Cass. com., 12 juillet 2017, n° 15-26.155
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mouillard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque La Hénin a consenti à la SCI Résidence Hermès (le débiteur principal), par acte notarié des 12 et 15 janvier 1990, trois crédits d'un montant total de 14 000 000 francs (2 134 286,20 euros) ayant pour objet de financer une opération immobilière, puis par acte notarié des 13 et 16 décembre 1991, un crédit complémentaire de 5 500 000 francs (838 469,60 euros) ; que ces crédits ont été garantis par le cautionnement solidaire de plusieurs associés du débiteur principal, dont M. X... ; que la Banque La Hénin a ensuite, d'une part, procédé à un apport partiel d'actifs, incluant les créances sur le débiteur principal, au profit d'une société devenue la société White SAS, laquelle a ultérieurement cédé ces créances à la société Chauray contrôle, et, d'autre part, fait l'objet d'une fusion-absorption par une société qui a elle-même fait l'objet d'une fusion avec le Crédit foncier de France ; que le 2 mars 2004, la société Chauray contrôle a délivré à M. X... un commandement aux fins de saisie immobilière en exécution de son engagement de caution souscrit dans l'acte notarié du 15 janvier 1990 ; que par jugement des 8 avril et 29 juin 2009, le débiteur principal a été mis en redressement puis liquidation judiciaires ; que le recours formé par M. X... contre l'admission de la créance de la société Chauray contrôle a été rejeté ; que celui-ci a, le 24 juin 2011 et le 23 février 2012, assigné le Crédit foncier de France, la société Chauray contrôle et la société White SAS en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution de ses engagements de caution des 15 janvier 1990 et 16 décembre 1991 ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société White SAS alors, selon le moyen :
1°/ qu'une caution est avertie lorsqu'elle peut appréhender en toute connaissance de cause la portée de ses engagements et comprendre toutes les implications financières en découlant ; qu'en relevant, pour qualifier d'averti M. X..., chirurgien-dentiste âgé de 31 ans, qu'il est associé fondateur de la SCI familiale Résidence Hermès, à hauteur de 5 parts sur les 100 existantes, la cour d'appel, qui a statué par un motif insuffisant à caractériser une caution avertie, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que, le caractère averti ou non d'une caution s'apprécie en fonction de ses seules capacités personnelles à mesurer les conséquences de ses engagements ; qu'en relevant, pour qualifier M. X... de caution avertie, la particulière implication de son père, Marcel X..., gérant majoritaire de la SCI Résidence Hermès, ainsi que de plusieurs sociétés familiales dans le montage de l'opération de promotion immobilière en cause, la cour d'appel, qui a statué par une motivation impropre à lui conférer la qualité de caution avertie, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont retenu qu'en sa qualité d'associé fondateur de la société débitrice principale, en cours de formation à la date de son engagement de caution du 15 janvier 1990, et compte tenu de la taille de la société et de sa composition familiale, le gérant étant son père et ses associés, ses parents, ses frères et sa soeur, M. X..., né en 1959 et exerçant l'activité de chirurgien dentiste depuis 1985, était informé de l'opération immobilière d'envergure sur un terrain appartenant à sa famille, disposait de tous les renseignements utiles pour apprécier l'opportunité de ce projet et avait connaissance de la portée de son engagement, de sorte qu'il était une caution avertie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. X... contre la société Chauray contrôle, l'arrêt retient que le manquement au devoir de mise en garde de la banque à l'égard de la caution se manifeste à la date de signatures des actes de caution, soit en l'espèce le 15 janvier 1990 et le 16 décembre 1991, de sorte que la prescription décennale était acquise lorsque l'action de M. X... a été introduite le 24 juin 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes de M. X... contre la société Chauray contrôle, l'arrêt rendu le 3 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause, sur sa demande, la société Crédit foncier de France dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;
Condamne la société Chauray contrôle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.