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Décisions

Cass. com., 6 juillet 2022, n° 21-15.961

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mollard

Rapporteur :

Graff-Daudret

Cass. com. n° 21-15.961

5 juillet 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 janvier 2021), par un acte du 16 août 2010, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société FM cuisines et bains (la société) un prêt, garanti par le cautionnement de M. [S] dans la limite de la somme de 239 200 euros.

2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé un manquement à son obligation de mise en garde.

3. La cour d'appel a retenu ce manquement et condamné la banque à payer à la caution la somme de 23 920 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [S] la somme de 23 920 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde, alors « que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal ; qu'il suit de là que, dans le cas où la caution est reconnue victime de la perte d'une chance de ne pas souscrire son engagement, le préjudice résultant de cette perte de chance ne saurait avoir une assiette supérieure à ce qui est dû par le débiteur principal au jour de la mise en oeuvre du cautionnement ; qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'au jour de la mise en oeuvre du cautionnement souscrit par M. [S], la dette de la société FM cuisines et bains au titre du prêt garanti s'élevait à la somme principale de 46 819,93 euros, avec intérêts au
taux de 5,80 % à compter du 11 janvier 2016 et outre une clause pénale réduite à 100 euros ; que la cour d'appel, après avoir fixé à 10 % la perte de chance de ne pas contracter subie par la caution du fait d'un manquement de la banque à l'obligation de mise en garde, n'a toutefois pas appliqué ce taux à la somme susdite de 46 819,93 euros augmentée des intérêts et de la clause pénale, mais à la somme de 239 200 euros à hauteur de laquelle la caution s'était engagée ; qu'en retenant ainsi une assiette supérieure à ce qui restait dû par la débitrice principale, pour calculer le montant du préjudice de perte de chance subi par la caution, la cour d'appel a violé les articles 1147, devenu 1231-1, 2288 et 2290 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

6. Pour fixer le montant des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice subi par M. [S], en raison du manquement de la banque à son obligation de mise en garde de la caution, à la somme de 23 920 euros, l'arrêt retient que la perte de chance de ne pas souscrire le cautionnement litigieux peut être raisonnablement estimée à 10 %.

7. En statuant ainsi, en fixant le montant des dommages-intérêts dus par la banque à 10 % de la somme de 239 200 euros à hauteur de laquelle la caution s'était engagée, et non à 10 % du montant au paiement duquel la caution était condamnée au titre de son engagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Le Crédit lyonnais à payer à M. [S] la somme de 23 920 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à la société Le Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

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