Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-25.775
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mouillard
Donne acte à M. X...du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., M. Z..., la société Générale d'investissements et de participations et la société Mutuelles du Mans assurances IARD ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte notarié du 15 octobre 1992, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique (la Caisse) a accordé à la société Générale d'investissements et de participations (la société GIP) deux prêts d'un montant, respectivement, de 37 000 000 francs et 5 900 000 francs, destinés à l'acquisition des actions de la société Hôtelière de la verdure (la société HDV) et au financement des travaux de construction d'un ensemble immobilier en vue de sa commercialisation, assortis de diverses garanties ; que par un acte authentique des 28 juin et 14 septembre 1993, des modifications ont été apportées à l'acte précité, et que M. X... et M. Y... se sont rendus cautions de ces prêts ; que la débitrice principale s'étant montrée défaillante, la Caisse a assigné les cautions en paiement ;
Attendu que pour condamner M. X..., solidairement avec la société GIP et M. Y..., au paiement de la somme de 26 867 629, 66 euros, au titre des prêts, l'arrêt retient que M. Y... et M. X... étaient tous deux associés dans la société GIP et titulaires de la majorité des actions de la société, M. Y... étant au surplus le dirigeant de la société lors de la signature des actes de prêt et de cautionnement ; qu'il en déduit qu'il est évident que les deux cautions étaient particulièrement avisées de la situation financière de la société GIP, voire de la société HDV ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, ce qu'elle ne pouvait déduire de la seule qualité d'associé de la société débitrice de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X..., solidairement avec la société Générale d'investissements et de participations et M. Y..., à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique la somme de 26 867 629, 66 euros arrêtée au 30 novembre 2009, outre intérêts échus et à échoir à compter de cette date au titre des prêts authentiques de 37 000 000 francs et 5 900 000 francs, et ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, l'arrêt rendu le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. Georges X..., solidairement avec la société générale d'investissements et de participations et M. Guy Y..., au paiement de la somme de 26 867 629, 66 euros arrêtée au 30 novembre 2009, outre intérêts échus et à échoir à compter de cette date au titre des prêts authentiques de 37 000 000 francs et 5 900 000 souscrits auprès de la CRCAM et d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la responsabilité de la CRCAM, il est certain que les règles protectrices des consommateurs et en particulier des cautions n'étaient pas entrées en vigueur lors de la souscription des engagements conventionnels en cause ; que de plus, M. Y... et M. X... étaient tous deux associés dans la SA GIP et titulaires de la majorité des actions de la société ; que M. Y... était au surplus le dirigeant de la société lors de la signature des actes de prêt et de cautionnement ; qu'il est évident que les deux cautions étaient particulièrement avisées de la situation financière de la SA GIP, voire de la société HDV ; qu'elles ne peuvent dès lors soutenir que la CRCAM était tenue à leur égard à une obligation de mise en garde quant au risque d'endettement généré par l'engagement de caution (arrêt attaqué, p. 6, § 4 à p. 8, § 3) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE M. X... ne pouvait ignorer la situation de la société GIP, en sa qualité d'associé et il ne peut être reproché un défaut d'information sur la situation de cette dernière par la banque (jugement entrepris, p. 6, § 1 à 10) ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE l'établissement fournisseur de crédit n'est dispensé de son obligation de mise en garde que s'il établit que la caution était une caution avertie ; qu'en tenant pour « évident » que M. X... était particulièrement « avisé » de la situation de la société qu'il avait cautionnée pour en déduire que la CRCAM n'était tenue d'aucune obligation de mise en garde à son égard, la cour d'appel, qui n'a pas constaté le caractère averti de M. X..., n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE en toute hypothèse, la personne physique qui cautionne les engagements d'une société dont elle est seulement associée et au sein de laquelle elle n'exerce aucune fonction de direction, n'est pas une caution avertie de sorte que l'établissement de crédit est tenue à son égard d'une obligation de mise en garde, à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'à supposer même, qu'en énonçant que M. X... était avisé de la situation de l'emprunteuse, l'arrêt ait entendu qualifier celui-ci de caution avertie, il reste qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés du seul fait que M. X... était associé de la société cautionnée et titulaire, avec M. Y..., de la majorité des actions, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°) ALORS ENFIN QUE, en toute hypothèse, l'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale est tenu, au plus tard, avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ; que dans ses conclusions signifiées le 12 septembre 2012 (p. 19 in fine) M. X... demandait, au visa de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, à être déchargé de la totalité des intérêts dus au titre des prêts de 37 MKF et de 5, 9 MKF qu'il avait cautionnés ; qu'en condamnant celui-ci au paiement de la somme de 26 867 629, 66 euros arrêtée au 30 novembre 2009 augmentée des intérêts échus et à échoir à compter de cette date au titre des prêts litigieux, sans constater au préalable que la CRCAM justifiait avoir respecté son obligation d'information annuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé