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Décisions

Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-18.091

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mouillard

Rapporteur :

Graff-Daudret

Cass. com. n° 19-18.091

9 mars 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mars 2019), par un acte authentique du 30 décembre 2010, la société Bati lease (le crédit-bailleur) et la société Oseo financement ont conclu avec la société civile immobilière Albatum (le crédit-preneur) une convention de crédit-bail immobilier, dont l'exécution a été garantie par le cautionnement solidaire de M. B....

2. En vertu de cet acte, le crédit-bailleur a fait délivrer à M. B..., le 13 novembre 2017, un commandement aux fins de saisie-vente pour le recouvrement de la somme de 834 822,40 euros, ainsi que, le 29 novembre 2017, un commandement de payer la somme de 390 000 euros valant saisie immobilière d'un immeuble.

3. Par acte du 26 décembre 2017, M. B... a assigné le crédit-bailleur devant le juge de l'exécution aux fins de contester les sommes qui lui étaient réclamées en vertu de l'acte de cautionnement et de voir prononcer la nullité des deux commandements.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le crédit bailleur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de M. B..., après avoir annulé les deux commandements, alors « que le crédit-bail n'étant pas une opération de prêt ou de crédit mais de location, le crédit-bailleur n'est pas soumis à l'obligation d'information prévue par l'article L. 341-1 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'obligation d'information prescrite par cet article s'imposait au crédit bailleur dès lors que celui-ci était un créancier professionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 341-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable en la cause, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement et, si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

7. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a appliqué la sanction prévue par ce texte à un crédit-bailleur immobilier, qui a nécessairement la qualité de créancier professionnel, lorsque l'exécution des obligations du crédit-preneur envers lui est garantie par une caution personne physique.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le crédit bailleur fait le même grief à l'arrêt, alors « que seule constitue une pénalité dont la caution ne doit pas le paiement en cas de défaut d'information du premier incident de paiement celle sanctionnant le retard dans l'exécution ; que l'indemnité de résiliation ayant pour objet de réparer un préjudice ne constitue pas une telle pénalité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'indemnité de résiliation du contrat due en raison de l'inexécution du contrat par le crédit-preneur ayant la nature d'une clause pénale, était une pénalité au sens de l'article L. 341-1 du code de la consommation dans sa version applicable en l'espèce ; qu'en statuant par ces motifs inopérants dès lors que même si l'indemnité de résiliation avait la nature de clause pénale, elle ne serait pas une pénalité au sens de l'article L. 341-1 du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

10. Il résulte de ce texte que si le créancier professionnel n'informe pas la caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé, ce créancier n'est déchu, outre des intérêts de retard courus entre la date de l'incident et celle à laquelle il en informe la caution, que des seules pénalités encourues.

11. Pour annuler les commandements et débouter le crédit-bailleur, l'arrêt retient que l'indemnité due en cas de résiliation du contrat prononcée par le crédit-bailleur en raison de son inexécution par le crédit-preneur, ayant la nature d'une clause pénale, est une pénalité au sens du texte susvisé.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 21.4 du contrat de crédit-bail stipulait qu'en cas de résiliation avant le terme pour quelque cause que ce soit, et sans distinguer selon que la résiliation interviendrait à l'initiative du crédit-bailleur ou du crédit-preneur, une indemnité égale à trois ans de loyers serait due, de sorte que, cette indemnité, ayant pour objet de réparer le préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat, ne constituait pas une pénalité au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le commandement aux fins de saisie-vente délivré à M. B... suivant procès-verbal du 13 novembre 2017 et le commandement valant saisie immobilière délivré le 29 novembre 2017, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. B... et le condamne à payer à la société Bati lease la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un. 

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