Cass. 1re civ., 9 mars 2022, n° 20-22.637
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Chauvin
Rapporteur :
Robin-Raschel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 octobre 2020), le 6 mai 2011, la Caisse de crédit mutuel Strasbourg Saint-Jean (la banque) a consenti à la société Bady II (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Par acte du 5 février 2011, M. [R] (la caution) s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt. A la suite de la défaillance de l'emprunteur, après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt, la banque a mis en demeure la caution de lui régler la somme due en exécution de la garantie, puis l'a assignée en paiement. Celle-ci a invoqué la disproportion de son engagement et le manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caution fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité fondée sur la faute de la banque et de la condamner à payer à cette dernière la somme de 152 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti à l'emprunteur, alors « que lorsqu'elle est poursuivie en paiement par le créancier, la caution qui demande à être déchargée de son obligation en raison de la faute commise par celui ci à son encontre, sans prétendre obtenir un avantage autre que le simple rejet, total ou partiel, de la prétention de son adversaire, peut procéder par voie de défense au fond ; que les défenses au fond échappent à la prescription ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à l'action en paiement de la caisse de la banque, la caution soutenait qu'elle avait manqué à son devoir de mise en garde quant au risque d'endettement lié à la défaillance prévisible de l'emprunteur ; qu'il demandait en conséquence le rejet de la demande en paiement formée par la Caisse de crédit mutuel à son encontre, sans solliciter la condamnation de cette dernière au versement de dommage intérêts ; qu'en retenant que cette action en responsabilité" était prescrite faute d'avoir été introduite avant l'expiration du délai de prescription quinquennale qui courrait à compter du contrat de cautionnement du 6 mai 2011, la cour d'appel a violé l'article 71 du code de procédure civile, ensemble l'article 2219 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile :
4. Selon le premier texte, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
5. Pour accueillir la demande de la banque, l'arrêt retient que l'action introduite par la caution en responsabilité fondée sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde est prescrite pour avoir été engagée plus de cinq années après la date du cautionnement.
6. En statuant ainsi, alors que la caution ne demandait que le rejet de la demande en paiement formée à son encontre, à l'exclusion de tout autre avantage, de sorte qu'elle soulevait un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la Caisse de crédit mutuel Strasbourg Saint-Jean aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse de crédit mutuel Strasbourg Saint-Jean et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. [R] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.