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Cass. com., 17 septembre 2013, n° 12-22.329

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Espel

Cass. com. n° 12-22.329

16 septembre 2013

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 19 janvier 2006, Mme X... (la caution) s'est rendue caution solidaire envers la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Intrum Justitia France (la caisse), d'un prêt consenti à son mari, M. Y... ; que ce dernier étant défaillant, la caisse a assigné en paiement la caution, qui a recherché sa responsabilité ;

Attendu que pour rejeter son action, l'arrêt énonce que la caution était à même de mesurer l'étendue de ses engagements et de connaître la situation financière de son mari, faisant ainsi ressortir qu'elle était une caution avertie de sorte que la caisse n'était pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde ;

Attendu qu'en se déterminant par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a reçu la société Intrum Justitia France en son intervention volontaire, l'arrêt rendu le 27 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;

Condamne la société Intrum Justitia France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Mme Y... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie, aux droits de laquelle se trouve la Sas Intrum Justitia France, la somme de 15.930,88 ¿ (outre les intérêts frais et accessoires postérieurs au dernier décompte sur la somme de 15.172,55 euros), après avoir débouté la caution exposante de l'ensemble de ses prétentions tendant à voir engager la responsabilité de la banque à son égard et à la condamner au paiement de dommages et intérêts compensant le montant de sa dette ;

Aux motifs propres que Sur les demandes de Mme Laffaiteur Mme Y... entend mettre en cause la responsabilité de la banque et réclamer des dommages et intérêts devant compenser le montant de sa dette :

- Au titre d'un octroi abusif de crédit à M. Y...,
- Au titre d'un défaut d'information de la caution,
- Au titre d'un défaut de loyauté,

Et elle demande subsidiairement des délais de paiement qui ont été omis dans le dispositif du jugement déféré ;

Que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ses prétentions s'agissant des dommages et intérêts ;

Qu'en effet, M. Y... (boucher-charcutier) a obtenu en janvier 2006 le prêt (de 15.000 ¿) qu'il avait lui-même sollicité pour faire face à ses besoins de trésorerie, et il n'est pas contesté que son exercice clôturé le 30 septembre 2005 était, comme le précédent, modestement bénéficiaire (+ 746 ¿) ;

Que ce n'est que postérieurement à la réalisation du prêt que le résultat de son activité (connu le 30 septembre 2006) s'est avéré déficitaire et que M. Y... s'est trouvé en cessation des paiements ;

Que dès lors, il n'est pas du tout démontré que la banque ait accordé à M. Y... un crédit alors que la situation de celui-ci était irrémédiablement compromise ;

Qu'il n'est pas davantage établi qu'elle ait manqué à son devoir d'information à l'égard de Mme Y..., qui était à même de mesurer l'étendue de ses engagements de caution (et de connaître la situation financière de son mari) et qui a recopié intégralement la mention manuscrite obligatoire en la matière, de même que n'est pas caractérisé le défaut de loyauté de la banque alors que Mme Y... a donné son cautionnement pour un montant déterminé en connaissance de cause de sa propre situation financière ;

Aux motifs adoptés que Sur le défaut d'information de la caution Mme Y... a recopié en totalité la mention manuscrite obligatoire lors d'un engagement de caution ; qu'elle a donc pris intégralement connaissance de l'étendue de son engagement et des conséquences attachées au contrat de prêt principal ; qu'il sera utilement rappelé que Mme Y... exerce les fonctions de secrétaire de mairie et apparaît donc parfaitement apte à mesurer l'étendue de ses engagements ;

Que l'argument de Mme Y... sera donc rejeté ;

Sur le défaut de loyauté de la banque

Que Mme Y... argue de la mauvaise foi de la banque à son égard lors de la signature de son engagement de caution ; que cependant, elle ne produit aucun élément de nature à établir le défaut de loyauté qu'elle invoque ; que cet argument sera donc rejeté ;

Alors que le banquier, auquel il appartient de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde, n'est dispensé de cette obligation qu'à l'égard de la caution avertie ; que les juges du fond doivent rechercher le caractère averti ou non de la caution, laquelle ne saurait résulter de la seule qualité d'épouse de la caution de l'emprunteur principal ;

D'où il résulte qu'en se bornant à relever, pour débouter Mme Y... de son action en responsabilité contre la banque, que la caution, qui n'était pourtant pas impliquée dans le commerce de son mari, était à même de mesurer l'étendue de ses engagements du seul fait de la mention manuscrite et de sa proximité avec son mari, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'exposante était une caution avertie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

Alors qu'en outre conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu au regard du risque d'endettement né de l'engagement de la caution non avertie, le banquier doit vérifier ses capacités financières et rechercher si la charge du remboursement du prêt peut être supportée par la caution ;

D'où il suit qu'en se bornant à retenir, pour rejeter l'action en responsabilité contre la banque, que la caution s'est engagée pour un montant déterminé en connaissance de cause de sa propre situation financière, la cour d'appel, qui s'est une nouvelle fois déterminée par des motifs impropres à établir que l'établissement prêteur s'est assuré de la proportionnalité de l'engagement souscrit par la caution non avertie, au regard de ses revenus et de son patrimoine, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

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