Cass. com., 25 janvier 2023, n° 21-20.617
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Vigneau
Rapporteur :
Graff-Daudret
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 avril 2021), par un acte du 23 septembre 2010, la société Banque populaire du Sud (la banque) a consenti à la société civile immobilière MC un prêt, garanti par le cautionnement de M. [U].
2. La société MC ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnisation du préjudice subi par M. [U] au montant de la somme restant due, telle que réclamée à son encontre, et, en conséquence, d'ordonner la compensation des créances respectives de la banque et de M. [U], alors « que le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de la caution consiste en une perte de chance de ne pas contracter dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue mais ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en énonçant, pour fixer l'indemnisation du préjudice subi par M. [U] au montant de la somme restant due, telle que réclamée à son encontre par la banque, que la perte de chance était égale au montant des sommes restant dues de telle sorte que cette dernière devait indemniser M. [U] à hauteur des sommes qu'elle réclamait, 84 205,07 euros, et que compensation sera opérée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
5. Il résulte de ce texte et de ce principe que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
6. Pour fixer le montant des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi par M. [U] en raison du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de la caution, au montant restant dû à la banque au titre du prêt cautionné et ordonner la compensation des créances respectives, l'arrêt retient que si la réparation des préjudices subis par M. [U] ne peut être égale au montant des concours consentis, la perte de chance de ne pas contracter ne pouvant être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, elle est, en l'espèce, égale au montant des sommes restant dues, de sorte que la banque doit l'indemniser à hauteur des sommes qu'elle réclame.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a alloué à la caution la totalité de l'avantage que lui aurait procuré la chance de ne pas s'engager si elle s'était réalisée, a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnisation du préjudice subi par M. [U] au montant de la somme restant due, telle que réclamée à son encontre par la société Banque populaire du Sud, et ordonne la compensation des créances respectives de la banque et de M. [U], l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à la société Banque populaire du Sud la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.