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Décisions

Cass. 1re civ., 6 janvier 1998, n° 95-20.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

LEMONTEY

Rapporteur :

Marc

Avocat général :

Sainte-Rose

Cass. 1re civ. n° 95-20.992

5 janvier 1998

Attendu que la caisse de Crédit mutuel de Reims (d'Erlon) a consenti à la société X... Y..., le 31 mars 1990, un prêt de 500 000 francs, le 2 juillet 1990, une ouverture de crédit en compte courant de 200 000 francs avec, en garantie, le cautionnement solidaire de Mme Y..., le 22 octobre 1990, un prêt de 800 000 francs, assorti de la caution hypothécaire de Mme Y... et, le 31 juillet 1991, une ouverture de crédit de 500 000 francs avec, en garantie, le cautionnement solidaire de cette dernière ; qu'en 1992, elle a assigné la société et Mme Y..., prise en sa qualité de caution, pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer une somme de 549 907, 80 francs, montant du solde débiteur du compte courant de la société, outre intérêts au taux conventionnel ; que Mme Y..., s'opposant à cette demande, a sollicité l'annulation du cautionnement du 31 juillet 1991 et, en tant que besoin, celle du cautionnement du 2 juillet 1990, en soutenant que son consentement avait été vicié par des réticences dolosives de la banque sur la situation gravement obérée de la société et en alléguant que les ouvertures de crédit n'avaient d'autre finalité que l'obtention par la banque de cautionnements afin de parfaire ses garanties préalablement à la dénonciation de son soutien financier ; que l'arrêt attaqué a accueilli la demande de la banque ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu, d'abord, que le premier grief, pris d'une violation de l'article 56 de la loi du 24 juillet 1966, et relatif à l'engagement donné le 22 octobre 1990 est inopérant, Mme Y..., dans ses conclusions d'appel s'étant bornée à solliciter l'annulation du cautionnement donné en juillet 1991 et, en tant que besoin, celle du cautionnement du 2 juillet 1990 ;

Attendu, ensuite, que le deuxième grief, pris d'une violation des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile, est sans fondement, la cour d'appel n'ayant pas, en l'absence de toute demande en ce sens, à rechercher à quelles dates avaient pu être convoquées, avant la demande d'ouverture de crédit du 31 juillet 1991, les assemblées générales d'associés ayant pour objet d'approuver les comptes de la société ;

Attendu, en outre, que le troisième grief, pris d'une dénaturation des pièces versées aux débats n'est pas recevable, la dénaturation alléguée portant sur un ensemble de documents sans que soit précisé celui de ces documents qui en fait l'objet ;

Attendu, enfin, que le quatrième grief, pris d'une violation des articles 1116 et 1147 du Code civll est sans fondement, la cour d'appel n'ayant pas, en l'absence de toute demande reconventionnelle en ce sens, à rechercher si préalablement à la lettre de rupture adressée par la banque à la société quatre mois après l'octroi des derniers crédits, la banque avait mis cette société " en garde " ;

D'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'obligation, à laquelle sont tenus les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition d'un cautionnement, de faire connaître à la caution, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente ainsi que le terme de son engagement, doit être respectée jusqu'à l'extinction de la dette ;

Attendu que, pour condamner Mme Y..., prise en sa qualité de caution, à payer la banque, outre une somme de 549 087, 80 francs, montant du solde débiteur du compte courant de la société, celles de 5 602, 99 francs, à titre d'intérêts échus non payés, 82 486, 17 francs, à titre d'intérêts au taux de 14, 76 % pour la période du 22 novembre 1991 au 31 décembre 1991, 5 290, 88 francs à titre d'intérêts au taux de 12, 22 % pour la période du 1er janvier 1992 au 28 janvier 1992 ainsi que les intérêts à courir à compter de cette dernière date au taux de 14, 76 %, la cour d'appel a retenu que la banque ne pouvait encourir aucune déchéance d'intérêts bien qu'elle n'ait pas donné à la caution les informations sur les dettes cautionnées dans les conditions prévues, par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, dès lors qu'elle avait mis Mme Y... en demeure de payer en novembre 1991, soit avant l'échéance du 1er mars 1992 résultant de l'application de ce texte ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, faute de s'être conformée aux exigences légales, après l'assignation de 1992, la Caisse était, à l'égard de la caution, déchue des intérêts au taux conventionnel, ce dont il résultait que celle-ci ne restait tenue, à titre personnel, que des intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... au paiement d'intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 27 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'indemnité formée par la caisse de Crédit mutuel de Reims ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

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