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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 21/04197

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/04197

6 novembre 2025

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04197 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PB66

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 MARS 2021

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 18/02386

APPELANTE :

S.C.E.A. [Adresse 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aziza BATAL-GROSCLAUDE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant non plaidant

INTIMES :

Monsieur [G] [U]

[Adresse 5]

[Localité 3]

et

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Sophie ORTAL de la SCP CASCIO,ORTAL, DOMMEE, MARC, DANET, GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Guillaume DANET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant/plaidant

Ordonnance de clôture du 18 août 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE :

La SCEA [Adresse 9] a confié au premier semestre 2014 à Monsieur [G] [U], assuré auprès de la compagnie Axa France Iard, la rénovation du système d'évacuation des eaux usées de sa maison d'habitation située sur la commune de [Localité 7], ainsi que la réalisation d'une station d'épuration individuelle moyennant le prix de 11 974,36 euros selon facture du 18 juin 2014.

Se plaignant de désordres, notamment un engorgement du circuit d'évacuation des eaux usées et des remontées d'odeurs nauséabondes, la SCEA [Adresse 9] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers lequel a ordonné, par décision du 5 mai 2017, une expertise qu'il a confié à Monsieur [I].

L'expert a déposé son rapport le 12 février 2018.

Par acte du 10 septembre 2018, la SCEA Domaine de l'Espitalet des Anges a fait assigner Monsieur [U] et la SA Axa France IARD devant le tribunal de grande instance de Béziers.

Par jugement contradictoire du 8 mars 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a :

- débouté la SCEA [Adresse 9] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la SCEA Domaine de l'Espitalet des Anges à payer à la SA Axa France IARD et à Monsieur [U] une somme indivise de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCEA [Adresse 9] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration d'appel enregistré par le greffe le 29 juin 2021, la SCEA Domaine de l'Espitalet des Anges a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions enregistrées au greffe le 20 septembre 2021, la SCEA [Adresse 9] sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- ordonner une nouvelle expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour, à l'exception de Monsieur [I], avec la même mission que celle visée dans l'ordonnance de référé rendue le 05 mai 2017.

A titre subsidiaire,

- juger que la responsabilité décennale de Monsieur [U] se trouve engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- condamner solidairement et conjointement Monsieur [U] et Axa France IARD à payer à la SCEA [Adresse 9] les sommes suivantes :

' 93,25 euros au titre du coût de l'intervention de Veolia pour le compte du SPANC, constatant la non-conformité de la station d'épuration,

' 336 000 euros au titre du préjudice de jouissance pour la période de 2014 à août 2018 à parfaire par voie d'expertise à venir,

- condamner Monsieur [U] à mettre en conformité la micro station d'épuration, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner solidairement et conjointement Monsieur [U] et Axa France IARD aux frais d'expertise exposés par la SCEA [Adresse 9],

- condamner solidairement et conjointement Monsieur [U] et Axa France IARD à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions enregistrées au greffe le 15 décembre 2021, Monsieur [U] et Axa France IARD sollicitent la confirmation du jugement et demandent à la cour de :

- juger que le rapport [I] a répondu aux chefs de mission,

- juger que les mauvaises odeurs n'ont jamais été constatées au cours des opérations d'expertise judiciaire ou de l'expertise Polyexpert diligentée par le maître de l'ouvrage lui-même,

- juger que le contrat de Monsieur [U] ne vise nullement la suppression desdites odeurs,

- rejeter la demande de contre-expertise,

- rejeter toutes les demandes et prétentions du demandeur,

- rejeter toute demande de faire,

- rejeter toute demande indemnitaire,

- juger qu'il n'existe pas de preuve tant au titre des désordres que du préjudice,

- rejeter toute demande à l'encontre de Monsieur [U] et de la compagnie Axa,

Si par impossible la responsabilité de Monsieur [U] était engagée et la garantie d'Axa mobilisée,

- juger que les sommes éventuellement mises à la charge d'AXA se feront dans les limites des plafonds et franchises applicables,

En toute hypothèse,

- condamner le demandeur à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la demande de contre-expertise :

La SCEA [Adresse 9] expose qu'en l'état du rapport d'expertise déposé par Monsieur [I], il n'est pas possible de statuer sur les désordres et les préjudices dans la mesure où l'expert n'a pas répondu aux chefs de mission dont il était chargé et dans la mesure où de nouveaux éléments sont apparus depuis le dépôt du rapport d'expertise.

S'agissant d'une part de l'évacuation des eaux usées en cuisine, elle fait valoir que si l'expert a considéré que le problème était résolu suite aux travaux qu'il a préconisés et qui ont été effectués par Monsieur [U], Monsieur [I] n'a pas tenu compte que les inondations ont repris ultérieurement.

Force est de constater que dans le cadre de sa réponse au dire n° 1 portant sur les nouvelles inondations et les bruits de refoulement de l'évier, l'expert a indiqué :

' Ce point est traité en 3.1 et 4.1 du présent rapport.Il y avait deux sources de débordements dans la cuisine :

- la première clairement identifiée au niveau du séparateur à graisses, il a fait l'objet de travaux correctifs réalisés par Monsieur [U] sur autorisation de M. [G] [K].

- le second au niveau du raccordement par Té des effluents du 1er étage sous l'évier, source de bruits et de débordements épisodiques.Ce raccordement n'a pas été réalisé par Monsieur [U], il aurait fait l'objet de travaux précédents'.

Par conséquent, l'expert a bien répondu au chef de mission concernant les eaux usées, étant en outre relevé qu'il ne ressort pas des pièces versées aux débats et notamment du rapport amiable Polyexpert déposé postérieurement au rapport d'expertise judiciaire l'existence de nouvelles inondations, l'expert amiable faisant simplement état de bruits de refoulement importants au niveau des canalisations de la cuisine.

S'agissant d'autre part des odeurs nauséabondes, la circonstance que l'expert judiciaire considère qu'elles ne sont pas la conséquence des travaux de Monsieur [U] ne permet pas de considérer que Monsieur [I] n'aurait pas répondu à ce chef de mission.

S'agissant par ailleurs de l'évaluation des préjudices, l'expert, concernant l'engorgement du circuit des eaux usées et les remontées d'odeurs nauséabondes, a indiqué que malgré sa demande, aucun élément ne lui avait été fourni par les parties notamment en termes de fréquence et nombre des apparitions permettant d'apprécier les préjudices.

S'agissant du préjudice de jouissance, il appartenait classiquement au [Adresse 8] des Anges de communiquer à l'expert des estimations locatives de la propriété, ce qu'il a fait, l'expert indiquant cependant qu'hormis un studio actuellement loué au 1er étage de la maison, il n'avait pas eu connaissance de locations ni de possibilités de locations de cette habitation utilisée par ses propriétaires.

L'expert a donc bien répondu sur ce point à son chef de mission.

S'agissant enfin des éléments nouveaux invoqués par le Domaine de l'Espitalet des Anges, il convient de relever :

- que l'avis du Service Public d'Assainissement non Collectif (SPANC) déclarant le 22 janvier 2018 l'installation d'assainissement non collectif du domaine non conforme ne permet pas de conclure que cette non conformité serait imputable aux travaux réalisés par Monsieur [U], l'expertise judiciaire tendant en outre à exclure la responsabilité de ce dernier dans l'apparition des désordres;

- que le rapport amiable Polyexpert ne fait état que de bruits de refoulement importants au niveau des canalisations de la cuisine mais n'a constaté aucune nouvelle inondation ni aucune odeur, ce rapport non contradictoire n'étant en outre corroboré par aucun autre élément de preuve établissant l'existence de circonstances nouvelles depuis le dépôt du rapport d'expertise.

Compte tenu de ces éléments, il convient de constater que l'expert judiciaire a bien répondu à chacun des chefs de mission, aucun élément nouveau ne justifiant en outre l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise.

La demande présentée à ce titre sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de Monsieur [U] :

sur l'engorgement du circuit d'évacuation des eaux usées :

L'expert indique qu'il se caractérise par des refoulements dans le lavabo de la cuisine du rez-de-chaussée et des débordements du séparateur (bac) à graisses.

Cet engorgement trouve son origine dans le raccordement des machines à laver le linge du locataire et de l'habitation sur le séparateur à graisses, ce qui n'est pas adapté car leurs effluents ne sont pas gras. De plus, les vidanges des lavages créent des survitesses de nature à perturber le fonctionnement du séparateur à graisses et les volumes rejetés sont bien supérieurs à la capacité du séparateur.

L'expert expose également que le raccordement par Té des effluents du 1er étage sous l'évier génère des effets de mise en charge hydraulique perturbant l'évacuation des eaux de l'évier, pouvant générer des refoulements dans l'évier et par effet d'aspiration une vidange toute ou partielle du siphon de cet évier pouvant générer des bruits et générant des débordements ponctuels.

Monsieur [I] précise cependant que ce raccordement de l'évacuation des effluents du 1er étage sous l'évier n'a pas été réalisé par Monsieur [U], et a fait l'objet de travaux précédents.

L'expert indique enfin que le désordre d'engorgement et débordement au niveau du séparateur à graisses a été solutionné par les déconnexions des machines à laver du séparateur à graisses effectué par Monsieur [U] durant l'expertise.

Il résulte en conséquence des constatations de l'expert que l'engorgement du circuit d'évacuation des eaux usées n'est pas imputable aux travaux réalisés par Monsieur [U], ce dernier ayant en outre mis fin aux désordres de débordement en déconnectant les machines à laver de l'alimentation du séparateur à graisses, aucune responsabilité de l'intimé ne pouvant être retenue sur ce point.

Sur les odeurs nauséabondes :

Au préalable, il convient de relever que les remontées d'odeurs nauséabondes n'ont été constatées ni par l'expert judiciaire, ni par l'expert amiable, Monsieur [I] précisant cependant que leur existence était reconnue par les parties présentes.

Monsieur [K] a également précisé à l'expert qu'il n'y avait pas d'odeurs en été mais surtout en septembre-octobre, le phénomène étant donc limité dans l'année.

L'expert expose que le dysfonctionnement du séparateur à graisses et les rejets importants de graisses de l'habitation inadaptés à ce type d'installation d'assainissement individuel sont une source d'odeurs potentielles, rappelant que le dysfonctionnement du séparateur à graisses a été résolu pendant l'expertise et que la mise en place d'un clapet sur la canalisation par Monsieur [U], à ses frais, avait également contribué à l'arrêt de ces remontées d'odeurs vers l'habitation et ajoute que l'ancienne fosse septique non entretenue, non conforme et désormais interdite par la réglementation constituait aussi une source d'odeurs dans le passé, Monsieur [K] ayant confirmé à l'expert que ces odeurs existaient avant les travaux réalisés par Monsieur [U].

L'expert judiciaire conclut que ce désordre ne peut pas être techniquement lié au litige concernant les travaux réalisés par Monsieur [U] car ces travaux portaient sur la mise en place d'un réseau de collecte des eaux usées à l'extérieur de l'habitation et à la mise en place d'une mini-station d'épuration et non sur la recherche de l'origine et des points de diffusion des remontées d'odeurs, étant rappelé que ces odeurs existaient déjà avant l'intervention de Monsieur [U] et que s'agissant des canalisations posées par Monsieur [U], il n'émane aucune émission de fumée, ce qui permet d'établir que les odeurs litigieuses ne proviennent pas de ses travaux.

Par conséquent, force est de constater que le [Adresse 8] ne verse aux débats aucun élément permettant de venir utilement contredire les conclusions de l'expert judiciaire et démontrant que les odeurs seraient exclusivement imputables aux travaux réalisés par Monsieur [U] et que ces odeurs persisteraient depuis l'intervention de ce dernier, l'expert amiable Polyexpert se contentant de reprendre sur ce point les déclarations de Monsieur [K] tout en reconnaissant n'avoir ressenti aucune odeur nauséabonde lors de son passage.

Compte tenu de ces éléments, la responsabilité décennale ou contractuelle de Monsieur [U] ne peut être retenue, le jugement étant confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la SCEA [Adresse 9] à payer à la société Axa France IARD et à Monsieur [G] [U], chacun, la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en appel ;

Condamne la SCEA [Adresse 9] aux entiers dépens d'appel.

le greffier le président

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