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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 10 novembre 2025, n° 24/00894

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/00894

10 novembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 NOVEMBRE 2025

N° RG 24/00894 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NU3E

S.A. MMA IARD

S.A.R.L. PROSPERIA

c/

Madame [P] [N] épouse [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 janvier 2024 (R.G. 2023F00475) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 27 février 2024

APPELANTES :

S.A. MMA IARD, immatriculée au RCS du Mans sous le numéro 440 048 882, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

S.A.R.L. PROSPERIA, immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le numéro 452 235 773, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

Représentées par Maître Camille BAILLOT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Arnaud PERICARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [P] [N] épouse [Z], née le 02 Janvier 1962 à [Localité 5] (94), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Maître Christophe JOLLIVET de la SELARL AGORAJURIS, avocat au barreau de PERIGUEUX, et assistée de Maître Laure LAGORCE-BILLIAUD, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 octobre 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Bérengère VALLEE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

1. La SARL Prosperia (anciennement Concept Patrimoine) est une société de conseil en gestion de patrimoine, enregistrée à l'ORIAS en qualité de CIF (Conseiller en Investissement Financier) sous le numéro F000264 et est assurée auprès de la compagnie d'assurance MMA IARD. Elle a pour gérant M. [W] [K].

Souhaitant valoriser son capital à la suite de la vente d'un bien reçu en héritage puis de la perception d'indemnités dans le cadre d'un licenciement économique, Mme [P] [Z] s'est rapprochée de la société Prosperia, laquelle lui a proposé de réaliser plusieurs placements financiers notamment dans l'assurance-vie ainsi que dans des produits BCBB et ICBS proposés respectivement par les sociétés « Bio C'bon » et « Marne & Finance ».

C'est ainsi qu'au cours de la relation contractuelle, Mme [Z] a notamment investi dans:

- 1 500 actions de la société Bio Expansion d'un montant total de 30 000 euros le 22 mai 2015 (produit BCBB)

- 500 parts de la société SCS Thalesimmag d'un montant total de 50 000 euros le 17 juillet 2015 (produit ICBS)

- 300 parts de la société SCM Magdeveloppement d'un montant total de 30 000 euros le 4 mai 2016 (produit ICBS)

- 1 250 actions de la société Bio Déploiement d'un montant total de 25 000 euros le 9 novembre 2016 (produit BCBB)

- 600 parts de la société SCS Onyximmag d'un montant total de 60 000 euros le 9 novembre 2016 (produit ICBS)

- 500 actions de la société Bio Vitalité d'un montant total de 10 000 euros le 18 décembre 2017 (produit BCBB)

2. Par jugements du tribunal de commerce de Paris en date du 2 septembre 2020, la société Bio C' Bon, holding de tête, ainsi que les principales sociétés d'exploitation du groupe Bio C' Bon, ont fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugements en date du 2 novembre 2020, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession des sociétés du groupe Bio C' Bon en faveur du groupe de [Adresse 4] pour un montant de 60 millions d'euros et a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bio C' Bon.

3. La société Marne & Finance a sollicité du tribunal de commerce de Paris l'ouverture d'une procédure de conciliation le 15 avril 2021. Puis, par jugement du 12 septembre 2022, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire.

Les sociétés Thalesimmag, Magdeveloppement et Onyximmag (sociétés porteuses des actifs immobiliers dans lesquels Mme [Z] a investi) ont fait apport, à titre de fusion-absorption, de l'intégralité des éléments d'actif et de passif composant leur patrimoine et de la transmission universelle de leur patrimoine à la société Pierres Investissement avec un effet rétroactif au 1er janvier 2022.

4. Par courrier du 8 décembre 2022, affirmant avoir perdu l'essentiel de son patrimoine et considérant que la société Prosperia avait notamment manqué à son devoir d'information et de conseil, Mme [Z] a mis en demeure celle-ci de déclarer ce sinistre à son assureur, MMA Iard, afin qu'il l'indemnise de son préjudice fixée a minima à 200 000 euros.

Faute d'accord amiable, Mme [Z] a, par acte du 16 mars 2023, fait assigner les sociétés Prosperia et MMA Iard aux fins d'engager la responsabilité de la société Prosperia en réparation de ses préjudices.

5. Par jugement rendu le 11 janvier 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- déclaré recevable l'action initiée par Mme [Z] à l'encontre des sociétés Prosperia et MMA Iard car non prescrite,

- débouté les sociétés Prosperia et MMA Iard de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Prosperia à payer a Mme [Z] la somme de 115 000,00 euros au titre des préjudices financiers,

- dit que la société MMA Iard devra relever indemne la société Prosperia au titre des conséquences pécuniaires au titre de sa responsabilité civile professionnelle,

- débouté Mme [Z] au titre de sa demande en réparation de son préjudice moral,

- condamné la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Prosperia aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [Z] soulevée par les défenderesses, a considéré que la société Prosperia, bien qu'informée dès le 27 juillet 2018 de l'inquiétude de l'AMF quant aux irrégularités des offres financières contraires aux dispositions légales, n'a avisé Mme [Z] que le 8 février 2021, soit plus de deux ans et demi plus tard, des difficultés financières rencontrées par les sociétés Marne & Finance et Bio c' Bon, sans qu'intervienne dans l'intervalle une quelconque information au profit de sa cliente, tant au titre desdites irrégularités que sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Bio c' Bon en date du 2 septembre 2020, convertie en liquidation judiciaire le 2 novembre 2020. Le tribunal a estimé que la méconnaissance de Mme [Z] de ces informations capitales l'avait privé de sa liberté d'appréciation et de sa capacité à appréhender les risques baissiers de ses placements en toute connaissance de cause et procéder le cas échéant à l'arbitrage partiel ou total de son portefeuille, limitant ainsi une perte significative de son capital. Le tribunal a ainsi conclu que la société Prosperia avait manqué à son obligation d'informatoin et de conseil. Enfin, relevant que la perte totale en capital investi par Mme [Z] n'était pas, en l'état du dossier, caractérisée à la lumière des rachats et fusions toujours en cours des sociétés Marne & Finance et Bio c' Bon, il a toutefois considéré que le manquement contractuel de la société Prosperia avait nécessairement été préjudiciable à Mme [Z] et évalué souverainement le préjudice subi à 50% du patrimoine investi, soit la somme de 115.000 euros.

6. Par déclaration en date du 27 février 2024, les sociétés Prosperia et MMA ont relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant Mme [Z].

Par ordonnance du 25 mars 2024, le conseiller de la mise en état de la quatrième chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur. Cette procédure n'a pu aboutir.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

7. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 19 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, les sociétés Prosperia et MMA demandent à la cour de :

- déclarer les sociétés Prosperia et MMA Iard recevables et bien-fondés en leur appel,

Vu les articles 1104, 1231-1 et 2224 du code civil,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- « débouté les sociétés Prosperia et MMA Iard de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 115 000 euros au titre des préjudices financiers,

- dit que la société MMA iard devra relever indemne la société prosperia au titre des conséquences pécuniaires au titre de sa responsabilité civile professionnelle »,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Z] au titre de sa demande en réparation de son préjudice moral,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Prosperia n'a pas commis de faute à l'égard de Mme [Z] lors de ses investissements dans les produits BCBB et ICBS,

- juger que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice actuel et certain, ni du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,

- débouter en conséquence Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre des sociétés Prosperia et MMA Iard,

Vu l'article 122 du code de procédure civile et l'article 224 du code civil,

- donner acte aux concluantes qu'elles s'en rapportent à justice quant à l'infirmation du jugement entrepris statuant sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [Z],

En cas d'infirmation du jugement,

- juger que le point de départ du délai de la prescription de l'action de Mme [Z] doit être fixé au 2 septembre 2020, date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Bio c'Bon, s'agissant de ses investissements BCBB,

- juger que le point de départ du délai de la prescription de l'action de Mme [Z] doit être fixé au plus tôt au 8 février 2021, date du courrier de Prosperia informant cette dernière des difficultés financière de la société Marne & Finance et au plus tard le 12 septembre 2022, date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Marne & Finance, s'agissant de ses investissements ICBS,

En tout état de cause,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

- condamner Mme [Z] à payer aux sociétés Prosperia et MMA la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance.

8. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 25 avril 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [Z] demande à la cour de :

Vu les articles 1194, 1231-1, 1231-2, 1231-4 du code civil,

Vu l'article L541-8-1 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 03 janvier 2018,

Vu l'article L541-8-1 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur depuis le 03 janvier 2018,

Vu l'article L. 541-4 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 03 janvier 2018,

Vu le règlement général de l'AMF dans sa version en vigueur du 9/06/2016 au 23/09/2016,

Vu le règlement général de l'AMF dans sa version en vigueur du 01/01/2023 au 31/12/2023,

Vu les articles L124-1et L124-1-1 du code des assurances,

Vu les articles L541-3, D541-9 du code monétaire et financier,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

I- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 11 janvier 2024 en ce qu'il :

- déclare recevable l'action initiée par Mme [Z] à l'encontre des sociétés Prosperia et MMA Iard car non prescrites

- déboute les sociétés Prosperia et MMA Iard de l'ensemble de leurs demandes

- dit que la société MMA Iard devra relever indemne la société Prosperia au titre des conséquences pécuniaires au titre de sa responsabilité civile professionnelle

- condamne la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne la société Prosperia aux entiers dépens de l'instance

II- infirmer en ce qu'il a :

- condamne la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 115 000 euros au titre des préjudices financiers

- déboute Mme [Z] au titre de sa demande en réparation de son préjudice moral

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement les sociétés Prosperia et MMA Iard à payer à Mme [Z] la somme de 331 122,50 euros au titre de son préjudice financier

- condamner solidairement les sociétés Prosperia et MMA Iard à verser à Mme [Z] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral

III- En tout état de cause sur les frais irrépétibles et les dépens :

- condamner solidairement les sociétés Prosperia et MMA Iard à verser à Mme [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner les sociétés Prosperia et MMA Iard aux entiers dépens de la procédure d'appel

9. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la procédure

10. L'article 954, alinéas 3 et 5, du code de procédure civile dispose : « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. [...]

« La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. »

À défaut, l'appelant est censé avoir renoncé à remettre en cause les chefs non critiqués qui doivent alors être confirmés.

11. En l'espèce, les sociétés Prosperia et MMA demandent, dans le dispositif de leurs écritures, qu'il leur soit 'donné acte qu'elles s'en rapportent à justice quant à l'infirmation du jugement entrepris statuant sur la fin de non- recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [Z]', ajoutant qu'en cas d'infirmation, le point de départ du délai de la prescription devra être fixé au 2 septembre 2020 pour les investissements BCCB, date du redressement judiciaire de Bio C'Bon, et au plus tôt 8 février 2021, date de son courrier d'information à l'intimée, et au plus tard au 12 septembre 2022, date du redressement judiciaire, pour les investissements ICBS.

Toutefois, dès lors qu'il n'est formulé aucune prétention tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action initiée par Mme [Z], il y a lieu de considérer que la cour n'est pas saisie d'une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, étant observé que le point de départ du délai de prescription proposé par les sociétés Prosperia et MMA ne serait en tout état de cause pas susceptible de déclarer l'action prescrite, eu égard à l'assignation délivrée le 16 mars 2023.

12. Par ailleurs, si Mme [Z] évoque dans l'exposé de ses moyens page 11 de ses conclusions, au visa de l'article 1170 du code civil, le caractère non écrit de la clause contractuelle 'responsabilité de la société' (article 4 de la lettre de mission), elle n'en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses écritures qui seul lie la cour, étant en tout état de cause observé que les sociétés Prosperia et MMA n'invoquent pas spécialement cette clause au soutien de leurs prétentions.

13. La cour se limitera en conséquence à l'examen des points du litige qui font l'objet de sa saisine.

II- Sur la responsabilité de la société Prosperia

14. En application des dispositions des articles 1147 ancien et 1231-1 nouveau du code civil, le conseiller en investissement financier engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de son client lorsqu'il commet une faute dans l'exercice de sa mission ayant directement causé un dommage à son client.

A- Sur les manquements de la société Prosperia à son obligation d'information et de conseil

Moyens des parties

15. Les sociétés Prosperia et MMA font valoir :

- que le conseiller en investissement financier n'est tenu que d'une obligation de moyens et ne peut être garant de la rentabilité du produit conseillé ni de la stratégie patrimoniale adoptée ; que son devoir d'information se limitant aux opérations pouvant être connues au jour où l'opération est réalisée, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir tenu compte d'informations dont il ne disposait pas, sauf à prouver qu'il aurait dû en avoir connaissance au titre de son obligation de renseignement ; qu'il n'existe aucune obligation légale de suivi de l'investissement ; que la société Prosperia n'était débitrice d'aucune obligation contractuelle de suivi des investissements de Mme [Z] ; que sa mission a donc pris fin avec la décision de cette dernière de souscrire aux produits litigieux ; qu'elle n'est pas débitrice d'une obligation de recherche spécifique de fraudes ;

- que la société Prosperia a parfaitement exécutée son obligation d'information en amont de la souscription ; qu'à l'occasion de ses multiples investissements, Mme [Z] a elle-même déclaré, dans les bulletins de souscription et les rapports de mission établis par la société Prosperia, avoir connaissance du risque de liquidité et de perte en capital ; que ces risques étaient explicités dans la plaquette de présentation du produit BCBB remise avant la décision d'investir ;

- qu'à supposer même que la société Prosperia était tenue d'une obligation de suivi, le contrôle réalisé par l'AMF en 2018 sur les offres ICBS et BCBB ne nécessitait pas de faire l'objet d'une information particulière dès lors que l'AMF a décidé de ne pas ouvrir de procédure de sanction concernant un manquement à la réglementation relative aux offres au public de titres financiers ou d'un manquement à la réglementation relative à la gestion de fonds d'investissements alternatifs ;

- qu'à la date de souscription des produits par Mme [Z], il n'existait aucune alerte quant aux difficultés financières du groupe Bio c'Bon et du groupe Marne & Finance ; la société Prosperia ne pouvait pas anticiper que les sociétés Bio C'Bon et Marne&Finance feraient l'objet d'une procédure collective plusieurs années après la souscription des investissements de Mme [Z] ;

- que les produits BCBB et ICBS étaient en adéquation avec les objectifs et le profil de risque de Mme [Z] ; que celle-ci souhaitait en effet valoriser son patrimoine dans le cadre d'un investissement à horizon compris entre 5 et 8 ans avec une solution offrant un taux de rendement supérieur à 5% ; que les produits proposés répondaient parfaitement à ses objectifs de rendement élevés, lesquels s'accompagnaient nécessairement d'une prise de risques, dûment portés à la connaissance de Mme [Z] laquelle les a expressément acceptés afin de répondre à son objectif de valorisation de patrimoine et de rentabilité; qu'en 2016, Mme [Z] a d'ailleurs modifié son profil de « équilibré » à « dynamique ».

16. Mme [Z] réplique que la société Prosperia engage sa responsabilité, au visa des articles 1194 du code civil et L541-8-1 du code monétaire et financier, pour avoir manqué à son devoir d'information et de conseil :

- en ne vérifiant pas le sérieux et la fiabilité des produits proposés, au regard notamment de l'insuffisance d'informations financières sur les sociétés supports qui venaient d'être constituées au moment des souscriptions proposées,

- en ne l'alertant pas sur les risques des produits proposés, notamment le risque de non-respect des promesses de rachat,

- en ne l'avisant pas de la teneur du courrier de l'AMF en date du 27 juillet 2018 déconseillant l'investissement dans les produits BCBB et ICBS, précisant que si l'appelante avait respecté son devoir de conseil, il est certain qu'elle aurait cédé ses titres,

- en lui conseillant d'investir dans des produits inadaptés à ses besoins et objectifs, alors qu'âgée de 54 ans, au chômage et profane en matière d'investissements financiers, elle souhaitait faire fructifier ses économies provenant de la vente d'un bien reçu en héritage ainsi que ses indemnités perçues dans le cadre d'un licenciement économique, ajoutant qu'elle a souscrit un profil 'équilibré' et non 'dynamique',

- en ne l'informant pas des difficultés financières des groupes Bio c'Bon et Marne & Finance.

Elle précise que contrairement à ce que soutient l'appelante, la lettre de mission du 9 novembre 2016 prévoyait que la société Prosperia assure un suivi annuel du patrimoine, de sorte que cette dernière ne peut valablement prétendre que son obligation d'information et de conseil était terminée au moment de la conclusion des investissements.

Elle ajoute que la société Prosperia, tenue de l'assister et de la conseiller dans le choix de différents types d'instruments financiers et d'assurer une étude patrimoniale approfondie, ne lui a remis aucun rapport écrit sur les avantages et inconvénients des produits financiers proposés par rapport à d'autres produits ce, en violation de ses obligations contractuelles, l'appelante ne justifiant d'aucun document formalisant ses conseils et leurs justifications conformément aux lettre de mission et avenants signés.

Enfin, elle expose que si, lors de l'ouverture de la procédure collective de Bio C'Bon en septembre 2020, l'appelante a établi trois déclarations de créances pour ses investissements BCBB, elle ne l'a alertée des risques qu'en avril 2021 ; qu'elle a alors procédé au rachat anticipé de l'ensemble des autres placements effectués, perdant le bénéfice de ceux-ci ; que la société Prosperia a établi des déclarations de créance pour les placements ICBS qui ont été rejetées par le mandataire judiciaire ; qu'elle est donc désormais associée de sociétés dites de coquilles vides.

Réponse de la cour

17. Aux termes de l'article L.533-13 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux faits,

" I. - En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.

Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s'abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers (...)'

L'article L541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable lors de la souscription des investissements, dispose :

'Les conseillers en investissements financiers doivent :

1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;

2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs;

3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en 'uvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;

4° S'enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s'abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ;

5° Communiquer aux clients d'une manière appropriée, la nature juridique et l'étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l'article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.

Ces règles de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

Les codes de bonne conduite mentionnés à l'article L. 541-4 doivent respecter ces prescriptions qu'ils peuvent préciser et compléter.'

Le règlement général de l'AMF, dans sa version applicable à l'espèce, énonce :

'Article 325-7

Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent.

Ces propositions se fondent sur :

1° L'appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ;

2° Les objectifs du client en matière d'investissements.

Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client.'

18. Il en résulte que le conseiller en investissement financier est tenu à l'égard de son client, avant toute réalisation d'une opération ou d'un investissement, d'une obligation de conseil lui imposant de s'informer non seulement sur les produits qu'il propose mais également sur les connaissances, les capacités financières et les objectifs de son client afin de lui soumettre la proposition d'investissement la mieux adaptée à sa situation personnelle. Il est tenu à cet égard d'une obligation d'information orientée consistant à faire part à son client, après prise en compte de tous les paramètres qu'il a veillé à identifier et vérifier, de l'opportunité d'effectuer ou non une opération ou un investissement.

Le conseiller en investissement financier a ainsi une double obligation d'information :

- il doit, tout d'abord, s'informer sur ses clients. À ce titre, il est tenu de se procurer auprès d'eux, avant de formuler un conseil, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique d'instrument financier, d'opération ou de service envisagé, leur situation financière et leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments financiers et services d'investissement adaptés à leur situation.

- il doit, encore, s'informer et informer ses clients sur les caractéristiques et les risques de l'opération qu'il envisage de proposer.

Les obligations du conseiller en investissement financier s'analysent en une obligation de moyens, compte tenu notamment du caractère intellectuel de la prestation et de l'aléa propre à tout investissement ou gestion de patrimoine. La responsabilité du conseiller en investissement financier ne peut donc être mise en cause au seul motif que l'investissement se serait révélé finalement défaillant ou n'aurait pas permis à l'investisseur de réaliser le rendement escompté.

Enfin, c'est au conseiller en investissement financier qu'il appartient d'établir qu'il a rempli son devoir d'information et de conseil.

19. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Prosperia a agi en qualité de conseiller en investissement financier vis-à-vis de Mme [Z] laquelle, exerçant des fonctions de chef de bureau commercial en qualité de cadre supérieur, sans rapport avec les opérations financières, ne revêt pas la qualité d'investisseur averti en opérations portant sur les actions ou les sociétés, l'intimée ayant d'ailleurs répondu dans les questionnaires versés aux débats qu'elle ne disposait que de 'quelques notions' en matière financière.

20. Il convient, avant d'examiner le respect par la société Prosperia de ses obligations d'information et de conseil de rappeler les différents investissements opérés par Mme [Z].

Sur les investissements souscrits par Mme [Z] :

21. Il résulte des pièces versées aux débats que :

a) Le 15 mai 2015, Mme [Z] confié un mandat de recherche de solutions d'investissement à la société Prosperia pour une durée d'un an. La mission confiée à celle-ci était de rechercher toute solution d'investissement et de placement patrimonial présentant les caractéristiques suivantes :

- solution n'ayant pas le caractère 'd'offre au public'

- solution ayant comme sous-jacent une ou des sociétés non cotées

- solution présentant un taux de rendement supérieur à 5%

- solution prévoyant une possibilité de récupérer le rendement annuellement

- solution prévoyant une possibilité de restitution de l'épargne de manière anticipée

- solution réservée aux investisseurs âgés de 18 à 85 ans.

* Dans ce cadre, une première lettre de mission a été conclue entre les parties le 22 mai 2015 pour une durée d'un an.

Aux termes de ce contrat, il était confié à la société Prosperia une mission de suivi annuel du patrimoine et d'assistance et conseil dans le choix de différents types d'instruments financiers.

Les objectifs exprimés par Mme [Z] étaient les suivants :

- valoriser l'épargne issue des livrets afin d'accroître la rentabilité,

- constituer une épargne et anticiper la transmission du patrimoine.

L'article 1 - 'Objet des missions' de la lettre de mission prévoyait :

'De manière incontournable, la société Concept Patrimoine [devenue Prosperia] réalisera pour vous, une étude patrimoniale approfondie sur : (...) l'évaluation de la stratégie de placements et d'épargne actuelle ; l'établissement d'un plan à court, moyen et long terme intégrant vos besoins et objectifs ; l'assistance dans la mise en oeuvre des solutions financières conformes à la stratégie patrimoniale. La société prendra soin de décrire les avantages et contraintes de chaque solution, au regard de votre situation et de vos motivations principales, des critères de choix et de son échelle de risque et vous proposer des solutions ou/et des préconisations d'achat ou vente de produits les plus adaptés à votre situation personnelle sur tous les plans juridique, fiscal, matrimonial, successoral et financier'.

L'article 3- 'Obligations de la société' prévoyait : 'La société Concept Patrimoine s'engage à présenter son analyse, ses conclusions et ses préconisations et leur mise en oeuvre (article 325-7 du Règlement général de l'AMF relatif au CIF) dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent.

Ces propositions se fondent sur :

1) l'appréciation de votre situation financière et votre expérience en matière financière,

2) vos objectifs en matière d'investissements. Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de 'personne physique ou morale du client.'

Selon un bon de souscription signé le 22 mai 2015, Mme [Z] a investi la somme de 30.000 euros correspondant à 1.500 actions, dans le capital de la société Bio Expansion (produit BCBB Rendement 2).

Le pacte d'actionnaires signé avec la société Bio c' Bon le même jour désigne celle-ci comme l'actionnaire opérateur et la société Bio Expansion comme la société opérationnelle support. Il est expliqué que la société Bio c' Bon développe une chaîne de magasins distribuant des produits biologiques qui s'implantent progressivement et qu'afin de soutenir financièrement la poursuite du développement de cette chaîne, la société Bio c' Bon permet à des investisseurs extérieurs de devenir actionnaires des sociétés opérationnelles qui sont le support des investissements. Pendant la période de détention des actifs, la société Bio c' Bon procède annuellement au rachat, à compter du 13ème mois, d'une partie des actions du souscripteur pour une somme représentant 7% du montant de sa souscription. Dans les trois mois du terme de la cinquième année de détention, la société Bio c' Bon procédera au rachat du solde des titres des actionnaires investisseurs à un prix qui leur permettra de percevoir un montant pouvant varier entre 100% et 115% du montant de leur souscription. Un rachat anticipé est cependant prévu à la demande de l'investisseur, à partir de la 3ème année, mais avec le paiement d'une indemnité de sortie anticipée.

* Le 17 juillet 2015, un avenant à la lettre de mission du 22 mai 2015 a été conclu entre les parties, aux termes de laquelle il était prévu que la société Prosperia assiste et conseille Mme [Z] dans le choix d'un placement financier correspondant à son objectif de valoriser son épargne.

Cet avenant prévoyait les mêmes obligations à la charge de la société Prosperia, à savoir la réalisation d'une étude patrimoniale approfondie avec la présentation de son analyse, conclusions et préconisations dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions avec leurs avantages et risques.

A l'occasion de cet investissement, la société Prosperia a réalisé un rapport de mission au profit de Mme [Z] aux termes duquel il est précisé que l'investissement a pour but de valoriser son capital à horizon de 5 à 8 ans, que l'opération envisagée contribue à la diversification de son patrimoine, que l'intimée a 'quelques notions' en matière financière, qu'elle n'accepte de placer qu' 'une petite partie' de ses économies sur des placements risqués et qu'en cas de baisse des machés financiers, elle attendra la remontée des marchés.

Sur ce rapport, Mme [Z] a porté la mention manuscrite suivante, avant d'y apposer sa signature : 'J'ai été informée que mon capital ne supporte pas de fluctuations et qu'il n'est pas garanti en raison des risques inhérents à la vie d'une entreprise, risques de perte en capital et de liquidité, risque lié à l'effet de levier, que Marne et Finance me garantit une rémunération de 6% hors prélèvements sociaux et fiscaux et ce, pendant toute la durée du placement et que mon investissement doit être fait pendant 24 mois minimum afin de bénéficier de ladite rémunération (...) La société Marne et Finance s'engage à racheter les parts sociales au terme du contrat.'

Selon un bon de souscription signé le 17 juillet 2015, Mme [Z] a investi la somme de 50.000 euros correspondant à 500 euros parts sociales, dans le capital de SCS Thalesimmag (produit ICBS Rendement Patrimoine 2). Dans ce bon, Mme [Z] déclare être informée des risques de liquidités et de perte en capital.

Le pacte d'associés signé le même jour avec la société Marne & Finance le 17 juillet 2015 prévoit que cette société est désignée comme étant l'actionnaire opérateur, la société Thalesimmag étant la société opérationnelle support. Il est expliqué que le groupe Marne & Finance intervient dans le secteur de l'investissement en immobilier commercial et qu'afin de soutenir la poursuite du développement de son patrimoine immobilier, il a mis en place un partenariat dénommé ICBS permettant d'associer des investisseurs extérieurs à ses opérations immobilières par le biais d'une souscription au capital social de ses sociétés filiales opérationnelles. L'associé investisseur s'engage à conserver les titres qu'il aura souscrit pendant une durée minimum au terme duquel il pourra lever l'option d'achat et demander au groupe Marne & Finance le rachat des titres.

Le pacte d'associé signé par Mme [Z] rappelle le mécanisme de l'investissement ainsi que les risques liés au produit ICBS :

'3. Les risques

Cet investissement est soumis à un risque, notamment de liquidité et de perte en capital. Toutefois, si les circonstances l'exigent, l'associé opérateur s'engage, après consultation et accord le cas échéant du comité stratégique, à céder tout ou partie des actifs détenus par la société opérationnelle support afin de racheter les titres des investisseurs associés dans les conditions contractuelles.'

b) En 2016, alors que Mme [Z] souhaitait réaliser un nouvel investissement, toujours dans l'objectif de valoriser son capital, la société Prosperia a fait remplir à l'intimée un questionnaire de connaissance client, dont il ressort que la valeur de son patrimoine était comprise entre 500.000 euros et 1 million d'euros.

Il résulte en outre du profil d'investissement client daté du 4 mai 2016 que Mme [Z] a choisi de 'conserver' un profil 'équilibré' pour la réalisation de l'investissement projeté, étant relevé que sur une échelle de risque de 0 à 8, le profil 'équilibré' est coté 4/8.

La société Prosperia a en outre réalisé un rapport de mission en date du 4 mai 2016 dans lequel elle rappelle les objectifs de sa cliente consistant à valoriser son capital par le biais d'un investissement à horizon moyen terme (5 à 8 ans) et sur lequel Mme [Z] a porté la mention manuscrite suivante, avant d'y apposer sa signature : 'J'ai bien compris qu'il s'agit des mêmes conditions que le contrat ICBS que j'ai signé le 17 juillet 2015.'

C'est dans ces conditions que Mme [Z] a, le 4 mai 2016, investi la somme de 30.000 euros correspondant à 300 parts sociales dans le capital de la SCS Magdeveloppement (produit ICBS rendement patrimoine 2) en signant un bulletin de souscription, dans lequel elle déclare être informée des risques de liquidité et de perte en capital, et un pacte d'associés mentionnant que 'Cet investissement est soumis à un risque, notamment de liquidité et de perte en capital. Toutefois, si les circonstances l'exigent, l'associé opérateur s'engage, après consultation et accord le cas échéant du comité stratégique, à céder tout ou partie des actifs détenus par la société opérationnelle support afin de racheter les titres des investisseurs associés dans les conditions contractuelles.'

c) Le 2 novembre 2016, Mme [Z] a confié un nouveau mandat de recherche de solutions d'investissement à la société Prosperia, la mission de celle-ci étant identique à la précédente à savoir rechercher toute solution d'investissement et de placement patrimonial présentant les caractéristiques suivantes :

- solution n'ayant pas le caractère 'd'offre au public'

- solution ayant comme sous-jacent une ou des sociétés non cotées

- solution présentant un taux de rendement supérieur à 5%

- solution prévoyant une possibilité de récupérer le rendement annuellement

- solution prévoyant une possibilité de restitution de l'épargne de manière anticipée

- solution réservée aux investisseurs âgés de 18 à 85 ans.

Si la société Prosperia soutient qu'à cette occasion, le profil de risque de Mme [Z] a été mis à jour, cette dernière ayant décidé d'abandonner son profil 'équilibré' pour un profil 'dynamique', elle n'en rapporte pas la preuve, la pièce 2.16 produite aux débats ne correspondant pas à un quelconque changement de profil, par ailleurs contesté par l'intimée.

Une lettre de mission a été conclue le 9 novembre 2016 entre les parties aux termes il était confié à la société Prosperia une mission de suivi annuel du patrimoine et d'assistance et conseil dans le choix de différents types d'instruments financiers.

Les objectifs exprimés par Mme [Z] étaient les suivants :

- valoriser les capitaux issus de la vente d'un appartement reçu par héritage,

- diminuer le montant de son impôt sur le revenu.

Là encore, la lettre de mission prévoyait, à son article 1 'Objet des missions' :

'De manière incontournable, la société Concept Patrimoine [devenue Prosperia] réalisera pour vous, une étude patrimoniale approfondie sur : (...) l'évaluation de la stratégie de placements et d'épargne actuelle ; l'établissement d'un plan à court, moyen et long terme intégrant vos besoins et objectifs ; l'assistance dans la mise en oeuvre des solutions financières conformes à la stratégie patrimoniale. La société prendra soin de décrire les avantages et contraintes de chaque solution, au regard de votre situation et de vos motivations principales, des critères de choix et de son échelle de risque et vous proposer des solutions ou/et des préconisations d'achat ou vente de produits les plus adaptés à votre situation personnelle sur tous les plans juridique, fiscal, matrimonial, successoral et financier'.

L'article 3 - 'Obligations de la société' prévoyait : 'La société Concept Patrimoine s'engage à présenter son analyse, ses conclusions et ses préconisations et leur mise en oeuvre (article 325-7 du Règlement général de l'AMF relatif au CIF) dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent.

Ces propositions se fondent sur :

1) l'appréciation de votre situation financière et votre expérience en matière financière,

2) vos objectifs en matière d'investissements. Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de 'personne physique ou morale du client.'

Un rapport de mission a été réalisé au profit de Mme [Z], confirmant que le but de son investissement était de valoriser son capital à horizon de 5 à 8 ans, qu'elle disposait de 'quelques notions' en matière financière, que l'opération projetée contribuait à la diversification de son patrimoine, qu'elle souhaitait ne placer qu'une 'petite partie de ses économies' sur des placements risqués, qu'en cas de baisse des marchés financiers, elle attendrait la remontée des marchés. Mme [Z] apposait les mentions manuscrites suivantes :

'J'ai été informée de la durée de blocage des parts (pendant 5 ans et jusqu'à 5 ans) ainsi que du risque de perte en capital. J'ai été informée que mon capital ne supporte pas de fluctuations et qu'il n'est pas garanti en raison des risques inhérents à la vie de l'entreprise (...) (risques de perte en capital, de liquidité, risque lié à l'effet de levier), que Marne & Finance me garantit une rémunération de 6% hors prélèvement sociaux et fiscaux et ce pendant toute la durée du placement et que mon investissement doit être faut pendant 24 mois minimum (...) J'ai bien compris qu'en cas de rachat dans les 48 1ers mois, supérieur à 25% du montant souscrit, une décote de 3% sera appliquée sur le taux de rendement interne des titres objet du rachat. La société Marne & Finance s'engage à racheter les parts sociales au terme du contrat.'

' J'ai été informée que Bio c' Bon me permet de bénéficier d'un rendement annuel pouvant être compris entre 6% et 8% (hors prélèvements sociaux et fiscaux) sous réserve des risques inhérents à la vie d'une entreprise, notamment risque de perte en capital et risque de liquidité. Le rachat du capital sera fera à l'issue de la 5ème année. Le capital est bloqué pendant 2 ans. Une sortie anticipée est possible, cependant elle provoque le remboursement total de l'investissement et une décote de la rentabilité proposée. J'ai bien compris que la fiscalité appliquée est celle des valeurs mobilières'.

C'est dans ces conditions que Mme [Z] a, le 9 novembre 2016, investi les sommes de:

- 25.000 euros correspondant à 1250 actions dans le capital de la société opérationnelle support Bio Déploiement (produit BCBB),

- 60.000 euros correspondant à 600 parts sociales dans le capital de la SCS Onyximmag (produit ICBS).

d) Enfin, un troisième mandat de recherche de placements financiers a été confié par Mme [Z] à la société Prosperia le 6 décembre 2017, dans les mêmes termes que les deux précédents.

Mme [Z] a alors investi la somme de 10.000 euros correspondant à 500 actions, dans le capital de la société Bio Vitalité (produit BCBB), en signant un bulletin de souscription et un pacte d'actionnaires le 14 décembre 2017. Elle déclarait à cette occassion être informée des risques de liquidité et de perte en capital.

Sur l'obligation d'information et de conseil :

Au jour de la souscription :

22. Il est rappelé que le CIF doit informer son client de manière sincère, complète et cohérente, préalablement à l'investissement, sur les caractéristiques essentielles du produit proposé, c'est-à-dire non seulement sur ses avantages mais également sur ses inconvénients afin de lui permettre d'effectuer son choix en connaissance de cause, les coûts et sa rémunération. Il doit notamment informer son client des conditions de succès de l'opération projetée et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions. L'obligation de conseil impose au conseiller en investissement financier de proposer à ses clients des produits adaptés à leur situation et en adéquation avec leurs souhaits.

23. En l'espèce, les lettres de mission liant les parties prévoyaient l'obligation pour la société Prosperia de réaliser une étude patrimoniale approfondie en prenant le soin de décrire les avantages et contraintes de chaque solution, au regard de la situation et des motivations de l'investisseur, ainsi que de 'présenter son analyse, ses conclusions, ses préconisations et leur mise en oeuvre dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu'elles comportent.'

Or, la société Prosperia ne démontre nullement avoir, préalablement à la signature des différents bons de souscription, établi un rapport écrit présentant à Mme [Z], au regard de sa situation et de ses objectifs, les différentes options d'achat ou de vente de produits financiers les plus adaptés à sa situation, avec leurs caractéristiques, leurs avantages et leurs inconvénients, ce qui caractérise un manquement à son devoir d'information.

24. En outre, alors qu'afin de fournir à ses clients une information claire, loyale et précise, le conseiller en investissement financier est tenu d'analyser les modalités précises de fonctionnement des produits financiers qu'ils proposent, la stabilité des sociétés en cause et du montage proposé, la société Prosperia n'apporte pas la preuve d'avoir, au jour de la souscription des produits litigieux, effectué une quelconque vérification sur la solidité des produits BCBB et ICBS ni avoir sollicité des informations sur ceux-ci autres que celles figurant sur les plaquettes de présentation établies par les sociétés Bio c' Bon et Marne & Finance elles-mêmes.

Elle a ainsi manqué à l'obligation définie à l'article L. 541-8-1 du code monétaire et financier imposant aux conseillers en investissement financier de veiller à comprendre les instruments financiers qu'ils proposent ou recommandent, évaluer leur compatibilité avec les besoins des clients auxquels ils fournissent un conseil, et veiller à ce que les instruments financiers ne soient proposés ou recommandés que lorsque c'est dans l'intérêt du client.

25. Par ailleurs, il s'avère que la société Prosperia a insuffisamment informé Mme [Z] des risques particulièrement élevés des produits proposés, s'agissant de produits d'investissement exclusivement en actions, comportant un risque de perte en capital de 100% et proposant à tous les soucripteurs une possibilité de rachat annuel sans que ne soit pris en compte le risque d'insolvabilité des sociétés Bio c' Bon et Marne & Finance.

En effet, s'agissant de l'investissement du 22 mai 2015, la seule mention, dans le bon de souscription, selon laquelle le souscripteur reconnaît avoir été informée des facteurs de risque et notamment du risque en liquité et du risque de perte en capital, ne suffit pas à rapporter la preuve du respect de la délivrance d'une information personnalisée adaptée à l'expérience de Mme [Z], cliente non avertie, étant relevé que la plaquette de présentation du produit BCBB Rendement 2, lequel est un document standardisé non contractuel, contient de multiples informations contredisant l'existence de tout risque et valorisant tout au contraire la rentabilité immédiate de l'investissement en précisant que les investisseurs pouvaient, dès la souscription, solliciter le rachat de leur titre avec un rendement de 6% par an, sans faire état d'une éventuelle impossibilité pour la société Bio c' Bon de racheter les titres.

S'agissant de l'investissement réalisé le 17 juillet 2015, si par sa mention manuscrite figurant au rapport de mission, Mme [Z] déclare être dûment informée que son capital n'est pas garanti en raison des risques inhérents à la vie d'une entreprise (risque de perte en capital de liquidité, risque lié à l'effet de levier), il sera observé :

- que la mention des 'risques inhérents à la vie d'une entreprise' est très générale alors que les risques varient grandement d'une société à l'autre en fonction de son statut,

- que les risques pourtant particulièrement élevés spécifiques de l'activité de capital risque ne sont pas particulièrement identifiés,

- que le risque relatif à une éventuelle impossibilité pour la société Marne & Finance de racheter les titres n'est nullement indiqué, Mme [Z] étant au contraire avisée, toujours aux termes de la même mention manuscrite que 'la société Marne & Finance s'engage à racheter les parts sociales au terme du contrat.'

Il en est de même s'agissant des investissements ultérieurs pour lesquels il sera constaté que si l'attention de Mme [Z] a été attiré sur les risques de perte en capital et de liquidités, aucune information spécifique liée aux sociétés de capital-risque n'a été fournie, notamment le risque encouru en cas d'impossibilité d'exécution de la promesse de rachat, l'engagement de rachat étant au contraire présenté comme acquis dans les pactes d'associés et d'actionnaires.

26. Dès lors, s'il est indéniable que Mme [Z], qui avait opté pour un profil équilibré (coté 4/8 sur une échelle de risque de 0 à 8) et souhaitait valoriser son épargne afin d'en accroître la rentabilité, cherchait à investir dans des produits présentant un certain degré de risque (selon les mandats de recherche, produits n'ayant pas le caractère d'offre au public, ayant comme sous-jacent une ou des sociétés non cotées, présentant un taux de rendement supérieur à 5%), il ne peut néanmoins être valablement soutenu qu'elle a souscrit aux produits BCBB et ICBS en ayant pleinement conscience des risques encourus, l'information donnée sur les risques attachés à ceux-ci n'étant ni complète ni explicite.

27. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les manquements de la société Prosperia à son obligation d'information et de conseil au jour de la souscription des produits litigieux sont établis.

Sur la durée de l'obligation d'information et de conseil :

28. Il est rappelé qu'en vertu des lettres de mission des 22 mai 2015 et 9 novembre 2016, Mme [Z] a expressément confié une mission de suivi annuel de son patrimoine à la société Prosperia.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la société Prosperia était toujours tenue à une obligation d'information et de conseil à l'égard de Mme [Z], postérieurement aux décisions d'investissement prises par cette dernière.

29. Or, il s'avère que dès le 27 juillet 2018, l'AMF a alerté les associations de conseillers en investissement financier 'sur les risques encourus par les CIF à poursuivre la commercialisation des offres d'investissement ICBS et BCBB conçues par le groupe Marne & Finance sans s'être assurés que leurs clients sont suffisamment avertis au préalable tant des risques des produits proposés que des possibles irrégularités précitées', rappelant que 'les CIF doivent se comporter avec loyauté et agir au mieux des intérêts de leurs clients en exerçant leur activité avec compétence, soin et diligence ce qui implique une parfaite compréhension des placements proposés à leurs clients et du régime applicable à ceux-ci'.

Si dans son courrier du 18 décembre 2018 adressée à l'association nationale des conseils financiers, l'AMF a considéré qu'il n'y avait pas lieu de notifier de griefs au titre d'un manquement à la réglementation relative aux offres au public de titres financiers ou d'un manquement à la réglementation relative à la gestion de fonds d'investissement alternatifs (FIA), elle a néanmoins constaté que : 'les informations relatives aux offres ICBS et BCBB contenues dans les documents à caractère promotionnel et les documents de souscription établis par Marne & Finance mettent en avant un rendement de 6% ou de 7% et minimisent des risques importants inhérents à cet investissement. La restitution du capital investi et le versement de cette performance dépendent de l'exécution de la promesse de rachat des parts ou actions consentie aux investisseurs. Or, l'information communiquée aux investisseurs est insuffisante pour leur permettre d'apprécier le risque de non-respect de cette promesse de rachat (...). En outre, aucune information n'est communiquée à l'investisseur quant à la valeur des actifs détenus par la société support dans laquelle il a investi ou sur la part qu'il détient dans le capital de la société support (...)', l'AMF concluant 'ces lacunes ont été signalées à Marne et Finance ; il appartient néanmoins aux CIF de s'assurer de la correcte information des investisseurs. Je sais pouvoir compter sur votre collaboration pour relayer sans délai ces éléments auprès de vos adhérents.'

30. Or, en dépit de la demande expresse de l'AMF d'alerter les investisseurs sur les risques, jusqu'ici minimisés, inhérents aux produits BCBB et ICBS, notamment quant au risque de non-respect de la promesse d'achat, force est de constater que la société Prosperia n'a nullement relayé ces informations, pourtant capitales, à Mme [Z], ce qui caractérise, là encore un manquement à son obligation d'information.

31. De la même manière, il convient d'observer que nonobstant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Bio c' Bon le 2 septembre 2020, la société Prosperia n'a avisé Mme [Z] des difficultés financières de ladite société que le 8 février 2021.

32. Au regard de l'ensemble de ce qui précède, les manquements de la société Prosperia à son obligation d'information et de conseil sont caractérisés.

B- Sur le préjudice et le lien de causalité

Moyens des parties

33. Les appelantes font tout d'abord valoir que le conseiller en investissement financier ne peut être tenu responsable des évolutions de marché ou des difficultés liées à la gestion de la société dans laquelle son client a investi, de sorte que si Mme [Z] a été lésée, ce n'est pas du fait de l'intervention de la société Prosperia, mais d'éléments extérieurs et postérieurs à son intervention qui ont conduit à l'ouverture de procédures collectives.

Elles soutiennent ensuite que Mme [Z] ne justifie pas d'un préjudice financier actuel et certain, alors qu'en la matière, seule une perte de chance est indemnisable; que la perte du montant des investissements BCBB n'est qu'éventuelle puisque le repreneur de la société Bio c' Bon, société in bonis, a prévu de réserver 10 millions d'euros pour le désintéressement des investisseurs privés ; que s'agissant des investissements ICBS, Mme [Z] ne justifie pas avoir contesté le rejet de ses déclarations de créances par le mandataire ; que les sociétés dans lesquelles l'intimée a investi en ICBS ont été fusionnées avec la société Pierres Investissement, société in bonis ; que le préjudice invoqué n'est qu'hypothétique et ne pourra donc être indemnisé ; qu'enfin, Mme [Z], qui est toujours détentrice de ses titres, ne démontre pas avoir perdu une chance de conserver ses investissements sur la période considérée.

Enfin, elles soulignent que l'intimée ne justifie d'aucun préjudice moral.

34. Mme [Z] réplique que les dommages qu'elle a subis ont été causés par les manquements contractuels de la société Prosperia, que sans ces agissements fautifs, elle n'aurait pas placé les sommes engagées dans ce montage financier douteux.

Appelante incidente, elle conteste le jugement en ce qu'il a limité son préjudice à la somme de 115 000 euros et sollicite la condamnation des appelantes à lui payer la somme de 331 122,50 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, faisant valoir :

- que son préjudice financier consiste en la perte de son capital investi (aucune promesse de rachat des investissements ICBS et BCBB n'ayant été honorée), en la perte de chance de souscrire des produits financiers pertinents au regard de son profil et en la perte de chance de faire fructifier son patrimoine,

- qu'elle fait partie d'une foule d'investisseurs créanciers chirographaires, de sorte qu'elle n'obtiendra jamais le remboursement de ses fonds par le repreneur de Bio C'Bon. Quant aux investissements ICBS, elle précise que la liquidation judiciaire de la société Marne & finance a été prononcée le 5 décembre 2023 et que celle-ci a fusionné de manière abusive avec la société Pierre Investissement pour annuler toutes les promesses de rachat,

- qu'elle a vu ses revenus chuter étant désormais au RSA avec un enfant à charge, générant une situation de stress et d'incertitude dont elle réclame réparation.

Réponse de la cour

35. Le manquement d'un conseiller en investissement financier à son obligation d'information et à son devoir de conseil prive l'investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Cette perte de chance se double de celle de ne pas souscrire au produit d'investissement et de faire fructifier l'épargne sur un autre produit, lorsque le conseiller en investissement financier manque à son obligation de conseil, en orientant son client vers un produit non adapté à son profil.

36. Comme le souligne justement la société Prosperia, la perte de chance a pour assiette la perte réellement éprouvée, de sorte que quand bien même la perte de chance serait établie, elle ne peut donner lieu à réparation lorsque la perte de l'investisseur n'est qu'éventuelle.

37. Il convient donc tout d'abord de vérifier que les pertes invoquées sont avérées.

a) S'agissant des investissements ICBS, il doit être rappelé que le 30 sepembre 2022, les sociétés porteuses des actifs immobiliers de Marne & Finance, parmi lesquelles les sociétés Thalesimmag, Magdeveloppement et Onyximmag dans lesquelles Mme [Z] a investi, ont été fusionnées avec la société Pierres Investissement.

Par l'effet de cette fusion-absorption, Mme [Z] détient donc désormais des titres au capital de la société Pierre Investissement, laquelle est in bonis comme le démontre les données comptables et financières produites par l'appelante.

Mme [Z] étant toujours titulaire de ses titres dans une société in bonis, la preuve d'un préjudice certain résultant des pertes subies à raison de ses investissements dans les produits ICBS n'est pas rapportée, l'intimée ne pouvant en conséquence qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des produits ICBS.

b) S'agissant en revanche des investissements BCBB, si la société Prosperia avance que le préjudice de Mme [Z] est là encore hypothétique dès lors qu'une somme de 10 millions d'euros a été affectée par le repreneur de la société Bio c' Bon à l'indemnisation des investisseurs particuliers, l'intimée relève, sans être contredite sur ce point et s'appuyant sur un jugement rendu le 06 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu, que le repreneur a offert un prix de 12,8 millions d'euros, que le passif privilégié de la société Bio c' Bon s'élève à la somme de 9 millions d'euros selon les mentions du jugement du tribunal de commerce et que seule la somme de 3,8 millions d'euros est donc susceptible d'être répartie entre les créanciers chirographaires dont les créances ont été déclarées pour 117,8 millions d'euros.

Il s'en déduit que les perspectives de Mme [Z], simple créancière chirographaire, d'être payée de sa créance déclarée, sont hautement compromises.

Son préjudice concernant les produits BCBB peut donc être considéré comme actuel et certain.

38. L'indemnisation du préjudice résultant d'une perte de chance de Mme [Z] de ne pas souscrire les produits BCBB suppose ensuite de démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre les manquements de la société Prosperia et ce préjudice, à savoir que les manquements relevés à l'encontre du conseiller en investissement financier au titre de son devoir d'information et de conseil doivent être la cause génératrice du dommage.

Sur ce point, la société Prosperia est mal fondée à discuter l'existence de ce lien de causalité au motif de la survenance des procédures collectives ouvertes à l'encontre de la société Bio c' Bon dans la mesure où la cause originelle de la perte invoquée réside bien dans la souscription des produits BCBB qui n'étaient pas adaptés à la situation de Mme [Z], à la suite d'un manquement au devoir d'information et de conseil du conseiller en investissement financier.

39. Enfin, au regard des objectifs poursuivis par Mme [Z] à savoir valoriser son épargne afin d'en accroître la rentabilité à horizon de 5 à 8 ans et de son souhait de faire fructifier son patrimoine permettant d'obtenir un rendement supérieur aux rendements sécurisés, les mandats de recherche signés par elle ciblant des solutions n'ayant pas le caractère d'offre au public, ayant comme sous-jacent une ou des sociétés non cotées et présentant un taux de rendement supérieur à 5%, il est indéniable que l'intimée avait accepté, en souscrivant les produits litigieux, le risque de perdre une partie de son investissement.

C'est en effet l'information sur l'étendue du risque, et non pas sur l'existence même du risque, qui ne lui a pas été apportée régulièrement.

Il est rappelé que Mme [Z] a investi la somme totale de 65.000 euros dans les produits BCBB.

Dans ces conditions, la perte de chance de ne pas souscrire aux produits BCBB proposés, et corrélativement la perte de chance d'éviter le risque de perte qui s'est réalisé, si Mme [Z] avait été pleinement informée de la nature de ces investissements et des risques induits par ceux-ci, sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 40.000 euros à laquelle la société Prosperia sera condamnée, in solidum avec la société MMA Iard, laquelle ne conteste pas sa garantie.

40. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

41. Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral dont la réalité n'est pas établie au vu des pièces produites.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

42. Les sociétés Prosperia et MMA Iard, partie perdante, supporteront les dépens d'appel et seront équitablement condamnées au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Prosperia à payer à Mme [Z] la somme de 115.000 euros au titre de son préjudice financier,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne in solidum les sociétés Prosperia et MMA Iard à payer à Mme [P] [Z] la somme de 40.000 euros en réparation de son préjudice financier,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Prosperia et MMA Iard aux dépens d'appel,

Condamne in solidum les sociétés Prosperia et MMA Iard à payer à Mme [P] [Z] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Magistrat

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