Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-15.807
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mollard
Rapporteur :
Guerlot
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 23 octobre 2019) et les productions, la Société générale (la banque) a ouvert un compte professionnel à la société Concept tradition bois (la société) et lui a consenti plusieurs prêts. M. [S] s'est rendu caution, avec le consentement exprès de son épouse, des engagements de la société à l'égard de la banque. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. et Mme [S] pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer certaines sommes.
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement, en qualité de cautions, à payer à la banque certaines sommes, alors « que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ; que ce consentement exprès a donc pour seul effet d'étendre l'assiette du gage du créancier aux biens communs, sans rendre l'époux qui l'a donné partie au contrat de cautionnement ; que, dès lors, en condamnant Mme [S], en qualité de caution, solidairement avec son époux, au paiement des sommes cautionnées, sur le seul fondement du consentement exprès donné au cautionnement consenti par son époux, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1415 du code civil :
4. Aux termes de ce texte, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. En donnant son consentement, le conjoint, qui ne contracte aucun engagement personnel, ne se porte ni caution ni emprunteur.
5. Pour condamner solidairement Mme [S] à payer certaines sommes à la banque, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résultait des actes de cautionnement qu'elle avait donné son consentement exprès au cautionnement souscrit par son époux, retient l'existence d'une solidarité entre eux.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Mme [S] ne s'étant pas portée caution, la demande en paiement de la banque doit être rejetée en tant qu'elle est formée contre elle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne Mme [S] à payer à la Société générale la somme de 13 457,01 euros, outre les intérêts de retard au taux conventionnel à compter du 1er avril 2014, la somme de 46 891,64 euros, outre les intérêts de retard au taux conventionnel à compter du 1er avril 2014 et la somme de 75 816,66 euros, outre les intérêts au taux conventionnel, ainsi qu'en ce qu'il la condamne au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia.
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE la Société générale de sa demande en paiement à l'encontre de Mme [S] ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.