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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 6 novembre 2025, n° 23/04231

DOUAI

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Stokomani (SAS)

Défendeur :

Stokomani (SAS), P.A.D (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Courteille

Conseillers :

Galliot, Van Goetsenhoven

Avocats :

Laforce, Legrand

Institut National de la Propriété Indust…

22 août 2023

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [O] a déposé le 20 juin 2022 la marque verbale SOLOLA, enregistrée sous le n°22 4 878 482 ;

Elle est enregistrée pour les produits suivants :

Classe 3 : Lessives ; préparations pour polir ; préparations pour dégraisser ; préparations pour abraser ; savons ; parfums ; huiles essentielles ; cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir ;

Classe 18 : Cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; fouets ; sellerie ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs ; coffrets destinés à contenir des articles de toilettes dits « vanity cases » ; colliers pour animaux ; habits pour animaux de compagnie ;

Classe 25 : Vêtements ; articles chaussants ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements.

Le 9 septembre 2022, la société Stokomani a formé opposition à l'enregistrement de la marque susvisée, sur le fondement du risque de confusion sur la base des marques verbales françaises :

[E] (n°1495516) déposée le 25 octobre 1988, en classe n°25 pour les produits suivants : vêtements, chaussures, chapellerie ;

[E] (n°063449665) déposée le 11 septembre 2006 pour les produits suivants : cuir et imitation du cuir, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, sacs à main, à dos, à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, d'écoliers, sacs ou sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir).

Par décision OP 22-3726 du 22 aout 2023, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle a rejeté l'opposition.

Par acte de commissaire de justice du 2 novembre 2023, déposé à l'étude, la société Stokomani a fait assigner M. [U] [O] à comparaître devant la cour d'appel de Douai, en application de l'article R. 411-34 du code de la propriété intellectuelle.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2023, la société Stokomani demande à la cour de :

Annuler la décision OP22-3726/DDL du 22 août 2023 de Monsieur le Directeur Général de l'Institut [10], ayant rejeté l'opposition formée par la société Stokomani à l'encontre de la demande d'enregistrement de la marque SOLOLA n°4878482 ;

Condamner M. [O] à payer à la société Stokomani la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Eric Laforce, avocat, par application de l'article 699 du même code.

Si la société Stokomani ne conteste pas la décision du 22 août 2023 en ce qu'elle a reconnu l'usage sérieux des marques antérieures pour les « portefeuilles ; sacs à main ; sacs à dos ; sacs d'écoliers ; vêtements », elle conteste l'appréciation du Directeur Général de l'INPI ayant retenu l'absence d'usage sérieux pour :

la marque [E] n°1495516, visant notamment les « chaussures » et la « chapellerie »,

la marque [E] n°063449665, visant notamment les « porte-monnaie non en métaux précieux, sacs à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, sacs ou sachets (en cuir) pour l'emballage ».

S'agissant de la marque [E] n°1495516, elle soutient avoir rapporté la preuve de l'usage sérieux au moyen d'états de ventes de produits vestimentaires commercialisés entre 2015 et 2020 sous la marque [E].

S'agissant de la marque [E] n°063449665, elle affirme que les preuves d'usage produites pour les « portefeuilles, sacs à main, sacs à dos, sacs d'écoliers » doivent être étendues à l'ensemble des produits visés par ses marques. Elle invoque la jurisprudence de la CJUE et de la Cour d'appel de Paris, selon laquelle, lorsqu'une marque désigne une catégorie de produits homogène et circonscrite, la preuve d'usage pour une partie de ces produits suffit à établir l'usage sérieux pour l'ensemble de la catégorie (CJUE, 22 oct.2020, C-720/18 et C-721/18, Ferrari SpA, pt 37 et CA Paris, 15 juin 2022, RG n°21/11271).

Elle fait valoir que les produits visés (« porte-monnaie, sacs à roulettes, sacs d'alpinistes, sacs de campeurs, de voyage, de plage, sachets en cuir ») ont les mêmes finalités et destination que les produits pour lesquels l'usage a été reconnu (« portefeuilles, sacs à main, sacs à dos, sacs d'écoliers »). Ils ne constituent donc pas, selon elle, une catégorie autonome pour le consommateur.

La société Stokomani soutient, au visa de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, que les facteurs d'appréciation du risque de confusion, tenant à la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes ainsi qu'à l'identité ou à la proximité des produits, établissent l'existence d'un tel risque, que la décision attaquée n'a pas correctement apprécié.

Elle soutient qu'il existe une similarité des produits de la marque contestée avec ceux de la marque [E] n°1495516 en ce que les cosmétiques, parfums et produits d'hygiène relèvent du même secteur que les vêtements, dans la mesure où il est courant que les marques de mode se diversifient vers la parfumerie et les soins. Elle invoque à cet égard une décision de l'INPI en date du 12 juillet 2023 et un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 14 septembre 2022 (RG n°21/18068), qui ont reconnu cette diversification comme de nature à créer un risque de confusion. Elle affirme également que les lessives et produits d'entretien sont liés aux vêtements et chaussures dont ils assurent le nettoyage ou la conservation. De même, les articles de maroquinerie tels que sacs, portefeuilles ou « vanity cases » constituent des accessoires de mode étroitement associés aux vêtements et chaussures, et fréquemment commercialisés sous une même marque dans les mêmes points de vente. Enfin, elle souligne que de nombreuses entreprises de mode étendent aujourd'hui leur activité aux produits pour animaux, ce qui justifie, selon elle, de retenir une similarité entre les colliers pour animaux et les articles d'habillement.

Ainsi, la société Stokomani soutient que, compte tenu de ces pratiques de diversification et de la fonction commune des produits concernés dans l'univers de la mode et de l'accessoire, l'INPI a écarté à tort la similarité.

Elle soutient également qu'il existe des similarités des produits de la marque contestée avec ceux de la marque [E] n°063449665 et notamment les produits tels que les lessives, préparations pour polir ou dégraisser, savons, produits pour la conservation du cuir (cirages), crèmes pour le cuir, parapluies et parasols, cannes, fouets, sellerie, colliers et habits pour animaux de compagnie. La société Stokomani soutient que ces produits présentent un lien fonctionnel ou sectoriel avec les articles de la marque antérieure. Elle fait valoir que les parapluies, parasols et cannes, tout comme les portefeuilles et sacs, constituent des accessoires de voyage et de mode vendus dans les mêmes points de vente, de sorte que le public pertinent pourrait naturellement leur attribuer une origine commune. Elle s'appuie sur un arrêt de la Cour d'appel de Paris (25 mai 2022, RG n°21/09283) confirmant que les parapluies sont souvent commercialisés par les mêmes entreprises que les articles de maroquinerie visés par la marque antérieure.

Elle invoque également la décision de l'INPI du 12 juillet 2023 précitée (OPP 23-0595) pour soutenir que les lessives, préparations pour polir ou dégraisser, savons et produits pour l'entretien du cuir servent au nettoyage des portefeuilles, sacs et autres articles de maroquinerie, établissant ainsi un lien de similarité avec la marque antérieure.

Enfin, la société Stokomani rappelle que les fouets et articles de sellerie, réalisés principalement en cuir et avec des savoir-faire similaires à ceux de la maroquinerie, sont souvent produits par les mêmes entreprises et présentent donc également un lien de similarité avec les articles de maroquinerie de la marque antérieure.

Sur la comparaison des signes :

Sur le plan visuel et phonétique : la société Stokomani reproche à la décision contestée d'avoir considéré que la présence de la séquence « SO » au début de la dénomination contestée « SOLOLA » modifie la physionomie du signe par rapport à la marque antérieure « [E] ». Selon elle, cette analyse néglige le caractère dominant du prénom « [E] », qui est entièrement repris dans la marque contestée. La société Stokomani fait valoir que l'attaque « SO » sera perçue par le consommateur français comme l'adverbe emphatique « tellement », qualifiant simplement le terme « [E] », et qu'elle n'influencera donc pas l'impression d'ensemble ni l'identification de l'origine commerciale des produits. Elle soutient que l'attention du consommateur se portera sur « [E] », prépondérant et distinctif, tant visuellement que phonétiquement.

Sur le plan intellectuel : la société Stokomani rappelle que, selon la jurisprudence (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer), le consommateur moyen perçoit une marque comme un tout mais décompose les éléments verbaux qui évoquent des significations concrètes ou des mots connus. Dans ses dernières conclusions, la société Stokomani cite des décisions de l'[9] dans lesquelles des marques commençant par l'adverbe emphatique « SO » ont été considérées comme reprenant le caractère dominant de la marque initiale, comme dans les exemples « SONEXT », « SOPARISIENNE » ou « SOTWITCH ».

En l'espèce, la société Stokomani fait valoir que le consommateur percevra aisément le prénom « [E] » au sein de « SOLOLA », l'adverbe « SO » servant simplement à mettre en exergue ce prénom sans en diminuer la portée. Elle ajoute que l'usage de marques débutant par « SO » est une pratique courante, bien comprise du public. Elle conclut que le terme « [E] » conserve son caractère distinctif et dominant et que les signes en présence coïncident sur le plan sémantique, évoquant tous le prénom français « [E] », ce qui les rend similaires sur le plan intellectuel.

Sur le risque de confusion

L'appelante soutient, au regard de la jurisprudence de la CJUE, que l'appréciation du risque de confusion repose sur une évaluation globale des facteurs, notamment la similitude des marques et celle des produits, un faible degré de similitude sur l'un pouvant être compensé par une forte similitude sur l'autre (CJUE , 9 sept. 1998, C-3997).

En l'espèce, elle fait valoir que le caractère distinctif élevé de la marque antérieure [E], reconnu à plusieurs reprises par l'EUIPO et l'INPI, combiné à l'identité ou à la forte similarité des produits visés par les marques antérieures et la demande contestée, compense largement la différence secondaire apportée par l'élément « SO », dépourvu de caractère distinctif.

La S.A.S Stokomani fait valoir que le consommateur moyen des classes 3, 18 et 25 percevra les produits vendus sous « SOLOLA » comme provenant de la même origine que ceux des marques antérieures, générant un risque de confusion, y compris par simple association. Elle conteste donc l'appréciation de la décision attaquée sur les preuves d'usage, la comparaison des produits et celle des signes, et affirme qu'un risque de confusion existe.

Par avis du 16 janvier 2025, le ministère public, s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

Le Directeur de l'INPI a transmis ses observations le jour de l'audience de plaidoirie, le 12 mai 2025 et a été entendu en ses observations, conformément à l'article R. 411-23 du code de la propriété intellectuelle. Il n'a pas transmis des observations avant l'audience.

Bien que cité M. [U] [O] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 01 avril 2025.

MOTIVATION DE LA DECISION

1- Sur l'usage sérieux

Aux termes de l'article L. 712-5-1 du code de la propriété intellectuelle, « L'opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans est rejetée lorsque l'opposant, sur requête du titulaire de la demande d'enregistrement, ne peut établir :

1° Que la marque antérieure a fait l'objet, pour les produits ou services sur lesquels est fondée l'opposition, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande d'enregistrement contestée, dans les conditions prévues à l'article L. 714-5 ou, s'il s'agit d'une marque de l'Union européenne, à l'article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;

2° Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage.

Aux fins de l'examen de l'opposition, la marque antérieure n'est réputée enregistrée que pour ceux des produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis ».

Aux termes de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, « Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. »

La Cour de Justice Européenne a dit pour droit dans sa décision Ansul du 11 mars 2003 que l'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque.

Par ailleurs il est constant que le critère relatif à « l'étendue de l'usage » doit s'entendre comme incluant « l'étendue territoriale de l'usage, son volume commercial, sa durée et qu'en matière de parrainages et partenariats, l'usage de la marque ne vaut que pour les produits et services réellement développés par son titulaire.

La marque contestée a été déposée le 20 juin 2022, dès lors la S.A.S Stokomani est tenue de démontrer un usage sérieux en France au cours des périodes suivantes :

S'agissant de la marque [E] n°1495516 déposée pour les produits suivants : vêtements, chaussures et chapellerie : du 20 juin 2017 au 20 juin 2022 ;

S'agissant de la marque [E] n°063449665 déposée pour les produits suivants : cuir et imitation du cuir, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, sacs à main, à dos, à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, d'écoliers, sacs ou sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir) : du 20 juin 2017 au 20 juin 2022.

1-1 Sur l'usage par le titulaire ou avec son consentement sur le territoire pertinent

Les pièces produites aux débats, notamment un nombre important d'éléments publicitaires, permettent toutes d'établir qu'il s'agit de la S.A.S Stokomani, qui fait usage des deux marques antérieures sur le territoire français.

1-2 Sur la nature et l'importance de l'usage

La SAS Stokomani conteste la décision rendue par le Directeur de l'INPI en ce qu'elle a retenu l'absence d'usage sérieux pour :

la marque [E] n°1495516, visant notamment les « chaussures » et la « chapellerie »,

la marque [E] n°063449665, visant notamment les « porte-monnaie non en métaux précieux, sacs à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, sacs ou sachets (en cuir) pour l'emballage ».

Afin de démontrer l'usage sérieux de ses marques, la S.A.S Stokomani produit :

Un document présentant sa société, son groupe et son activité ;

Un tableur relatant l'état des ventes des produits portant la marque [E] entre 2015 et 2020 ;

Une attestation du directeur des affaires financières, portant sur le chiffre d'affaires réalisé sur la marque [E] de 2017 à 2020, laquelle indique des revenus importants, mais n'indique pas sur quels produits portent ce chiffre d'affaires ;

Une attestation du commissaire aux compte de la S.A.S Stokomani portant sur le chiffre d'affaires réalisé sur la marque [E] de 2017 à 2020 et une attestation de son l'expert-comptable s'agissant du chiffre d'affaires portant sur les années 2021 et 2022 ;

De nombreuses brochures publicitaires allant de février 2017 à octobre 2022 sur lesquelles apparaissent à de nombreuses reprises du signe « [E] » associés à des produits ;

Un contrat de distribution et avenant portant de l'année 2017 à 2020 conclu avec la société PUD AUDIT ATLANTIC.

A titre liminaire, il sera précisé que si certains documents produits sont des documents internes à la société, il est nécessaire de les faire corroborer avec d'autres éléments afin de démontrer un usage sérieux de la marque.

Concernant la marque [E] n°1495516, si les tableaux internes produits par la S.A.S Stokomani font état de vente de produits « chaussures », notamment de baskets représentant pour l'année 2020, 542 ventes et pour l'année 2019, 573 ventes, il s'agit de documents internes corroborés par aucun autre élément. En outre, la volumétrie des ventes et la courte période sur laquelle elles portent sont insuffisantes à démontrer un usage sérieux.

Il en va de même pour les produits de « chapellerie », qui ne sont représentés que par des bonnets et qui représentent selon les tableaux internes de la société, pour l'année 2018, 7692 ventes et pour l'année 2019, 4853 euros, documents qui ne sont corroborés par aucune autre pièce et donc insuffisants à démontrer un usage sérieux.

Concernant la marque [E] n°063449665, aucune des pièces produites aux débats ne fait mention des produits porte-monnaie en métaux non précieux, sac à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, sacs ou sachets (en cuir) pour l'emballage. La S.A.S Stokomani échoue donc à démontrer un usage sérieux de la marque pour les produits ci-énumérés.

Le fait que les produits aient la même finalité est inopérant. Les produits visés par les marques antérieures sont suffisamment précis pour que l'étude de leur usage sérieux puisse être faite individuellement. Enfin, certains documents, notamment les attestations produites, donnent une indication du volume commercial vendu sans toutefois indiquer les produits en question.

En conséquence, il n'est pas démontré d'usage sérieux s'agissant des produits « chaussures » et la « chapellerie » de la marque [E] n°1495516 et des produits « porte-monnaie non en métaux précieux, sacs à roulettes, sacs d'alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, sacs ou sachets (en cuir) pour l'emballage » de la marque [E] n°063449665.

2- Sur le risque de confusion

Aux termes de l'article L711-1 du code de la propriété intellectuelle :

« La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales.

Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l'objet de la protection conférée à son titulaire. »

Aux termes de l'article L711-3 du même code :

« I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure :

(...)

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ».

Aux termes de l'article L713-2 du même code :

« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. »

Il résulte de l'article L. 712-4 du code de la propriété intellectuelle que :

« Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d'enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle à l'encontre d'une demande d'enregistrement en cas d'atteinte à l'un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :

1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l'article L. 711-3 ;

2° Une marque antérieure jouissant d'une renommée en application du 2° du I de l'article L. 711-3 ;

3° Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l'article L. 722-1 ou une demande d'indication géographique sous réserve de l'homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;

6° Le nom, l'image ou la renommée d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ;

7° Le nom d'une entité publique, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

Une opposition peut également être formée en cas d'atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de [Localité 11] pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l'article L. 711-3. »

Le risque de confusion entre les services et produits et les signes caractérise l'atteinte à la marque antérieure.

Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d'entreprises liées économiquement, il doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.

L'appréciation du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte quant à l'analyse des produits et services fournis et l'appréciation d'une similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, Ohmi/Shaker C-334/05)

2.1 S'agissant de la marque [E] n°1495516

Sur la comparaison des produits

Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services, en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. Un rapport peut être établi entre les produits ou entre les services en cause s'ils ont la même nature, la même fonction ou la même destination.

S'agissant de la marque [E] n°1495516, les produits en question sont les vêtements, la SAS Stokomani n'ayant pas justifié d'un usage sérieux concernant les autres produits.

La marque contestée est déposée pour les produits suivants :

Classe 3 : Lessives ; préparations pour polir ; préparations pour dégraisser ; préparations pour abraser ; savons ; parfums ; huiles essentielles ; cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir ;

Classe 18 : Cuir ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; fouets ; sellerie ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs ; coffrets destinés à contenir des articles de toilettes dits « vanity cases » ; colliers pour animaux ; habits pour animaux de compagnie ;

Classe 25 : Vêtements ; articles chaussants ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements.

La SAS Stokomani ne conteste pas la décision attaquée en ce qu'elle a reconnu la similarité entre les vêtements et articles d'habillement de la demande et ceux de la marque antérieure.

En revanche, concernant les produits de classes 3 et 18, elle considère qu'ils relèvent notamment du même secteur. Toutefois, contrairement à ce que la requérante soutient, ils n'ont pas la même fonction, puisque certains permettent l'entretien du linge, ou sont des produits de cosmétiques et d'hygiène ayant pour objectif de prendre soin ou d'embellir le corps humain et sont consommables. Les autres sont des accessoires et ne constituent pas des vêtements. Comme l'indique leur nom, ils ne sont qu'accessoires et un complément de la tenue ou du transport et leur usage ne peut être que ponctuel. Enfin, les vêtements pour animaux et colliers ne s'adressent pas au même consommateur et ne sont pas distribués par le même type d'enseigne. Le fait qu'ils n'aient pas la même fonction, la même destination et la même nature permet de conclure à une absence de similarité.

Sur la comparaison des signes

En présence de produits identiques ou similaires, il n'y a risque de confusion que si se trouve établie la similitude des signes en cause sur le plan visuel, phonétique et conceptuel.

Sur le plan visuel et phonétique, les signes ont en commun quatre lettres : L, O, L, A placés dans le même ordre, créant une similarité visuelle et phonétique. Toutefois, la marque contestée, dispose de deux lettres en plus en position d'attaque S et O, produisant un son différent et modifiant ainsi la physionomie du signe. L'une dispose de deux syllabes de ce fait, tandis que la seconde a trois syllabes.

Sur le plan intellectuel et conceptuel, le terme [E] renvoie à un prénom féminin. Le fait dans la marque contestée y soit ajouté les lettres « SO » renvoie à l'adverbe anglais « tellement ».

Par ailleurs, l'élément dominant des marques est le terme [E], il s'agit d'un prénom féminin, or il ressort des pièces produites aux débats, que les vêtements proposés par la S.A.S Stokomani sont quasiment exclusivement féminins, de sorte qu'il est doté d'une faible distinctivité. Il est assez courant que le prêt à porter féminin utilise des prénoms féminins pour désigner leur marque ou les produits qu'ils proposent.

Contrairement à ce que soutient la requérante, c'est justement que le Directeur général de l'INPI a considéré que le fait que le terme SOLOLA constitue un tout ne laisse pas présager pour le consommateur moyen, qu'il s'agit d'une déclinaison de la marque [E].

Sur l'appréciation globale du risque de confusion

Il résulte de l'appréciation globale des deux signes que, contrairement à ce que soutient la requérante, le signe en présence est pourvu d'une faible distinctivité, donc, malgré une similarité de certains produits, le consommateur moyen ne sera pas enclin à associer le signe contesté à la marque antérieure opposée.

2-2 S'agissant de la marque [E] n°063449665

Sur la comparaison des produits

S'agissant de la marque [E] n°063449665, les produits en question sont les portefeuilles, sacs à main, à dos, d'écoliers, la SAS Stokomani n'ayant pas justifié d'un usage sérieux concernant les autres produits.

Il n'est pas contesté que les produits « malles et valises, portefeuilles, porte-monnaie, porte-cartes de crédit, sacs et coffrets destinés à contenir des articles de toilette (vanity cases) » de la demande d'enregistrement sont identiques et / ou similaires aux « portefeuilles, sacs à main et sacs à dos d'écoliers » de la marque antérieure.

Il sera rappelé que le présent recours contre une décision du directeur général de l'INPI statuant sur opposition à la délivrance d'un titre de propriété industrielle n'est pas un recours en réformation mais un recours en annulation, dépourvu d'effet dévolutif, au terme duquel la cour ne peut que rejeter le recours ou annuler la décision objet du recours.

Elle compare les produits susvisés aux produits suivants « lessives ; préparations pour polir ; préparations pour dégraisser; fouets; sellerie ; colliers pour animaux ; habits pour animaux de compagnie » qu'elle n'avait pas invoqués dans le cadre de la procédure d'opposition.

Or, le recours formé à l'encontre d'une décision rendue par le directeur général de l'INPI statuant sur une opposition à une demande d'enregistrement de marque est un recours en annulation et non pas un recours en réformation emportant effet dévolutif. La cour saisie de ce recours doit ainsi se placer dans les conditions existant au moment où la décision a été prise et écarter les demandes nouvelles qui n'avaient pas été formées devant le directeur général de l'INPI dans le cadre de la procédure d'opposition.

Il y a donc lieu de comparer les produits et services tels qu'envisagés dans le cadre de la procédure d'opposition devant l'INPI.

Concernant les autres produits pour lesquels la marque est contestée, à savoir :

« Savons, parfums, huiles essentielles ; cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrice ; dépilatoire ; produits de démaquillage ; rouge à lèvre ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirage) crèmes pour le cuire » : ils ont vocation à être des produits d'hygiène et d'entretien voir de cosmétique et ont donc pour fonction d'embellir et d'entretenir contrairement aux portes feuilles, sacs à main, à dos, d'écolier qui ne sont que des accessoires. Par ailleurs, pour les premiers cités, ils sont consommables alors que les seconds ne le sont pas.

« Cuir » : il s'agit d'un matériau préparé à partir de la peau d'un animal, utilisé dans l'habillement, la décoration, maroquinerie, sous un grand nombre de formes. N'étant qu'un matériel et qu'un constituant possible des produits comparés, il ne peut être considéré comme similaire.

« Parapluies et parasols ; cannes » : il s'agit d'éléments de protection contre le soleil, la pluie et permettant de faciliter la marche, ils ne présentent donc pas la même fonction, la même nature et la même destination que les produits dont il est fait comparaison. Par ailleurs, s'ils peuvent être pour certains, comme les parapluies, vendus dans les mêmes points de vente, ce seul élément ne permet pas d'établir une similarité. Dès lors, c'est justement que le directeur de l'INPI a considéré qu'ils n'étaient pas similaires.

Vêtements ; articles chaussants ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceinture (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements : la S.A.S Stokomani ne formule aucun moyen à ce titre, aucune similarité n'est donc démontrée.

Sur la comparaison des signes

En présence de produits identiques ou similaires, il n'y a risque de confusion que si se trouve établie la similitude des signes en cause sur le plan visuel, phonétique et conceptuel.

Sur le plan visuel et phonétique, les signes ont en commun quatre lettres : L, O, L, A placés dans le même ordre, créant une similarité visuelle et phonétique. Toutefois, la marque contestée, dispose de deux lettres en plus en position d'attaque S et O, produisant un son différent et modifiant ainsi la physionomie du signe. L'une des marques dispose de deux syllabes de ce fait, tandis que la seconde a trois syllabes.

Sur le plan intellectuel et conceptuel, le terme [E] renvoie à un prénom féminin. Le fait que dans la marque contestée y soit ajouté les lettres « SO » renvoie à l'adverbe anglais « tellement ».

Par ailleurs, l'élément dominant des marques est le terme [E], il s'agit d'un prénom féminin, dont il ressort par les pièces produites aux débats, que les vêtements proposés par la S.A.S Stokomani sont quasiment exclusivement féminins, de sorte qu'il est doté d'une faible distinctivité. Il est assez courant que le prêt à porter féminin utilise des prénoms féminins pour désigner leur marque ou les produits qu'ils proposent.

Contrairement à ce que soutient la requérante, c'est à juste titre que le Directeur général de l'INPI a considéré que le terme SOLOLA constitue un tout et ne laisse pas présager pour le consommateur moyen qu'il s'agisse d'une déclinaison de la marque [E].

Sur l'appréciation globale du risque de confusion

Il résulte de l'appréciation globale des deux signes que, contrairement à ce que soutient la requérante, le signe en présence est pourvu d'une faible distinctivité, donc, malgré une similarité de certains produits, le consommateur moyen ne sera pas enclin à associer le signe contesté à la marque antérieure opposée.

Le recours en annulation est dès lors rejeté.

3- Sur les demandes accessoires

La procédure de recours contre une décision du directeur général de l'INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette le recours formulé par la S.A.S Stokomani à l'encontre de la décision OP 22-3726 du 22 aout 2023 rendue par le Directeur général de l'INPI ;

Rejette la demande forméee par la S.A.S Stokomani au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l'institut national de la propriété intellectuelle.

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