CA Montpellier, 3e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 21/04651
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/04651 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3G
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 JUILLET 2021
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5]
N° RG 17/02946
APPELANTE :
[Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Hervé POQUILLON de la SELARL HP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI-BEAUREGARD-CALAUDI-BENE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Compagnie d'assurance MAF (MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 18 août 2025 révoquée avant l'ouverture des débats par ordonnance du 8 septembre prononçant une nouvelle clôture
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
Le [Adresse 8] est propriétaire d'un domaine situé sis [Adresse 11].
Voulant procéder à des travaux de rénovation et de réhabilitation, le GFA Domaine de la Font des Ormes confiait à Monsieur [V], architecte, par contrat du 28 février 2003, une mission complète de maîtrise d''uvre pour une opération de restauration, reconstruction partielle et réaménagement concernant la maison de maître, la maison du régisseur, la maison du gardien, le garage, le bâtiment vinicole, à l'exclusion des aménagements extérieurs.
Selon un devis du 23 novembre 2005 et du 10 avril 2006, le [Adresse 8] confiait à l'EURL Le Loup Décor et Décoration, des travaux de rénovation et de réhabilitation de la propriété et notamment des travaux de gros oeuvre et de réfection des enduits extérieurs.
Le 24 février 2010, l'EURL Le Loup Décor et Construction a été placée en liquidation judiciaire, ce qui l'a conduit à abandonner le chantier en cours.
Aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été établi.
Constatant des désordres notamment sur les enduits, le [Adresse 8] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers, lequel a, par ordonnance du 18 septembre 2015 et du 2 février 2016, ordonné une mesure d'expertise qu'il a confiée à Monsieur [H].
Le rapport d'expertise a été déposé le 15 décembre 2016.
Par acte du 13 novembre 2017, le GFA Domaine de la Font des Ormes a fait assigner la MAF en tant qu'assureur de Monsieur [V] et la SA MAAF Assurance en tant qu'assureur de l'EURL Le Loup Décor et Décoration, devant le tribunal de grande instance de Béziers en responsabilité civile décennale et en indemnisation des préjudices subis.
Par ordonnance du 17 octobre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers a rejeté la demande de provision, tenant l'existence de contestations sérieuses sur la réception des travaux, l'absence d'ouvrage, le caractère apparent des désordres, le contrat d'assurance tenant sa date d'effet et l'activité garantie, l'imputabilité des désordres et l'absence de preuve d'aggravation ou d'urgence.
Par jugement contradictoire du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :
- débouté le [Adresse 8] de l'intégralité de ses demandes,
- jugé n'y avoir lieu à condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le GFA Domaine de la Font des Ormes aux dépens de la présente instance en ce compris les frais d'expertises judiciaires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration d'appel enregistré par le greffe le 19 juillet 2021, le [Adresse 8] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Par conclusions enregistrées au greffe le 04 juillet 2025, le GFA Domaine de la Font des Ormes sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- prononcer la réception judiciaire des travaux au 24 février 2010,
- juger que les désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs des bâtiments sont de nature décennale,
- juger que la responsabilité de Monsieur [V], garantie par MAAF Assurances et de l'EURL le Loup Decor et Construction, garantie par la MAF, doit être engagée,
- juger qu'une réfection totale des enduits sera réalisée,
- condamner en conséquence in solidum la MAF en sa qualité d'assureur de Monsieur [V] et MAAF Assurances en sa qualité d'assureur de l'EURL Le Loup Decor et Construction à verser au [Adresse 8] :
' la somme de 84 110 euros TTC correspondant au devis réactualisé enduits intérieurs et à celle de 150 952,37 euros correspondant au devis réactualisé enduits extérieurs au titre des travaux de reprise des désordres,
' la somme de 4 000 euros en réparation des frais de nettoyage et de déménagements à prévoir,
' la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
' la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice commercial subi par le GFA,
- débouter le parties adverses de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner in solidum la MAF et MAAF Assurances à verser au [Adresse 8] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la MAF et MAAF Assurances aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais engendrés par le constat d'huissier du 12 novembre 2010,
- réserver les droits du demandeur en ce qui concerne les désordres constatés dans le bâtiment agricole et les désordres non visés par l'expert qui pourraient apparaître lors des travaux de reprise.
Par conclusions enregistrées au greffe le 18 janvier 2022, la MAAF assurances sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de :
- fixer la réception judiciaire à la date de réalisation du constat d'huissier soit au 12 novembre 2010 mais assortie de l'ensemble des réserves mentionnées au constat d'huissier dressé en présence de l'architecte,
- dire n'y avoir lieu à mobilisation des garanties de la compagnie MAAF assurances au titre de la responsabilité décennale des articles 1792 et suivants du code civil,
- constatant le point de départ (01/12/2005) et d'échéance (05/11/2008) des contrats et garanties MAAF et considérant les activités de plaquiste et de gros 'uvre souscrites à l'exception de l'activité de façadier ainsi que le caractère apparent des désordres, dire n'y avoir lieu à mobilisation des garanties de la compagnie MAAF assurances,
- débouter toutes parties de leurs réclamations visant à voir être engagées les garanties de la concluante,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et moyens,
- mettre la compagnie MAAF Assurances hors de cause,
A titre subsidiaire, si dans l'improbable hypothèse où la juridiction devait retenir le caractère décennal des désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs :
- fixer les responsabilités selon les proportions suivantes : 70 % à supporter par Monsieur [V] architecte coordinateur des travaux et 30 % à supporter par l'entreprise exécutante des enduits,
- condamner la compagnie MAF en sa qualité d'assureur de Monsieur [V] à relever et garantir la concluante de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et dans la répartition de 70 % et 30 % pour la concluante,
En tout état de cause,
- condamner la ou les parties succombantes à payer à la concluante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par conclusions enregistrées au greffe le 18 août 2025, la MAF demande à la cour de :
- dire et juger infondé en droit et injustifié en fait l'appel interjeté par le [Adresse 8],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient que les travaux confiés à l'EURL le Loup Decor Construction n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse ou tacite par le [Adresse 8],
- dire et juger que le GFA Domaine de la Font des Ormes ne démontre pas l'existence d'une réception expresse ou tacite pour les travaux confiés à la société l'EURL Le Loup Décor et Construction,
- dire et juger que les conditions d'une réception tacite ne sont pas réunies au cas présent,
- dire et juger que le [Adresse 8] n'avait nullement l'intention de procéder à une quelconque réception tacite des travaux litigieux,
- dire et juger que le GFA Domaine de la Font des Ormes n'a pris possession des lieux que tardivement après l'intervention de la SAS le Laithier,
- dire et juger que les marchés de travaux confiés à la société EURL Le Loup Décor et Construction au titre de la maison de maître, de la maison du régisseur et des enduits extérieurs n'ont jamais fait l'objet de paiement intégral ni du versement du solde,
- dire et juger que le [Adresse 8] a relevé l'existence de malfaçons et de désordres contestant de fait la qualité des prestations réalisés par l'EURL Le Loup Décor et Construction,
- dire et juger que l'ensemble de ces éléments contredisent l'existence même d'une réception tacite des travaux,
- débouter le [Adresse 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions élevées sur le fondement de la garantie décennale,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient que les prestations d'enduits extérieurs et intérieurs litigieuses sont des ouvrages relevant de la garantie décennale et sont affectés de désordre de nature décennale,
- dire et juger que les enduits litigieux ne participent nullement à l'étanchéité des bâtiments litigieux,
- dire et juger que les prestations confiées à l'EURL Le Loup Décor et Construction relevaient d'une simple reprise d'enduit sans intervention sur l'étanchéité des bâtiments,
- dire et juger que selon Monsieur [H] les désordres constatés sur les enduits extérieurs et intérieurs ne remettent pas en cause l'étanchéité de l'ouvrage ni la solidité de celui-ci,
- dire et juger que les désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs ne relèvent pas de la garantie décennale,
- débouter le [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et prétentions élevées sur le fondement de la garantie décennale,
- juger irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les prétentions du GFA Domaine de la Font des Ormes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- juger irrecevables comme n'ayant pas été élevées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile les prétentions du [Adresse 8] fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- juger en toutes hypothèses injustifiées les prétentions du GFA Domaine de la Font des Ormes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- débouter le [Adresse 8] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'endroit de la MAF, assureur de Monsieur [V], en ce y compris de ses demandes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de ce dernier,
A titre subsidiaire, si la cour de céans venait à retenir que la garantie décennale des constructeurs est applicable aux désordres dénoncés par le [Adresse 8] ou si la Cour venait à retenir la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- dire et juger que l'évaluation des travaux de reprise devra être faite sur la base exclusive des devis [N] établis à la demande de Monsieur [H] et seuls retenus par ce dernier au titre de son rapport,
- dire et juger que les devis établis par la SAS le Laithier à la demande du [Adresse 8] surévalué ne se justifie en rien tant sur leur montant que sur la méthode retenue et devront être écartés,
- dire et juger que la solution de reprise partielle des enduits intérieurs et extérieurs est techniquement et esthétiquement justifiée.
- fixer le coût des reprises selon les devis de l'entreprise Fusto à un coût total de 27 388,39 euros TTC,
- dire et juger que le [Adresse 8] n'apporte aucune justification tenant à l'existence d'un préjudice financier lié aux frais de nettoyage, à un trouble de jouissance et à un préjudice commercial,
- débouter le GFA Domaine de la Font des Ormes de l'ensemble de ses autres demandes relatives aux frais de nettoyage et d'emballage, au préjudice de jouissance, au préjudice commercial et à l'établissement du constat d'huissier de novembre 2010,
- juger que les condamnations éventuellement à intervenir à l'endroit de la MAF ne sauraient excéder 30 % du total, soit 8 216,52 euros TTC,
- juger que la MAF est fondée à opposer au [Adresse 8] la clause d'exclusion de solidarité prévue au contrat de Monsieur [V],
- juger que la MAF est fondée à opposer sa franchise contractuelle,
- condamner la MAAF en sa qualité d'assureur décennal de l'EURL Le Loup Décor et Construction à relever et garantir la MAF de toutes condamnations prononcées à son encontre et allant au-delà de la seule part de 30 % retenue par Monsieur [H] dans son rapport, soit de toute condamnation excédant 8 216,52 euros TTC,
En toute hypothèse,
- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter toute autre partie du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la réception des travaux :
L'article 1792-6 du code civil définit la réception comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.
En l'absence de réception expresse, et à défaut de demande de réception judiciaire, une juridiction peut constater la réception tacite de l'ouvrage qui est subordonnée à l'existence d'une volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage.
Il est constant que la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir, avec ou sans réserves.
Réciproquement, l'absence de prise de possession ou le non paiement du prix font tomber cette présomption, la charge de la preuve de la réception tacite reposant sur celui qui l'invoque.
Enfin, la réception tacite peut s'appliquer à l'ouvrage comme à un lot.
En l'espèce, le [Adresse 8] soutient d'une part que les maîtres d'ouvrage ont bien pris possession de l'ensemble des lieux rénovés par la société EURL Le Loup Décor et Construction, exposant être rentrés dans la maison principale dite 'la maison de maître' durant l'année 2008, soit bien avant l'abandon du chantier et qu'au jour de cet abandon, ils avaient pris possession de la totalité des bâtiments.
Or, ces affirmations, qui ne sont corroborées par aucun élément du dossier, contredisent les propres déclarations de Madame [K], gérante du GFA, recueillies par l'expert judiciaire selon lesquelles l'entrée dans les lieux date de la fin des travaux réalisés par une autre entreprise, à savoir la SAS Laithier, intervenue à la suite de l'EURL Le Loup Décor et Construction pour terminer les travaux.
Par ailleurs, dans le cadre du procès-verbal de constat dressé le 12 novembre 2010 et versé aux débats par le GFA, Madame [K] exposait que les travaux de maçonnerie et de gros oeuvre n'étaient pas terminés s'agissant de la maison du régisseur, l'huissier constatant en outre des remontées d'humidité capillaire et plusieurs fissures à l'extérieur et à l'intérieur de la maison de maître.
Par conséquent, 9 mois après l'abandon du chantier par l'EURL Le Loup Décor et Construction, il résulte des propres déclarations de la gérante du GFA à l'huissier et des constatations effectuées par ce dernier que les travaux étaient loin d'être terminés s'agissant de la maison du régisseur et que de nombreux désordres affectaient la maison de maître, ce qui tend à contredire l'existence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir ce dernier, étant rappelé qu'aucun élément ne permet de dater une éventuelle prise de possession des lieux par le GFA, s'agissant notamment de la maison de maître.
D'autre part, si le GFA soutient avoir réglé les factures de l'EURL Le Loup Décor et Construction, il ressort de la proposition de paiement établie le 3 février 2010 et versée aux débats par l'appelant ( pièce 22) que s'agissant de la maison de maître, le GFA a payé une somme de 395 360,83 euros sur un montant total de 417 769,87 euros , soit un solde restant à payer de 22 409,04 euros, une somme de 33 900,05 euros restant en outre à verser à l'entreprise Le Loup au titre des retenues de garantie, la somme de 13 794,95 euros correspondant enfin à un trop perçu de retenue de garantie.
S'agissant de la maison du régisseur, il résulte de la proposition de paiement établie le 10 novembre 2009 que le GFA a réglé une somme de 124 981,40 euros sur un montant total de 182 256,36 euros, soit un solde restant à régler de 57 274,96 euros.
Cependant, force est de constater que ces deux propositions de paiement ne portent que sur les travaux de gros oeuvre, à l'exclusion des travaux concernant les enduits de façade.
S'agissant des travaux d'enduits de façade, il résulte des propositions de paiement produites aux débats par le GFA que ce dernier a réglé pour la maison de maître les sommes suivantes :
- 10 622,75 euros en septembre 2007
- 1 374,31 euros en novembre 2008
- 1 262,83 euros en octobre 2008
soit 13 259,89 euros sur une somme totale de 30 923,63 euros TTC (devis du 10 avril 2006).
Pour la maison du régisseur, le GFA a payé les sommes de 227,88 euros en novembre 2008 et 662,75 euros en juin 2009, soit une somme de 890,63 euros sur un devis du 10 avril 2006 s'élevant à 7 605,50 euros .
Par conséquent, il n'est pas démontré qu'un paiement intégral du prix serait intervenu, tant s'agissant des travaux de gros oeuvre réalisés sur les maisons de maître et du régisseur que concernant les enduits extérieurs.
En l'absence de démonstration d'une prise de possession de l'ouvrage et du paiement intégral du prix, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage n'est pas en l'espèce établie, de sorte qu'une réception tacite ne peut être retenue, les demandes présentées par le GFA au visa des dispositions de l'article 1792 du code civil ne pouvant donc qu'être rejetées, étant rappelé que l'absence d'une réception expresse n'est pas contestée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité contractuelle :
Dans le corps de ses dernières conclusions, l'appelant soutient qu'en tout état de cause, Monsieur [V] engagerait a minima et sans aucune discussion sa responsabilité contractuelle dans ce dossier.
La MAF soutient d'une part que les demandes formulées sur le fondement contractuel seraient irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, d'autre part qu'elles seraient également irrecevables sur le fondement de l'article 915-2 alinéa 2 du code de procédure civile selon lequel ' les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond', le GFA ne fondant son action que sur la responsabilité décennale dans le cadre de ses premières conclusions.
En l'espèce, il convient en premier lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.
Il n'est pas contestable que la responsabilité contractuelle invoquée en appel par l'appelant tend aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance sur le fondement de la responsabilité décennale, à savoir la condamnation des intimés à réparer les préjudices subis par le GFA.
Par ailleurs, l'obligation pour les parties de présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dans leurs premières conclusions ne fait pas obstacle à la faculté pour le justiciable de modifier le fondement juridique d'une de ses prétentions.
En revanche, il convient de relever qu'en l'espèce, le dispositif des conclusions du [Adresse 8] ne contient aucune demande subsidiaire de condamnation in solidum de la MAF, assureur de l'architecte et de la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA au titre de leur responsabilité contractuelle, le seul visa des articles 1147 et suivants du code civil en tête du dispositif des conclusions ne pouvant être considéré comme constituant une prétention au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
Or, aux termes de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'.
Il en résulte que la cour n'est pas saisie de prétention du GFA visant à voir condamner in solidum la MAF, assureur de l'architecte et la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Constate que la cour n'est pas saisie de prétention du [Adresse 8] visant à voir condamner in solidum la MAF, assureur de Monsieur [S] [V] et la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil ;
Condamne le [Adresse 8] à payer à la société MAF la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne le [Adresse 8] à payer à la société MAAF Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne le [Adresse 9] aux entiers dépens d'appel.
le greffier le président
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/04651 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC3G
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 JUILLET 2021
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5]
N° RG 17/02946
APPELANTE :
[Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Hervé POQUILLON de la SELARL HP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
S.A. MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI-BEAUREGARD-CALAUDI-BENE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Compagnie d'assurance MAF (MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 18 août 2025 révoquée avant l'ouverture des débats par ordonnance du 8 septembre prononçant une nouvelle clôture
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE :
Le [Adresse 8] est propriétaire d'un domaine situé sis [Adresse 11].
Voulant procéder à des travaux de rénovation et de réhabilitation, le GFA Domaine de la Font des Ormes confiait à Monsieur [V], architecte, par contrat du 28 février 2003, une mission complète de maîtrise d''uvre pour une opération de restauration, reconstruction partielle et réaménagement concernant la maison de maître, la maison du régisseur, la maison du gardien, le garage, le bâtiment vinicole, à l'exclusion des aménagements extérieurs.
Selon un devis du 23 novembre 2005 et du 10 avril 2006, le [Adresse 8] confiait à l'EURL Le Loup Décor et Décoration, des travaux de rénovation et de réhabilitation de la propriété et notamment des travaux de gros oeuvre et de réfection des enduits extérieurs.
Le 24 février 2010, l'EURL Le Loup Décor et Construction a été placée en liquidation judiciaire, ce qui l'a conduit à abandonner le chantier en cours.
Aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été établi.
Constatant des désordres notamment sur les enduits, le [Adresse 8] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers, lequel a, par ordonnance du 18 septembre 2015 et du 2 février 2016, ordonné une mesure d'expertise qu'il a confiée à Monsieur [H].
Le rapport d'expertise a été déposé le 15 décembre 2016.
Par acte du 13 novembre 2017, le GFA Domaine de la Font des Ormes a fait assigner la MAF en tant qu'assureur de Monsieur [V] et la SA MAAF Assurance en tant qu'assureur de l'EURL Le Loup Décor et Décoration, devant le tribunal de grande instance de Béziers en responsabilité civile décennale et en indemnisation des préjudices subis.
Par ordonnance du 17 octobre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Béziers a rejeté la demande de provision, tenant l'existence de contestations sérieuses sur la réception des travaux, l'absence d'ouvrage, le caractère apparent des désordres, le contrat d'assurance tenant sa date d'effet et l'activité garantie, l'imputabilité des désordres et l'absence de preuve d'aggravation ou d'urgence.
Par jugement contradictoire du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :
- débouté le [Adresse 8] de l'intégralité de ses demandes,
- jugé n'y avoir lieu à condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le GFA Domaine de la Font des Ormes aux dépens de la présente instance en ce compris les frais d'expertises judiciaires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration d'appel enregistré par le greffe le 19 juillet 2021, le [Adresse 8] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Par conclusions enregistrées au greffe le 04 juillet 2025, le GFA Domaine de la Font des Ormes sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- prononcer la réception judiciaire des travaux au 24 février 2010,
- juger que les désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs des bâtiments sont de nature décennale,
- juger que la responsabilité de Monsieur [V], garantie par MAAF Assurances et de l'EURL le Loup Decor et Construction, garantie par la MAF, doit être engagée,
- juger qu'une réfection totale des enduits sera réalisée,
- condamner en conséquence in solidum la MAF en sa qualité d'assureur de Monsieur [V] et MAAF Assurances en sa qualité d'assureur de l'EURL Le Loup Decor et Construction à verser au [Adresse 8] :
' la somme de 84 110 euros TTC correspondant au devis réactualisé enduits intérieurs et à celle de 150 952,37 euros correspondant au devis réactualisé enduits extérieurs au titre des travaux de reprise des désordres,
' la somme de 4 000 euros en réparation des frais de nettoyage et de déménagements à prévoir,
' la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
' la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice commercial subi par le GFA,
- débouter le parties adverses de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner in solidum la MAF et MAAF Assurances à verser au [Adresse 8] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la MAF et MAAF Assurances aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais engendrés par le constat d'huissier du 12 novembre 2010,
- réserver les droits du demandeur en ce qui concerne les désordres constatés dans le bâtiment agricole et les désordres non visés par l'expert qui pourraient apparaître lors des travaux de reprise.
Par conclusions enregistrées au greffe le 18 janvier 2022, la MAAF assurances sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de :
- fixer la réception judiciaire à la date de réalisation du constat d'huissier soit au 12 novembre 2010 mais assortie de l'ensemble des réserves mentionnées au constat d'huissier dressé en présence de l'architecte,
- dire n'y avoir lieu à mobilisation des garanties de la compagnie MAAF assurances au titre de la responsabilité décennale des articles 1792 et suivants du code civil,
- constatant le point de départ (01/12/2005) et d'échéance (05/11/2008) des contrats et garanties MAAF et considérant les activités de plaquiste et de gros 'uvre souscrites à l'exception de l'activité de façadier ainsi que le caractère apparent des désordres, dire n'y avoir lieu à mobilisation des garanties de la compagnie MAAF assurances,
- débouter toutes parties de leurs réclamations visant à voir être engagées les garanties de la concluante,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et moyens,
- mettre la compagnie MAAF Assurances hors de cause,
A titre subsidiaire, si dans l'improbable hypothèse où la juridiction devait retenir le caractère décennal des désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs :
- fixer les responsabilités selon les proportions suivantes : 70 % à supporter par Monsieur [V] architecte coordinateur des travaux et 30 % à supporter par l'entreprise exécutante des enduits,
- condamner la compagnie MAF en sa qualité d'assureur de Monsieur [V] à relever et garantir la concluante de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et dans la répartition de 70 % et 30 % pour la concluante,
En tout état de cause,
- condamner la ou les parties succombantes à payer à la concluante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par conclusions enregistrées au greffe le 18 août 2025, la MAF demande à la cour de :
- dire et juger infondé en droit et injustifié en fait l'appel interjeté par le [Adresse 8],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient que les travaux confiés à l'EURL le Loup Decor Construction n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse ou tacite par le [Adresse 8],
- dire et juger que le GFA Domaine de la Font des Ormes ne démontre pas l'existence d'une réception expresse ou tacite pour les travaux confiés à la société l'EURL Le Loup Décor et Construction,
- dire et juger que les conditions d'une réception tacite ne sont pas réunies au cas présent,
- dire et juger que le [Adresse 8] n'avait nullement l'intention de procéder à une quelconque réception tacite des travaux litigieux,
- dire et juger que le GFA Domaine de la Font des Ormes n'a pris possession des lieux que tardivement après l'intervention de la SAS le Laithier,
- dire et juger que les marchés de travaux confiés à la société EURL Le Loup Décor et Construction au titre de la maison de maître, de la maison du régisseur et des enduits extérieurs n'ont jamais fait l'objet de paiement intégral ni du versement du solde,
- dire et juger que le [Adresse 8] a relevé l'existence de malfaçons et de désordres contestant de fait la qualité des prestations réalisés par l'EURL Le Loup Décor et Construction,
- dire et juger que l'ensemble de ces éléments contredisent l'existence même d'une réception tacite des travaux,
- débouter le [Adresse 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions élevées sur le fondement de la garantie décennale,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient que les prestations d'enduits extérieurs et intérieurs litigieuses sont des ouvrages relevant de la garantie décennale et sont affectés de désordre de nature décennale,
- dire et juger que les enduits litigieux ne participent nullement à l'étanchéité des bâtiments litigieux,
- dire et juger que les prestations confiées à l'EURL Le Loup Décor et Construction relevaient d'une simple reprise d'enduit sans intervention sur l'étanchéité des bâtiments,
- dire et juger que selon Monsieur [H] les désordres constatés sur les enduits extérieurs et intérieurs ne remettent pas en cause l'étanchéité de l'ouvrage ni la solidité de celui-ci,
- dire et juger que les désordres affectant les enduits intérieurs et extérieurs ne relèvent pas de la garantie décennale,
- débouter le [Adresse 8] de toutes ses demandes, fins et prétentions élevées sur le fondement de la garantie décennale,
- juger irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les prétentions du GFA Domaine de la Font des Ormes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- juger irrecevables comme n'ayant pas été élevées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile les prétentions du [Adresse 8] fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- juger en toutes hypothèses injustifiées les prétentions du GFA Domaine de la Font des Ormes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- débouter le [Adresse 8] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'endroit de la MAF, assureur de Monsieur [V], en ce y compris de ses demandes fondées sur la responsabilité civile contractuelle de ce dernier,
A titre subsidiaire, si la cour de céans venait à retenir que la garantie décennale des constructeurs est applicable aux désordres dénoncés par le [Adresse 8] ou si la Cour venait à retenir la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [V],
- dire et juger que l'évaluation des travaux de reprise devra être faite sur la base exclusive des devis [N] établis à la demande de Monsieur [H] et seuls retenus par ce dernier au titre de son rapport,
- dire et juger que les devis établis par la SAS le Laithier à la demande du [Adresse 8] surévalué ne se justifie en rien tant sur leur montant que sur la méthode retenue et devront être écartés,
- dire et juger que la solution de reprise partielle des enduits intérieurs et extérieurs est techniquement et esthétiquement justifiée.
- fixer le coût des reprises selon les devis de l'entreprise Fusto à un coût total de 27 388,39 euros TTC,
- dire et juger que le [Adresse 8] n'apporte aucune justification tenant à l'existence d'un préjudice financier lié aux frais de nettoyage, à un trouble de jouissance et à un préjudice commercial,
- débouter le GFA Domaine de la Font des Ormes de l'ensemble de ses autres demandes relatives aux frais de nettoyage et d'emballage, au préjudice de jouissance, au préjudice commercial et à l'établissement du constat d'huissier de novembre 2010,
- juger que les condamnations éventuellement à intervenir à l'endroit de la MAF ne sauraient excéder 30 % du total, soit 8 216,52 euros TTC,
- juger que la MAF est fondée à opposer au [Adresse 8] la clause d'exclusion de solidarité prévue au contrat de Monsieur [V],
- juger que la MAF est fondée à opposer sa franchise contractuelle,
- condamner la MAAF en sa qualité d'assureur décennal de l'EURL Le Loup Décor et Construction à relever et garantir la MAF de toutes condamnations prononcées à son encontre et allant au-delà de la seule part de 30 % retenue par Monsieur [H] dans son rapport, soit de toute condamnation excédant 8 216,52 euros TTC,
En toute hypothèse,
- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter toute autre partie du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la réception des travaux :
L'article 1792-6 du code civil définit la réception comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.
En l'absence de réception expresse, et à défaut de demande de réception judiciaire, une juridiction peut constater la réception tacite de l'ouvrage qui est subordonnée à l'existence d'une volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage.
Il est constant que la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir, avec ou sans réserves.
Réciproquement, l'absence de prise de possession ou le non paiement du prix font tomber cette présomption, la charge de la preuve de la réception tacite reposant sur celui qui l'invoque.
Enfin, la réception tacite peut s'appliquer à l'ouvrage comme à un lot.
En l'espèce, le [Adresse 8] soutient d'une part que les maîtres d'ouvrage ont bien pris possession de l'ensemble des lieux rénovés par la société EURL Le Loup Décor et Construction, exposant être rentrés dans la maison principale dite 'la maison de maître' durant l'année 2008, soit bien avant l'abandon du chantier et qu'au jour de cet abandon, ils avaient pris possession de la totalité des bâtiments.
Or, ces affirmations, qui ne sont corroborées par aucun élément du dossier, contredisent les propres déclarations de Madame [K], gérante du GFA, recueillies par l'expert judiciaire selon lesquelles l'entrée dans les lieux date de la fin des travaux réalisés par une autre entreprise, à savoir la SAS Laithier, intervenue à la suite de l'EURL Le Loup Décor et Construction pour terminer les travaux.
Par ailleurs, dans le cadre du procès-verbal de constat dressé le 12 novembre 2010 et versé aux débats par le GFA, Madame [K] exposait que les travaux de maçonnerie et de gros oeuvre n'étaient pas terminés s'agissant de la maison du régisseur, l'huissier constatant en outre des remontées d'humidité capillaire et plusieurs fissures à l'extérieur et à l'intérieur de la maison de maître.
Par conséquent, 9 mois après l'abandon du chantier par l'EURL Le Loup Décor et Construction, il résulte des propres déclarations de la gérante du GFA à l'huissier et des constatations effectuées par ce dernier que les travaux étaient loin d'être terminés s'agissant de la maison du régisseur et que de nombreux désordres affectaient la maison de maître, ce qui tend à contredire l'existence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir ce dernier, étant rappelé qu'aucun élément ne permet de dater une éventuelle prise de possession des lieux par le GFA, s'agissant notamment de la maison de maître.
D'autre part, si le GFA soutient avoir réglé les factures de l'EURL Le Loup Décor et Construction, il ressort de la proposition de paiement établie le 3 février 2010 et versée aux débats par l'appelant ( pièce 22) que s'agissant de la maison de maître, le GFA a payé une somme de 395 360,83 euros sur un montant total de 417 769,87 euros , soit un solde restant à payer de 22 409,04 euros, une somme de 33 900,05 euros restant en outre à verser à l'entreprise Le Loup au titre des retenues de garantie, la somme de 13 794,95 euros correspondant enfin à un trop perçu de retenue de garantie.
S'agissant de la maison du régisseur, il résulte de la proposition de paiement établie le 10 novembre 2009 que le GFA a réglé une somme de 124 981,40 euros sur un montant total de 182 256,36 euros, soit un solde restant à régler de 57 274,96 euros.
Cependant, force est de constater que ces deux propositions de paiement ne portent que sur les travaux de gros oeuvre, à l'exclusion des travaux concernant les enduits de façade.
S'agissant des travaux d'enduits de façade, il résulte des propositions de paiement produites aux débats par le GFA que ce dernier a réglé pour la maison de maître les sommes suivantes :
- 10 622,75 euros en septembre 2007
- 1 374,31 euros en novembre 2008
- 1 262,83 euros en octobre 2008
soit 13 259,89 euros sur une somme totale de 30 923,63 euros TTC (devis du 10 avril 2006).
Pour la maison du régisseur, le GFA a payé les sommes de 227,88 euros en novembre 2008 et 662,75 euros en juin 2009, soit une somme de 890,63 euros sur un devis du 10 avril 2006 s'élevant à 7 605,50 euros .
Par conséquent, il n'est pas démontré qu'un paiement intégral du prix serait intervenu, tant s'agissant des travaux de gros oeuvre réalisés sur les maisons de maître et du régisseur que concernant les enduits extérieurs.
En l'absence de démonstration d'une prise de possession de l'ouvrage et du paiement intégral du prix, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage n'est pas en l'espèce établie, de sorte qu'une réception tacite ne peut être retenue, les demandes présentées par le GFA au visa des dispositions de l'article 1792 du code civil ne pouvant donc qu'être rejetées, étant rappelé que l'absence d'une réception expresse n'est pas contestée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité contractuelle :
Dans le corps de ses dernières conclusions, l'appelant soutient qu'en tout état de cause, Monsieur [V] engagerait a minima et sans aucune discussion sa responsabilité contractuelle dans ce dossier.
La MAF soutient d'une part que les demandes formulées sur le fondement contractuel seraient irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, d'autre part qu'elles seraient également irrecevables sur le fondement de l'article 915-2 alinéa 2 du code de procédure civile selon lequel ' les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond', le GFA ne fondant son action que sur la responsabilité décennale dans le cadre de ses premières conclusions.
En l'espèce, il convient en premier lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.
Il n'est pas contestable que la responsabilité contractuelle invoquée en appel par l'appelant tend aux mêmes fins que les demandes présentées en première instance sur le fondement de la responsabilité décennale, à savoir la condamnation des intimés à réparer les préjudices subis par le GFA.
Par ailleurs, l'obligation pour les parties de présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dans leurs premières conclusions ne fait pas obstacle à la faculté pour le justiciable de modifier le fondement juridique d'une de ses prétentions.
En revanche, il convient de relever qu'en l'espèce, le dispositif des conclusions du [Adresse 8] ne contient aucune demande subsidiaire de condamnation in solidum de la MAF, assureur de l'architecte et de la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA au titre de leur responsabilité contractuelle, le seul visa des articles 1147 et suivants du code civil en tête du dispositif des conclusions ne pouvant être considéré comme constituant une prétention au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
Or, aux termes de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'.
Il en résulte que la cour n'est pas saisie de prétention du GFA visant à voir condamner in solidum la MAF, assureur de l'architecte et la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Constate que la cour n'est pas saisie de prétention du [Adresse 8] visant à voir condamner in solidum la MAF, assureur de Monsieur [S] [V] et la MAAF, assureur de l'EURL le Loup Décor et Construction à réparer le préjudice subi par le GFA sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil ;
Condamne le [Adresse 8] à payer à la société MAF la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne le [Adresse 8] à payer à la société MAAF Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne le [Adresse 9] aux entiers dépens d'appel.
le greffier le président