Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-17.659
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Favre
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 28 mars 1990 la société BNP devenue BNP Paribas (la banque) a consenti à la société nouvelle d'impression de promotion et de publicité (la société) un prêt, M. X... se rendant caution solidaire de la société et M. et Mme X... affectant hypothécairement leur maison d'habitation en garantie de ce prêt ; que le 7 avril 2008, la banque a fait délivrer à M. et Mme X... un commandement de payer valant saisie immobilière puis les a assignés à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution ; que ces derniers ont invoqué la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d'accomplissement de l'obligation d'information annuelle de la caution ;
Sur le moyen unique en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la contestation de Mme X... concernant la créance et ses demandes tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts et pénalités pour le prêteur et l'absence de créance liquide, et d'avoir constaté que la banque a déclaré sa créance au titre de l'acte notarié du 28 mars 1990 à concurrence de 356 173, 41 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007, alors, selon le moyen :
1°/ que l'acte de prêt du 28 mars 1990 prévoyait expressément, avant l'article 16 intitulé " Caution hypothécaire ", un article 15, intitulé " Caution solidaire " aux termes duquel M. X..., époux séparé de biens de Mme Z..., sus-nommée en tête des présentes, lequel déclare se constituer caution solidaire avec l'emprunteur envers la banque, avec renonciation aux bénéfices de division et de discussion, du remboursement dans les mêmes conditions d'exigibilité normale ou anticipée du crédit, objet de la présente convention, en principal, intérêts et accessoires ; que, pour écarter l'application des articles L. 313-22 du code monétaire et financier et 47 II de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, la cour d'appel a estimé qu'en affectant ce bien pour garantir les dettes de la société, les époux X... ont consenti exclusivement une sûreté réelle limitée au bien hypothéqué, n'impliquant aucun engagement personnel, et non un cautionnement ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 15 précité prévoyait expressément un cautionnement solidaire distinct du cautionnement hypothécaire, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 28 mars 1990, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'un engagement de garantir la dette d'autrui sur l'ensemble de ses biens, et de constituer, à titre d'accessoire de cet engagement, une hypothèque, constitue à la fois un engagement personnel et un engagement réel accessoire ; qu'il s'en suit, aux termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, que l'établissement de crédit ayant consenti un concours financier sous la condition d'une telle sûreté, est tenu au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement, et, si l'engagement est à durée indéterminée, de rappeler la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée ; que l'établissement de crédit qui omet de respecter ces formalités est déchu de son droit aux intérêts à l'encontre de la caution ; que, l'accessoire suivant le principal, l'établissement de crédit déchu de son droit aux intérêts au titre du cautionnement ne peut pas plus le faire valoir au titre de la sûreté réelle accessoire audit cautionnement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé que les époux X... s'étaient engagés, par acte du 28 mars 1990, en tant que cautions solidaires et hypothécaires, et que l'hypothèque avait pour finalité la bonne exécution du cautionnement du code monétaire et financier, la cour d'appel a relevé que la banque n'avait poursuivi les époux X... qu'au seul titre de la garantie hypothécaire ; qu'en statuant ainsi, alors que la banque était tenue, dès la conclusion de l'acte du 28 mars 1990, de procéder à l'information annuelle prévue par le texte précité, et que, ayant manqué à cette obligation, elle était déchue de son droit aux intérêts tant au titre du cautionnement qu'au titre de la sûreté réelle qui en était l'accessoire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ensemble le principe accessorium sequitur principale ;
3°/ qu'un engagement de garantir la dette d'autrui sur l'ensemble de ses biens, et de constituer, à titre d'accessoire de cet engagement, une hypothèque, constitue à la fois un engagement personnel et un engagement réel accessoire ; qu'il s'en suit, aux termes de l'article 47 II de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, que l'établissement de crédit ayant consenti un concours financier sous la condition d'une telle sûreté, est tenu d'informer le garant de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ; que l'établissement de crédit qui omet de respecter ces formalités est déchu de son droit aux intérêts à l'encontre de la caution ; que, l'accessoire suivant le principal, l'établissement de crédit déchu de son droit aux intérêts au titre du cautionnement ne peut pas plus le faire valoir au titre de la sûreté réelle accessoire audit cautionnement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé que les époux X... s'étaient engagés, par acte du 28 mars 1990, en tant que cautions solidaires et hypothécaires, et que l'hypothèque avait pour finalité la bonne exécution du cautionnement (p. 5, § 5) ; que pour écarter néanmoins l'application de l'article 47 II de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, la cour d'appel a relevé que la banque n'avait poursuivi les époux X... qu'au seul titre de la garantie hypothécaire ; qu'en statuant ainsi, alors que la banque était tenue, du simple fait de la conclusion de l'acte du 28 mars 1990, de procéder à l'information du garant dès la première défaillance du débiteur, et que, ayant manqué à cette obligation, elle était déchue de son droit aux intérêts tant au titre du cautionnement qu'au titre de la sûreté réelle qui en était l'accessoire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 47 II de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, ensemble le principe accessorium sequitur principale ;
4°/ qu'aux termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, l'établissement de crédit ayant consenti un concours financier sous la condition d'un cautionnement, est tenu au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement, et, si l'engagement est à durée indéterminée, de rappeler la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée ; que l'établissement de crédit qui omet de respecter ces formalités est déchu de son droit aux intérêts à l'encontre de la caution ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la banque n'avait informé les époux X... qu'à partir de 2000, mais a estimé qu'il ne pouvait être reproché à la banque de ne pas avoir informé les époux X... de 1990 à 2000 d'autant que les décomptes envoyés à partir de 2000 faisaient apparaître les montants dus depuis l'origine ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il en résultait que la banque était déchue de son droit aux intérêts pour la période de 1990 à 2000, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que M. X... s'est rendu caution solidaire du prêt et que lui-même et son épouse ont affecté hypothécairement en remboursement du prêt, une propriété située ..., ce dont il résulte que Mme X... n'avait souscrit qu'une sûreté réelle ; qu'en l'état de ces constatations la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des pièces de procédure que Mme X... avait soutenu que la banque était tenue, du simple fait de la conclusion de l'acte du 28 mars 1990, de procéder à l'information du garant dès la première défaillance du débiteur, et que, ayant manqué à cette obligation, elle était déchue de son droit aux intérêts tant au titre du cautionnement qu'au titre de la sûreté réelle qui en était l'accessoire ; que le moyen est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit, que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le même moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il est invoqué par M. X... :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour écarter la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d'accomplissement de l'obligation d'information annuelle de la caution, dont se prévaut M. X..., l'arrêt retient qu'en affectant le bien pour garantir les dettes de la société, il a consenti exclusivement une sûreté réelle limitée au bien hypothéqué, n'impliquant aucun engagement personnel, et non un cautionnement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acte du 28 juin 1990 contenait, outre la constitution d'une sûreté réelle, un engagement personnel de M. X..., lequel se constituait caution solidaire de la société envers la banque, la cour d'appel a dénaturé la convention des parties et violé le texte susvisé ;
Et sur ce moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il est invoqué par M. X... :
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour écarter l'application du texte susvisé, l'arrêt retient que la banque n'avait poursuivi M. et Mme X... qu'au seul titre de la garantie hypothécaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la banque était tenue, d'une obligation d'information légale de la caution dès la conclusion de l'acte du 28 juin 1990 contenant un engagement personnel de M. X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 14 janvier 2009, il a rejeté la demande de M. X... tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts et en ce qu'il a dit qu'à l'égard de M. X..., la somme de 356 173, 41 euros portera intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2007, l'arrêt rendu le 11 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.