CA Douai, ch. 1 sect. 2, 6 novembre 2025, n° 24/03176
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 06/11/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 24/03176 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUND
Ordonnance (N° 24/00006)
rendue le 18 Juin 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Omer
APPELANTE
La SAS [Adresse 7]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Karl Vandamme, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [W] [A]
né le 09 novembre 1987 à [Localité 8]
Madame [R] [K] épouse [A]
née le 17 Novembre 1990 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Eric Dhorne, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 28 avril 2025 tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 novembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 04 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
****
Suivant contrat de construction de maison individuelle en date du 28 octobre 2021, M. [W] [A] et Mme [R] [K] épouse [A] ont confié la construction d'une maison individuelle à la société Maison Eureka sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6] moyennant le prix de 171 247 euros TTC.
Le 15 juillet 2022, la déclaration d'ouverture du chantier a été effectuée.
Le 11 août 2023, un procès-verbal de réception avec réserves a été signé entre les parties.
Se plaignant de la présence de désordres, M. et Mme [A] ont mis en demeure, par courrier recommandé du 6 février 2024, la société [Adresse 7] de réaliser les travaux nécessaires à leur réparation dans un délai de 30 jours.
Par acte de commissaire de justice du 24 janvier 2024, M. et Mme [A] ont fait assigner la société Maison Eureka devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Omer aux fins :
D'enjoindre la société [Adresse 7] de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2024, sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter de cette date ;
De condamner provisionnellement la société Maison Eureka à payer M. et Mme [A] une indemnité provisionnelle de 5 071,34 euros à titre de provision à valoir sur les pénalités de retard contractuelles et sur leur préjudice locatif.
Par acte authentique notarié du 13 novembre 2024, M. et Mme [A] ont vendu la maison à Mesdames [M] [F] et [V] [L].
Par ordonnance du 18 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Omer s'est déclaré compétent pour juger de la présente affaire et a :
Débouté la société [Adresse 7] de ses demandes,
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
En tout état de cause :
Condamné provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767,20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Condamné provisionnellement la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Débouté la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté toutes autres demandes,
Condamné la société [Adresse 7] aux entiers dépens.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 28 juin 2024, la société Maison Eureka a interjeté appel de l'ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appel notifiées par RPVA le 30 décembre 2024, la société [Adresse 7] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :
Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 juin 2024 par Madame la Présidente du tribunal judiciaire de Saint-Omer en toutes ses dispositions, en ce que celle-ci :
Se déclare compétente pour juger de la présente affaire,
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
Condamne provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767,20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Condamne provisionnellement la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Déboute la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes,
Condamne la société [Adresse 7] aux entiers dépens,
En conséquence,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
Déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [A] pour défaut de qualité à agir
A titre subsidiaire :
Se déclarer incompétent par suite de l'existence d'une contestation sérieuse,
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
A titre subsidiaire :
Déclarer M. et Mme [A] mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter ;
Condamner solidairement M. et Mme [A] à verser à la société Maison Eureka une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [A] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appel notifiées par RPVA le 17 décembre 2024, M. et Mme [A] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article 1792-6 du code civil, de :
Confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamner la société [Adresse 7] à payer M. et Mme [A] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens de l'instance y compris d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcé en date du 1er avril 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [A] au titre de la garantie de parfait achèvement
La société Maison Eureka soutient, au visa des articles 122 et 123 du code de procédure civile, que l'action des époux [A] est irrecevable pour défaut de qualité à agir au motif que M. et Mme [A] agissent sur le fondement de la garantie de parfait achèvement alors qu'ils ne sont plus propriétaires de la maison construite.
Elle affirme que M. et Mme [A] n'ont pas payé de travaux de remise en état de sorte qu'ils n'ont pas subi de conséquences pécuniaires et qu'ils n'ont pas d'intérêt direct et certain à la présente action.
M. et Mme [A] soutiennent que leur action est recevable, en ce qu'ils ont engagé la procédure alors qu'ils étaient encore propriétaires et dans le délai légal d'un an à compter de la réception de l'ouvrage. Ils affirment justifier d'un intérêt à agir direct et certain.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Si une fois l'immeuble vendu, le cédant perd la qualité de maître de l'ouvrage, la cour de cassation a néanmoins considéré qu'il conservait le bénéfice de l'action en garantie des articles 1792 et suivants si elle présentait pour lui un « intérêt direct et certain (Civ. 3e, 31 mai 1995, no 92-14.098 ; Civ. 3e, 13 juillet 2022, n° 21-15.086).
La cour de cassation a également précisé que si l'existence du droit d'agir s'apprécie par principe à la date de la demande introductive d'instance, il n'en demeure pas moins que la qualité et l'intérêt à agir disparaissent en cours d'instance lorsque la situation litigieuse a évolué d'une telle manière que les demandes s'en trouveraient sans objet (3è Civ., 9 novembre 2017 n°16-22.342).
En l'espèce, M. et Mme [A] ont fait assigner la société [Adresse 7] le 24 janvier 2024 et ont vendu le bien le 13 novembre 2024. S'ils avaient bien la qualité de maître d'ouvrage lors de la délivrance de l'assignation, il n'en demeure pas moins qu'ils l'ont perdue après et ainsi la demande est devenue sans objet.
De plus, s'ils affirment qu'ils ont été contraints de réaliser des travaux de remise en état, ils ne le justifient par aucune pièce, de sorte qu'ils ne justifient pas d'un intérêt à agir.
En l'absence de démonstration d'un intérêt direct et certain au succès de leur prétention, il y a lieu de déclarer leur demande fondée sur la garantie de parfait achèvement irrecevable.
Sur les demandes de provision
M. et Mme [A] formulent des demandes à l'encontre de la société Maison Eureka au titre des pénalités de retard dans la livraison de l'immeuble et d'un préjudice de jouissance.
M. et Mme [A] ont bien un intérêt à ces demandes fondées non pas sur les garanties des articles 1792 et suivants du code civil mais sur la responsabilité contractuelle de la société [Adresse 7]. Ces demandes sont donc recevables.
Sur la demande de provision au titre des pénalités de retard
M. et Mme [A] soutiennent que l'existence de l'obligation à laquelle est tenue la société Maison Eureka, à savoir le paiement des pénalités de retard, n'est pas sérieusement contestable. Ils font valoir que la dernière condition suspensive a été levée le 24 février 2022, de sorte qu'après un délai de 4 mois, les travaux devaient commencer le 24 juin 2022 pour une durée de 12 mois.
M. et Mme [A] reprennent à leur compte le raisonnement du premier juge en ce qu'il a indiqué que la date de livraison contractuellement prévue était le 13 juillet 2013, compte tenu de l'obtention de la garantie de livraison, et que la maison n'a été habitable qu'à compter du 30 août 2023. Ils affirment que les pénalités ont couru du 13 juillet au 30 août 2023, soit 48 jours et qu'ainsi la pénalité s'élève à 2 767,20 euros ( = 48 x 57,67 euros). Ils précisent que la société [Adresse 7] ne justifie pas que les travaux ont été entravés par des intempéries ; que les relevés météorologiques de décembre 2022 et janvier 2023 sont insuffisants et que les travaux de gros 'uvre étaient terminés à ces dates.
La société Maison Eureka soutient que l'existence de l'obligation dont se prévaut M. et Mme [A] est sérieusement contestable.
Elle fait valoir que la garantie de livraison a été obtenue le 13 juillet 2022, de sorte que le chantier a commencé à cette date et qu'à ce titre la date de livraison était fixée au 13 juillet 2023. Toutefois, elle affirme que la fédération française du bâtiment a recensé 57 jours d'intempéries qui doivent être déduits du délai contractuel ce qui signifie que la société [Adresse 7] avait jusqu'au 7 septembre 2023 pour livrer l'ouvrage. Elle ajoute que le constructeur dispose de 4 mois pour ouvrir le chantier suite à la levée de la dernière condition suspensive, elle pouvait donc commencer les travaux le 13 novembre 2022 (4 mois après l'obtention de la garantie de livraison) et qu'ainsi elle avait jusqu'au 13 novembre 2023 pour livrer l'ouvrage.
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, 'le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
L'article 1601-1 du code civil dispose que 'la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.'
Selon l'article 1611 du code civil, 'le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.'
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le contrat de construction de maison individuelle en date du 28 octobre 2011 stipule en son paragraphe V- Délais : « Les parties conviennent que les conditions suspensives sont réalisées dans un délai de 12 mois à compter de la date de signature du contrat. Les travaux commenceront dans un délai de 4 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives. Ce délai est automatiquement prorogé du temps imparti à la réalisation des travaux préliminaires requis pour l'ouverture du chantier et indiqués à l'article 2.5 des conditions générales.
La durée d'exécution des travaux à la charge du constructeur sera de 12 mois à compter de l'ouverture de chantier lorsque le montant TTC du contrat est inférieur ou égale à 180 000 euros. Elle sera prolongée de 1 mois supplémentaire par tranche de 20 000 euros ».
Le paragraphe VII- Garantie de livraison à prix et délais convenus stipule : « Le présent contrat est soumis à la condition suspensive de l'obtention par le constructeur, dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives, de la garantie de livraison prévue à l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation et reproduit au sein des conditions générales. L'attestation nominative de cette garantie de livraison délivrée par un organisme habilité sera adressée au Maître de l'Ouvrage dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives et au plus tard à l'ouverture du chantier ».
L'article 2/6 -Délai d'exécution des travaux des conditions générales du contrat stipule : « Le délai est prorogé de la durée des intempéries pendant lesquelles le travail est arrêté conformément aux dispositions des articles L. 731-1 du code du travail ».
Les pénalités de retard prévues par l'article L. 231-2, i, du code de la construction et de l'habitation ont pour terme la livraison de l'ouvrage et non sa réception (3ème Civ., 12 septembre 2012, n°11-13.309).
La société Maison Eureka produit l'acte de cautionnement nominatif de garantie de livraison à prix en date du 13 juillet 2022 ainsi que la déclaration d'ouverture de chantier du 15 juillet 2022. Ainsi, si à compter de la réalisation de la condition suspensive, à savoir la délivrance de la garantie de livraison du 13 juillet 2022, la société [Adresse 7] avait 4 mois pour commencer les travaux, force est de constater que l'ouverture du chantier a été effectuée le 13 juillet 2022, de sorte que le délai de 12 mois commence à courir à compter de cette date. C'est donc à juste titre que le juge des référés a considéré que la date de livraison contractuellement prévue est le 13 juillet 2023.
La réception est intervenue le 11 août 2023 ; néanmoins la maison a été habitable le 30 août 2023, date à laquelle la pompe à chaleur a été mise en service.
La société Maison Eureka produit une attestation d'intempéries émanant de la fédération française du bâtiment pour la période du 12 juillet 2022 au 31 janvier 2023 indiquant 57 jours d'intempéries météo cumulées dont 28 jours avec rafales, 9 jours avec de fortes pluies et 25 jours de fortes gelées sur [Localité 5].
Or, s'agissant des intempéries, elles constituent des causes légales de suspension du contrat dès lors qu'elles empêchent le constructeur de réaliser les travaux à sa charge. Sont considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir (travaux difficiles par temps humide tels que les enduits extérieurs, l'étanchéité, les fondations, charpente etc). Il appartient à l'entrepreneur qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve. En l'espèce, la société [Adresse 7] ne justifie pas qu'elle a été empêchée de poursuivre la réalisation des travaux pour 57 jours. Cette attestation ne suffit pas à démontrer que les conditions climatiques rendaient dangereuses la poursuite du chantier et qu'il a été suspendu.
C'est donc à juste titre que le juge des référés a indiqué que la société Maison Eureka ne démontrait pas que les intempéries invoquées étaient imprévisibles et que leur durée était anormale sur la période retenue.
Dès lors, l'obligation dont est tenue la société [Adresse 7] n'est pas sérieusement contestable et il y a lieu de confirmer le juge des référés qui a condamné le constructeur à payer à M. et Mme [A] une indemnité provisionnelle au titre des pénalités de retard sur la période du 13 juillet au 30 août 2023, soit 48 jours, soit la somme de 2767,2 euros ( = 57,65 X48).
Sur le préjudice locatif
M. et Mme [A] soutiennent qu'ils auraient dû pouvoir habiter dans la maison dès le 13 juillet 2023 mais qu'ils n'ont pu y habiter que le 30 août 2023, de sorte qu'ils n'ont pu quitter le logement qu'ils louaient, soit un préjudice locatif de 866 euros ( loyer mensuel de 541,25).
La société Maison Eureka fait valoir que M. et Mme [A] ne démontrent pas de préjudice distinct de celui réparé par la clause pénale.
***
Il résulte des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation que les pénalités prévues à l'article L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation en cas de retard de livraison ne sont pas exclusives de l'allocation de dommages-intérêts, dès lors qu'ils réparent un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de ces pénalités.
La vocation des pénalités de retard est de compenser le préjudice souffert par le maître de l'ouvrage à raison de l'impossibilité d'user et de jouir de la maison promise dans le délai convenu. Si leur octroi n'interdit pas la réparation, en parallèle, de préjudices distincts, du moins leurs montants doivent-ils s'aligner plus ou moins sur le préjudice né du retard dans l'entrée en jouissance.
La cour de cassation a ainsi décidé que lorsque le préjudice de perte de loyers et le préjudice de jouissance ont été indemnisés pour une période qui coïncidait avec celle du retard du chantier, il s'agissait d'indemniser deux fois le même préjudice et a ainsi cassé l'arrêt de la cour d'appel (3e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 22-18.237).
En l'espèce, M. et Mme [A] demandent l'octroi de dommages et intérêts pour indemniser leur préjudice locatif durant la période du 13 juillet 30 août 2023, soit la période qui coïncide avec le retard du chantier, indemnisé par les pénalités de retard. Il appartient donc à M. et Mme [A] de démontrer en quoi ce préjudice locatif n'est pas déjà indemnisé par les pénalités de retard. Or, ils ne le justifient pas. Il n'y a donc pas lieu à accorder à M. et Mme [A] une provision sur ce chef.
Dès lors, l'ordonnance est infirmée en ce qu'elle a condamné la société [Adresse 7] à payer une provision de 866 euros au titre du préjudice locatif.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance est confirmée de ces chefs.
Les demandes au titre des frais irrépétibles engagés en appel sont rejetées et chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judicaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en ce qu'elle a :
Condamné la SAS Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767.20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Débouté la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société [Adresse 7] aux entiers dépens,
INFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judicaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en ce qu'elle a :
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
Condamné provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE irrecevables les demandes formulées par M. et Mme [A] fondées sur la garantie de parfait achèvement,
DEBOUTE M. et Mme [A] de leur demande de dommages et intérêt au titre du préjudice locatif,
DEBOUTE M. et Mme [A] et la SAS Maison Eureka de leur demande au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
DIT que les parties supporteront la charge de leurs propres dépens engagés en appel.
Le greffier
La présidente
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 06/11/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 24/03176 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUND
Ordonnance (N° 24/00006)
rendue le 18 Juin 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Omer
APPELANTE
La SAS [Adresse 7]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Karl Vandamme, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [W] [A]
né le 09 novembre 1987 à [Localité 8]
Madame [R] [K] épouse [A]
née le 17 Novembre 1990 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Eric Dhorne, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 28 avril 2025 tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 novembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 04 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2025
****
Suivant contrat de construction de maison individuelle en date du 28 octobre 2021, M. [W] [A] et Mme [R] [K] épouse [A] ont confié la construction d'une maison individuelle à la société Maison Eureka sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6] moyennant le prix de 171 247 euros TTC.
Le 15 juillet 2022, la déclaration d'ouverture du chantier a été effectuée.
Le 11 août 2023, un procès-verbal de réception avec réserves a été signé entre les parties.
Se plaignant de la présence de désordres, M. et Mme [A] ont mis en demeure, par courrier recommandé du 6 février 2024, la société [Adresse 7] de réaliser les travaux nécessaires à leur réparation dans un délai de 30 jours.
Par acte de commissaire de justice du 24 janvier 2024, M. et Mme [A] ont fait assigner la société Maison Eureka devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Omer aux fins :
D'enjoindre la société [Adresse 7] de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2024, sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant 60 jours à compter de cette date ;
De condamner provisionnellement la société Maison Eureka à payer M. et Mme [A] une indemnité provisionnelle de 5 071,34 euros à titre de provision à valoir sur les pénalités de retard contractuelles et sur leur préjudice locatif.
Par acte authentique notarié du 13 novembre 2024, M. et Mme [A] ont vendu la maison à Mesdames [M] [F] et [V] [L].
Par ordonnance du 18 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Omer s'est déclaré compétent pour juger de la présente affaire et a :
Débouté la société [Adresse 7] de ses demandes,
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
En tout état de cause :
Condamné provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767,20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Condamné provisionnellement la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Débouté la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté toutes autres demandes,
Condamné la société [Adresse 7] aux entiers dépens.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 28 juin 2024, la société Maison Eureka a interjeté appel de l'ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appel notifiées par RPVA le 30 décembre 2024, la société [Adresse 7] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :
Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 juin 2024 par Madame la Présidente du tribunal judiciaire de Saint-Omer en toutes ses dispositions, en ce que celle-ci :
Se déclare compétente pour juger de la présente affaire,
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
Condamne provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767,20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Condamne provisionnellement la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Déboute la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes,
Condamne la société [Adresse 7] aux entiers dépens,
En conséquence,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
Déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [A] pour défaut de qualité à agir
A titre subsidiaire :
Se déclarer incompétent par suite de l'existence d'une contestation sérieuse,
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
A titre subsidiaire :
Déclarer M. et Mme [A] mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter ;
Condamner solidairement M. et Mme [A] à verser à la société Maison Eureka une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [A] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appel notifiées par RPVA le 17 décembre 2024, M. et Mme [A] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article 1792-6 du code civil, de :
Confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamner la société [Adresse 7] à payer M. et Mme [A] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens de l'instance y compris d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcé en date du 1er avril 2025.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [A] au titre de la garantie de parfait achèvement
La société Maison Eureka soutient, au visa des articles 122 et 123 du code de procédure civile, que l'action des époux [A] est irrecevable pour défaut de qualité à agir au motif que M. et Mme [A] agissent sur le fondement de la garantie de parfait achèvement alors qu'ils ne sont plus propriétaires de la maison construite.
Elle affirme que M. et Mme [A] n'ont pas payé de travaux de remise en état de sorte qu'ils n'ont pas subi de conséquences pécuniaires et qu'ils n'ont pas d'intérêt direct et certain à la présente action.
M. et Mme [A] soutiennent que leur action est recevable, en ce qu'ils ont engagé la procédure alors qu'ils étaient encore propriétaires et dans le délai légal d'un an à compter de la réception de l'ouvrage. Ils affirment justifier d'un intérêt à agir direct et certain.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Si une fois l'immeuble vendu, le cédant perd la qualité de maître de l'ouvrage, la cour de cassation a néanmoins considéré qu'il conservait le bénéfice de l'action en garantie des articles 1792 et suivants si elle présentait pour lui un « intérêt direct et certain (Civ. 3e, 31 mai 1995, no 92-14.098 ; Civ. 3e, 13 juillet 2022, n° 21-15.086).
La cour de cassation a également précisé que si l'existence du droit d'agir s'apprécie par principe à la date de la demande introductive d'instance, il n'en demeure pas moins que la qualité et l'intérêt à agir disparaissent en cours d'instance lorsque la situation litigieuse a évolué d'une telle manière que les demandes s'en trouveraient sans objet (3è Civ., 9 novembre 2017 n°16-22.342).
En l'espèce, M. et Mme [A] ont fait assigner la société [Adresse 7] le 24 janvier 2024 et ont vendu le bien le 13 novembre 2024. S'ils avaient bien la qualité de maître d'ouvrage lors de la délivrance de l'assignation, il n'en demeure pas moins qu'ils l'ont perdue après et ainsi la demande est devenue sans objet.
De plus, s'ils affirment qu'ils ont été contraints de réaliser des travaux de remise en état, ils ne le justifient par aucune pièce, de sorte qu'ils ne justifient pas d'un intérêt à agir.
En l'absence de démonstration d'un intérêt direct et certain au succès de leur prétention, il y a lieu de déclarer leur demande fondée sur la garantie de parfait achèvement irrecevable.
Sur les demandes de provision
M. et Mme [A] formulent des demandes à l'encontre de la société Maison Eureka au titre des pénalités de retard dans la livraison de l'immeuble et d'un préjudice de jouissance.
M. et Mme [A] ont bien un intérêt à ces demandes fondées non pas sur les garanties des articles 1792 et suivants du code civil mais sur la responsabilité contractuelle de la société [Adresse 7]. Ces demandes sont donc recevables.
Sur la demande de provision au titre des pénalités de retard
M. et Mme [A] soutiennent que l'existence de l'obligation à laquelle est tenue la société Maison Eureka, à savoir le paiement des pénalités de retard, n'est pas sérieusement contestable. Ils font valoir que la dernière condition suspensive a été levée le 24 février 2022, de sorte qu'après un délai de 4 mois, les travaux devaient commencer le 24 juin 2022 pour une durée de 12 mois.
M. et Mme [A] reprennent à leur compte le raisonnement du premier juge en ce qu'il a indiqué que la date de livraison contractuellement prévue était le 13 juillet 2013, compte tenu de l'obtention de la garantie de livraison, et que la maison n'a été habitable qu'à compter du 30 août 2023. Ils affirment que les pénalités ont couru du 13 juillet au 30 août 2023, soit 48 jours et qu'ainsi la pénalité s'élève à 2 767,20 euros ( = 48 x 57,67 euros). Ils précisent que la société [Adresse 7] ne justifie pas que les travaux ont été entravés par des intempéries ; que les relevés météorologiques de décembre 2022 et janvier 2023 sont insuffisants et que les travaux de gros 'uvre étaient terminés à ces dates.
La société Maison Eureka soutient que l'existence de l'obligation dont se prévaut M. et Mme [A] est sérieusement contestable.
Elle fait valoir que la garantie de livraison a été obtenue le 13 juillet 2022, de sorte que le chantier a commencé à cette date et qu'à ce titre la date de livraison était fixée au 13 juillet 2023. Toutefois, elle affirme que la fédération française du bâtiment a recensé 57 jours d'intempéries qui doivent être déduits du délai contractuel ce qui signifie que la société [Adresse 7] avait jusqu'au 7 septembre 2023 pour livrer l'ouvrage. Elle ajoute que le constructeur dispose de 4 mois pour ouvrir le chantier suite à la levée de la dernière condition suspensive, elle pouvait donc commencer les travaux le 13 novembre 2022 (4 mois après l'obtention de la garantie de livraison) et qu'ainsi elle avait jusqu'au 13 novembre 2023 pour livrer l'ouvrage.
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, 'le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
L'article 1601-1 du code civil dispose que 'la vente d'immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.'
Selon l'article 1611 du code civil, 'le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.'
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le contrat de construction de maison individuelle en date du 28 octobre 2011 stipule en son paragraphe V- Délais : « Les parties conviennent que les conditions suspensives sont réalisées dans un délai de 12 mois à compter de la date de signature du contrat. Les travaux commenceront dans un délai de 4 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives. Ce délai est automatiquement prorogé du temps imparti à la réalisation des travaux préliminaires requis pour l'ouverture du chantier et indiqués à l'article 2.5 des conditions générales.
La durée d'exécution des travaux à la charge du constructeur sera de 12 mois à compter de l'ouverture de chantier lorsque le montant TTC du contrat est inférieur ou égale à 180 000 euros. Elle sera prolongée de 1 mois supplémentaire par tranche de 20 000 euros ».
Le paragraphe VII- Garantie de livraison à prix et délais convenus stipule : « Le présent contrat est soumis à la condition suspensive de l'obtention par le constructeur, dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives, de la garantie de livraison prévue à l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation et reproduit au sein des conditions générales. L'attestation nominative de cette garantie de livraison délivrée par un organisme habilité sera adressée au Maître de l'Ouvrage dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives et au plus tard à l'ouverture du chantier ».
L'article 2/6 -Délai d'exécution des travaux des conditions générales du contrat stipule : « Le délai est prorogé de la durée des intempéries pendant lesquelles le travail est arrêté conformément aux dispositions des articles L. 731-1 du code du travail ».
Les pénalités de retard prévues par l'article L. 231-2, i, du code de la construction et de l'habitation ont pour terme la livraison de l'ouvrage et non sa réception (3ème Civ., 12 septembre 2012, n°11-13.309).
La société Maison Eureka produit l'acte de cautionnement nominatif de garantie de livraison à prix en date du 13 juillet 2022 ainsi que la déclaration d'ouverture de chantier du 15 juillet 2022. Ainsi, si à compter de la réalisation de la condition suspensive, à savoir la délivrance de la garantie de livraison du 13 juillet 2022, la société [Adresse 7] avait 4 mois pour commencer les travaux, force est de constater que l'ouverture du chantier a été effectuée le 13 juillet 2022, de sorte que le délai de 12 mois commence à courir à compter de cette date. C'est donc à juste titre que le juge des référés a considéré que la date de livraison contractuellement prévue est le 13 juillet 2023.
La réception est intervenue le 11 août 2023 ; néanmoins la maison a été habitable le 30 août 2023, date à laquelle la pompe à chaleur a été mise en service.
La société Maison Eureka produit une attestation d'intempéries émanant de la fédération française du bâtiment pour la période du 12 juillet 2022 au 31 janvier 2023 indiquant 57 jours d'intempéries météo cumulées dont 28 jours avec rafales, 9 jours avec de fortes pluies et 25 jours de fortes gelées sur [Localité 5].
Or, s'agissant des intempéries, elles constituent des causes légales de suspension du contrat dès lors qu'elles empêchent le constructeur de réaliser les travaux à sa charge. Sont considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir (travaux difficiles par temps humide tels que les enduits extérieurs, l'étanchéité, les fondations, charpente etc). Il appartient à l'entrepreneur qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve. En l'espèce, la société [Adresse 7] ne justifie pas qu'elle a été empêchée de poursuivre la réalisation des travaux pour 57 jours. Cette attestation ne suffit pas à démontrer que les conditions climatiques rendaient dangereuses la poursuite du chantier et qu'il a été suspendu.
C'est donc à juste titre que le juge des référés a indiqué que la société Maison Eureka ne démontrait pas que les intempéries invoquées étaient imprévisibles et que leur durée était anormale sur la période retenue.
Dès lors, l'obligation dont est tenue la société [Adresse 7] n'est pas sérieusement contestable et il y a lieu de confirmer le juge des référés qui a condamné le constructeur à payer à M. et Mme [A] une indemnité provisionnelle au titre des pénalités de retard sur la période du 13 juillet au 30 août 2023, soit 48 jours, soit la somme de 2767,2 euros ( = 57,65 X48).
Sur le préjudice locatif
M. et Mme [A] soutiennent qu'ils auraient dû pouvoir habiter dans la maison dès le 13 juillet 2023 mais qu'ils n'ont pu y habiter que le 30 août 2023, de sorte qu'ils n'ont pu quitter le logement qu'ils louaient, soit un préjudice locatif de 866 euros ( loyer mensuel de 541,25).
La société Maison Eureka fait valoir que M. et Mme [A] ne démontrent pas de préjudice distinct de celui réparé par la clause pénale.
***
Il résulte des articles L. 231-2 et R. 231-14 du code de la construction et de l'habitation que les pénalités prévues à l'article L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation en cas de retard de livraison ne sont pas exclusives de l'allocation de dommages-intérêts, dès lors qu'ils réparent un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de ces pénalités.
La vocation des pénalités de retard est de compenser le préjudice souffert par le maître de l'ouvrage à raison de l'impossibilité d'user et de jouir de la maison promise dans le délai convenu. Si leur octroi n'interdit pas la réparation, en parallèle, de préjudices distincts, du moins leurs montants doivent-ils s'aligner plus ou moins sur le préjudice né du retard dans l'entrée en jouissance.
La cour de cassation a ainsi décidé que lorsque le préjudice de perte de loyers et le préjudice de jouissance ont été indemnisés pour une période qui coïncidait avec celle du retard du chantier, il s'agissait d'indemniser deux fois le même préjudice et a ainsi cassé l'arrêt de la cour d'appel (3e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 22-18.237).
En l'espèce, M. et Mme [A] demandent l'octroi de dommages et intérêts pour indemniser leur préjudice locatif durant la période du 13 juillet 30 août 2023, soit la période qui coïncide avec le retard du chantier, indemnisé par les pénalités de retard. Il appartient donc à M. et Mme [A] de démontrer en quoi ce préjudice locatif n'est pas déjà indemnisé par les pénalités de retard. Or, ils ne le justifient pas. Il n'y a donc pas lieu à accorder à M. et Mme [A] une provision sur ce chef.
Dès lors, l'ordonnance est infirmée en ce qu'elle a condamné la société [Adresse 7] à payer une provision de 866 euros au titre du préjudice locatif.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance est confirmée de ces chefs.
Les demandes au titre des frais irrépétibles engagés en appel sont rejetées et chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judicaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en ce qu'elle a :
Condamné la SAS Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 2767.20 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;
Débouté la société [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Maison Eureka à payer à M. et Mme [A] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société [Adresse 7] aux entiers dépens,
INFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judicaire de Saint-Omer le 18 juin 2024 en ce qu'elle a :
Enjoint la société Maison Eureka de lever l'ensemble des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception du 11 août 2023, avant le 11 août 2024, sous astreinte de 120 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision pendant une durée de 60 jours ;
Dit que le président du tribunal statuant en matière de référé se réserve le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
Condamné provisionnellement la société [Adresse 7] à payer à M. et Mme [A] la somme de 866 euros à titre d'indemnité sur le préjudice locatif,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE irrecevables les demandes formulées par M. et Mme [A] fondées sur la garantie de parfait achèvement,
DEBOUTE M. et Mme [A] de leur demande de dommages et intérêt au titre du préjudice locatif,
DEBOUTE M. et Mme [A] et la SAS Maison Eureka de leur demande au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
DIT que les parties supporteront la charge de leurs propres dépens engagés en appel.
Le greffier
La présidente