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Décisions

Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-19.654

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mollard

Rapporteur :

Fevre

Cass. com. n° 20-19.654

20 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2020), la société Banque populaire d'Alsace, aux droit de laquelle vient la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), a consenti à la société Académie du feu deux ouvertures de compte courant.

2. Par trois actes des 15 septembre 2012, 4 janvier 2013 et 20 février 2013, M. [X] s'est rendu caution solidaire envers la banque de l'ensemble des engagements de la société Académie du feu, dont il est le gérant, à concurrence, respectivement, de la somme de 130 000 euros et des sommes supplémentaires de 65 000 euros et 91 000 euros.

3. Après avoir notifié à la société Académie du feu, la rupture de ses concours à l'issue d'un délai de soixante jours, la banque l'a assignée en paiement, ainsi que la caution.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les condamnations solidaires de M. [X] et de la société Académie du feu seront assorties des intérêts aux taux conventionnels jusqu'au 16 mars 2015, de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour la période débutant le 17 mars 2015 et de dire que les sommes objet des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, alors « que la cour d'appel a prononcé la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels en application des articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation en relevant qu'il n'était pas justifié que les lettres d'information datées de 2016 à 2019, produites aux débats, aient été adressées à M. [X] dans le délai requis par ces textes ; que M. [X] ne contestait nullement que ces courriers, dont il produisait lui-même les exemplaires originaux datés des mois de janvier 2017, 2019 et 2020, lui avaient été adressés dans le délai légal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque à partir du 17 mars 2015, l'arrêt retient que, si les lettres d'information annuelle des années 2017 à 2019 adressées par l'établissement de crédit à M. [X] sont versées en original par la caution elle-même et celle de l'année 2016 est produite en copie par la banque, il n'est pas justifié de l'envoi de ces courriers dans le délai prévu par l'article L. 341-6 du code de la consommation.

8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, M. [X] ne contestait que le contenu des lettres d'information, sans remettre en cause leur réception avant le 31 mars de chaque année, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

9. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en infligeant à la banque la déchéance du droit aux intérêts à partir du 17 mars 2015, sans se prononcer sur le point de savoir si elle avait ou non exécuté son obligation d'information au titre de l'année 2019 par un courrier adressé à la caution avant le 31 mars 2020, et qui était produit aux débats en original par celle-ci, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. La société Académie du feu et M. [X] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la banque n'ayant formulé aucun moyen pour critiquer la demande subsidiaire de M. [X] tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l'article L. 341-6 du code de la consommation, la critique est nouvelle et, mélangé de fait et de droit, elle est irrecevable.

11. Cependant, le moyen, qui invoque un vice de motivation de l'arrêt, est né de la décision attaquée.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

14. Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à compter du 17 mars 2015, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la banque a exécuté son obligation d'information annuelle au titre des années 2015 à 2018.

15. En statuant ainsi, sans vérifier si la banque avait ou non exécuté son obligation d'information à l'égard de la caution au titre de l'année 2019 en lui adressant un courrier avant le 31 mars 2020, alors que la caution produisait un courrier daté du 14 janvier 2020 qu'elle qualifiait de « notification annuelle à la caution, M. [X] », la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

16. La banque fait encore le même grief à l'arrêt, alors « qu'à défaut d'exécution de son obligation d'information annuelle de la caution, la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, mais seulement dans ses rapports avec la caution ; qu'en décidant qu'en raison de la violation de l'obligation d'information annuelle, les condamnations prononcées à l'encontre de la société débitrice et de la caution seraient assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, la cour d'appel, qui a étendu à la débitrice le bénéfice de la déchéance prononcée contre la banque, a violé les articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 et le second dans sa version issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

17. La société Académie du feu et M. [X] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le prononcé sur des choses non demandées ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation, mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue à l'article 464 du code de procédure civile.

18. Cependant, le décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 ayant supprimé, à l'article 616 du code de procédure civile, la référence à l'article 464 du même code, le prononcé sur des choses non demandées constitue un cas d'ouverture à cassation.

19. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 341-6 du code de la consommation, alors applicable, L. 333-2 et L. 343-6 du même code et l'article L. 313-22 du code monétaire et financier :

20. Selon les trois premiers de ces textes, lorsque le créancier professionnel ne fait pas connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

21. Selon le dernier de ces textes, lorsqu'un établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, ne fait pas connaître à la caution au plus tard avant le 31 mars de chaque année le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement, il est déchu, dans ses rapports avec la caution, des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

22. Pour dire que les condamnations solidaires prononcées à l'encontre de la société Académie du feu et M. [X] porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, l'arrêt retient que la banque est déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter de cette date en application de l'article L. 341-6 du code de la consommation.

23. En statuant ainsi, alors que la déchéance du droit aux intérêts contractuels encourue par la banque en cas de défaut d'exécution de son obligation d'information annuelle à l'égard de la caution ne s'applique pas dans les rapports entre la banque et le débiteur principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement entrepris, il prononce la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour la période débutant le 17 mars 2015 et dit que les condamnations solidaires prononcées contre la société Académie du feu et M. [X] porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, l'arrêt rendu le 1er juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Académie du feu et M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Académie du feu et M. [X] et les condamne à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

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