arrêt.
* sur le préjudice de jouissance
Le tribunal a constaté que M. et Mme [X] se sont trouvés privés de l'usage de leur chambre pendant deux mois et de l'usage du salon depuis plus de cinq années. Considérant que leur maison était une résidence secondaire, il a fixé à 1500 euros le montant de leur préjudice de jouissance.
Se basant sur les conclusions de l'expert, M. et Mme [X] invoquent un préjudice de jouissance depuis le 30 octobre 2017, date de la dépose des boiseries.
Les entreprises rétorquent que M. et Mme [X] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice à la hauteur de ce qu'ils invoquent et notamment que la maison est devenue leur résidence principale.
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La maison étant, à défaut de preuve contraire, la résidence secondaire de M. et Mme [X], le préjudice de jouissance du salon et de la chambre sera fixé de la manière suivante :
- salon : 150 euros x 2 mois x 9 ans = 2700 euros
- chambre : 75 euros x 2 mois de travaux réparatoires = 150 euros
soit au total : 2850 euros
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères et la société La Laborieuse seront condamnées in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 850 euros au titre du préjudice de jouissance.
Sur la demande en paiement de la facture
La société La Laborieuse fait valoir que sa demande en paiement de sa facture n'est pas prescrite, le délai ayant été interrompu par les demandes en justice et suspendue par l'expertise et ne pouvant commencer à courir tant qu'il n'avait pas connaissance de la volonté de M. et Mme [X] de ne pas payer, aucune réception des travaux n'étant intervenue et M. et Mme [X] attendant le résultat de l'expertise pour payer ou non.
M. et Mme [X] considère que cette demande est tardive.
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L'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce ou contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, laquelle peut être caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible (3e Civ., 1 mars 2023, pourvoi n° 21-23.176).
En l'espèce, en l'absence d'autres éléments permettant de caractériser l'achèvement de des travaux de la société La Laborieuse, ce sera la date de la facture du 14 novembre 2014 qui sera retenue pour fixer le point de départ du délai de prescription biennale de son action en paiement.
Contrairement à ce que soutient la société La Laborieuse, aucun acte interruptif de prescription au sens de l'article 2241 du code civil n'est intervenu dans le délai de deux ans suivant cette facture. Outre que ses conclusions en défense à l'assignation en référé expertise ne formulent aucune demande en paiement, elles sont en tout état de cause tardives, datant du 3 mai 2018.
Son action en paiement étant prescrite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déduit le montant de la facture non acquittée de l'indemnité que la société La Laborieuse doit à M. et Mme [X].
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant à l'instance d'appel, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement du 25 janvier 2024 du tribunal judiciaire de Brest sauf en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 4 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
Statuant à nouveau,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 60 083,53 euros TTC, en réparation des désordres liés à la présence de champignon et aux dégâts des eaux, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du jugement,
- Condamne in solidum la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 12 796, 88 euros, en réparation des désordres de peinture, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du jugement,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à leur payer la somme de 2 850 euros, en réparation de leur préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 3 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP aux dépens de l'instance d'appel.
Le Greffier, Le Président,
ARRÊT N° 241
N° RG 24/02013
N° Portalis DBVL-V-B7I-UVDE
(Réf 1ère instance : 22/01069)
(3)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Mme Gwenola VELMANS, Conseillère,
Assesseur : Mme Valentine BUCK, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [U] [X]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [X]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Simon AUBIN de la SELARL SIMON AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS JAOUEN FRERES
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Société LA [Adresse 9]
Société coopérative ouvrière de production à responsabilité limitée
[Adresse 4]
[Adresse 12]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS dont le sigle est SMABTP, société d'assurances mutuelles
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [R] [X] et M. [U] [X] sont propriétaires d'une maison ancienne située [Adresse 10] à [Localité 11].
A la suite de dégâts des eaux constatés au plafond du séjour au droit de la cheminée et de la chambre au-dessus, ils ont confié :
- à la société Etablissements Jaouen Frères, assurée auprès de la SMABTP, en 2010, des travaux de réparation à la jonction de la couverture et du carré de cheminée, au niveau de la tête de cheminée, correspondant à des travaux de couverture avec réfection de chéneau et de noue, de tuyau de descente d'eau, suivant facture du 6 juillet 2010 et, en 2012 des travaux intérieurs d'empoutrement, de parquet et d'enduit à la chaux et de changement des boiseries en soubassement, dans la chambre et le salon suivant facture du 7 mai 2013;
- à la société La Laborieuse, assurée également auprès de la SMABTP, en 2014, des travaux de peinture des murs et des boiseries dans le salon suivant facture du 14 novembre 2014.
Déplorant l'apparition d'un décollement des peintures et de moisissures sur les murs du salon, M. et Mme [X] ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur, ce qui a donné lieu à la tenue d'une expertise amiable, par la société Eurisk le 30 octobre 2017.
Par acte d'huissier du 16 avril 2018, M. et Mme [X] ont fait assigner les sociétés Etablissements Jaouen Frères et La Laborieuse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest en expertise. Par ordonnance du 11 juin 2018, M. [W] a été désigné en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 29 octobre 2021.
Par actes d'huissier des 10 et 13 juin 2022, M. et Mme [X] ont fait assigner les sociétés Etablissements Jaouen Frères, La Laborieuse et la SMABTP devant le tribunal judiciaire de Brest en réparation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 25 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Brest a :
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 45 933,25 euros, en réparation des désordres, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du présent jugement,
- condamné in solidum la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 8 572,01 euros, en réparation des désordres, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du présent jugement,
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à leur payer la somme de 1 500 euros, en réparation de leur préjudice de jouissance,
- condamné in solidum la société Etablissement Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 4 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
M. et Mme [X] ont fait appel de cette décision le 4 avril 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 5 mai 2025, Mme [R] [X] et M. [U] [X] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement rendu en sa totalité ;
Statuant à nouveau
Sur les désordres :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères et son assureur la SMABTP à leur régler la somme de 106 746,19 euros HT correspondant à l'ensemble des travaux de reprise exceptés les travaux de peinture, avec indexation sur l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (21 octobre 2021) et la date du jugement à intervenir, ainsi que l'application du taux de TVA en vigueur ;
- condamner solidum la société la Laborieuse et son assureur la SMABTP à leur régler la somme 12 796,88 euros HT au titre des travaux de peinture, avec indexation sur l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (21 octobre 2021) et la date du jugement à intervenir ainsi que l'application du taux de TVA en vigueur,
Sur le préjudice de jouissance :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la Société la Laborieuse et leur assureur la SMABTP à leur verser la somme de 150 euros par mois depuis le mois d'octobre 2017, soit la somme de 13 350 euros (89 mois x 150 euros) au titre du préjudice de jouissance, somme à actualiser au jour de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société la Laborieuse et leur assureur la SMABTP aux entiers dépens lesquels comprendront les honoraires de l'expert judiciaire,
- condamner in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société la Laborieuse et leur assureur la compagnie SMABTP à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux termes de leurs dernières conclusions du 29 août 2025, la société La Laborieuse, la société Etablissement Jaouen Frères et la SMABTP demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en sa totalité
Statuant à nouveau
Sur les travaux effectués par la société Etablissement Jaouen Frères
- s'agissant des travaux concernant l'humidité du salon, limiter l'indemnisation de Mme et M. [X] à la somme de 27 828,4 euros,
- s'agissant des désordres d'humidité en cave, débouter Mme et M. [X] de l'intégralité de leurs prétentions,
Sur les travaux effectués par la société la Laborieuse
- à titre principal, débouter M. et Mme [X] de l'intégralité de leurs prétentions à l'égard des sociétés la Laborieuse et la SMABTP,
- à titre subsidiaire, limiter l'indemnisation relative aux travaux de peinture à la somme de 2 173,57 euros,
Sur le préjudice de jouissance
- débouter M. et Mme [X] de leur demande de préjudice de jouissance,
- à défaut, limiter ledit préjudice à la somme de 900 euros,
En toutes hypothèses,
- débouter M. et Mme [X] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamner in solidum M. et Mme [X] à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [X] aux dépens de la présente procédure.
MOTIFS
Sur la demande en réparation des dommages dirigée contre les entreprises
Le tribunal a condamné l'entreprise Etablissements Jaouen Frères à indemniser les travaux de reprise des seuls désordres qui lui sont imputables et la société La Laborieuse à payer les frais de reprise des peintures. Il a limité les préjudices indemnisables à ceux exclusivement liés à l'intervention des entreprises à l'exclusion de ceux imputables à la vêtusté et au défaut d'entretien de l'immeuble. La Cour constate que, pour cela, le tribunal s'est fondé indifféremment sur la garantie décennale due par les constructeurs d'ouvrage des articles 1792 et 1792-1 du code civil et sur la responsabilité contractuelle de l'entreprise au sens de l'article 1231-1 du code civil. Le tribunal a en effet retenu l'existence de désordres de nature décennale mais en statuant finalement sur la responsabilité contractuelle des entreprises et en constatant un manquement à leur devoir de conseil, outre, pour la société La Laborieuse, le non-respect dues préconisations du document technique unifié (DTU).
M. et Mme [X] trouvent que le montant retenu par le tribunal n'est pas celui préconisé par l'expert. Ils estiment que l'intervention d'Etablissements Jaouen Frères a aggravé les désordres. Se fondant sur les conclusions de l'expert (pages 77 à 79 du rapport) M. et Mme [X] demandent l'indemnisation de tous les travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux. Ils invoquent à la fois la garantie décennale des entreprises et leur responsabilité contractuelle, considérant qu'elles ont manqué à leur devoir de conseil, responsabilité dont elles ne peuvent pas s'exonérer au motif que M. [X] était un fonctionnaire ayant exercé au sein de la direction interministérielle de la transformation publique jusqu'en avril 2024.
Les entreprises répliquent que les travaux de réparation sollicités correspondent en réalité à une réfection intégrale de la maison impactée par les infiltrations. L'entreprise Etablissements Jaouan Frères en particulier ne s'estime concernée que par les dommages liés aux dégâts des eaux dans la chambre et le salon. Les entreprises répondent essentiellement sur le terrain de la responsabililité contractuelle. Elles rétorquent que M. [D] n'était pas un profane en matière de construction, que M. et Mme [X] savaient que leur manoir était vêtuste et déjà humide lorsqu'ils ont entrepris les travaux. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères considère que le constructeur ne peut être tenu de réparer les dommages qui préexistaient à son intervention et pour la réparation desquels elle n'a pas été sollicitée et qu'elle n'a donc jamais reçu pour mission de procéder à une réfection générale de l'immeuble. De son côté, la société La Laborieuse rappelle qu'elle n'est intervenue que pour des travaux d'embellissement.
***
Pour apprécier si la responsabilité des entreprises est de plein droit ou pour faute prouvée, il est nécessaire de déterminer si elles ont construit un ouvrage, si les travaux ont été reçus, si les désordres sont de nature décennale et si la cause des dommages se situait bien dans leur sphère d'intervention.
- la nature des travaux
Il résulte des factures produites que :
- en intervenant en 2010 sur la couverture de la maison et au niveau de la souche de cheminée pour sceller des mitres boisseaux, déposer une partie de la couverture en ardoise, pour reprendre un chéneau et une noue en zinc, pour modifier le tuyau de descente des eaux entre les toitures et pour reprendre une tête de cheminée, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux sur existants assimilés à la construction d'un ouvrage se rapportant au clos et au couvert,
- en intervenant en 2012 au niveau du salon notamment pour changer des parties de bois contaminés, déposer partiellement le parquet et reprendre l'empoutrement, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux de construction sur ouvrage existant se rapportant à la solidité.
En revanche, les seuls travaux de peinture à l'intérieur du salon effectués par la société La Laborieuse ne constituent pas des travaux de construction d'un ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil.
- la réception
En application de l'article 1792-6 du code civil, la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves, sachant qu'en cas de travaux sur un ouvrage existant, la prise de possession permettant, avec le paiement du prix, de faire présumer la réception, ne peut résulter du seul fait que le maître de l'ouvrage occupait déjà les lieux (3e Civ., 23 mai 2024, pourvoi n° 22-22.938).
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. et Mme [X] ont réglé le prix des interventions successives de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères sans émettre de réserve, puis ont continué à occuper leur maison. Ils ont donc reçu tacitement les travaux réalisés, au sens de l'article 1792-6 du code civil.
En revanche, ils n'ont pas reçu les travaux de la société La Laborieuse car ils ne les ont pas payés après avoir constaté les désordres à la fin de son intervention (voir en ce sens le rapport d'expertise non contesté, page 67).
- la nature des désordres
Le tribunal a considéré que l'apparition d'un champignon lignivore dans les soubassements et les infiltrations d'eau portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rend impropre à sa destination.
M. et Mme [X] considèrent que l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a réalisé des travaux de grande ampleur en intervenant à de nombreuses reprises depuis 2010 à l'extérieur et à l'intérieur de leur maison pour remédier à des infiltrations, ces interventions venant aggraver les problèmes, que le salon est rempli d'humidité et que des champignons se répandent, que la cave subit des infiltrations, que cela porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ainsi qu'à sa destination, la vêtusté préexistante du manoir étant indifférente.
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères soutient que les désordres étaient pré-existants à son intervention limitée, que le bâtiment était déjà vêtuste, manquait d'entretien, et comportait des problèmes d'humidité d'origine structurelle connus du propriétaire.
***
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté les désordres suivants :
- dans le salon, pourriture cubique des boiseries de soubassement déposées (pages 29/30 du rapport), humidité (taux de 84,7%) au droit du plancher dans l'embrasure de la baie, présence de champignons avec commencement de destruction de lame de parquet (page 31/32 du rapport) ;
- dans le salon, dégoulinures et humidité (taux de 48,8%) au niveau des fenêtres (page 32 du rapport) ;
- dans le salon, humidité des murs intérieurs (taux de 100%) jusqu'à une hauteur de 1,30 mètre (page 33/34/35 du rapport) ;
- dans le salon, humidité de 75,9% au droit de la totalité des parties en boiserie et des embrasures avec une peinture cloquée (page 34 du rapport) ;
- dans le salon, dégradation du bois au droit des travaux de reprise en plafond ;
- dans l'escalier, humidité retrouvée dans le mur au droit du salon et de la cave avec un taux d'humidité de 100% (page 37 du rapport) ;
- dans la cave, les murs sont tous très humides (taux de 100%) ; les poutrelles métalliques sont attaquées par la rouille révélant l'ancienneté du problème (page 39 du rapport).
Ces désordres d'humidité très importante avec la présence de champignons lignivores dans une pièce importante d'une maison qu'est le salon, ainsi que dans les pièces attenantes et dans la cave, rendent ces parties de la maison impropres à leur destination.
Pour l'expert, les causes de cette humidité et de l'infestation du champignon sont multiples :
- vêtusté du bâtiment ;
- défauts d'exécution d'origine (voir page 61 du rapport) ;
- interventions ponctuelles de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères qui ont aggravé les désordres (pages 63-64-65 du rapport) car le bois était déjà contaminé en 2010 : l'intervention de l'entreprise n'a pas permis de traiter correctement le problème des bois contaminés en plafond qui existait déjà en 2010 lors des dégâts des eaux ; l'exécution d'un doublage en soubassement n'a pu qu'engendrer un départ de champignon dans la mesure où le parquet se trouve contre le mur qui est humide ; le fait de mettre un isolant sur un soubassement en contreplaqué ne peut qu'aggraver le problème (pas de ventilation ; bois des soubassements non traités contre l'humidité) ; le départ du champignon se trouve au niveau des travaux de reprise ; en conclusion l'expert judiciaire considère qu'il y a eu une accumulation de faits aggravants.
- la garantie décennale de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères
Aux termes de l'article 1792-1 du code civil, sont présumés responsables tous les constructeurs concernés par les désordres revêtant un caractère décennal, sauf s'ils démontrent que les dommages proviennent d'une cause étrangère ou ne rentrent pas dans leur sphère d'intervention.
En l'espèce, à la suite de la réception des travaux de construction réalisés par l'entreprise Etablissements Jaouen Frères, des désordres de nature décennale décrits ci-dessus sont apparus.
Il résulte notamment du rapport d'expertise que les interventions ponctuelles de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères ont aggravé les désordres d'humidité déjà présents en raison de la vêtusté de la maison ancienne et de ses défauts de construction. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères est donc tenue, de plein droit, de réparer les désordres de nature décennale directement en lien avec sa sphère d'intervention qui était :
- en 2010, de réparer à la suite d'infiltrations la toiture par la reprise de couverture et la modification de la descente eaux de pluie (EP) ;
- en 2012, de reprendre et renforcer l'empoutrement au droit de la chambre à l'étage, changer une fenêtre de la chambre, changer des boiseries en partie basse des murs du salon, mettre un enduit intérieur à la chaux après piquetage des murs du salon et de la chambre.
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères ne justifie d'aucune cause étrangère à l'origine des désordres. La circonstance que M. [X] ait été nommé en mars 2013 au secrétariat général pour la modernisation de l'action publique et qu'en octobre 2023, la direction interministérielle au sein de laquelle il était nommé a réalisé un mode d'emploi en assistance à maîtrise d'usage afin de partager des méthodes et outils au profit de tous les acteurs impliqués dans la conception de bâtiments publics n'exonère pas de sa responsabilité, ni ne vient la limiter, l'entrepreneur intervenu en 2010 et 2012.
- la responsabilité contractuelle de la société La Laborieuse
En application de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil, l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat à l'égard du maître d'ouvrage dont il ne peut s'exonérer que, par exemple, l'immmixtion fautive du maître de l'ouvrage, son acceptation délibérée des risques, son défaut d'entretien de l'immeuble.
Avant d'engager les travaux, l'entrepreneur a une obligation de conseil dans les limites de sa mission, qui l'oblige à renseigner le maître d'ouvrage sur la faisabilité de ceux-ci et sur l'inutilité d'y procéder si les mesures, extérieures à son domaine de compétence, nécessaires et préalables à leur exécution ne sont pas prises.
La responsabilité des intervenants ne peut être recherchée que pour des dommages à la
réalisation desquels ils ont concouru et pour des travaux qu'ils ont contribué à réaliser.
En l'espèce, s'agissant du taux d'humidité et de la présence de champignon lignivore, l'expert judiciaire n'a pas relevé de faute imputable à la société La Laborieuse. Il a précisé que 'les travaux de peinture ne peuvent en aucun cas avoir une conséquence sur le développement du champignon lignivore' (page 100 du rapport), que ce n'est pas la peinture qui a dégradé les soubassements (page 101 du rapport) et que c'est le travail de l'entreprise Etablissements Jaouen Frères qui a eu pour conséquence une aggravation du problème (page 100 du rapport).
Il n'en demeure pas moins que la peinture appliquée par la société La Laborieuse dans le salon s'est vite dégradée et a cloqué. L'expert judiciaire a indiqué que cela était dû à l'humidité préexistante du support et de la pièce (pages 66 et 101 du rapport), que le peintre aurait dû vérifier avant d'intervenir. Il a considéré que compte-tenu de l'humidité préexistante, la société La Laborieuse n'aurait jamais dû intervenir (page 62 du rapport). Pour l'expert, elle devait indiquer au maître de l'ouvrage son refus d'intervenir dans de telles conditions et lui demander un relevé préalable d'hygrométrie de la pièce et de l'humidité des supports, conformément au DTU en la matière.
Certes, selon l'expert, cette humidité préexistante et la vêtusté de la maison étaient 'connues de tous' et donc également des maîtres d'ouvrage. Cependant, cela ne suffit pas à exonérer ou limiter la responsabilité de l'entreprise, ceux-ci ayant fait confiance aux entreprises professionnelles.
La faute de la société La Laborieuse a donc contribué uniquement à la dégradation de la peinture qu'elle avait posée.
- Les réparations
A l'encontre de la société Etablissements Jaouen Frères, M. et Mme [X] sollicitent le paiement des travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux précédents sur la base des conclusions de l'expert qui a distingué les travaux de reprise liés à la vétusté de la construction (travaux chiffrés à 31 688,90 euros HT) et les travaux de reprise liés à la présence de champignon lignivore et aux dégâts des eaux précédents (chiffrés à 119 543,07 euros HT).
A l'encontre de la société La Laborieuse, M. et Mme [X] estiment que le montant de la facture non payée ne peut pas être déduit du montant des réparations car la réclamation du paiement de la facture est prescrite.
Enfin, ils considèrent que le préjudice de jouissance ne doit pas être réduit au motif que la maison était une résidence secondaire. En tout état de cause, elle est devenue leur résidence principale depuis décembre 2024.
Les entreprises répliquent que les travaux de réparation sollicités correspondent en réalité à une réfection intégrale de la maison impactée par les infiltrations. L'entreprise Etablissements Jaouen Frères ne s'estime concernée que par les dommages liés aux dégâts des eaux dans la chambre et le grand salon.
***
* sur les travaux réparatoires
M. et Mme [X] s'appuient sur le tableau des travaux de reprise liés à la présence de champignon et aux dégâts des eaux figurant en pages 77 à 79 du rapport de l'expert judiciaire.
Cependant, après avoir examiné les éléments présentés par les parties pour chiffrer les travaux réparatoires, l'expert judiciaire a signalé que c'est le tableau figurant en pages 90-91, récapitulant celui en pages 88 à 90, qui pouvait constituer la base de l'analyse du tribunal.
Il résulte de ce tableau que les travaux réparatoires des dommages à la réalisation desquels l'entreprise Etablissements Jaouen Frères a concouru et pour des travaux qu'elle a réalisés sont :
- B2/ traitement des conséquences de l'humidité dans le salon : 47.244,01 euros TTC
- B3/ remplacement des soubassements en bois dans emprise du salon : 4 422 euros TTC
- C/ travaux de mise en conformité de la descente d'eaux pluviales : 1980 euros TTC
L'expert judiciaire a rappelé la nécessité d'un maître d'oeuvre, notamment parce que ces travaux s'inscrivent dans un traitement plus général de l'humidité. Il conviendra donc d'y ajouter les frais d'honoraires d'architecte à hauteur de 12% du montant des travaux retenus.
Au total, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères sera condamnée, in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à payer à M. et Mme [X] la somme de :
(47.244,01 + 4 422 + 1980) + 12% = 53646,01 + 6437,52 euros = 60 083,53 euros TTC.
M. et Mme [X] et la société La Laborieuse ne contestent pas le montant de 12 796, 88 euros des travaux réparatoires retenu par le tribunal pour la réfection des peintures, mais la société La Laborieuse considère que M. et Mme [X] doivent prendre en charge 50% de ce montant en raison de la vêtusté générale de la maison.
Aucune faute n'étant à reprocher à M. et Mme [X] en lien avec les désordres sur les travaux de peinture réalisés, la société La Laborieuse sera condamnée, in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à leur verser la somme de 12 796, 88 euros.
La Cour constate que M. et Mme [X] sollicite l'indexation de ces montants sur l'évolution de l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la date du jugement, et non de l'arrêt.
* sur le préjudice de jouissance
Le tribunal a constaté que M. et Mme [X] se sont trouvés privés de l'usage de leur chambre pendant deux mois et de l'usage du salon depuis plus de cinq années. Considérant que leur maison était une résidence secondaire, il a fixé à 1500 euros le montant de leur préjudice de jouissance.
Se basant sur les conclusions de l'expert, M. et Mme [X] invoquent un préjudice de jouissance depuis le 30 octobre 2017, date de la dépose des boiseries.
Les entreprises rétorquent que M. et Mme [X] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice à la hauteur de ce qu'ils invoquent et notamment que la maison est devenue leur résidence principale.
***
La maison étant, à défaut de preuve contraire, la résidence secondaire de M. et Mme [X], le préjudice de jouissance du salon et de la chambre sera fixé de la manière suivante :
- salon : 150 euros x 2 mois x 9 ans = 2700 euros
- chambre : 75 euros x 2 mois de travaux réparatoires = 150 euros
soit au total : 2850 euros
L'entreprise Etablissements Jaouen Frères et la société La Laborieuse seront condamnées in solidum avec la SMABTP son assureur qui ne conteste pas sa garantie, à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 850 euros au titre du préjudice de jouissance.
Sur la demande en paiement de la facture
La société La Laborieuse fait valoir que sa demande en paiement de sa facture n'est pas prescrite, le délai ayant été interrompu par les demandes en justice et suspendue par l'expertise et ne pouvant commencer à courir tant qu'il n'avait pas connaissance de la volonté de M. et Mme [X] de ne pas payer, aucune réception des travaux n'étant intervenue et M. et Mme [X] attendant le résultat de l'expertise pour payer ou non.
M. et Mme [X] considère que cette demande est tardive.
***
L'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce ou contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, laquelle peut être caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible (3e Civ., 1 mars 2023, pourvoi n° 21-23.176).
En l'espèce, en l'absence d'autres éléments permettant de caractériser l'achèvement de des travaux de la société La Laborieuse, ce sera la date de la facture du 14 novembre 2014 qui sera retenue pour fixer le point de départ du délai de prescription biennale de son action en paiement.
Contrairement à ce que soutient la société La Laborieuse, aucun acte interruptif de prescription au sens de l'article 2241 du code civil n'est intervenu dans le délai de deux ans suivant cette facture. Outre que ses conclusions en défense à l'assignation en référé expertise ne formulent aucune demande en paiement, elles sont en tout état de cause tardives, datant du 3 mai 2018.
Son action en paiement étant prescrite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déduit le montant de la facture non acquittée de l'indemnité que la société La Laborieuse doit à M. et Mme [X].
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant à l'instance d'appel, l'entreprise Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement du 25 janvier 2024 du tribunal judiciaire de Brest sauf en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 4 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire,
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.
Statuant à nouveau,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 60 083,53 euros TTC, en réparation des désordres liés à la présence de champignon et aux dégâts des eaux, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du jugement,
- Condamne in solidum la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. et Mme [X] la somme de 12 796, 88 euros, en réparation des désordres de peinture, somme qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 21 octobre 2021 et la date du jugement,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à leur payer la somme de 2 850 euros, en réparation de leur préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP à payer à M. [U] [X] et Mme [R] [Z] [G] épouse [X] la somme de 3 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum la société Etablissements Jaouen Frères, la société La Laborieuse et la SMABTP aux dépens de l'instance d'appel.
Le Greffier, Le Président,