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Décisions

Cass. com., 4 novembre 2021, n° 20-14.571

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Guérin

Rapporteur :

Guerlot

Cass. com. n° 20-14.571

3 novembre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 janvier 2020), par un acte du 26 novembre 2004, la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté (la banque) a consenti à la société Besac-Café un prêt de 730 000 euros, garanti par l'engagement de caution de son gérant, M. [D], dans la limite de la somme de 31 000 euros laquelle a été portée à 51 000 euros par un acte du 11 avril 2012.

2. La société Besac-Café ayant été mise en sauvegarde puis en liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [D] qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement, la non-exécution par celle-ci de son obligation de conseil et de mise en garde et le manquement par la banque à son obligation d'information annuelle, prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir constater le manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde et de le condamner à lui payer la somme de 51 000 euros au titre de son engagement de caution, alors « que l'établissement de crédit est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution non avertie, au regard de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'engagement de caution ; que pour se voir reconnaître la qualité de caution avertie, la caution doit être en mesure de discerner et de mesurer le risque de l'endettement né de l'engagement de caution, compte tenu de ses qualités subjectives et de la complexité de l'opération, si bien qu'en se bornant à relever, pour décider que M. [D] avait la qualité de caution avertie et en déduire que banque n'était tenue d'aucune obligation de mise en garde à son égard, qu'il était gérant de société depuis dix ans, et détenteur, depuis 1999, de parts sociales au sein de plusieurs sociétés, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. [D] disposait effectivement, eu égard à son expérience, de la compétence nécessaire pour apprécier le risque d'endettement né de son engagement de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que M. [D], était gérant de sociétés depuis dix ans et qu'il avait souscrit son engagement le12 février 2015, la cour d'appel, qui, pour retenir qu'il était une caution avertie et en déduire que la banque n'était pas tenue à son égard d'une obligation de mise en garde, s'est fondée, non sur sa seule qualité de dirigeant de la société cautionnée, mais sur son expérience professionnelle et la durée de celle-ci, a légalement justifié sa décision.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [D] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à ordonner que les paiements effectués par le débiteur principal soient affectés prioritairement au règlement du principal de la dette et de le condamner à payer à la banque la somme de 51 000 euros au titre de son engagement de caution, alors « que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence ; que la cour d'appel a énoncé, pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque uniquement à compter du 1er janvier 2013, que la jurisprudence considérait que la demande tendant à voir constater la déchéance était soumise à la prescription, et ce même lorsque la demande était présentée par voie d'exception et que, dès lors, la demande de déchéance du droit aux intérêts était prescrite pour la période antérieure à janvier 2013 ; qu'en statuant ainsi quand la prétention de M. [D], fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, tendait au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre et constituait un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile et l'article L. 313-22 du code monétaire et financier :

7. Il résulte de ces textes que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle, qui tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre, constitue un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence.

8. Pour dire que la demande de M. [D] est prescrite pour la période antérieure à janvier 2013, l'arrêt retient que la demande tendant à voir constater la déchéance est soumise à la prescription et ce, même lorsque la demande est présentée par voie d'exception.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs , la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne M. [D] à payer à la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté la somme de 51 000 euros en vingt-quatre règlements mensuels de 2 125 euros, sous réserve qu'à défaut du paiement d'une seule mensualité la totalité de la dette restant due deviendra immédiatement exigible, en ce qu'il dit n'y avoir lieu à ordonner que les paiements effectués par le débiteur principal soient affectés prioritairement au règlement du principal de la dette et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 janvier 2020 par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

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