Cass. 1re civ., 6 septembre 2017, n° 16-18.258
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Batut
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 6 mars 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne (la banque) a consenti un prêt immobilier à la société civile immobilière du 19 bis, rue Baltet Petit (la SCI), dont M. X... (la caution) s'est porté caution solidaire ; qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteur, la déchéance du terme a été dénoncée, le 8 octobre 2010, à la caution qui a été convoquée, le 5 septembre 2014, en saisie de ses rémunérations ;
Sur le moyen unique, pris en ses première à cinquième branches :
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt d'accueillir l'action en paiement de la banque, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en paiement d'un établissement de crédit professionnel à l'encontre d'une caution, consommateur, se prescrit par deux ans, peu important que le délai de prescription de la dette principale soit plus long ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pourtant retenu qu'en raison du caractère accessoire du cautionnement, « les règles de la prescription applicable au contrat de prêt du 6 mars 2008 sont applicables au cautionnement », de sorte que l'action en paiement de la banque à l'encontre des cautions se prescrirait par cinq ans, délai applicable à l'action en paiement de la banque contre la SCI emprunteuse ; qu'en statuant de la sorte, quand le délai de prescription de la dette de la caution peut être plus court que celui de l'obligation principale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation par refus d'application, et l'article L. 110-4 du code de commerce par fausse application ;
2°/ que, si un même instrumentum notarié peut constater la conclusion de plusieurs contrats de nature différente, c'est à la condition que toutes les parties aux différents actes soient désignées dans toutes les qualités auxquelles elles sont intervenues ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'acte notarié du 6 mars 2008 intègrerait le cautionnement authentique de M. X... dans la mesure où « les termes du prêt et des cautionnements sont repris avec précision dans l'acte notarié dans lequel ils s'intègrent » ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant à établir que M. X... serait intervenu à l'acte en qualité de caution, la cour d'appel a violé les articles 1317 et 2292 du code civil ;
3°/ que l'acte de vente du 6 mars 2008 stipulait que « la personne morale dénommée « acquéreur » est représentée par Mme Alexa Renée Paulette Y..., veuve de M. Jean Michel Claude André Z..., née à Bar sur Aube le 5 juillet 1974 et par M. Olivier Michel Claude X... né à Belfort le 21 janvier 1965, demeurant ensemble à... » ; qu'il en résultait que M. X... n'était intervenu à l'acte qu'ès qualités de représentant de la SCI, acquéreur ; qu'en retenant, pourtant, que « l'acte notarié du 6 mars 2008 ne mentionne M. X... qu'en sa qualité de caution solidaire du 11 prêt », la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que si la caution doit établir la disproportion manifeste entre son engagement, d'une part, et ses ressources et son patrimoine, d'autre part, la banque doit préalablement prouver qu'elle a vérifié les capacités financières de la caution, notamment en lui faisant remplir une fiche de renseignements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'« aucune pièce n'est produite pour justifier de ce que la CRCAM s'est renseignée sur les biens et revenus de M. X... au moment de la souscription du prêt » ; qu'en retenant pourtant que lors de la souscription du cautionnement, l'engagement de M. X... n'était pas manifestement disproportionné, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
5°/ que, pour apprécier si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son engagement au moment où celle-ci est appelée, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des charges qui grèvent les éléments d'actif du fidéjusseur ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. X... pouvait faire face à son engagement, la cour d'appel s'est bornée à retenir que « son patrimoine avait favorablement évolué » postérieurement à la souscription du cautionnement puisque, depuis un partage d'indivision conventionnelle, en date du 7 juin 2010, il était plein propriétaire d'un immeuble sis à... évalué à 159 000 euros ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement rechercher si le patrimoine de M. X... n'était pas également grevé de charges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le prêt litigieux était consenti à une société civile immobilière et avait un caractère professionnel, que, les règles de la prescription applicables au contrat de prêt l'étant au cautionnement, la prescription quinquennale était opposable à la caution, et que l'acte de prêt et les cautionnements solidaires, comprenant celui de M. X..., n'étaient pas seulement annexés à l'acte authentique de vente, mais étaient joints et précisés dans cet acte ; qu'il retient, encore, qu'il appartient à la caution qui invoque les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus et qu'il résulte des éléments exposés qu'en 2008, lors de la formation du contrat, compte tenu des revenus de M. X... qui partageait les charges de la vie courante avec sa compagne, son engagement n'était pas manifestement disproportionné et que, lorsqu'il a été poursuivi en paiement, son patrimoine avait favorablement évolué et lui permettait d'assurer le paiement de ses engagements ; que, de ces appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu, hors toute dénaturation, déduire que l'action en paiement n'était pas prescrite et que l'acte de cautionnement était opposable à la caution ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses sixième et septième branches :
Vu l'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la banque, l'arrêt retient que celle-ci communique la copie de six lettres d'information annuelle qu'elle a adressées à la caution pour la renseigner sur l'obligation garantie au 31 décembre des années 2008 à 2013 et qu'il n'y a pas lieu à communication d'une lettre d'information avant le 31 mars 2015 pour donner connaissance du montant de la créance garantie au 31 décembre 2014, la caution ayant été poursuivie, le 5 septembre 2014, en saisie des rémunérations en paiement de l'obligation garantie ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues, alors que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi et que l'obligation d'information de la caution incombant au créancier professionnel se poursuit jusqu'à l'extinction de la dette garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-sept.