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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 5 novembre 2025, n° 24/04255

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/04255

5 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2025

(n° , 28 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/04255 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJAVV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021020128

APPELANTS

M. [D] [R]

De nationalité française

Né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 54] (91)

[Adresse 9]

[Localité 34]

M. [N] [Y]

De nationalité française

Né le [Date naissance 10] 1980 à [Localité 40] (33)

[Adresse 26]

[Localité 5]

S.A.R.L. [37] prise en la personne de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 32]

[Localité 20]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 29]

S.A.R.L. [38] prise en la personne de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 26]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de LA ROCHELLE sous le numéro [N° SIREN/SIRET 30]

Représentés par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assistés par Me Mark URBAN de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 902

INTIMÉS

M. [E] [G]

De nationalité française

Né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 55] (78)

[Adresse 11]

[Localité 28]

M. [M] [Z]

De nationalité française

Né le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 51] (75)

[Adresse 2]

[Localité 33]

M. [P] [L]

De nationalité française

Né le [Date naissance 13] 1973 à [Localité 27] (80)

[Adresse 18]

[Localité 27]

S.A.S. [45] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 15]

[Localité 21]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 25]

S.A.R.L. [48] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 23]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 17]

S.A.S. [56] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 22]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 16]

Organisme [50] représenté par sa société de gestion la S.A.S. [50] elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 24]

[Localité 19]

S.A.S. [39] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 27]

Immatriculée au RCS de AMIENS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 31]

S.A. [52] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 14]

[Localité 27]

Immatriculée au RCS de AMIENS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 12]

Organisme [50] représenté par la S.A.S. [50] elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 24]

[Localité 19]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistés par Me Pierre-Alain MARQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : A776

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère pour la présidente empêchée, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SAS [39] a été créée le 7.02.2019 et avait pour activité de développer un projet d'intelligence artificielle appliquée au domaine du commerce de détail en offrant une solution de reconnaissance des produits en rayons par l'image.

Lors de sa création son capital était détenu:

- à hauteur de 50% par la société [36],

- à hauteur de 2,5% par [37] et à hauteur de 2,5% par [38]

- à hauteur de 35% par Monsieur [G]

- et à hauteur de 10% par Monsieur [M] [Z]

étant précisé que la société [36] était détenue par moitié par les sociétés [37] et [38] et que la société [37] était la société de Monsieur [R] et [38] la société de Monsieur [Y].

Les sociétés [37] et [38] étaient respectivement désignées comme président et directeur général de la société [39].

Monsieur [G] et Monsieur [Z] étaient également désignés directeurs généraux.

Le 7.03.2019 une opération de reclassement d'une partie de la participation détenue par la société [36] dans le capital de la société [39] a été opérée à hauteur de 15% respectivement vers [37] et [38]. Cette opération a été par la suite contestée et le tribunal de commerce d'Amiens dans un jugement du 7.07.2021 a annulé l'opération de reclassement. Un arrêt confirmatif a été rendu frappé d'un pourvoi.

Une levée de fonds a été organisée courant 2019 concernant la société [39].

Suite à cette levée de fonds d'un montant d'environ 1,7 million d'euros, plusieurs investisseurs sont entrés au capital de la société [39] le 11.10.2019, et le capital a été réparti de la façon suivante:

[36] 14,16%

[37]: 12,41%

[38]: 12,41%

[E] [G]: 24,76%

[M] [Z]: 7,11%

[52]: 9,83%

[49]: 4,91%

Proximité croissance et environnement: 4,91%

[45]: 4,91%

[48]: 3,10%

[56]: 0,90%

[P] [L]: 0,58%

Les statuts ont été modifiés par l'assemblée générale extraordinaire du 11.10.2019 et les actionnaires de la société [39] ont signé un pacte d'associés le même jour.

Le 15.01.2021 le comité stratégique de la société [39] a voté la révocation de messieurs [R] et [Y] de leurs fonction au sein du comité stratégique et voté la mise à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la révocation des mandats des sociétés [37] et [38].

Le 8.02.2021, l'assemblée générale de la société [39] a révoqué les sociétés [37] et [38] de leurs mandats respectifs de Président et Directeur Général.

Les sociétés [37] et [38] et Messieurs [R] et [Y] ont contesté les décisions prises par le comité stratégique et l'assemblée générale devant le tribunal de commerce de Paris en assignant la société [39] et les actionnaires.

Reconventionnellement les défendeurs ont formé des demandes de dommages et intérêts pour fautes de gestion.

Par jugement du 18.01.2024 le tribunal a:

rejeté toutes les demandes de la SARL [37], la SARL [38], M. [D] [R], et M. [N] [Y] ;

rejeté la demande de dommages et intérêts pour fautes de gestion formée par la SAS [39], M.[E] [G], M. [M] [Z], la SA [52], le [50] représenté par sa société de gestion SAS [50], le [50] représenté par la SAS [50], la SAS [44], la SARL [48], la SAS [56] et M. [P] [L] ;

- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires

- condamné in solidum la SARL [37], la SARL [38], M. [D] [R] et M. [N] [Y] aux dépens de l'instance.

Le tribunal a également:

- rejeté la demande de rémunération des mandataires sociaux de [39], [37] et [38] entre le 1er février et le 8 février 2021 pour défaut de preuve,

- jugé que les décisions de révocation des mandataires sociaux de [39] ont été prises selon les modalités stipulées dans ses statuts; que [37], [38], Messieurs [R] et [Y] échouaient à démontrer la nullité des décisions prises,

- jugé que les décisions de révocation du président et du vice-président du Comité Stratégique ne violent pas les stipulations du pacte

- jugé qu'il y a eu violation des stipulations de la clause 14-e lors du vote de l'autorisation de révocation des mandats sociaux par le comité stratégique mais a rejeté les demandes de nullité des décisions du comité stratégique en retenant que le pacte avait fait le choix, pour tirer les conséquences d' une décision importante prise sans l'accord favorable du Comité Stratégique, d'accorder une indemnisation et non de recourir à une nullité de la décision litigieuse.

Le tribunal a reconnu, s'agissant des révocations en violation des règles de vote au sein du comité stratégique, le droit à indemnisation des mandataires sociaux mais a rejeté les demandes de Messieurs [R] et [Y] aux motifs qu'ils n'ont pas exercé leurs mandats sociaux dans la société [39] à titre personnel et que la demande d'indemnisation de la révocation des fonctions de président et de vice-président du comité stratégique ne pouvait être accueillie dans la mesure où ces fonctions n'étaient pas rémunérées.

Le tribunal a aussi rejeté le caractère abusif des révocations au sein du comité stratégique.

Enfin le tribunal saisi d'une demande de condamnation par les défendeurs des mandataires sociaux des sociétés [37] et [38] pour des fautes de gestion et a dit que les éléments fournis pour établir la preuve des fautes de gestion ne présentaient pas une force probante suffisante et a rejeté la demande d'indemnisation.

Appel a été formé par Messieurs [Y] et [R] et leurs holdings respectives.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 11.02.2025 les SARL [35] et [37] et messieurs [R] et [Y] demandent à la cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes et le confirmer en ce qu'il a rejeté les demandes des défendeurs devenus intimés pour fautes de gestion

A titre principal :

- prononcer la nullité des décisions de révocation du comité stratégique de Messieurs [N] [Y] et [D] [R] au titre leurs mandats de Président et Vice-Président du comité stratégique.

- prononcer la nullité des décisions du comité stratégique du 15 janvier 2021 autorisant la révocation des sociétés [37] et [38] au titre de leurs mandats de président et directeur général de la société et de l'assemblée générale du 8 février 2021 approuvant lesdites révocations

- prononcer la nullité de la décision de la collectivité des associés en assemblée générale du 8 février 2021 désignant Monsieur [E] [G] aux fonctions de président de la société,

- condamner les intimés in solidum à payer:

- la somme de 1662,85 euros tant à [37] qu'à [38] au titre de leur rémunération de mandataire social de [39] du 1er février au 8 février 2021, outre intérêts et anatocisme

- la somme de 5820 euros par mois tant à [37] qu'à [38] à compter du 9.02.2021 jusqu'à la date de l'arrêt, outre intérêts et anatocisme, aux fins de réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la révocation de leurs mandat social en violation des règles de majorité du pacte d'associés

- la somme de 40.000 euros à chacune des sociétés [37] et [38] outre intérêts et anatocisme, en réparation du préjudice moral au titre de la violation des règles de vote au sein du comité stratégique pour une Décision Importante prévue par l'article 14'-e du pacte d'associés ayant entrainé la révocation de leur mandat social

- la somme de 40.000 euros à chacun de Messieurs [R] et [Y] outre intérêts et anatocisme, en réparation du préjudice moral au titre de la violation des stipulations du pacte d'associés

A titre subsidiaire

- de condamner les intimés in solidum au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 5820 euros par mois du 9.02.2021 jusqu'à la date de l'arrêt à chacun de Messieurs [R] et [Y], outre intérêts et anatocisme, en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité des révocation en violation des règles de majorité du pacte dont ils ont été victime

En tout état de cause

- de condamner les intimés à payer à chacun des appelants la somme de 60.000 euros, outre intérêts et anatocisme, aux fins de réparation du préjudice subi du fait de la révocation abusive dont ils ont été victimes

- de condamner les intimés in solidum, à payer à chacune des sociétés [37] et [38] la somme de 15000 euros, outre intérêts et anatocisme, en réparation du préjudice subi du fait de la mise en jeu abusive de leur responsabilité civile dans le cadre de la demande reconventionnelle des intimés formulée en première instance dont ils ont été déboutés,

- de condamner les intimés in solidum à payer à chacun des appelants la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 20.03.2025, la société [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la société [52], le [50] représenté par sa société de gestion, la société [50], le [50], représenté par sa société de gestion, la société [50], la société [45], la société [48], la société [56], et Monsieur [P] [L] demandent à la cour de:

Vu les articles 19, 20, 30 et 31 des statuts de la société [39],

Vu l'article 14 du pacte d'associés relatif à la société [39] du 11 octobre 2019,

Vu l'article 1102 du Code civil,

Vu les articles L. 227-8, L. 225-251 et L.235-1 du Code de commerce,

- Dire et juger que les révocations des sociétés [37] et [38] de leurs mandats respectifs de Président et Directeur Général de la société [39] sont régulières ;

- Dire et juger que les révocations de Messieurs [R] et [Y] de leurs mandats respectifs de président et vice-président du comité stratégique de la société [39] sont régulières ;

- Dire et juger qu'aucun de Messieurs [R] et [Y] ni des sociétés [37] et [38] ne percevra de rémunération au titre des fonctions dont ils ont été révoqués ;

- Dire et juger que les révocations des sociétés [37] et [38] de leurs mandats respectifs de président et directeur général de la société [39] ne sont pas intervenues dans des conditions brutales ou vexatoires ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté les sociétés [37], [38], Messieurs [R] et [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant :

- Dire et juger que les conclusions d'appelants régularisées le 30 octobre 2024, puis celles du 11 février 2025, comportent des prétentions nouvelles ne figurant pas au sein des premières conclusions d'appelants régularisées le 23 mai 2024 ;

- Déclarer irrecevables les demandes de condamnation in solidum de la société [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la société [52], le [50] et le [50], représentés par leur société de gestion, la société [50], la société [45], la société [48], la société [56] et Monsieur [P] [L] au paiement de :

' 1.662,85 euros au bénéfice de la société [37] outre intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021 au titre de la rémunération de cette dernière pour la période du 1 er février 2021 au 8 février 2021 ;

' 1.662,85 euros au bénéfice de la société [38] outre intérêts au taux légal à compter du

9 février 2021 au titre de la rémunération de cette dernière pour la période du 1 er février 2021 au 8 février 2021 ;

' 5.820 euros par mois à compter du 9 février 2021 et jusqu'à la date de l'arrêt au bénéfice de

la société [37] outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt aux fins de réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la révocation de son mandat social en violation des règles de majorité du pacte d'associés ;

' 5.820 euros par mois à compter du 9 février 2021 et jusqu'à la date de l'arrêt au bénéfice de la société [38] outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt aux fins de réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la révocation de son mandat social en violation des règles de majorité du pacte d'associés ;

' 40.000 euros au bénéfice de la société [37] à titre de réparation de son préjudice moral; ' 40.000 euros au bénéfice de la société [38] à titre de réparation de son préjudice moral;

' 40.000 euros au bénéfice de Monsieur [D] [R] à titre de réparation de son préjudice moral ;

' 40.000 euros au bénéfice de Monsieur [N] [Y] à titre de réparation de son préjudice moral.

- A tout le moins, débouter les sociétés [37], [38], Messieurs [R] et [Y] de ces demandes ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société [39] de sa demande de condamner solidairement les sociétés [37] et [38] au paiement de la somme de 59.264,72 euros au profit de la société [39] à titre de dommages-intérêts pour fautes de gestion ;

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que l'application de l'article 14 (e) du pacte d'associés porte atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants de sorte qu'il devait être réputé non écrit ;

- Dire et juger que la société [39] rapporte la preuve des fautes de gestion commises par les sociétés [37] et [38] ;

- Condamner solidairement les sociétés [37] et [38] au paiement de la somme de 59.264,72 euros au profit de la société [39] à titre de dommages-intérêts pour fautes de gestion ;

En toute hypothèse,

- Condamner solidairement les sociétés [37], [38], Messieurs [R] et [Y] au paiement de la somme de 45.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les décisions du comité stratégique du 15.01.2021

Les appelants exposent qu'un pacte d'associés a été signé, qu'en application de l'article 14 e de ce pacte les règles de droits de vote et de majorité qui s'appliquent à toutes les délibérations du comité stratégique sont calculées par collège d'associés avec un nombre total de voix qui s'établit à 8 dont 4 voix dévolues au collège des fondateurs, trois voix dévolues au trois investisseurs et une voix dévolue à un autre associé Monsieur [S] qui n'a cependant pas le droit de vote pour les Décisions importantes, que s'agissant du collège des fondateurs les 4 voix votent de la même façon, que le sens du vote est adopté à la majorité simple des 4 fondateurs et qu'en cas d'égalité des voix une règle de départage est prévue s'agissant d'un calcul au prorata du nombre d'actions détenues par chacun d'eux.

Ils indiquent qu'en conséquence les voix des fondateurs pour chaque vote ne peuvent être décomptés distinctement mais constituent du fait de ces dispositions particulières 4 voix qui votent de la même façon.

Ils soutiennent que les décisions qui ont décidé de la révocation de Monsieur [R] et de Monsieur [Y] comme président et vice-président du comité stratégique ont été prises de façon irrégulière puisque le vote des fondateurs n'a pas été décompté conformément au pacte d'associés, et qu'il en est de même pour le vote de la soumission à l'assemblée générale de la révocation des sociétés [37] et [38] de leurs mandats sociaux.

Ils concluent à la nullité des décisions de révocation ainsi votées et à la nullité qui s'ensuit de la décision de l'assemblée générale de nommer Monsieur [G] aux fonctions de président en remplacement. A titre subsidiaire si la nullité des décisions de révocation n'était pas prononcée, alors que la violation du pacte était constatée, ils demandent l'indemnisation des préjudices subis s'agissant d'un préjudice matériel pour les sociétés et d'un préjudice moral pour les 4 appelants.

En réponse aux arguments des intimés ils soutiennent que les dispositions du code de commerce concernant la libre révocabilité des dirigeants n'est pas applicable aux SAS dans laquelle le principe de liberté d'organisation des statuts prime, qu'il en résulte que les statuts de la société sont libres de déterminer les modalités de révocation de ses dirigeants dont l'organe compétent en charge de procéder à la révocation du dirigeant, que cet organe peut être la collectivité des actionnaires regroupés en assemblée générale ou un autre organe de contrôle particulier, que de même cette liberté d'organisation permet aux associés d'une SAS de déterminer des règles de vote particulières, que toute décision prise en violation des statuts est irrégulière et encourt la nullité, qu'en l'espèce par la violation des règles de majorité prévues au pacte lequel est expressément visé par les statuts et alors même que ces règles s'imposent à tous, et sur le fondement de la fraude organisée par les intimés il y a lieu de prononcer la nullité des délibérations litigieuses.

Ils ajoutent que les règles relatives au contrôle des pouvoirs des mandataires sociaux prévues au pacte prévalent à celles des statuts, ces derniers y renvoyant expressément.

Ils précisent que le principe d'ordre public de libre révocabilité emportant la nullité d'une clause d'un pacte prévoyant le contraire n'est pas applicable aux SAS dont les statuts prévoient librement les modalités de la révocation.

Ils font valoir que la nullité d'une délibération sociale peut résulter de la violation des clauses statutaires si cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décisions et qu'en l'espèce les statuts renvoyant au pacte ce dernier les complète et qu'en violant le pacte ce sont les statuts qui ont été violés.

Ils exposent enfin que la nullité des décisions de révocation et nomination en remplacement est également encourue en raison de la fraude orchestrée par les deux autres fondateurs et les investisseurs sur le fondement des articles L.235-1 et L.227-9 du code de commerce, qu'en effet par des manoeuvres et de manière déloyale et dénigrantes les investisseurs et Messieurs [G] et [Z] s'inscrivent dans le cadre d'un concert frauduleux à leur encontre avec pour objectif de les exclure de la société [39].

En réponse les intimés exposent qu'il est de principe en droit des sociétés français que les dirigeants sont librement révocables, qu'il résulte de ce principe et de la jurisprudence que les clauses d'un pacte d'associés qui limitent les possibilités de révocation comme imposant par exemple l'autorisation d'un conseil d'administration pour toute décision de révocation sont interdites, qu'il résulte des statuts de la société que le principe de libre révocation du président est prévu à l'article 19.2 des statuts et celui du directeur général à l'article 20.2 et qu'il n'est fait aucune référence à l'existence d'un comité stratégique, que ce n'est que le pacte qui prévoit une autorisation préalable du comité stratégique, que cependant au regard des règles du collège des actionnaires majoritaires prévues à l'article 14 e) alinéa 3 du pacte l'application desdites règles auraient pour effet d'empêcher l'assemblée générale de la société de se prononcer librement sur la révocation des dirigeants de la société dans les conditions statutaires puisque Monsieur [R] et Monsieur [Y] votent toujours de façon identique, et donc portent atteinte à la libre révocabilité des dirigeants prévues par les statuts.

Ils soutiennent que seules les stipulations qui contreviennent à la loi sont réputées non écrites tandis que les autres demeurent applicables dès lors que la substance de la clause n'est pas affectée, que du fait de la neutralisation de l'article 14 e) alinéa 3 du pacte il a été donné une pleine application à l'article 14 f) qui prévoit que le comité stratégique statue à la majorité simple de ses membres.

Ils ajoutent qu'en application de l'article 1102 du code civil qui dispose que la liberté contactuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public, et compte tenu du fait que la libre révocabilité des dirigeants est une règle d'ordre public, le pacte doit respecter cette règle et ne peut donc ériger des clauses contrevenant aux dispositions d'ordre public.

Enfin ils soutiennent que le pacte ne peut déroger aux statuts et que les statuts étant muets sur l'existence du pacte les dispositions de celui-ci ne peuvent avoir d'effet sur les principes édictés par les statuts sur la libre révocation des dirigeants.

Ils ajoutent de plus que la violation de l'article 14 e) alinéa 3 du pacte n'est pas une cause de nullité des décisions adoptées par le comité stratégique et par l'assemblée générale de la société puisqu'aux termes de l'article L.235-1 alinéa 2 du code de commerce la nullité des délibérations ne modifiant pas les statuts ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce ou des dispositions légales qui régissent la nullité des contrats.

Ils exposent que la jurisprudence considère que le non-respect de stipulations statutaires n'est pas une cause de nullité sous réserve des cas dans lesquels une disposition impérative a été conventionnellement aménagée ou la violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision mais que ces exceptions sont strictement cantonnées aux hypothèses de violations de stipulations statutaires et ne sont pas applicables à celles concernant des stipulations extrastatutaires, que les manquements à un pacte d'associés sont sanctionnés par l'allocation de dommages et intérêts.

Ils contestent toute fraude qui suppose une volonté de contourner la loi en usant d'un artifice.

Sur ce

Sur les décisions du comité stratégique

Le pacte d'associés a instauré un comité stratégique.

La composition, les règles de vote et le périmètre d'action du comité stratégique sont définis au chapitre III.

La composition est décrite au paragraphe a).

Le comité stratégique comprend ainsi:

- en tant que représentant des associés majoritaires: Messieurs [R], [Y], [G] et [Z]

- en tant que représentant des investisseurs: un membre représentant la société [52] représentant la société [52], un membre désigné par la société [50] représentant les fonds d'investissement de [53] et [50], un membre désigné par la société [45]

- et la société [48] représentée obligatoirement par Monsieur [F] [S].

Il y a lieu de préciser que figurent en page 9 du pacte la répartition finale du capital de la société [39] après la réalisation de l'investissement et qu'est mentionné ainsi que la société [36] qui dispose de 14,16% des actions est placée sous le contrôle conjoint de la société [37] (holding patrimoniale de M. [D] [R]) titulaire de 50% des droits de vote et de la société [38] (holding patrimoniale de M. [N] [Y]) titulaire de 50% du capital et des droits de vote.

Le paragraphe b) du pacte d'associés prévoit la nomination du président et vice président du comité stratégique en indiquant: le comité stratégique est doté d'un président et d'un vice-président, choisis parmi les représentants des associés majoritaires, nommés et révoqués à la majorité simple des membres du comité stratégique présents ou représentés, en ce nécessairement inclus le vote favorable d'au moins l'un des investisseurs.

A cet égard et sans préjudice de leur révocation ultérieure de la manière convenue ci-dessus:

- le premier président désigné, pour une durée indéterminée, est Monsieur [D] [R]

- le premier vice-président désigné, pour une durée indéterminée, est Monsieur [N] [Y].

Le paragraphe e) organise, entre autres, le vote des délibérations du comité stratégique et prévoit ainsi:

chaque membre du comité stratégique dispose d'une voix étant précisé que seuls les associés majoritaires et les investisseurs disposeront d'un droit de vote sur les décisions importantes.

Les associés majoritaires sont regroupés dans un collège, au sein duquel les décisions sont adoptées à la majorité simple desdits associés majoritaires présents ou représentés. Au sein de ce collège, chaque associé majoritaire disposera d'une voix. En cas de désaccord entre les associés majoritaires (2 voix contre 2 voix) la majorité simple sera calculée au prorata du nombre des titres détenus par chacun des associés majoritaires sur le nombre de titres composant le capital de la société.

A la date de signature des présentes, au regard de la composition du comité stratégique à cette date, les droits de vote sont répartis comme suit:

le nombre total de voix s'établit à 8 à raison de:

- 4 voix dévolues au collège des associés majoritaires

- 3 voix dévolues aux investisseurs

- 1 voix dévolue à Monsieur [F] [S].

(...)

Sauf pour les décisions importantes visées au point (f) du présent article 14 qui doivent être adoptés conformément aux conditions qui y sont stipulées, les décisions du Comité Stratégique seront prises à la majorité simple des membres présents ou représentés ayant des droits de vote.

Enfin le paragraphe f intitulé 'décision importantes soumises à l'accord préalable du comité stratégique' stipule:

Les décisions suivantes relatives à la Société et/ou ses filiales le cas échant, et toute mesure conduisant en pratique aux mêmes conséquences que celle résultant de l'une de ces décisions suivantes, seront soumises à l'accord préalable du comité stratégique, statuant à la majorité simple de ses membres présents ou représentés, en ce inclus nécessairement le vote favorable des membres représentant au moins la société [52] et la société [50]:

(...)

(xvii) nomination et révocation des mandataires sociaux.

Sur le vote de la révocation de messieurs [R] et [Y] de leurs mandats de président et de vice-président du comité stratégique

Il résulte de la rédaction du pacte d'associés l'existence de règles particulières de vote en ce que les associés fondateurs majoritaires sont réunis dans un collège qui est soumis à des règles de vote particulières.

Cependant ces règles de vote sont précisées au paragraphe e) alors que la nomination et la révocation de la présidence du comité stratégique sont organisées par le paragraphe b) qui est antérieur aux règles posées par le paragraphe e) étant en outre souligné que le paragraphe b) indique de façon spécifique les règles de vote pour la désignation du président et du vice-président, c'est à dire la majorité simple des membres du comité stratégique.

Il découle donc de l'ordre des différents paragraphes comme de la stipulation dans le paragraphe b) des règles de vote spécifiques à la nomination et à la révocation du président et du vice-président dudit comité que les règles concernant le vote du collège des fondateurs ne s'appliquent pas et que le vote s'effectue à la majorité simple des membres du conseil stratégique.

En l'espèce il résulte du procès verbal de la réunion du comité stratégique du 15.01.2021 que la révocation de Monsieur [R] et de Monsieur [Y] a été votée à la majorité simple des membres, chacun des membres disposant d'une voix, sans application des règles spécifiques concernant le collège des fondateurs, ce qui constitue une application régulière du pacte d'associés.

En effet aux termes du vote de cette décision deux fondateurs, trois investisseurs et Monsieur [S] ont voté pour la révocation de messieurs [R] et [Y] et ceux-ci ont voté contre. La décision de révocation a donc été adoptée à la majorité des membres comme prévue par l'article b). Le vote n'est donc pas critiquable et la demande d'annulation du vote formulée par Messieurs [R] et [Y] est rejetée.

Le jugement est confirmé.

Sur le vote de la révocation des sociétés [37] et [38] de leurs mandats sociaux par le comité stratégique

Le vote de la révocation des dirigeants de la société par le comité stratégique constitue d'une part une décision importante à laquelle Monsieur [S] ne pouvait participer et d'autre part relève du vote en en collège des 4 fondateurs.

Or il résulte du procès-verbal de vote:

d'une part que Monsieur [S] a participé au vote

d'autre part que les votes ont été comptablisés par membre du comité stratégique sans application des règles régissant le collège des fondateurs.

Or en application de la règle de vote du collège des fondateurs qui, en cas de désaccord entre les associés majoritaires, prévoit que la majorité simple sera calculée au prorata du nombre de titres détenus par chacun des associés majoritaires sur le nombre de titres composant le capital de la société et compte tenu du fait que les associés majoritaires étaient en désaccord: 2 souhaitant voter pour la révocation et 2 souhaitant voter contre, il y avait lieu préalablement au vote du comité stratégique de calculer le vote du collège des associés majoritaires.

Dans la mesure où Messieurs [R] et [Y] étaient contre ce vote et disposaient d'une majorité simple ([36] 14,16% + [37]: 12,41%, [38]: 12,41%) de 38,98% puisque messieurs [E] [G] et [M] [Z] disposaient pour leur part de 24,76% et 7,11% des actions, soit 31,87%, le vote du collège des associés majoritaires aurait du être de 4 voix contre la révocation contre 3 voix pour la révocation.

Il résulte de ces constatations que les règles de vote ont été violées et que cette violation a modifié le résultat du vote, que le vote du comité stratégique sur la résolution de proposer à l'assemblée générale la révocation des sociétés [37] et [38] de leurs mandats sociaux aurait dû être négatif alors qu'il a été retenu un vote positif.

Le jugement est confirmé.

Sur les conséquences de cette violation des règles de vote sur la délibération du comité stratégique

Comme indiqué ci-dessus la violation des règles de vote tant s'agissant des modalités de vote du collège des associés majoritaires que de la participation de Monsieur [S] a eu pour conséquence de modifier les résultats du vote. Celui-ci aurait dû être négatif alors qu'il a été présenté comme positif.

Les appelants demandent que soit prononcée la nullité du vote intervenu.

Pour rejeter cette demande le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 14-g qui stipule que toute décision importante prise sans avoir recueilli l'accord préalable du comité stratégique, statuant dans les conditions de quorum et de majorité sus-indiqué, ouvrira alors à chaque investisseur, si bon lui semble, la faculter d'exercer son droit de rachat total dans les conditions prévues à l'article 7, pour en conclure que même si cette clause était inopérante elle démontrait que les parties n'avaient pas choisi de déclarer nulle une décision prise en violation des stipulations de la clause 14 mais de l'indemniser et qu'en l'absence d'autre clause dudit pacte ne mentionnant pas un recours à une nullité la demande de nullité n'était pas fondée.

Cependant l'article 14-g ne concernant que les investisseurs il ne peut en être fait application pour statuer sur la demande de nullité formée par les appelants à l'encontre de la délibération litigieuse. En retenant cette disposition pour rejeter la demande d'annulation de la délibération votée irrégulièrement le tribunal de commerce a fait une fausse application du pacte.

Les intimés soutiennent par ailleurs que les dispositions de l'article 14 e-alinéa 3 sont entachées de nullité et ne peuvent donc recevoir application en faisant valoir qu'elles sont contraires aux dispositions d'ordre public de libre révocabilité des dirigeants puisque limitant les possibilités de révocation.

Cependant, contrairement à ce que soutiennent les intimés l'article L.225-18 du code de commerce, qui prévoit la libre révocabilité des dirigeants, n'est pas applicable aux sociétés par actions simplifiées mais uniquement aux sociétés anonymes. De ce fait les dispositions d'un pacte d'associés qui prévoient comme en l'espèce que les décisions relatives à la nomination et à la révocation des mandataires sociaux doivent être soumises à l'accord préalable du comité stratégique ne sont donc pas contraires à la loi et de ce fait ne sont frappées d'aucune nullité justifiant que leur application soit écartée.

Aux termes de l'article L.227-9 du code de commerce les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.

Dans les sociétés ne comprenant qu'un seul associé, le rapport de gestion, les comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés sont arrêtés par le président. L'associé unique approuve les comptes, après rapport du commissaire aux comptes s'il en existe un, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice. L'associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs. Ses décisions sont répertoriées dans un registre. Lorsque l'associé unique, personne physique, assume personnellement la présidence de la société, le dépôt, dans le même délai, au registre du commerce et des sociétés de l'inventaire et des comptes annuels dûment signés vaut approbation des comptes sans que l'associé unique ait à porter au registre prévu à la phrase précédente le récépissé délivré par le greffe du tribunal de commerce.

Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

Il résulte de la jurisprudence que la nullité n'est encourue qu'en cas de violation de dispositions statutaires. Or en l'espèce la violation affecte une disposition du pacte et non des statuts.

Le fait que l'article 1 des statuts dispose qu' un pacte a été régularisé entre les associés de la société. Ce pacte d'associés complète les stipulations des présents statuts et définit notamment les règles de mutation des titres de la société et les règles relatives au contrôle des pouvoirs des mandataires sociaux, ne permet pas de considérer que le pacte a été intégré aux statuts et que ses dispositions ont valeur statutaire.

Il en résulte que la violation des dispositions de vote prévues par le pacte ne peut être sanctionnée par la nullité de la délibération du comité stratégique.

Sur la conséquence de l'irrégularité de la délibération du comité stratégique sur le vote de l'assemblée générale de la société [39]

L'article 1 des statuts stipule qu'un pacte a été régularisé entre les associés de la société. Ce pacte d'associés complète les stipulations des présents statuts et définit notamment les règles de mutation des titres de la société et les règles relatives au contrôle des pouvoirs des mandataires sociaux.

L'article 31 des statuts stipule que la collectivité des associés est seule compétente pour prendre les décisions suivantes qui sont qualifiées d'ordinaire ou d'extraordinaire selon leur nature et figurent au titre des décisions ordinaires la nomination, la rémunération et la révocation du président et des directeurs généraux.

Comme indiqué ci-dessus l'article 14 f) du pacte d'associés stipule que Les décisions suivantes relatives à la Société et/ou ses filiales le cas échant, et toute mesure conduisant en pratique aux mêmes conséquences que celle résultant de l'une de ces décisions suivantes, seront soumises à l'accord préalable du comité stratégique (souligné par la cour),statuant à la majorité simple de ses membres présents ou représentés, en ce inclus nécessairement le vote favorable des membres représentant au moins la société [52] et la société [50]:

(...)

(xvii) nomination et révocation des mandataires sociaux.

Enfin le pacte stipule en paragraphe 21: le pacte prévaut, en cas d'incertitude, sur les dispositions des statuts de la société ayant le même objet.

Il résulte des dispositions des statuts et du pacte que s'agissant de la révocation des dirigeants, celle-ci ne nécessite pas de justes motifs mais les actionnaires ont prévu cependant une condition supplémentaire qui consiste en l'accord préalable à cette révocation du comité stratégique.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés cette condition ne vient pas en contradiction avec les dispositions des statuts de libre révocabilité puisqu'elle n'impose pas au comité stratégique de justifier les motifs de la révocation, alors que les statuts prévoient une révocation sans justes motifs.

Elle ne vient pas non plus en contradiction avec le fait que cette révocation peut intervenir à tout moment, le pacte n'imposant aucune condition de délais entre la nomination et la révocation.

Elle ne vient pas enfin en contradiction avec le fait que seule la collectivité des associés est compétente pour statuer, le fait qu'il y ait un accord préalable du comité stratégique obligatoire ne privant pas la collectivité des associés de son pouvoir de révocation qu'il est seul à exercer dans la mesure où il est reconnu par la jurisprudence que l'exercice de ce pouvoir peut être assorti de conditions.

Cependant il résulte de l'article L.227-9 du code de commerce et de la jurisprudence rendue à son visa que seules les décisions prises en violation de clauses statutaires sont susceptibles d'être annulées, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

En l'espèce la violation affecte la décision prise par le comité stratégique en application du pacte d'associés mais ne concerne pas la décision de révocation prise par l'assemblée générale puisque la condition de vote préalable du comité stratégique n'est pas inscrite dans les statuts mais dans le pacte d'associé, et les statuts ne réglementent que le fait que c'est la collectivité des associés qui prend la décision de révocation.

En application de la jurisprudence, la nullité de la décision de révocation ne peut donc être encourue faute pour la violation constatée de concerner une disposition statutaire étant souligné, comme indiqué ci-dessus, que le pacte, quand bien même il en ait fait référence à l'article 1 des statuts, ne s'incorpore pas aux statuts et que la violation d'une clause du pacte ne peut donc être considérée comme la violation d'une disposition statutaire.

Sur la fraude

La fraude existe chaque fois que celui qui est soumis à une règle générale ou individuelle, utilise des moyens, actes juridiques ou faits juridiques, qui la font efficacement échapper à son emprise, mais qui se trouvent viciés parce qu'ils ont été mis en oeuvre dans l'intention d'éluder la règle applicable.

En l'espèce par le biais d'un pacte d'associés signé par tous les associés, ceux-ci ont organisé les règles de gouvernance de la société. Ces règles donnent un poids essentiel dans le processus de nomination et de révocation des dirigeants au collège des fondateurs en prévoyant 3 règles:

- la première règle est que la proposition de révocation présentée à l'assemblée générale qui seule peut voter la révocation des dirigeants est conditionnée à une décision préalable prise en ce sens par le comité stratégique

- la seconde règle est que pour les décisions importantes le collège des associés majoritaires disposent de la majorité des voix: 4 voix contre 3 voix aux investisseurs,

- enfin la troisième règle est qu'au sein de ce collège les 4 voix dévolues aux associés majoritaires doivent voter dans le même sens et que la décision de vote est prise à la majorité des 4 voix et en cas de départage sur la base de la détention capitalistique.

Ces trois règles sont parfaitement expliquées dans le pacte d'associés aux paragraphes e) et g) de l'article 14.

Elles ont pour conséquence que la révocation des dirigeants ne peut intervenir que si la majorité des associés majoritaires qui sont les fondateurs, sont d'accord pour cette révocation.

Elle a également pour conséquence que les investisseurs à eux seuls ne peuvent décider de la révocation des dirigeants et ce même en assemblée générale du fait de la nécessité d'une décision préalable du comité stratégique. Il n'est donc pas possible au regard de la rédaction du pacte d'associés pour un associé de faire mettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale une résolution de révocation des dirigeants si celle-ci n'a pas d'abord été adoptée par le comité stratégique.

Il a été constaté que le vote du comité stratégique sur la proposition de révocation est irrégulier en ce que les deux règles de vote: vote des 4 voix du collège fondateur dans le même sens et non-participation au vote de Monsieur [S] ont été violées:

- Monsieur [G] et Monsieur [Z] ont voté différemment de Messieurs [R] et [Y] alors que faisant partie du collège des associés majoritaires ils auraient dû se soumettre aux dispositions du pacte, ce qui aurait eu pour conséquence que les 4 votes du collège associés majoritaires auraient été négatifs puisque messieurs [R] et [Y] ont voté contre la résolution,

- et par ailleurs Monsieur [S] a voté.

Ces irrégularités caractérisent une fraude en ce qu'en violant les règles de vote les investisseurs et les deux associés faisant partie du collège des associés majoritaires qui étaient minoritaires dans ledit collège se sont volontairement affranchis du respect des dispositions du pacte pour contourner la règle imposant un accord préalable du comité stratégique pour révoquer les dirigeants et ont ainsi présenté un résultat de vote à l'assemblée générale contraire à ce qu'il aurait été si le pacte avait été respecté.

L'existence de cette fraude est confortée par les manoeuvres qui ont été mises en oeuvre pour empêcher Messieurs [R] et [Y] de s'opposer à ce vote irrégulier en ce que ce point n'était pas à l'ordre du jour mais a été proposé en début de séance par la représentante de [52] sans que Messieurs [R] et [Y] soient informés.

Cette absence d'information a été volontaire pour ne pas leur donner la possibilité de préparer leur défense, alors que Monsieur [S] indique que lui-même, et Messieurs [G] et [Z] ont consulté un avocat pour préparer la réunion.

Messieurs [R] et [Y] n'ont de ce fait pas pu organiser une réponse adaptée à la tentative de contournement des règles.

L'effet de surprise qui a été organisé par les votants à la révocation, et que reconnait Monsieur [S] dans le procès-verbal a ainsi participé à la fraude mise en oeuvre.

Enfin cette action était préparée par les membres du comité stratégique qui ont voté la révocation au regard des mails échangés entre les membres du comité stratégique le 14.01.2021 et en particulier Mme [X] représentante de [52] qui écrit 'Il faut revoir notre stratégie pour demain et s'apprêter à lancer les hostilités en milieu de réunion ou pas du tout.'

Le but de la fraude ainsi mise en oeuvre était d'échapper au processus de révocation des dirigeants tel que prévu par le pacte d'associés.

Certains membres du comité stratégique qui ont voté la révocation ont fait valoir après le vote dans les courriers échangés, que les SAS étaient soumises au principe de libre révocabilité des dirigeants et que la clause d'un pacte remettant en cause ce principe était nulle et réputée non écrite (courrier du 1.02.2021 de [50] et de [52]), cette argumentation étant par ailleurs reprises par les intimés dans le présent litige.

Cependant si ces investisseurs estimaient nulle et non écrite la clause imposant un vote préalable du comité stratégique sur la révocation des dirigeants il leur était loisible, alors, de saisir directement l'assemblée générale d'une résolution de révocation comme le permet l'article 27 des statuts (un ou plusieurs associés représentant au moins 10% du capital social ont la faculté de requérir à l'ordre du jour de l'assemblée de points ou de projets de résolution, et les investisseurs présents au comité stratégique représentaient plus de 10% du capital social) ou même de convoquer une assemblée générale comme l'article 26 le permet à plusieurs associés représentant ensemble plus de 10%, en écartant l'application préalable de la clause du pacte qu'ils estimaient nulle.

Or ce n'est pas la façon dont les intimés ont procédé puisqu'ils ont en réalité estimé nécessaire de justifier auprès de l'assemblée générale un vote du comité stratégique en faveur de la révocation. Ils ont manoeuvré, ainsi qu'il a été démontré, pour obtenir un vote de façon irrégulière, établissant par la même qu'ils ont eu la volonté de détourner les règles de fonctionnement de la société démontrant a contrario qu'ils en reconnaissaient l'application. Ils ne peuvent soutenir en conséquence leur bonne foi et leur erreur de droit.

En faisant application du principe que la fraude corrompt tout, il y a donc lieu sur la base de cette constatation d'un détournement de la volonté des associés telle qu'inscrite dans le pacte d'associés par un procédé illicite qui a consisté à comptabiliser des votes de façon irrégulière pour présenter faussement une résolution comme approuvée, de prononcer la nullité des délibérations litigieuses qui sont d'abord le vote par le comité stratégique de la délibération de révocation et ensuite le vote par l'assemblée générale de la révocation au regard de l'annulation du vote préalable obligatoire du comité stratégique.

La cour prononce donc l'annulation de la révocation des sociétés [37] et [38] de leur mandat de président et directeur général de la société [39] et en conséquence de la décision de nomination de Monsieur [G] au poste de président de la société [39].

Sur les demandes indemnitaires

Sur le caractère principal ou subsidiaire des demandes indemnitaires

Les appelants indiquent dans la motivation de leurs conclusions que leurs demandes indemnitaires au titre de la violation des stipulations contractuelles du pacte d'associés par les intimés sont subsidiaires, mais le dispositif de leurs conclusions ne reprend pas cette subsidiarité.

La cour étant saisie par le dispositif des conclusions est donc saisie des demandes indemnitaires.

Sur les demandes des appelants au sein de leur deuxième jeu de conclusions

Les intimés exposent que le 30.10.2024 les appelants ont régularisé de nouvelles conclusions faisant apparaitre de nouvelles prétentions qui ne figuraient pas dans leurs premières conclusions du 23.05.2024 et ce en violation des dispositions de l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile qui imposent un principe de concentration des prétentions au sein des premières conclusions.

Ils demandent en conséquence de dire irrecevable les 8 nouvelles demandes formulées dans le 2ème jeu de conclusions des appelants c'est à dire les demandes de condamnation des intimés à régler les sommes de 1662,85 euros tant à [37] qu'[38] pour la période du 1.02.2021 au 8.02.2021 au titre de leur rémunération, les demandes de paiement de la somme de 5820 euros par mois à compter du 8.02.2021 jusqu'à la date de l'arrêt tant à [37] qu'à [38] au titre du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la révocation de leur mandat social respectif, les sommes de 40.000 euros à chacun des appelants en réparation de leur préjudice moral.

Les appelants répliquent que la demande indemnitaire des sociétés [37] et [38] au titre de leur préjudice moral en raison de la violation des stipulations du pacte d'associés et la révocation abusive de leurs mandats sociaux figuraient déjà dans leurs premières conclusions, tout comme la demande de réparation de la privation non fondée de leur rémunération au titre de leurs fonctions respectives de président et de directeur général de la société [39] de sorte que leurs demandes sont parfaitement recevables sur ce point.

Sur ce

Le dispositif des premières conclusions des appelants était rédigé de la façon suivante:

DECLARER bien fondées les demandes des sociétés [37] et [38], et de Messieurs [D] [R] et [N] [Y],

Et :

A titre principal :

- PRONONCER la nullité des décisions de révocation du Comité Stratégique de Messieurs [N] [Y] et [D] [R] au titre leurs mandats de Président et Vice-Président du Comité Stratégique ;

- PRONONCER la nullité des décisions du Comité Stratégique du 15 janvier 2021 autorisant la révocation des sociétés [37] et [38] au titre de leurs mandats de Président et Directeur Général de la Société et de l'assemblée générale du 8 février 2021 approuvant lesdites révocations ;

- PRONONCER la nullité de la décision de la collectivité des associés en assemblée générale du 8 février 2021 désignant Monsieur [E] [G] aux fonctions de Président de la Société, en remplacement ;

En conséquence :

- Ordonner le rétablissement de Messieurs [N] [Y] et [D] [R] de leurs mandats de Président et Vice-Président du Comité stratégique de la Société [39] ;

- Ordonner le rétablissement de [37] et [38] de leurs mandats de Président et Directeur général de la Société [39] ;

- Désigner l'administrateur provisoire qu'il lui plaira pour une durée de 6 mois afin de s'assurer du rétablissement de Messieurs [N] [Y] et [D] [R] en leurs fonctions et des sociétés [37] et [38] en leurs fonctions, étant précisé que l'administrateur provisoire disposera de tous pouvoirs statutaires et pourra convoquer toute assemblée générale et s'avérant nécessaire à l'exercice de ses fonctions,

- Dire que la société [39] consignera la somme de 3 000 euros à valoir comme provision sur les honoraires qui seront dus à l'administrateur provisoire désigné.,

- CONDAMNER les intimés solidairement, du fait de leur violation délibérée et volontaire du Pacte, au paiement de dommages-intérêts à Monsieur [D] [R] pour un montant de 5.820 euros brut par mois du 9 février 2021 jusqu'à la date de l'arrêt et à Monsieur [N] [Y] pour un montant de 5.820 euros brut par mois du 9 février 2021 jusqu'à la date de l'arrêt aux fins de réparation du préjudice respectivement subi du fait de l'irrégularité des révocations, en violation des règles de majorité du Pacte dont ils ont été victimes.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour n'appliquerait pas la nullité au titre de l'irrégularité des révocations :

- CONDAMNER les intimés solidairement, du fait de leur violation délibérée et volontaire du Pacte, au paiement de dommages-intérêts à Monsieur [D] [R] pour un montant de 5.820 euros brut par mois du 9 février 2021 jusqu'à la date de l'arrêt et à Monsieur [N] [Y] pour un montant de 5.820 euros brut par mois du 9 février 2021 jusqu'à la date de l'arrêt aux fins de réparation du préjudice respectivement subi du fait de l'irrégularité des révocations, en violation des règles de majorité du Pacte dont ils ont été victimes ;

Et, en tout état de cause :

- CONDAMNER les intimés solidairement au paiement de dommages-intérêts pour un montant de 60.000 euros à Monsieur [D] [R], pour un montant de 60.000 euros à Monsieur [N] [Y], pour un montant de 60.000 euros à la société [37] et pour un montant de 60.000 euros à la société [38] aux fins de réparation du préjudice qu'ils ont respectivement subi du fait de la révocation abusive dont ils ont été victimes ;

- CONDAMNER les intimés solidairement au paiement de dommages-intérêts pour un montant de 15.000 euros à [37] et pour un montant de 15.000 euros à [38] aux fins de réparation du préjudice que ces sociétés ont respectivement subi du fait de la mise en jeu abusive de leur responsabilité civile dans le cadre de la demande reconventionnelle des intimés telle qu'ayant été formulée en première instance et au titre de laquelle ces derniers ont été déboutés par le Tribunal de Commerce de Paris,

- CONDAMNER les intimés solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros à chacun des appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et autoriser Maître Christophe Pachalis à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Il résulte de la comparaison entre les premières conclusions des appelants et leurs dernières conclusions que ne figurent pas dans les premières conclusions:

- la demande des sociétés [37] et [38] de se voir payer leur rémunération pour la période du 1.02.2021 au 8.02.2021

- la demande des sociétés [37] et [38] de se voir régler la somme mensuelle de 5820 euros chacune à compter de leur révocation et jusqu'au présent arrêt

- la demande de paiement d'une somme de 40.000 euros pour chacun des appelants en indemnisation du préjudice moral subi au titre de la violation des dispositions du pacte d'associés.

L'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige dispose que:

A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 911, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce les demandes d'indemnisation faites à titre principal dans les dernières conclusions, qui n'étaient pas présentées dans les premières conclusions, doivent être déclarées irrecevables, étant soulignées qu'elles ne relèvent pas des dispositions du second alinéa de l'article.

Sur la demande subsidiaire de Monsieur [R] et de Monsieur [Y] de se voir régler la somme de 5820 euros chacun à compter du 9.02.2021 et jusqu'à l'arrêt, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité des révocations, en violation des règles de majorité du pacte dont ils ont été victimes

Messieurs [R] et [Y] exposent que le pacte les définit comme les personnes clés et les sociétés [37] et [38] comme des sociétés interposées à titre dérogatoire par eux, qu'ils sont donc les véritables associés de la société [39] et les véritables dirigeants et percevaient des revenus au titre de la direction générale effective de la société qu'ils animaient, qu'ils ont donc financièrement été directement impactés par les révocations irrégulières et qu'il convient d'indemniser le préjudice subi du fait de la violation du pacte qui a entrainé leur révocation.

Les intimés exposent que Messieurs [R] et [Y] échouent à démontrer un préjudice personnel indemnisable dès lors que ce ne sont pas eux qui étaient titulaires des mandats sociaux mais bien les sociétés [37] et [38], que quand bien même ces sociétés sont leurs holding personnelles une personne physique et une personne morale sont des personnes distinctes qui ne se confondent pas, qu'en outre ils ne rapportent pas la preuve qu'ils subissent un préjudice personnel et distinct de celui de leurs sociétés.

Sur ce

Monsieur [R] et Monsieur [Y] n'étaient pas dirigeants de la société [39] puisque ce sont leurs sociétés personnelles, les sociétés [37] et [38], qui étaient dirigeantes et qui ont été révoquées.

Cependant ils sont indiqués comme étant les hommes clés de la société, au côté de Monsieur [G] (page 10 du pacte) et comme exerçant des fonctions de dirigeants de la société indirectement en tant que représentants permanents des sociétés interposées: [37] et [38] leurs holding patrimoniales.

Faisant chacun valoir qu'en tant qu'associé unique de sa holding, ils percevaient donc indirectement une partie ou la totalité de la rémunération versée à sa société par la société [39], ils demandent donc l'indemnisation du préjudice subi du fait de la révocation abusive.

Cependant il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un tiers est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.

En l'espèce Messieurs [R] et [Y] en qualité d'associés des sociétés dirigeantes sont donc des tiers vis à vis de la société [39] et des autres associés de celle-ci. Il leur appartient donc de caractériser le préjudice personnel et distinct qu'ils subissent de celui subi par leurs sociétés réciproques. Or le préjudice dont ils demandent réparation consistant en la perte de rémunération par leurs sociétés holding respectives de la rémunération qu'elles étaient l'une et l'autre en droit d'attendre ne constituent pas un préjudice qui leur était personnel, et distinct.

Il y a donc lieu de rejeter leurs demandes d'indemnisation.

Sur l'indemnisation de la révocation abusive

Les appelants demandent l'indemnisation du préjudice né de la révocation abusive des sociétés [37] et [38], et de messieurs [R] et [Y] de leurs mandats respectifs et font valoir que la révocation est abusive lorsqu'elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant ou lorsqu'elle a été décidée brutalement sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation. Ils font valoir le fait que ces révocations ont été irrégulières du fait du non-respect des règles de majorité applicable mais qu'en outre il a été fait preuve de brutalité et de non-respect caractérisé du principe du contradictoire.

Les intimés répliquent que les révocations des appelants se sont déroulées dans le respect du contradictoire sans aucune brutalité ni caractère vexatoire.

Sur ce

Sur la révocation de Messieurs [R] et [Y] de la présidence et de la vice-présidence du comité stratégique

S'agissant de Messieurs [R] et [Y] leur révocation de la présidence et de la vice-présidence du comité stratégique n'a pas été jugée irrégulière et elle n'est donc en soi abusive. La preuve n'est pas rapportée par ailleurs que cette révocation ou sa mise en oeuvre a été vexatoire.

Par contre les conditions de cette révocation n'ont pas respecté le principe du contradictoire dans la mesure où ce point n'était pas à l'ordre du jour et a été ajouté en début de réunion par l'un des membres du comité stratégique, ne permettant pas à Messieurs [R] et [Y] de préparer leur défense.

Il y a donc lieu de condamner la société [39] à leur verser la somme de 5000 euros chacun en réparation du préjudice ainsi subi.

Sur la révocation des sociétés [37] et [38] de leurs mandats sociaux

Deux arguments sont avancés par les sociétés au soutien de leur demande de dommages et intérêts: d'une part l'irrégularité des révocations qui caractérise l'abus, et d'autre part les conditions brutales de la révocation.

L'irrégularité de la révocation des sociétés [37] et [38] rapporte la preuve de leur caractère abusif et en conséquence ouvre un droit à indemnisation.

Par ailleurs si le vote de la révocation par l'assemblée générale le 8.02.2021 s'est faite suite à la convocation des associés le 15.01.2021, dont l'ordre du jour indiquait comme résolution la révocation des dirigeants sociaux, la révocation des sociétés [37] et [38] s'est en réalité décidée lors du comité stratégique du 15.01.2021 au cours duquel le processus de vote a été volontairement détourné par les associés fondateurs minoritaires dans le collège des associés majoritaires, et les investisseurs pour donner l'illusion d'un vote favorable du comité stratégique à la révocation des dirigeants sociaux.

Outre cette irrégularité de vote, il ressort de la lecture du procès-verbal de la réunion que le vote de la révocation a été proposé par la représentante de l'investisseur [52] sans que Messieurs [R] et [Y] en qualité de représentants respectifs des sociétés dirigeantes de la société [39] aient été informés préalablement à la réunion de la volonté de certains membres de voter une proposition de présenter à l'assemblée générale la révocation des dirigeants. Ceux-ci n'ont donc pas pu préparer leur défense, ce qui était voulu par les votants à la résolution irrégulière comme le reconnait Monsieur [S] dans le procès-verbal de la réunion.

Les conditions qui ont entouré le vote de la résolution de proposition à l'assemblée générale de la révocation des sociétés dirigeantes de la société [39] ont donc été brutales, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts en réparation.

Il y a dès lors lieu de condamner la société [39] à payer 40.000 euros à chacune des sociétés [37] et [38].

Les sociétés [37] et [38] demandent également la condamnation de tous les intimés.

Les manoeuvres frauduleuses ont été orchestrées par les associés qui faisaient partie du comité stratégique à savoir la société [52], le [50] [53] et le fonds d'investissement de proximité [50] représentés tous les deux par la société de gestion [50], la SAS [44], la société [48] ainsi que Messieurs [G] et [Z], associés fondateurs.

Il a été établi ci-dessus qu'ensemble ils ont organisé la fraude avant et pendant la réunion et ils ont donc engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil à l'égard des sociétés [37] et [38].

Les autres associés qui n'étaient pas membres du comité stratégique, ont voté à l'assemblée générale sur la base d'une résolution leur proposant la révocation des dirigeants sociaux, comme prévu par le pacte et n'ont commis de violation ni du pacte, ni des statuts.

En conséquence il convient de prononcer la condamnation in solidum de la société [39] avec la société [52], le [50] et le fonds d'investissement de proximité [50] représentés tous les deux par la société de gestion [50], la SAS [44], la société [48] ainsi que Messieurs [G] et [Z] au titre des sommes allouées aux sociétés [37] et [38].

Les condamnations prononcées sont assorties des intérêts aux taux légal à compter de la date de l'arrêt avec application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les fautes de gestion

Les intimés font valoir un rapport d'expertise dont les conclusions sont édifiantes s'agissant des fautes commises au titre de leur gestion par Messieurs [R] et [Y] et en particulier un manque de suivi administratif ayant entrainé des erreurs comptables, l'absence de refacturation de prestations de salariés entre les sociétés [39] et [36] au préjudice de [39], un défaut de justification des refacturations d'[36] à hauteur de 315.000 euros, des dépenses d'[36] enregistrées dans la comptabilité de [39] pour 14.000 euros et enfin une confusion dans la gestion des intérêts des sociétés [39] et [36] au profit de cette dernière, que contrairement à ce que soutiennent les appelants la Cour de cassation a posé un principe selon lequel le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise dès lors qu'il a été communiqué régulièrement donnant ainsi la possibilité d'un débat contradictoire devant le juge, et ce d'autant plus lorsque comme en l'espèce les parties qui contestent le rapport ont refusé d'y participer, que sont versées également plusieurs pièces venant corroborer les conclusions du rapport s'agissant des pièces 27, 31 et 32.

Ils exposent que les parties ont la charge de la preuve des faits qu'ils alléguent et que les appelants n'ont jamais justifié ni les fautes de gestion qui sont imputées à messieurs [G] et [Z] ni les nombreuses erreurs constatées dans la comptabilité de la société et qu'en outre les fautes reprochées à Messieurs [G] et [Z] pour autant qu'elles soient établies ne peuvent avoir pour effet d'exonérer les appelants de leur propre responsabilité.

Les appelants exposent que le cabinet d'expertise-comptable qui a établi le rapport qui leur est opposé par les intimés pour soutenir l'existence de fautes est en situation de conflit d'intérêt et n'a pas pu exercer sa mission de façon objective et sincère, que par ailleurs les règles de sélection posées entre les parties n'ont pas été respectés, qu'il ne s'agit donc ni d'un expert choisi par les deux parties, ni d'un rapport établi contradictoirement.

Ils soutiennent par ailleurs que ce rapport est partial puisqu'il n'a pas investigué sur les problèmes récurrents de justification des frais professionnels de Messieurs [G] et [Z] ni sur l'emploi de différentes personnes de la famille de Monsieur [G] non compétentes pour les postes auxquels elles ont été recrutées.

Ils concluent donc au rejet du rapport.

Ils font valoir qu'en tout état de cause les conditions de la mise en jeu de la responsabilité des sociétés [37] et [38] au titre de leurs mandats de président et directeur général ne sont pas réunies s'agissant d'une faute personnelle, d'un préjudice et d'un lien de causalité, qu'en effet les fautes reprochées ne sont pas établies, ni le préjudice.

Sur le rapport d'audit

Le rapport d'audit produit est un rapport d'expertise privé auquel les appelant n'ont pas participé. En application de la jurisprudence de la Cour de cassation, les conclusions d'un tel rapport peuvent valoir à titre de preuve si elles sont corroborées par d'autres éléments de preuve produits aux débats.

Sur les frais de déplacement

La société [39] soutient qu'une somme de 5517,96 euros a été exposée au titre des frais de déplacement de Monsieur [R] dépourvus de justificatifs et des frais de déplacement et de repas de Messieurs [R] et [Y] relatifs à [36] et non à [39].

Les appelants répliquent que tous les justificatifs ont été transmis au directeur financier.

Sur ce

Aucun élément autre que le rapport d'audit produit n'établit d'une part l'absence de justification des frais de déplacement et d'autre part le fait que des frais de déplacement et de repas de Messieurs [R] et [Y] concerneraient [36] mais auraient été réglés par la société [39].

La preuve des faits n'est donc pas établie et en conséquence l'existence d'une faute n'est pas caractérisée.

Sur la somme de 6.016,87 euros

La société [39] soutient que [36] a facturé à [39] la somme de 6016,87 euros sans aucun justificatif.

Les appelants font valoir que cette allégation est également une déclaration calomnieuse qui ne peut être contrée utilement en raison du défaut d'accès à la comptabilité.

Sur ce

Aucun élément autre que le rapport d'audit produit ne rapporte la preuve de ce fait.

En effet la somme réclamée ressort de l'annexe 12 du rapport établi qui liste le 'détail des factures problématiques'. Il en ressort que les factures sans justificatif sont une facture N°FF00000004 de 8040 euros dont sont déduites:

- une facture du 3.04.2020 inscrite au crédit intitulée Facture N°FA 00003713 Honoraires AJE AVOCAT facture 2020092 de 1800 euros

- et une facture du 8.10.2020 N°FA 00003925 intitulée REFACTURATION HONORAIRE AVOCAT AJE de 223,13 euros.

Or aucune des factures litigieuses n'est produite aux débats, étant précisé qu'elles ne sont pas annexées au rapport d'audit produit.

La preuve des faits, fondement de la faute alléguée, n'est donc pas rapportée.

L'existence d'une faute est donc écartée.

Sur la somme de 6418,13 euros

La société [39] soutient que cette somme correspond à des diligences effectuées par un conseil au profit de la société [36] mais facturées à la société [39].

Les appelants exposent que la quote-part des missions pour [36] a été réglée par celle-ci et les missions [39] ont été réglées par [39] au prestataire.

sur ce

La demande de la société [39] résulte de l'annexe 15 du rapport d'audit intitulée 'les honoraires d'avocats', qui liste les factures réglées, leur montant, la répartition qui aurait dû avoir lieu selon le rédacteur du rapport d'audit et qui fait ainsi apparaitre le montant dû par la société [36] à la somme réclamée.

Cependant, de nouveau, aucune facture n'est produite aux débats concernant les factures d'avocat qui auraient du être réglées pour partie par la société [36].

La preuve des faits au soutien de l'existence d'une faute n'est donc pas rapportée.

Sur la refacturation par [36] des boitiers de caméra pour une somme totale de 22.173,69 euros

La société [39] expose que la société [36] a refacturé à la société des boitiers de caméra pour une somme totale de 22.173,69 euros avec des prix unitaires variant de 8,48 euros à 12 euros sur une période de 6 mois mais qu'à la suite d'un devis réalisé auprès d'un autre fournisseur il s'est avéré que le prix unitaire était de 4 euros.

Les appelants exposent que le coût de 4 euros est totalement fantaisiste, que le coût de revient était de 8,90 euros pour une quantité de 500 unités, quantité qui n'a été que rarement commandée par [39], que les boitiers étaient vendus à [39] pour 9 euros, soit 10 centimes de marge, puis 12 euros pour revenir à la marge de 33% qui était la marge standart de l'entreprise [36], ce qui a entrainé une marge brute de 500 euros sur 6 mois bien inférieure à la réalité des coûts de gestion supportés par la société [36].

Sur ce

En page 12 du rapport d'audit il est indiqué que les refacturations des boitiers de caméra pour 22.000 euros montrent des prix unitaires qui varient de 9 euros au 15.06.2020 à 12 euros puis à 8,48 euros au 26.11.2020.

En réponse à un mail de Monsieur [G] en date du 14.08.2020 qui s'interroge sur l'augmentation du coût des boitiers, Monsieur [R] le même jour confirme l'augmentation du tarif de ce produit dans un souci de rentabilité de 9 à 12 euros.

Il en résulte que le prix de 9 euros n'était pas discuté en 2020.

Aucun élément ne rapporte la preuve que ce prix était disproportionné par rapport aux prix du marché en 2020.

Le devis produit pour des boitiers camera à 3,31 euros HT d'une part a été établi le 1.03.2021, soit très postérieurement à la discussion entre les associés mais surtout ne détaille pas les spécificités techniques des boitiers permettant une comparaison utile avec le prix des boitiers litigieux.

S'agissant de l'augmentation du fait de la revente entre [36] et [39], le principe même de la réalisation d'une marge du fait que la société [36] s'occupait du processus d'achat pour la société [39] n'est pas critiquable.

S'agissant du taux de marge il n'apparait pas non plus anormal.

Enfin la cour souligne qu'aucune facture de refacturation des boitiers n'est produite permettant de chiffrer le montant du préjudice à la somme de 22.173,69 euros.

En conséquence la réalité d'une surfacturation n'est pas établie et la faute alléguée est écartée.

Sur la somme de 30.174,91 euros supportée par [39] dans le cadre du salon de [Localité 46]

La société [39] expose qu'elle a pris seule en charge les frais du salon de [Localité 46] qui s'est tenu en février 2020 et qu'elle a avancé plusieurs prestations ayant bénéficié à la société [36], qu'il était prévu entre les sociétés un partage équitable des frais mais que la part devant être réglée par la société [36] ne l'a jamais été, que cette situation est d'autant plus problématique qu'après le départ de Messieurs [R] et [Y] de leurs fonctions exécutives de la société [39] celle-ci a été contactée par la [41] qui lui a demandé de rembourser le montant d'une subvention qui bénéficiait à la fois à la société [39] et à la société [36] et qui devait être affectée à des dépenses de prospection comme celui du salon de [Localité 46].

Ils ajoutent que la conclusion du contrat avec la [41] n'a pas été portée à la connaissance des co-associés ni des co-dirigeants, que les dirigeants n'ont affecté aucune quote-part des fonds mis à disposition par la [41] à la société [39] et ont en revanche fait supporter à la société des dépenses bénéficiant à la fois à la société [39] et à la société [36] dans le cadre du salon de [Localité 46].

Les appelants exposent qu'aucun élément quand à une demande de [39] à [36] sur le non-remboursement des frais n'est communiqué, qu'en outre les pièces versés au débats relèvent de deux sujets différents: la perte d'un procès en Belgique vis à vis d'un prestataire ayant assisté [39] lors du salon de [Localité 46] et le contrat [42], que s'agissant de ce contrat Messieurs [Z] et [G] ont participé dès le début aux échanges avec la [41], ont été informés de l'acceptation de cette demande de contrat et ont même demandé pour Monsieur [Z] par mail du 25.06.2020 le déblocage de la deuxième tranche de contrat, que de façon plus générale l'ensemble des parties connaissaient la composition du financement par prêts/subvention de la part de la [41] car figurant dans le pacte d'associés, que le contrat a été signé par [36] car à la date de signature la société [39] était une coquille vide, que ce contrat n'a pas eu pour vocation de couvrir les frais du salon de [Localité 46].

Sur ce

Les refacturations effectuées par la société [39] à la société [36] concernant le salon de [Localité 46] dont elle soutient avoir acquitté l'intégralité des frais figurent à l'annexe 9 du rapport d'audit intitulée 'les refacturations de [39] à [36]' avec la mention d'une facture F 1009 du 3.03.2021 (postérieure à la révocation des dirigeants) se décomposant en 'Salon [Localité 46] refacturation [35]' pour 12.904 euros et 'Salon [Localité 46] avoir non reçu' pour 28.916 euros, soit un montant de 41.820 euros et une facture F1013 du 15.03.2021 intitulé 'personne salon [Localité 46]' pour 18.060 euros.

La question de l'avoir est pour sa part traitée en annexe 13 intitulée 'explications des factures de 325 Keuros qui ont fait l'objet de 223 Keuros d'avoir': il est ainsi expliqué qu'initialement une facture de 96.000 euros a été établie le 20.12.2019, puis faute de justification de cette facture un avoir a été établi de 48.000 euros le 2.11.2020, puis une facture a été réalisée le 3.03.2021 envers [36] comprenant 28.916 euros.

Deux factures sont produites aux débats:

Une facture dont le numéro n'est pas visible, ni la date au regard de la mauvaise qualité de la copie produite par la société [39] mais qui semble postérieur au 2.02.2022 puisqu'elle fait état d'une condamnation qui semble être en date du 2.02.2022 de la société [39] par un tribunal belge pour un montant de 30.249,83 euros dont la moitié est donc refacturée à la société [36]. La facture porte ainsi sur la somme de 15.124,91 euros outre la TVA pour s'établir à 18.149,89 euros.

Une facture qui semble avoir été établie le 15.03.2021 pour la refacturation de diverses prestations avec la mention en tête de facture 'Heures: salon [Localité 46], refacturation des coûts RH Belive devant être refacturées 50/50" et qui s'établit à 15050 euros, outre la TVA, soit 18.060 euros, qui est donc la facture F1013.

La cour souligne qu'une des deux factures produites ne correspond pas à celles visées dans le rapport d'audit et que la facture visée dans le rapport d'audit F1009 n'est pas communiquée, démontrant une grande confusion dans la facturation établie et dans les pièces produites au soutien de la demande.

Mais surtout il n'est pas rapporté la preuve:

- qu'au salon de [Localité 46] les deux sociétés présentaient l'une et l'autre leur activité en partageant le stand justifiant une refacturation de la société [36] au titre de la facture F1013

- du coût pour la société [39] justifiant cette refacturation (dont on constate les modifications successives dans les sommes réclamées), d'autant plus au titre d'une condamnation par un tribunal pour non paiement des prestations d'un prestataire

- d'un accord entre les deux sociétés pour une prise en charge par moitié des coûts de ce salon.

La preuve de l'obligation de la société [36] de prendre en charge une partie des frais du salon n'est donc pas rapportée.

S'agissant du contrat signé avec la [41] le 27.02.2019, soit 20 jours après la création de la société [39], celui-ci est un contrat par lequel la [41] avance des frais de prospection aux sociétés [36] et [39]. Il est prévu un budget garanti de 286.000 euros, que la somme versée par la [41] est remboursée en fonction du chiffre d'affaires réalisé à l'export pendant les deux ans qui suivent le versement des avances de prospection et a minima à hauteur de 30% des sommes versées par la [41].

La preuve est rapportée qu'il était connu des dirigeants, puisqu'il est mentionné dans le pacte d'associés en page 7: enveloppe [43] de 1.080.000 euros sous forme de prêts et de subventions.

Aucun élément n'est produit concernant l'utilisation des avances effectués par la société [39] alors que celle-ci dispose de la comptabilité.

Le fait que la [41] ait demandé le 14.05.2021 le remboursement de la somme de 93.197,46 euros correspondant à 30% des avances versées en exécution du contrat signé ne rapporte pas la preuve que la société [36] doit des sommes à la société [39] au titre du salon de [Localité 46].

Il en résulte que la preuve des faits n'est pas établie et qu'en conséquence aucune faute n'est caractérisée.

Sur les erreurs en comptabilité et sur la déclaration de créances faite au passif de la société [36] au titre des prestations réalisées par la société [39] au profit de la société [36] pour un montant de 206.002,11 euros

La société [39] soutient que Messieurs [R] et [Y] sont à l'origine de nombreuses erreurs constatées dans la comptabilité de la société ce qu'ils ont reconnu par email du 10.12.2020 et que par ailleurs elle a effectué une déclaration à hauteur de 206.002,11 euros au passif de [36] au titre des prestations qu'elle a réalisé au bénéfice de celle-ci sans avoir été réglée.

Les appelants exposent que les sommes déclarées sont des fausses factures établies par Monsieur [Z] entre le 3 et le 15.03.2021 et ont été contestées par le liquidateur de la société [36] aux motifs qu'elles ne sont justifiées par aucune convention, ni bon de commande ni accord écrit et qu'il n'est justifié ni de la réalité des coûts évoqués, ni du bien-fondé qu'ils soient facturés à la société [35], que les factures ont été rejetées par le juge-commissaire.

Sur ce

S'agissant des factures pour la somme de 206.002,11 euros aucune facture n'est produite aux débats rapportant la preuve de l'obligation de la société [36].

La preuve des faits invoqués n'est donc pas établie.

S'agissant des erreurs de comptabilité il ressort de la pièce 11 qui est un échange de mails entre le 8.12.2020 et le 10.12.2020 entre Messieurs [R], [Y], [G], [Z], [K] (directeur administratif et financier), [A] (représentant du fonds [47]) et [S] (représentant de la société [48] faisant partie du comité stratégique) et Mesdames [X] et [W] (représentantes des investisseurs faisant partie du comité stratégique) qu'au contraire de ce que soutiennent les intimés les erreurs de comptabilité, dont il n'est pas établi que Messieurs [R] et [Y] soient à l'origine, ont été découvertes par Monsieur [R], qui après discussion en réunion du comité stratégique et après les avoir fait rectifier a fait réaliser des virements d'[36] à [39] pour les réparer.

Le fait matériel d'erreurs de comptabilité commises par Messieurs [R] et [Y] n'est donc pas établi.

La société [39] échoue ainsi, comme en première instance à rapporter la preuve de la matérialité des faits qu'elle avance au soutien de l'existence de fautes de gestion.

Le jugement est par conséquent confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts des appelants pour accusations malveillantes

Les appelants demandent la condamnation des intimés pour accusations malveillantes exposant que, ainsi qu'il a été jugé, celui qui ne démontre pas la réalité du préjudice invoqué, peut lui-même être condamné à indemniser le dirigeant si son action est malveillante et repose notamment sur des motifs inconsistants qui masquent en réalité une querelle de personnes; auquel cas elle constitue un abus de droit qui justifie une réparation en raison du discrédit subi par l'intéressé.

Ils demandent ainsi l'infirmation de la décision qui a rejeté leur demande d'indemnisation et la condamnation des intimés à verser aux sociétés [37] et [38] la somme de 15.000 euros chacune en réparation de leur préjudice moral.

Les intimés demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formulée par les sociétés [37] et [38] à l'encontre de [39] pour abus de droit.

Sur ce

En première instance le fait pour les intimés, alors défendeurs, de soutenir l'existence de fautes de gestion ne constituait pas un abus de droit quand bien même il a été retenu par le tribunal le défaut de pièces au soutien de cette demande, le rapport d'expertise privé versé aux débats ayant été jugé comme ayant une valeur probatoire faible.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts, étant souligné que la demande des appelants en appel n'est pas fondée sur l'abus du droit d'appel en ce que les intimés ont formé un appel incident devant la cour pour réclamer de nouveau des sommes au titre des fautes de gestion alléguées.

Mais l'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

La cour constate que le tribunal de commerce a relevé que l'audit réalisé avait une valeur probatoire faible.

Par ailleurs les conseils des intimés connaissent parfaitement la jurisprudence de la Cour de cassation concernant le caractère probant des rapports d'expertise privée qui pour être retenus doivent être corroborés par d'autres éléments de preuve produits aux débats.

Pour autant en cause d'appel aucune pièce supplémentaire n'a été produite pour:

les frais de déplacement

la somme de 6016,87 euros

la somme de 6418,13 euros

les factures déclarées au passif de la société [36].

Les pièces produites concernant la demande relative aux boitiers sont indigentes: aucune facture de refacturation n'a été produite aux débats, la pièce présentée comme rapportant la preuve d'une refacturation anormale est imprécise et ne concerne pas la même période de temps.

Concernant les sommes réclamées au titre du salon de [Localité 46] les factures ne sont pas produites sauf une, les pièces rapportant la preuve d'un accord de partage ne sont pas produites, les pièces concernant le prêt [41] ne sont pas de nature à pallier la carence probatoire.

Mais encore les conclusions sont contraires aux pièces produites: s'agissant de l'information des associés concernant la subvention [41], s'agissant des erreurs de comptabilité dont on constate qu'elles ont été découvertes et régularisées par celui contre auquel elles sont opposées comme démontrant l'existence d'une faute.

En demandant de nouveau à la juridiction d'appel de statuer sur des demandes au titre des fautes de gestion alléguées à l'encontre des appelants, sans tirer aucune conséquence des constatations faites par le tribunal de commerce et sans faire application de la jurisprudence connue de la Cour de cassation, et en produisant des pièces inutiles et/ou incomplètes, les intimés ont formé un appel incident abusif qui justifie qu'ils soient condamnés à une amende civile de 10.000 euros.

Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt conduit à condamner les intimés in solidum à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

- la somme de 10.000 euros à Monsieur [R]

- la somme de 10.000 euros à Monsieur [Y]

- la somme de 10.000 euros à la société [37]

- la somme de 10.000 euros à la société [38].

Les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge des intimés, sous réserve des dépens de la réouverture des débats qui seront examinés par la cour d'appel dans l'arrêt qu'elle rendra alors.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18.01.2024 sauf en ce qu'il a:

- rejeté la demande des sociétés [37] et [38] et de Messieurs [R] et [Y] de voir dire nul et de nul effet la révocation des Messieurs [R] et [Y] de leurs mandats de président et vice-président du comité stratégique de la société [39]

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour fautes de gestion formée par la SAS [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la SA [52], le [50] représenté par sa société de gestion SAS [50], le [50] représenté par la SAS [50], la SAS [44], la SARL [48] , la SAS [56] et Monsieur [P] [L]

- a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive des sociétés [37] et [38] et de messieurs [R] et [Y],

et statuant à nouveau

Déclare irrecevable:

- la demande des sociétés [37] et [38] de se voir payer leur rémunération pour la période du 1.02.2021 au 8.02.2021

- la demande des sociétés [37] et [38] de se voir régler la somme de 5820 euros chacune à compter de leur révocation et jusqu'au présent arrêt

- la demande de paiement d'une somme de 40.000 euros pour chacun des appelants au titre du préjudice moral subi au titre de la violation des dispositions du pacte d'associés.

Prononce sur le fondement de la fraude, l'annulation de la révocation des sociétés [37] et [38] de leur mandat de président et directeur général de la société [39] et en conséquence de la décision de nomination de Monsieur [G] au poste de président de la société [39] par l'assemblée générale de la société [39] du 8.02.2021

Condamne la société [39] à payer à Monsieur [R] et à Monsieur [Y], chacun, la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts

Condamne in solidum la société [39], Monsieur [G], Monsieur [Z], la société [52], le [50] et le fonds d'investissement de proximité [50] représentés tous les deux par la société de gestion [50], la SAS [44], la société [48] représentée par Monsieur [S], à payer:

- à la société [37] la somme de 40.000 euros au titre du caractère abusif de sa révocation

- à la société [38] la somme de 40.000 euros au titre du caractère abusif de sa révocation

Rejette la demande de Monsieur [R] et Monsieur [Y] en indemnisation du préjudice subi du fait de la révocation irrégulière de leurs sociétés holding personnelles respectives de leur mandat social

Condamne in solidum la SAS [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la SA [52], le [50] représenté par sa société de gestion SAS [50], le [50] représenté par la SAS [50], la SAS [44], la SARL [48], la SAS [56] et Monsieur [P] [L] à une amende civile de 10.000 euros

Condamne in solidum la SAS [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la SA [52], le [50] représenté par sa société de gestion SAS [50], le [50] représenté par la SAS [50], la SAS [44], la SARL [48], la SAS [56] et Monsieur [P] [L] à payer:

- la somme de 10.000 euros à Monsieur [R]

- la somme de 10.000 euros à Monsieur [Y]

- la somme de 10.000 euros à la société [37]

- la somme de 10.000 euros à la société [38].

Condamne in solidum la SAS [39], Monsieur [E] [G], Monsieur [M] [Z], la SA [52], le [50] représenté par sa société de gestion SAS [50], le [50] représenté par la SAS [50], la SAS [44], la SARL [48], la SAS [56] et Monsieur [P] [L] aux dépens de première instance et d'appel, sauf s'agissant des dépens liés à la réouverture des débats sur lesquels la cour statuera lors de la réouverture des débats.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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