CA Nancy, 1re ch., 10 novembre 2025, n° 24/00626
NANCY
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /25 DU 10 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00626 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKYO
Décision déférée à la Cour : jugement du Président du tribunal judiciaire d'EPINAL,
R.G.n° 23/00356, en date du 21 février 2024,
APPELANT :
Monsieur [R] [M]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 3] (57)
domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
Madame [C] COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ (PRS) DES VOSGES, dont les bureaux sont situés [Adresse 1]
Représenté par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 10 Novembre 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte du 2 mars 2023, la comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Vosges (ci-après désigné PRSV) a fait assigner à jour fixe Monsieur [M] devant le président du tribunal judiciaire d'Epinal afin de voir au visa de l'article L267 du livre des procédures fiscales :
- déclarer Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 238263,96 euros et le condamner à lui payer cette somme,
- condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement contradictoire du 21 février 2024, le tribunal judiciaire d'Epinal a :
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation,
- débouté Monsieur [M] de sa demande de sursis à statuer et de sa demande de communication sous astreinte,
- déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
- condamné Monsieur [M] aux dépens,
- débouté Monsieur [M] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande de nullité de l'assignation,
le tribunal a constaté que Monsieur [M] avait, dans ses conclusions du 21 juin 2023, développé une défense au fond, sans soulever simultanément la nullité de l'assignation ; ce n'est que postérieurement, par voie de conclusions communiquées le 6 septembre 2023, qu'il a invoqué la dite nullité. Par conséquent, le tribunal a déclaré irrecevable sa demande de nullité de l'assignation.
Sur les demandes de sursis à statuer et de communication sous astreinte
* Sur la prétendue insuffisance des éléments fournis par le comptable du PRSV concernant les imputations des paiements, le tribunal a relevé que le comptable du PRSV avait satisfait à son obligation de justification en produisant un décompte détaillé et précis des sommes réclamées.
Ce décompte explicite pour chaque créance fiscale concernée : la nature, la période de la créance, son montant initial, les pénalités afférentes, les remises de pénalités accordées, les paiements effectués et leur imputation spécifique. En outre, le tribunal a énoncé que la pièce n° 36 versée aux débats démontrait de manière explicite la ventilation des versements opérés par la SCP [O] [G], attestant ainsi de la traçabilité des fonds au regard des créances détenues par le PRSV dans le cadre du plan de redressement. [C] tribunal a donc considéré que la prétendue insuffisance d'éléments, soulevée par Monsieur [M] était infondée, les informations fournies étant suffisamment probantes pour permettre l'examen du litige ;
* Sur les prétendues perspectives de règlement des créances fiscales dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Deklic Graphique, le tribunal a constaté, par le courrier de Maître [O] (mandataire liquidateur) du 7 mai 2021, que la quasi-totalité des créances inscrites au passif de la société Deklic Graphique ont été déclarées irrécouvrables ; seules les créances bénéficiant d'un rang prioritaire, conformément à l'article L 641-13 du code de commerce présentaient une perspective de règlement, et ce, de manière partielle ;
[C] tribunal a relevé que le chèque de 80000 euros versé au PRSV par le liquidateur avait été spécifiquement imputé sur la TVA 2018. Or, il a été établi que cette créance fiscale était sans lien avec le litige en cours, qui portait sur d'autres périodes de TVA.
Concernant le dividende complémentaire d'environ 20000 euros évoqué, le tribunal a souligné qu'aucun élément concret ne démontrait que ce versement serait effectivement réalisé. De surcroît, même si ce versement devait intervenir, il a été précisé qu'il ne s'imputerait que sur des créances nées après l'ouverture de la liquidation judiciaire, bénéficiant du rang prioritaire de l'article L 641-13 du code de commerce, et que ces créances sont également étrangères à l'objet du litige actuel, lequel concerne des créances de TVA antérieures à ladite procédure de liquidation judiciaire.
De plus, les courriels plus récents de Maître [O], des 30 novembre et 4 décembre 2023, qui mentionnent un dividende de l'ordre de 210247 euros, ont également été analysés.
[C] tribunal a ainsi constaté, que le liquidateur lui-même avait clairement indiqué que ce dividende était destiné aux créances 'post LJ', c'est-à-dire celles bénéficiant du rang prioritaire prévu à l'article L 641-13 du code de commerce, confirmant ainsi qu'elles ne sont pas pertinentes pour ce différend fiscal ;
En outre, le tribunal a rappelé que Monsieur [M] ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'ancien article 1256 (désormais 1342-10) du code civil sur l'imputation des paiements pour faire échec aux dispositions spécifiques de l'article L 641-13 du code de commerce, qui régissent l'ordre des paiements en matière de procédure collective et qui sont d'ordre public.
En conclusion, eu égard à l'absence de fondement des arguments avancés par Monsieur [M] pour justifier ses demandes de sursis à statuer et de communication sous astreinte, le tribunal a statué en le déboutant de l'intégralité de ces demandes.
Sur le fond,
le tribunal a relevé que la société Deklic Graphique avait manqué à son obligation de payer la TVA pour un montant total de 238263,96 euros sur plusieurs périodes distinctes, allant d'avril à décembre 2009, de janvier 2011 à décembre 2013 et de janvier 2015 à janvier 2016 ;
Il a qualifié ce défaut de paiement de manquement particulièrement grave et répété aux obligations fiscales, soulignant que l'entreprise avait conservé dans sa trésorerie des fonds collectés auprès de ses clients et destinés à être reversés au trésor public ;
En tant que gérant de la société, Monsieur [M] a été jugé responsable de cette inobservation grave et répétée des obligations fiscales. De plus, le tribunal a constaté que les créances fiscales en question étaient irrécouvrables et que l'accumulation de TVA impayée juste avant ou après l'ouverture d'une procédure collective, avait compromis les possibilités de recouvrement.
Concernant la responsabilité de Monsieur [M],
le tribunal a relevé que ce dernier soutenait que le PRSV était responsable du non-recouvrement des TVA, l'accusant d'avoir refusé d'encaisser certains règlements de la société Deklic Graphique. Cependant, le tribunal a constaté que les versements de 34814 euros et 15765 euros étaient expressément destinés à s'imputer sur des créances fiscales étrangères au litige, à la demande de la société Deklic Graphique ; il a rejeté l'argument de Monsieur [M] selon lequel il aurait pu décider d'une imputation plus favorable, rappelant qu'il n'était pas l'auteur de ces versements ;
En conséquence il a considéré que Monsieur [M] ne pouvait pas valablement soutenir que le refus d'encaisser ces sommes était à l'origine du non-recouvrement des TVA concernées par la procédure actuelle ; le tribunal a, au demeurant relevé que Monsieur [M] n'avait pas démontré avoir tenté de verser au PRSV les sommes consignées sur le compte CARPA, à l'exception des montants de 44328,94 euros et 34814 euros.
En revanche, le tribunal a retenu qu'il était établi que le plan de redressement était toujours en cours lorsque la société Deklic Graphique avait transmis un chèque de 44328,94 euros au PRSV pour le règlement d'un contrôle fiscal externe (janvier 2015 à décembre 2016) ;
Il a rappelé qu'une ordonnance du 28 décembre 2017 avait arrêté l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire et a ajouté que rien n'interdisait au PRSV d'encaisser ce chèque, destiné à payer des créances fiscales concernées par la présente procédure ; il a ainsi estimé que Monsieur [M] ne pouvait être tenu responsable du non-recouvrement de cette somme de 44328,94 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal a calculé que les TVA non recouvrées par suite du manquement de Monsieur [M] aux obligations fiscales s'élevaient à 193935,02 euros (238263,96 euros - 44328,94 euros).
En conséquence, le tribunal a déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de cette somme et l'a condamné à la payer à Madame le comptable du PRSV.
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Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 29 mars 2024, Monsieur [M] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 4 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [M] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel,
- lui donner acte de ce qu'il renonce à soutenir le moyen tiré de la nullité de l'assignation introductive d'instance,
- lui donner acte de ce qu'il considère comme satisfactoire la communication des documents reçus du PRSV, suite sa saisine, puis la décision de la CADA,
- déclarer irrecevable et en tout état de cause infondé l'appel incident du PRSV,
- réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise, notamment en ce qu'elle a :
- déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
- condamné Monsieur [M] aux dépens,
- débouté Monsieur [M] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la nature quasi-délictuelle de l'action fondée sur l'article L267 du livre des procédures fiscales,
- juger que l'absence de recouvrement est exclusivement due à la faute, en l'occurrence l'erreur de droit sur la notion de 'période suspecte' du PRSV,
- débouter le PRSV de ses demandes,
Subsidiairement,
- juger que l'absence de recouvrement est partiellement due à la faute, en l'occurrence l'erreur de droit sur la notion de 'période suspecte' du PRSV,
- juger que Monsieur [M] ne pourrait, en tout état de cause, être tenu à un montant supérieur à 13163,02 euros, sous réserve des questions d'imputation des sommes distribuées par le mandataire judiciaire,
En tout état de cause,
- juger que Monsieur [M] peut bénéficier des dispositions de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil, puisqu'il peut être tenu aux dettes du débiteur principal la société Deklic Graphique,
- juger que les versements reçus par le PRSV du liquidateur judiciaire doivent être imputés sur les dettes de TVA de la société Deklic Graphique, au titre de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil,
- juger qu'en application des principes régissant la solidarité, Monsieur [M] doit profiter de toute diminution de dette de la société Deklic Graphique,
- juger que du fait de l'imputation sur sa dette de TVA des versements reçus du liquidateur de la société Deklic Graphique cette dette est apurée,
- juger que Monsieur [M] ne peut être tenu dans ces conditions,
- débouter le PRSV de toutes ses demandes,
- condamner le PRSV à une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 30 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le comptable du PRSV demande à la cour, sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur [M] de ses demandes, fins et ampliations,
- déclarer Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 238263,96 euros,
- condamner par conséquent Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 238263,96 euros,
- condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [M] aux entiers dépens tant de première instance qu'à hauteur de cour.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er avril 2025.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 2 juin 2025 et le délibéré au 10 novembre 2025
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [R] [M] le 4 mars 2025 et par Madame le comptable du PRSV le 30 janvier 2025 et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 1er avril 2025 ;
Sur l'appel principal
A l'appui de son recours Monsieur [R] [M] avance un premier moyen tenant au non respect du délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) ce, au visa des articles L 267 et L 274 du LPF et de la jurisprudence induite ; ainsi il rappelle que les derniers manquements datent de 2016 pour une action engagée le 2 mars 2023 ;
Il conteste l'irrecevabilité qui lui est opposée par l'intimée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une nouvelle prétention ;
Il affirme que le recouvrement de l'impôt a été rendu impossible du fait du comportement du Recouvrement Spécialisé (PRS) ;
En effet, l'intimée n'a pas voulu recouvrer les impositions dues par la société Deklic Graphique à hauteur de 44328,94 euros, somme qu'il a ainsi dû consigner à la CARPA (pièces 12 et 13); Elle a continué ses consignations, s'agissant des dettes fiscales liées à son exploitation courante, avant son placement en liquidation judiciaire pour un montant total de 297918,49 euros (29558 euros -pièce 14) ;
L'appelant considère que si le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) avait accepté ces paiements, elle aurait été désintéressée au delà des sommes exigibles ; il indique que selon lui, le motif du refus des paiements par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) est erroné, dès lors que la société n'était pas en 'période suspecte' comme allégué ;
Il ajoute que nonobstant l'appel du Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 5 décembre 2017 ayant résolu le plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire de la société Deklic Graphique, les dispositions du jugement n'étaient pas applicables compte tenu de la suspension de l'exécution provisoire prononcée par ordonnance du premier Président du 28 décembre 2017 ;
Aussi se devait-elle d'acquitter les dettes courantes inhérentes à la poursuite de son activité dont la TVA et l'intimée devait encaisser les paiements effectués, ce qui a été relevé par le premier juge lequel n'en a pas tiré les conséquences adéquates ;
Monsieur [M] considère par conséquent, que l'erreur de droit commise par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges, constitue une faute quasi-délictuelle, susceptible d'engager sa responsabilité et de lui permettre d'invoquer l'exonération de la faute qui lui est imputée eu égard à celle de l'intimée ; Monsieur [M] souhaite bénéficier ainsi de l'indemnisation de son préjudice induit notamment au titre des frais et dépens de la procédure ;
Subsidairement dans l'hypothèse où la cour retiendrait sa responsabilité solidairement avec celle de la société Deklic Graphique (DG) , il conteste toute dette au titre des intérêts de retard et relève que, faute de disposer d'un décompte précis comportant la ventilation des paiements, s'agissant des droits principaux, des pénalités et intérêts de retard, le montant de sa dette est indéterminé ;
Plus subsidiairement encore, Monsieur [R] [M] conclut à un partage de responsabilités entre le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) et lui-même ;
En tout état de cause, il indique que les paiements effectués par le liquidateur de la société Deklic Graphique doivent être imputés en déduction de l'impôt réclamé ; la somme de 290769 euros ayant été versée par Maître [G] le 10 juillet 2024, Monsieur [M] doit bénéficier de la minoration de la dette de la société, dans la procédure diligentée contre lui en qualité de dirigeant ;
Cela implique en premier lieu, de déterminer la dette finale de la société Deklic Graphique et dans un second temps, de s'attacher à l'imputation des paiements effectués par le liquidateur judiciaire - l'appelant contestant les modalités d'imputation de l'intimée en se fondant sur les dispositions de l'article 1342-10 du code civil ;
Enfin Monsieur [M] sollicite le bénéfice des dispositions de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil, s'agissant des règles d'imputation des paiements ;
En réponse, Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges vise les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales qui prévoient que :
''Lorsqu'un'dirigeant'd'une'société,'d'une'personne'morale'ou'de'tout'autre'groupement'est responsable de ' man'uvres 'frauduleuses 'ou' de 'l'inobservation ' grave ' et 'répétée 'des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance.
A'cette'fin,'le'comptable'assigne'le'dirigeant'devant'le'président du'tribunal'de'grande'instance'du'siège'social.'Cette'disposition'est'applicable'à'toute personne'exerçant'en'droit'ou'en'fait,'directement'ou'indirectement,'la'direction'
effective'de'la société,'de'la'personne'morale'ou'du'groupement.
Les'voies'de'recours'qui'peuvent'être'exercées'contre'la'décision'du'président'du'tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoiresen vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor' ;
Il est constant qu'il appartient au juge d'examiner si les conditions d'application de ce texte sont réunies au cas d'espèce ;
Il y a lieu de rappeler que la société Deklic Graphique qui exerce l'activité d'imprimeur à [Localité 5] (Vosges) a été placée le 8 décembre 2009, en redressement judiciaire à la demande de l'URSSAF ;
Sur l'absence de prescription des créances
L'intimée affirme que le montant des créances déclarées le 10 février 2010 est de 469587,68 euros dont 84701 euros à titre provisionnel ; elles ont été admises au passif de la procédure de redressement judiciaire le 10 mars 2021 ; la société a bénéficié d'un plan de redressement, prolongé dans sa durée le 11 octobre 2016 ;
un certificat d'irrecouvrabilité a été délivré le 7 mai 2021, par le liquidateur judiciaire ;
A sa demande le tribunal de commerce d'Epinal a prononcé la dissolution du plan et ordonné une procédure de liquidation judiciaire, en fixant au 5 décembre 2017 la date de cessation des paiements ; cette décision a été confirmée en appel le 19 juin 2019 ;
Elle ajoute que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire interdit à tous les créanciers d'engager des poursuites forcées en cours du recouvrement ce, en application de l'article L. 621-40 du code de commerce, ce qui implique que ses créances ne sont pas prescrites, que ce soit au titre de la première période, que pour celle concernant la TVA de 2011 à décembre 2013 et celle de 2016 ;
Elle rappelle qu'en l'espèce, Monsieur [R] [M] a reconnu le bien fondé de la dette fiscale le 22 décembre 2024, que cette reconnaissance vaut interruption de prescription ; chaque paiement a eu un effet interruptif identique ;
Au 31 octobre 2021, le montant de la dette fiscale était de 851667,77 euros ;
A compter de la liquidation judiciaire, les dettes nouvelles ont fait l'objet d'une déclaration de créance qui est interruptive de prescription ; aucune poursuite n'était possible conformément aux articles L. 641-40 et L.641-4 du code de commerce ;
Aux termes de l'article L 274 du livre des procédure fiscales 'sauf dispositions contraires et sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription, l'action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi du titre exécutoire tel que défini à l'article L. 252 A (...)'
En l'espèce, la demande en justice a été formée le 2 mars 2023 pour un montant de 238263,96 euros, relativement aux périodes de non paiement de la TVA par la société Deklic Graphique de 2009 à 2016 ;
L'action a été suspendue pendant la procédure de redressement judiciaire de la société, soit du 8 décembre 2009 au 5 décembre 2017, date du prononcé de la dissolution du plan et de la liquidation judiciaire, puis du fait de l'appel de cette décision prononcée par le tribunal de commerce d'Epinal, jusqu'à l'arrêt confirmatif du 18 juin 2019, l'activité de la société ayant en outre, été poursuivie jusqu'au 19 septembre 2019 ;
De plus il résulte de la lettre du 22 décembre 2014, que Monsieur [M] a reconnu sa dette fiscale portant sur 352103,11 euros, cette reconnaissance valant interruption de prescription (pièce 30) ;
Dès lors l'action engagée par le Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS), moins de quatre ans avant la date permettant la reprise des poursuites individuelles pas les créanciers, n'est pas atteinte par la prescription ;
Sur le délai pour agir
A l'appui de son recours Monsieur [R] [M] avance un premier moyen tenant au non respect du délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) ce, au visa des articles L 267 et L 274 du LPF et de la jurisprudence induite ; il souligne que les derniers manquements de la société Deklic Graphique datent de 2016 pour une action engagée le 2 mars 2023 ;
Il conteste l'irrecevabilité de ce moyen qui lui est opposée par l'intimée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une nouvelle prétention ;
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) affirme que le moyen soulevé par l'appelant tiré de la tardiveté des poursuites constitue une prétention nouvelle qui, à ce titre est irrecevable ;
Subsidiairement quant à son bien fondé, elle indique que les poursuites sont intervenues le 2 mars 2023 et si la procédure collective a effectivement été ouverte en 2009, le plan de redressement n'a été arrêté que le 31 mai 2011 puis a été prolongé jusqu'au 11 octobre 2016 ;
La dissolution du plan et la cessation de paiements ont été fixées au 5 décembre 2017, mais compte tenu de l'appel de la décision du tribunal de commerce la prononçant, il a fallu attendre le 19 juin 2019, date de l'arrêt confirmatif pour agir, la société étant autorisée à continuer son activité jusqu'au 19 septembre 2019, ce qui permet de constater que le délai raisonnable pour agir a été respecté ;
- Sur l'irrecevabilité opposée par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS)
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait' ;
'Les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent' ajoute l'article 565 du même code ;
Les demandes du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges ayant abouti au jugement déféré, tendaient à la condamnation de Monsieur [R] [M] solidairement avec la société Deklic Graphique, au paiement de créances de TVA sur quatre périodes de 2009 à 2016 ;
Les moyens de défense de Monsieur [R] [M] portent sur la tardiveté de l'action et sur son mal fondé ;
Dès lors le moyen développé à hauteur de cour, visant à voir déclarer irrecevable le recours du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS) comme engagé tardivement, tend aux mêmes fins que ceux précédemment opposés et à ce titre, sera déclaré recevable ;
- Sur son bien fondé
Il est constant que l'action fondée sur les dispositions de l'article L 267 du LPF doit être engagée dans un délai raisonnable ;
Faisant application du raisonnement retenu pour la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, il échet de constater que le délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS), a été suspendu pendant la période de la procédure collective de la société Deklic Graphique qui certes a été ouverte le 8 octobre 2009 mais, bénéficiant d'un plan de continuation de l'activité, a été clôturée le 18 juin 2019 par le prononcé de l'arrêt confirmatif portant sur la dissolution du plan et le prononcé de sa liquidation judiciaire ;
Dès lors, il y a lieu de constater que la date de cessation des paiements a été fixée au 5 décembre 2017 par le tribunal de commerce d'Epinal, confirmée le 18 juin 2019 ;
Aussi, l'action en paiement engagée le 2 mars 2023 soit avant sa prescription et en considération des événements sus énoncés, a été engagée dans le délai induit par l'article sus énoncé ; elle sera par conséquent, déclarée recevable ;
Sur la mise en jeu de la responsabilité du dirigeant
'Il résulte de la combinaison des articles L. 267 et L. 274 du livre des procédures fiscales que, sous réserve d'être introduite dans un délai satisfaisant, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant d'une société, ouverte au comptable public, peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement de la dette fiscale de la société ne sont pas atteintes par la prescription' ;
Par un arrêt du 10 mars 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « [C] dirigeant poursuivi ne peut être déclaré tenu au paiement de la dette fiscale de la société que dans la mesure où il a rendu le recouvrement de cette dette sur la société impossible » ;
S'agissant de la première condition,
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges indique qu'il s'agit de conditions alternatives et non cumulatives ;
Concernant le caractère grave et répété des inobservations des obligations fiscales, il y a lieu de rappeler que le défaut de déclaration en matière de TVA, est considéré comme particulièrement grave par la Cour de cassation, l'entreprise conservant en dépôt des fonds collectés auprès de ses clients, destinés au Trésor ; il en est de même en cas de déclaration non suivie de paiement de l'impôt correspondant ;
La déclaration tardive est de nature à induire l'impossibilité du recouvrement de la créance du fait de la cessation des paiements de la société ; son dirigeant, tenu par les obligations fiscales de la société pendant son administration, engage sa responsabilité sans qu'il puisse s'en exonérer ;
Elle ajoute que le caractère de gravité s'apprécie au cas par cas, le nombre de manquements n'étant pas défini a priori et il n'y a pas lieu de s'attacher aux circonstances économiques difficiles ou à la bonne foi du dirigeant ;
Elle considère qu'en l'espèce, au vu des redressements fiscaux de la société et de leur périodicité, la qualification de manquements graves et répétés est établie ;
Monsieur [R] [M] rappelle qu'il appartient à la juridiction saisie de qualifier l'impossibilité de recouvrement de l'impôt, sans se fier uniquement à l'absence de déclaration ou de paiement ; celle-ci doit résulter des manquements graves et répétés de ses obligations fiscales par la société ;
En l'espèce il est établi que la société Deklic Graphique a fait l'objet de trois contrôles fiscaux, le premier pour la période de juillet 2003 à mars 2007, soit avant le redressement judiciaire de la société, le deuxième pour la période de janvier 2011 à décembre 2013 et le troisième du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, tous deux pendant le redressement judiciaire ;
Les redressements ont entraîné une taxation d'office, soit parce que la société n'avait pas déposé de déclaration de TVA, soit que le dépôt a été fait hors délais et sans paiement volontaire ;
La créance résultant des taxations volontaires inhérentes aux contrôles fiscaux est justifiée à hauteur de 88640,08 euros, celle au titre de la taxation d'office (période d'avril à juillet 2009) de 64784,59 euros et celle d'août à décembre 2009, au cours de laquelle la déclaration déposée n'a pas été suivie de paiement de 84829,29 euros soit une somme totale de 238263,96 euros ;
Par conséquent, la condition tenant à la gravité des manquements et à leur répétition, est remplie en l'espèce ;
Sur les inobservations ayant rendu impossible le recouvrement, seconde condition,
L'intimée précise qu'il y a lieu de se référer à la portée des obligations légales qui régissent les obligations de déclaration et de paiement en matière d'impôts sur les sociétés ou de TVA ;
Elle rappelle que les manquements en ce domaine, commis par le dirigeant de la société en cause, obèrent la liquidité de la créance du Trésor et créent des conditions qui contribuent à rendre le recouvrement impossible, en aggravant la situation de l'entreprise au regard de son passif fiscal ;
Ainsi il y a lieu de s'attacher aux difficultés de recouvrement et notamment en cas d'ouverture d'une procédure collective, laquelle paralyse tout recouvrement du fait de l'impossibilité d'exercice de poursuites individuelles ;
Elle rappelle qu'en l'espèce, un certificat d'irrecouvrabilité a été mis en oeuvre par le liquidateur judiciaire en date du 7 mai 2021, ce qui implique l'absence de recouvrement possible pour le Trésor ;
Elle précise en dernier lieu, que la responsabilité personnelle du dirigeant est caractérisée lorsque les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé sa gestion ;
En outre, il est constant que le dirigeant ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant état de circonstances économiques défavorables ou de l'incompétence d'un expert-comptable comme l'énonce l'appelant en l'espèce ;
Elle conclut en indiquant que Monsieur [M] ne peut opposer un refus d'encaissement des paiements qu'il considère comme une faute qui permettrait de minorer sa créance, sans préciser sur quel fondement il se positionne ;
[C] jugement déféré sera infirmé à cet égard en ce qu'il a déduit de la créance la somme de 44328,94 euros ;
S'agissant des paiements prétendument refusés par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS), elle rappelle qu'il y a lieu de s'attacher aux règles de la procédure de redressement judiciaire et aux obligations tenant à l'octroi d'un plan concernant le paiement des annuités au commissaire à l'exécution du plan ;
Elle ajoute que le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 28 décembre 2017 qui a fait l'objet d'un appel, a précisé qu'en attendant la décision appelée, la période d'observation se prolongeait ; or les créances échues avant la période d'observation ne peuvent être payées en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, ce qui justifie l'infirmation du jugement entrepris ;
Elle a listé les paiements allégués qui ne se rapportent pas à la période visée par la présente procédure, soit de 2009 à 2016 et dont le total des sommes dues par la société Deklic Graphique s'élève à 851667,77 euros, montant sans rapport avec le total des paiements dont l'appelant se prévaut pour conclure à l'absence de créance ;
La responsabilité de l'intimé étant engagée, elle demande que le jugement déféré soit infirmé, s'agissant des montants mis à la charge de Monsieur [M], tenu solidairement avec la société Deklic Graphique ;
Monsieur [R] [M] fait valoir que la dette n'a pu être recouvrée uniquement du fait des refus opposés par l'intimée d'encaisser ses paiements et par les modalités d'imputation des paiements qu'il conteste ;
Il affirme que les paiements n'ont pas été effectués pendant la 'période d'observation' alors que c'est ce motif qui lui a été opposé pour refuser les paiements de la société ;
Or il s'agit de la période de 2018 à 2019 pendant laquelle la société Deklic Graphique était toujours en plan de continuation du fait de l'appel du Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 5 décembre 2017, ayant prononcé la dissolution du plan ainsi que la liquidation judiciaire de la société ;
Il affirme que l'intimée en commettant cette erreur de droit, lui a causé un préjudice qui l'exonère de sa responsabilité en tant que dirigeant ; il affirme que l'encaissement des dettes fiscales courantes était justifiée ;
Il conclut en chiffrant la totalité des consignations qu'il a effectuées en compte CARPA pour les dettes fiscales de l'exploitation courante, à la somme de 297918,94 euros dont 44328,94 euros consignés lors du contrôle fiscal soit un solde de 253590 euros ;
Aux termes de l'article L. 622-21 I du code de commerce, 'I.-[C] jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture' ;
L'article L 662-2 du code de commerce précise que 'Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant'.
L'arrêt des poursuites individuelles s'applique à toutes les créances ne répondant pas aux caractéristiques de l'article L. 622-17 du même code [Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance] ;
Les créanciers n'entrant pas dans les catégories visées à l'article L 622-17 I ne peuvent agir à l'encontre du débiteur en paiement ou en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent dès le prononcé du jugement d'ouverture de sauvegarde, de redressement judiciaire jusqu'à l'issue de ces procédures. Cette interdiction s'applique aussi en liquidation judiciaire.
Cette interdiction se poursuit en cas d'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement, ces jugements, opposables à tous, imposant aux créanciers des délais ou remises. [C] créancier ne recouvre son droit de poursuite individuelle qu'en cas de résolution du plan ;
En l'espèce, la pièce n° 36 de l'intimée, liste avec précision la ventilation des sommes versées par la SCP [O]- [G] pendant la période de redressement judiciaire de la société Deklic Graphique ;
[C] total des paiements ainsi listés est repris en pièce 8 de l'intimée, laquelle totalise l'entièreté des créances antérieures à la période de redressement judiciaire à la somme de 149623,88 euros ;
Après ajout des créances relatives à la période du redressement judiciaire, soit de janvier 2011 à décembre 2013 et de janvier 2015 à décembre 2016, la totalité de la créance est de 238263,96 euros ;
Ce montant se décompose en quatre sommes correspondant aux quatre périodes, objet des poursuites du PRS des Vosges à savoir :
- 64784,59 euros pour la période d'avril à juillet 2009,
- 84839,29 euros pour celle d'août à décembre 2009,
- 3015,09 euros pour celle du 1er au 31 décembre 2011,
- 85625 euros pour la période de janvier 2015 à décembre 2016.
Les dettes constituées par la société, notamment au titre de la TVA concernant la période de 2008 à décembre 2009, soit antérieurement à la procédure collective de Deklic Graphique ont été déclarées par le PRS des Vosges les 10 et 16 février 2010 et admises par le juge commissaire le 10 mars 2011 à hauteur de la somme totale de 386599,01 euros - créance privilégiée du trésor - (pièces 3/1 et 4/1) ; les créances ainsi déclarées sont relatives notamment aux mensualités de TVA d'avril 2009 au 7 décembre 2009 ;
S'agissant des paiements dont Monsieur [M] se prévaut, ils ont été reconstitués par l'intimée, dans un listing débutant le 11/07/18 pour s'achever le 20/05/21 (pièce 35/1 intimée) ;
Monsieur [M] produit les envois à l'intimée de chèques ainsi que les sommes qu'il a dû consigner en compte CARPA du fait du refus de l'administration fiscale de les encaisser (pièces 8 à 22 appelant) ;
Il s'agit des mouvements suivants :
- le 9 mars 2018, chèque de 44328,94 euros attribué selon Deklic Graphique au contrôle fiscal externe du 1/01/2015 au 31/12/2016 (pièce 8),
- refus d'une somme de 15765 euros au titre de la TVA d'août 2018,
- le 28 mai 2018, chèque de 34814 euros en recouvrement de la TVA du mois de janvier 2018,
- le 28 mai 2018, chèque de 29958 euros,
- le 6 août 2018, 43260 euros selon attestation de dépôt de chèque à la Carpa,
- le 27 décembre 2018, 75743 euros selon attestation de dépôt de chèque à la Carpa,
- le 21 janvier 2019, 40215 euros selon attestation de dépôt de chèque du 21 janvier 2019 à la Carpa correspondant à un AMR du 31 octobre 2018 pour la même somme en principal - TVA juillet 2018 ;
[C] chèque de 30000 euros comptabilisé le 24 juillet 2018 dans l'historique du compte Carpa produit en pièce 22, n'est pas produit ; le total des mouvements au crédit sus énoncé est de 297918,94 euros ;
Il y a lieu de constater que l'ensemble de ces paiements sont intervenus postérieurement au jugement du tribunal de commerce de Nancy du 5 décembre 2017, portant dissolution du plan de continuation et liquidation judiciaire de la société, et antérieurement au 19 juin 2019, date de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Nancy ;
C'est à ce titre qu'elle a été qualifiée de 'suspecte' par le PRS des Vosges dans ses courriers de refus d'encaissement de chèques de paiement (pièces 9 et 12 appelant) ;
Un seul des paiements, le premier, concerne une dette née pendant l'exécution de plan de continuation de la société du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ; cela justifie de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déduit des causes de la procédure ce montant payé antérieurement au jugement de liquidation judiciaire correspondant à une partie de la créance dont le paiement est réclamé ;
En revanche, du fait de l'appel formé par le Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce, la décision de liquidation judiciaire n'était pas définitive ;
Aussi aucun manquement ne peut être retenu contre le PRS des Vosges pendant la période couvrant la procédure d'appel, dès lors que l'arrêt confirmatif du jugement a pour effet d'en reporter les effets à la date de la première décision, ce qui légitime son refus d'encaisser les paiement afférents à la période du 5 décembre 2017 au 19 juin 2019 ;
Dès lors, aucune faute imputable et indemnisable n'est établie à l'encontre de l'intimée ;
En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la thèse de Monsieur [M], tenant au caractère fautif des rejets de paiement opposés par l'intimée ;
Sur les sommes dues
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) conteste les arguments développés par l'appelant tenant au caractère incertain de la dette ;
Elle concerne les TVA d'avril à juillet 2009 pour 64784,59 euros (taxation d'office), celles d'août à décembre 2009 pour 84839,29 euros, celles du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 pour 3015 euros et celles de janvier 2015 à janvier 2016 pour 85625 euros pour un montant total de 238263,96 euros (pièce n° 8) ;
Elle ajoute justifier des modalités d'imputation des paiements dans sa pièce n° 12 ;
Elle affirme que les montants mis en paiement ne sont plus contestables, en application des dispositions de l'article L. 624-1 du code de commerce et rappelle que les déclarations de créances ont été admises et publiées ; seules les sommes versées au PRS peuvent être portées en déduction de sa créance ;
En revanche, les sommes payées par le liquidateur judiciaire sont listées dans le document n° 36 et certaines ont été imputées sur les créances prioritaires tel que cela résulte des mentions de sa pièce n° 37 ;
Elle conclut en rappelant que seul le liquidateur judiciaire dispose du pouvoir d'imputer les paiements selon les règles strictes de la procédure collective et que ce paiement n'influera pas le montant exigible dans la présente procédure, laquelle concerne des dettes antérieures à 2018 ; L'intimée reconnaît ainsi, avoir perçu de Maître [N] une somme de 20000 euros imputée sur la TVA 2018 et précise qu'aucun versement complémentaire n'est intervenu depuis ;
En dernier lieu, Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) conteste l'argument adverse relatif à l'imputation des sommes payées, au visa de l'article 1256 du code civil devenu 1342-10 du même code qui n'intervient pas dans une procédure collective comportant des règles spéciales (L. 641-13 et L 643-8 et suivants du code de commerce) ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris qui l'a écartée ;
Enfin s'agissant du nouveau moyen tiré de l'absence de ventilation des sommes dues en principal, intérêts et pénalités à le supposer recevable, elle se réfère aux mentions claires des Avis à Tiers Détenteur (ATD) ;
Monsieur [M] conteste son obligation au paiement en qualité de dirigeant de la société Deklic Graphique, s'agissant de sommes autres que la dette (intérêts de retard, frais irrépétibles de défense ...) ; il liste les paiements effectués au titre de la dette fiscale de la société qui ont été refusés par l'intimée et consignés pour un montant de 225100,94 euros et affirme qu'ainsi, il ne saurait être condamné à une somme supérieure à 13163,02 euros (238263,96- 225100,94);
Enfin il affirme que les paiements du liquidateur judiciaire encaissés par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) doivent lui profiter et qu'en conséquence, toute la dette de TVA est éteinte ; en tout état de cause, il conteste les imputations effectuées par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) et réclame le bénéfice des dispositions de l'article 1342-10 du code civil ;
L'article 9 du code de procédure civile énonce en outre, 'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions' ;
Il résulte des pièces produites par le PRSV telles que sus énoncées, que les dettes objet de la présente procédure concernent les quatre périodes mentionnées par l'intimée ;
Les deux premières sont afférentes à la période antérieure au redressement judiciaire et ont fait l'objet de déclarations de créances, lesquelles ont été admises par le juge commissaire ;
De plus les concernant, l'intimée justifie de l'imputation des versements du liquidateur la SCP [C] Carrer-[G] sur ces créances antérieures à la procédure collective selon listing qu'elle produit pour la période (pièce n° 36) ;
Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la dette de 3015,09 euros résulte au visa de la pièce 8 de l'intimé portant ventilation des paiements effectués, du paiement d'une somme de 187515,92 euros sur une dette de 203999 euros ;
Enfin la quatrième période de dettes visées par cette procédure concerne une dette de 85625 euros correspondant aux droits de janvier 2015 à juin 2016, pour laquelle aucun paiement n'est imputé ;
Cependant Monsieur [M] justifie du paiement de la somme de 44 328,94 euros par un chèque du 9 mars 2018 attribué par l'appelant au contrôle fiscal externe du 1/01/2015 au 31/12/2016 (pièce 8) ; aucune raison objective ne justifiant d'écarter ce paiement effectué antérieurement à la décision de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce d'Epinal, elle sera déduite du solde d'impôts exigibles, tel que décidé dans le jugement déféré ;
En revanche, les autres montants consignés par la société Deklic Graphique et justifiés (supra et pièce 22 appelant), n'ont pas été perçus par l'intimée à juste titre, comme concernant la période de liquidation judiciaire durant laquelle seul le liquidateur était fondé à les percevoir ; En effet et tel qu'énoncé précédemment, compte tenu de l'appel de la décision du tribunal de commerce d'Epinal, la décision de liquidation judiciaire n'était pas définitive avant l'arrêt confirmatif du jugement, lequel a pour conséquence d'en reporter les effets à la date de la première décision, ce qui légitime le refus du PRS des Vosges d'encaisser les paiements afférents à la période du 5 décembre 2017 au 19 juin 2019 ;
De plus, il y a lieu de rejeter le moyen de l'appelant tiré du bénéfice de l'imputation des sommes payées au titre de l'article 1256 du code civil devenu 1342-10 du même code, la procédure collective imposant ses règles protectrices de l'égalité des créanciers ;
Enfin le solde de dette réclamé ne concerne pas les intérêts de retard ;
Enfin il échet de constater que, contrairement aux affirmations de Monsieur [M], la dette de la société Deklic Graphique était au 11 avril 2017 de 88640 euros s'agissant de la quatrième période et se calcule, après imputation du paiement à comptabiliser à (88640,08 - 44328,94) à 44311,14 euros, outre les soldes des créances avant procédure collective de 84839,29 et 64784,59 euros, soit un total de 193935,02 euros ;
En conséquence, à défaut de paiement en temps et heure du solde exigible, Monsieur [M] est responsable de cette dette devenue irrecouvrable du fait de la liquidation judiciaire à effet du 5 décembre 2017 ;
[C] jugement déféré, qui a prononcé sa condamnation au paiement de cette somme solidairement avec la société Déklic Graphique, sera par conséquent confirmé ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [M] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [M], partie perdante, devra supporter les dépens d'appel ; en outre, il sera condamné à payer à Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche il sera débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [R] [M] à payer à Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges, la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [R] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [R] [M] aux dépens d'appel.
[C] présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix-sept pages.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /25 DU 10 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00626 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKYO
Décision déférée à la Cour : jugement du Président du tribunal judiciaire d'EPINAL,
R.G.n° 23/00356, en date du 21 février 2024,
APPELANT :
Monsieur [R] [M]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 3] (57)
domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
Madame [C] COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ (PRS) DES VOSGES, dont les bureaux sont situés [Adresse 1]
Représenté par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport, et Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 10 Novembre 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte du 2 mars 2023, la comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Vosges (ci-après désigné PRSV) a fait assigner à jour fixe Monsieur [M] devant le président du tribunal judiciaire d'Epinal afin de voir au visa de l'article L267 du livre des procédures fiscales :
- déclarer Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 238263,96 euros et le condamner à lui payer cette somme,
- condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement contradictoire du 21 février 2024, le tribunal judiciaire d'Epinal a :
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation,
- débouté Monsieur [M] de sa demande de sursis à statuer et de sa demande de communication sous astreinte,
- déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
- condamné Monsieur [M] aux dépens,
- débouté Monsieur [M] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande de nullité de l'assignation,
le tribunal a constaté que Monsieur [M] avait, dans ses conclusions du 21 juin 2023, développé une défense au fond, sans soulever simultanément la nullité de l'assignation ; ce n'est que postérieurement, par voie de conclusions communiquées le 6 septembre 2023, qu'il a invoqué la dite nullité. Par conséquent, le tribunal a déclaré irrecevable sa demande de nullité de l'assignation.
Sur les demandes de sursis à statuer et de communication sous astreinte
* Sur la prétendue insuffisance des éléments fournis par le comptable du PRSV concernant les imputations des paiements, le tribunal a relevé que le comptable du PRSV avait satisfait à son obligation de justification en produisant un décompte détaillé et précis des sommes réclamées.
Ce décompte explicite pour chaque créance fiscale concernée : la nature, la période de la créance, son montant initial, les pénalités afférentes, les remises de pénalités accordées, les paiements effectués et leur imputation spécifique. En outre, le tribunal a énoncé que la pièce n° 36 versée aux débats démontrait de manière explicite la ventilation des versements opérés par la SCP [O] [G], attestant ainsi de la traçabilité des fonds au regard des créances détenues par le PRSV dans le cadre du plan de redressement. [C] tribunal a donc considéré que la prétendue insuffisance d'éléments, soulevée par Monsieur [M] était infondée, les informations fournies étant suffisamment probantes pour permettre l'examen du litige ;
* Sur les prétendues perspectives de règlement des créances fiscales dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Deklic Graphique, le tribunal a constaté, par le courrier de Maître [O] (mandataire liquidateur) du 7 mai 2021, que la quasi-totalité des créances inscrites au passif de la société Deklic Graphique ont été déclarées irrécouvrables ; seules les créances bénéficiant d'un rang prioritaire, conformément à l'article L 641-13 du code de commerce présentaient une perspective de règlement, et ce, de manière partielle ;
[C] tribunal a relevé que le chèque de 80000 euros versé au PRSV par le liquidateur avait été spécifiquement imputé sur la TVA 2018. Or, il a été établi que cette créance fiscale était sans lien avec le litige en cours, qui portait sur d'autres périodes de TVA.
Concernant le dividende complémentaire d'environ 20000 euros évoqué, le tribunal a souligné qu'aucun élément concret ne démontrait que ce versement serait effectivement réalisé. De surcroît, même si ce versement devait intervenir, il a été précisé qu'il ne s'imputerait que sur des créances nées après l'ouverture de la liquidation judiciaire, bénéficiant du rang prioritaire de l'article L 641-13 du code de commerce, et que ces créances sont également étrangères à l'objet du litige actuel, lequel concerne des créances de TVA antérieures à ladite procédure de liquidation judiciaire.
De plus, les courriels plus récents de Maître [O], des 30 novembre et 4 décembre 2023, qui mentionnent un dividende de l'ordre de 210247 euros, ont également été analysés.
[C] tribunal a ainsi constaté, que le liquidateur lui-même avait clairement indiqué que ce dividende était destiné aux créances 'post LJ', c'est-à-dire celles bénéficiant du rang prioritaire prévu à l'article L 641-13 du code de commerce, confirmant ainsi qu'elles ne sont pas pertinentes pour ce différend fiscal ;
En outre, le tribunal a rappelé que Monsieur [M] ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'ancien article 1256 (désormais 1342-10) du code civil sur l'imputation des paiements pour faire échec aux dispositions spécifiques de l'article L 641-13 du code de commerce, qui régissent l'ordre des paiements en matière de procédure collective et qui sont d'ordre public.
En conclusion, eu égard à l'absence de fondement des arguments avancés par Monsieur [M] pour justifier ses demandes de sursis à statuer et de communication sous astreinte, le tribunal a statué en le déboutant de l'intégralité de ces demandes.
Sur le fond,
le tribunal a relevé que la société Deklic Graphique avait manqué à son obligation de payer la TVA pour un montant total de 238263,96 euros sur plusieurs périodes distinctes, allant d'avril à décembre 2009, de janvier 2011 à décembre 2013 et de janvier 2015 à janvier 2016 ;
Il a qualifié ce défaut de paiement de manquement particulièrement grave et répété aux obligations fiscales, soulignant que l'entreprise avait conservé dans sa trésorerie des fonds collectés auprès de ses clients et destinés à être reversés au trésor public ;
En tant que gérant de la société, Monsieur [M] a été jugé responsable de cette inobservation grave et répétée des obligations fiscales. De plus, le tribunal a constaté que les créances fiscales en question étaient irrécouvrables et que l'accumulation de TVA impayée juste avant ou après l'ouverture d'une procédure collective, avait compromis les possibilités de recouvrement.
Concernant la responsabilité de Monsieur [M],
le tribunal a relevé que ce dernier soutenait que le PRSV était responsable du non-recouvrement des TVA, l'accusant d'avoir refusé d'encaisser certains règlements de la société Deklic Graphique. Cependant, le tribunal a constaté que les versements de 34814 euros et 15765 euros étaient expressément destinés à s'imputer sur des créances fiscales étrangères au litige, à la demande de la société Deklic Graphique ; il a rejeté l'argument de Monsieur [M] selon lequel il aurait pu décider d'une imputation plus favorable, rappelant qu'il n'était pas l'auteur de ces versements ;
En conséquence il a considéré que Monsieur [M] ne pouvait pas valablement soutenir que le refus d'encaisser ces sommes était à l'origine du non-recouvrement des TVA concernées par la procédure actuelle ; le tribunal a, au demeurant relevé que Monsieur [M] n'avait pas démontré avoir tenté de verser au PRSV les sommes consignées sur le compte CARPA, à l'exception des montants de 44328,94 euros et 34814 euros.
En revanche, le tribunal a retenu qu'il était établi que le plan de redressement était toujours en cours lorsque la société Deklic Graphique avait transmis un chèque de 44328,94 euros au PRSV pour le règlement d'un contrôle fiscal externe (janvier 2015 à décembre 2016) ;
Il a rappelé qu'une ordonnance du 28 décembre 2017 avait arrêté l'exécution provisoire du jugement de liquidation judiciaire et a ajouté que rien n'interdisait au PRSV d'encaisser ce chèque, destiné à payer des créances fiscales concernées par la présente procédure ; il a ainsi estimé que Monsieur [M] ne pouvait être tenu responsable du non-recouvrement de cette somme de 44328,94 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal a calculé que les TVA non recouvrées par suite du manquement de Monsieur [M] aux obligations fiscales s'élevaient à 193935,02 euros (238263,96 euros - 44328,94 euros).
En conséquence, le tribunal a déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de cette somme et l'a condamné à la payer à Madame le comptable du PRSV.
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Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 29 mars 2024, Monsieur [M] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 4 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [M] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel,
- lui donner acte de ce qu'il renonce à soutenir le moyen tiré de la nullité de l'assignation introductive d'instance,
- lui donner acte de ce qu'il considère comme satisfactoire la communication des documents reçus du PRSV, suite sa saisine, puis la décision de la CADA,
- déclarer irrecevable et en tout état de cause infondé l'appel incident du PRSV,
- réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise, notamment en ce qu'elle a :
- déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
- condamné Monsieur [M] aux dépens,
- débouté Monsieur [M] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la nature quasi-délictuelle de l'action fondée sur l'article L267 du livre des procédures fiscales,
- juger que l'absence de recouvrement est exclusivement due à la faute, en l'occurrence l'erreur de droit sur la notion de 'période suspecte' du PRSV,
- débouter le PRSV de ses demandes,
Subsidiairement,
- juger que l'absence de recouvrement est partiellement due à la faute, en l'occurrence l'erreur de droit sur la notion de 'période suspecte' du PRSV,
- juger que Monsieur [M] ne pourrait, en tout état de cause, être tenu à un montant supérieur à 13163,02 euros, sous réserve des questions d'imputation des sommes distribuées par le mandataire judiciaire,
En tout état de cause,
- juger que Monsieur [M] peut bénéficier des dispositions de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil, puisqu'il peut être tenu aux dettes du débiteur principal la société Deklic Graphique,
- juger que les versements reçus par le PRSV du liquidateur judiciaire doivent être imputés sur les dettes de TVA de la société Deklic Graphique, au titre de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil,
- juger qu'en application des principes régissant la solidarité, Monsieur [M] doit profiter de toute diminution de dette de la société Deklic Graphique,
- juger que du fait de l'imputation sur sa dette de TVA des versements reçus du liquidateur de la société Deklic Graphique cette dette est apurée,
- juger que Monsieur [M] ne peut être tenu dans ces conditions,
- débouter le PRSV de toutes ses demandes,
- condamner le PRSV à une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 30 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le comptable du PRSV demande à la cour, sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 193935,02 euros et condamné Monsieur [M] à payer cette somme au comptable du PRSV,
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur [M] de ses demandes, fins et ampliations,
- déclarer Monsieur [M] solidairement responsable avec la société Deklic Graphique du paiement de la somme de 238263,96 euros,
- condamner par conséquent Monsieur [M] à payer au comptable du PRSV la somme de 238263,96 euros,
- condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [M] aux entiers dépens tant de première instance qu'à hauteur de cour.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er avril 2025.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 2 juin 2025 et le délibéré au 10 novembre 2025
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [R] [M] le 4 mars 2025 et par Madame le comptable du PRSV le 30 janvier 2025 et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 1er avril 2025 ;
Sur l'appel principal
A l'appui de son recours Monsieur [R] [M] avance un premier moyen tenant au non respect du délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) ce, au visa des articles L 267 et L 274 du LPF et de la jurisprudence induite ; ainsi il rappelle que les derniers manquements datent de 2016 pour une action engagée le 2 mars 2023 ;
Il conteste l'irrecevabilité qui lui est opposée par l'intimée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une nouvelle prétention ;
Il affirme que le recouvrement de l'impôt a été rendu impossible du fait du comportement du Recouvrement Spécialisé (PRS) ;
En effet, l'intimée n'a pas voulu recouvrer les impositions dues par la société Deklic Graphique à hauteur de 44328,94 euros, somme qu'il a ainsi dû consigner à la CARPA (pièces 12 et 13); Elle a continué ses consignations, s'agissant des dettes fiscales liées à son exploitation courante, avant son placement en liquidation judiciaire pour un montant total de 297918,49 euros (29558 euros -pièce 14) ;
L'appelant considère que si le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) avait accepté ces paiements, elle aurait été désintéressée au delà des sommes exigibles ; il indique que selon lui, le motif du refus des paiements par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) est erroné, dès lors que la société n'était pas en 'période suspecte' comme allégué ;
Il ajoute que nonobstant l'appel du Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 5 décembre 2017 ayant résolu le plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire de la société Deklic Graphique, les dispositions du jugement n'étaient pas applicables compte tenu de la suspension de l'exécution provisoire prononcée par ordonnance du premier Président du 28 décembre 2017 ;
Aussi se devait-elle d'acquitter les dettes courantes inhérentes à la poursuite de son activité dont la TVA et l'intimée devait encaisser les paiements effectués, ce qui a été relevé par le premier juge lequel n'en a pas tiré les conséquences adéquates ;
Monsieur [M] considère par conséquent, que l'erreur de droit commise par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges, constitue une faute quasi-délictuelle, susceptible d'engager sa responsabilité et de lui permettre d'invoquer l'exonération de la faute qui lui est imputée eu égard à celle de l'intimée ; Monsieur [M] souhaite bénéficier ainsi de l'indemnisation de son préjudice induit notamment au titre des frais et dépens de la procédure ;
Subsidairement dans l'hypothèse où la cour retiendrait sa responsabilité solidairement avec celle de la société Deklic Graphique (DG) , il conteste toute dette au titre des intérêts de retard et relève que, faute de disposer d'un décompte précis comportant la ventilation des paiements, s'agissant des droits principaux, des pénalités et intérêts de retard, le montant de sa dette est indéterminé ;
Plus subsidiairement encore, Monsieur [R] [M] conclut à un partage de responsabilités entre le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) et lui-même ;
En tout état de cause, il indique que les paiements effectués par le liquidateur de la société Deklic Graphique doivent être imputés en déduction de l'impôt réclamé ; la somme de 290769 euros ayant été versée par Maître [G] le 10 juillet 2024, Monsieur [M] doit bénéficier de la minoration de la dette de la société, dans la procédure diligentée contre lui en qualité de dirigeant ;
Cela implique en premier lieu, de déterminer la dette finale de la société Deklic Graphique et dans un second temps, de s'attacher à l'imputation des paiements effectués par le liquidateur judiciaire - l'appelant contestant les modalités d'imputation de l'intimée en se fondant sur les dispositions de l'article 1342-10 du code civil ;
Enfin Monsieur [M] sollicite le bénéfice des dispositions de l'article 1256 devenu 1342-10 du code civil, s'agissant des règles d'imputation des paiements ;
En réponse, Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges vise les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales qui prévoient que :
''Lorsqu'un'dirigeant'd'une'société,'d'une'personne'morale'ou'de'tout'autre'groupement'est responsable de ' man'uvres 'frauduleuses 'ou' de 'l'inobservation ' grave ' et 'répétée 'des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance.
A'cette'fin,'le'comptable'assigne'le'dirigeant'devant'le'président du'tribunal'de'grande'instance'du'siège'social.'Cette'disposition'est'applicable'à'toute personne'exerçant'en'droit'ou'en'fait,'directement'ou'indirectement,'la'direction'
effective'de'la société,'de'la'personne'morale'ou'du'groupement.
Les'voies'de'recours'qui'peuvent'être'exercées'contre'la'décision'du'président'du'tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne à leur encontre des mesures conservatoiresen vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor' ;
Il est constant qu'il appartient au juge d'examiner si les conditions d'application de ce texte sont réunies au cas d'espèce ;
Il y a lieu de rappeler que la société Deklic Graphique qui exerce l'activité d'imprimeur à [Localité 5] (Vosges) a été placée le 8 décembre 2009, en redressement judiciaire à la demande de l'URSSAF ;
Sur l'absence de prescription des créances
L'intimée affirme que le montant des créances déclarées le 10 février 2010 est de 469587,68 euros dont 84701 euros à titre provisionnel ; elles ont été admises au passif de la procédure de redressement judiciaire le 10 mars 2021 ; la société a bénéficié d'un plan de redressement, prolongé dans sa durée le 11 octobre 2016 ;
un certificat d'irrecouvrabilité a été délivré le 7 mai 2021, par le liquidateur judiciaire ;
A sa demande le tribunal de commerce d'Epinal a prononcé la dissolution du plan et ordonné une procédure de liquidation judiciaire, en fixant au 5 décembre 2017 la date de cessation des paiements ; cette décision a été confirmée en appel le 19 juin 2019 ;
Elle ajoute que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire interdit à tous les créanciers d'engager des poursuites forcées en cours du recouvrement ce, en application de l'article L. 621-40 du code de commerce, ce qui implique que ses créances ne sont pas prescrites, que ce soit au titre de la première période, que pour celle concernant la TVA de 2011 à décembre 2013 et celle de 2016 ;
Elle rappelle qu'en l'espèce, Monsieur [R] [M] a reconnu le bien fondé de la dette fiscale le 22 décembre 2024, que cette reconnaissance vaut interruption de prescription ; chaque paiement a eu un effet interruptif identique ;
Au 31 octobre 2021, le montant de la dette fiscale était de 851667,77 euros ;
A compter de la liquidation judiciaire, les dettes nouvelles ont fait l'objet d'une déclaration de créance qui est interruptive de prescription ; aucune poursuite n'était possible conformément aux articles L. 641-40 et L.641-4 du code de commerce ;
Aux termes de l'article L 274 du livre des procédure fiscales 'sauf dispositions contraires et sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription, l'action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi du titre exécutoire tel que défini à l'article L. 252 A (...)'
En l'espèce, la demande en justice a été formée le 2 mars 2023 pour un montant de 238263,96 euros, relativement aux périodes de non paiement de la TVA par la société Deklic Graphique de 2009 à 2016 ;
L'action a été suspendue pendant la procédure de redressement judiciaire de la société, soit du 8 décembre 2009 au 5 décembre 2017, date du prononcé de la dissolution du plan et de la liquidation judiciaire, puis du fait de l'appel de cette décision prononcée par le tribunal de commerce d'Epinal, jusqu'à l'arrêt confirmatif du 18 juin 2019, l'activité de la société ayant en outre, été poursuivie jusqu'au 19 septembre 2019 ;
De plus il résulte de la lettre du 22 décembre 2014, que Monsieur [M] a reconnu sa dette fiscale portant sur 352103,11 euros, cette reconnaissance valant interruption de prescription (pièce 30) ;
Dès lors l'action engagée par le Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS), moins de quatre ans avant la date permettant la reprise des poursuites individuelles pas les créanciers, n'est pas atteinte par la prescription ;
Sur le délai pour agir
A l'appui de son recours Monsieur [R] [M] avance un premier moyen tenant au non respect du délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) ce, au visa des articles L 267 et L 274 du LPF et de la jurisprudence induite ; il souligne que les derniers manquements de la société Deklic Graphique datent de 2016 pour une action engagée le 2 mars 2023 ;
Il conteste l'irrecevabilité de ce moyen qui lui est opposée par l'intimée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une nouvelle prétention ;
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) affirme que le moyen soulevé par l'appelant tiré de la tardiveté des poursuites constitue une prétention nouvelle qui, à ce titre est irrecevable ;
Subsidiairement quant à son bien fondé, elle indique que les poursuites sont intervenues le 2 mars 2023 et si la procédure collective a effectivement été ouverte en 2009, le plan de redressement n'a été arrêté que le 31 mai 2011 puis a été prolongé jusqu'au 11 octobre 2016 ;
La dissolution du plan et la cessation de paiements ont été fixées au 5 décembre 2017, mais compte tenu de l'appel de la décision du tribunal de commerce la prononçant, il a fallu attendre le 19 juin 2019, date de l'arrêt confirmatif pour agir, la société étant autorisée à continuer son activité jusqu'au 19 septembre 2019, ce qui permet de constater que le délai raisonnable pour agir a été respecté ;
- Sur l'irrecevabilité opposée par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS)
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait' ;
'Les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent' ajoute l'article 565 du même code ;
Les demandes du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges ayant abouti au jugement déféré, tendaient à la condamnation de Monsieur [R] [M] solidairement avec la société Deklic Graphique, au paiement de créances de TVA sur quatre périodes de 2009 à 2016 ;
Les moyens de défense de Monsieur [R] [M] portent sur la tardiveté de l'action et sur son mal fondé ;
Dès lors le moyen développé à hauteur de cour, visant à voir déclarer irrecevable le recours du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS) comme engagé tardivement, tend aux mêmes fins que ceux précédemment opposés et à ce titre, sera déclaré recevable ;
- Sur son bien fondé
Il est constant que l'action fondée sur les dispositions de l'article L 267 du LPF doit être engagée dans un délai raisonnable ;
Faisant application du raisonnement retenu pour la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, il échet de constater que le délai pour agir du Pôle de Recouvrement Spécialisé des Vosges (PRS), a été suspendu pendant la période de la procédure collective de la société Deklic Graphique qui certes a été ouverte le 8 octobre 2009 mais, bénéficiant d'un plan de continuation de l'activité, a été clôturée le 18 juin 2019 par le prononcé de l'arrêt confirmatif portant sur la dissolution du plan et le prononcé de sa liquidation judiciaire ;
Dès lors, il y a lieu de constater que la date de cessation des paiements a été fixée au 5 décembre 2017 par le tribunal de commerce d'Epinal, confirmée le 18 juin 2019 ;
Aussi, l'action en paiement engagée le 2 mars 2023 soit avant sa prescription et en considération des événements sus énoncés, a été engagée dans le délai induit par l'article sus énoncé ; elle sera par conséquent, déclarée recevable ;
Sur la mise en jeu de la responsabilité du dirigeant
'Il résulte de la combinaison des articles L. 267 et L. 274 du livre des procédures fiscales que, sous réserve d'être introduite dans un délai satisfaisant, l'action en responsabilité solidaire du dirigeant d'une société, ouverte au comptable public, peut être exercée tant que les poursuites tendant au recouvrement de la dette fiscale de la société ne sont pas atteintes par la prescription' ;
Par un arrêt du 10 mars 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « [C] dirigeant poursuivi ne peut être déclaré tenu au paiement de la dette fiscale de la société que dans la mesure où il a rendu le recouvrement de cette dette sur la société impossible » ;
S'agissant de la première condition,
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges indique qu'il s'agit de conditions alternatives et non cumulatives ;
Concernant le caractère grave et répété des inobservations des obligations fiscales, il y a lieu de rappeler que le défaut de déclaration en matière de TVA, est considéré comme particulièrement grave par la Cour de cassation, l'entreprise conservant en dépôt des fonds collectés auprès de ses clients, destinés au Trésor ; il en est de même en cas de déclaration non suivie de paiement de l'impôt correspondant ;
La déclaration tardive est de nature à induire l'impossibilité du recouvrement de la créance du fait de la cessation des paiements de la société ; son dirigeant, tenu par les obligations fiscales de la société pendant son administration, engage sa responsabilité sans qu'il puisse s'en exonérer ;
Elle ajoute que le caractère de gravité s'apprécie au cas par cas, le nombre de manquements n'étant pas défini a priori et il n'y a pas lieu de s'attacher aux circonstances économiques difficiles ou à la bonne foi du dirigeant ;
Elle considère qu'en l'espèce, au vu des redressements fiscaux de la société et de leur périodicité, la qualification de manquements graves et répétés est établie ;
Monsieur [R] [M] rappelle qu'il appartient à la juridiction saisie de qualifier l'impossibilité de recouvrement de l'impôt, sans se fier uniquement à l'absence de déclaration ou de paiement ; celle-ci doit résulter des manquements graves et répétés de ses obligations fiscales par la société ;
En l'espèce il est établi que la société Deklic Graphique a fait l'objet de trois contrôles fiscaux, le premier pour la période de juillet 2003 à mars 2007, soit avant le redressement judiciaire de la société, le deuxième pour la période de janvier 2011 à décembre 2013 et le troisième du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, tous deux pendant le redressement judiciaire ;
Les redressements ont entraîné une taxation d'office, soit parce que la société n'avait pas déposé de déclaration de TVA, soit que le dépôt a été fait hors délais et sans paiement volontaire ;
La créance résultant des taxations volontaires inhérentes aux contrôles fiscaux est justifiée à hauteur de 88640,08 euros, celle au titre de la taxation d'office (période d'avril à juillet 2009) de 64784,59 euros et celle d'août à décembre 2009, au cours de laquelle la déclaration déposée n'a pas été suivie de paiement de 84829,29 euros soit une somme totale de 238263,96 euros ;
Par conséquent, la condition tenant à la gravité des manquements et à leur répétition, est remplie en l'espèce ;
Sur les inobservations ayant rendu impossible le recouvrement, seconde condition,
L'intimée précise qu'il y a lieu de se référer à la portée des obligations légales qui régissent les obligations de déclaration et de paiement en matière d'impôts sur les sociétés ou de TVA ;
Elle rappelle que les manquements en ce domaine, commis par le dirigeant de la société en cause, obèrent la liquidité de la créance du Trésor et créent des conditions qui contribuent à rendre le recouvrement impossible, en aggravant la situation de l'entreprise au regard de son passif fiscal ;
Ainsi il y a lieu de s'attacher aux difficultés de recouvrement et notamment en cas d'ouverture d'une procédure collective, laquelle paralyse tout recouvrement du fait de l'impossibilité d'exercice de poursuites individuelles ;
Elle rappelle qu'en l'espèce, un certificat d'irrecouvrabilité a été mis en oeuvre par le liquidateur judiciaire en date du 7 mai 2021, ce qui implique l'absence de recouvrement possible pour le Trésor ;
Elle précise en dernier lieu, que la responsabilité personnelle du dirigeant est caractérisée lorsque les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé sa gestion ;
En outre, il est constant que le dirigeant ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant état de circonstances économiques défavorables ou de l'incompétence d'un expert-comptable comme l'énonce l'appelant en l'espèce ;
Elle conclut en indiquant que Monsieur [M] ne peut opposer un refus d'encaissement des paiements qu'il considère comme une faute qui permettrait de minorer sa créance, sans préciser sur quel fondement il se positionne ;
[C] jugement déféré sera infirmé à cet égard en ce qu'il a déduit de la créance la somme de 44328,94 euros ;
S'agissant des paiements prétendument refusés par le Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS), elle rappelle qu'il y a lieu de s'attacher aux règles de la procédure de redressement judiciaire et aux obligations tenant à l'octroi d'un plan concernant le paiement des annuités au commissaire à l'exécution du plan ;
Elle ajoute que le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 28 décembre 2017 qui a fait l'objet d'un appel, a précisé qu'en attendant la décision appelée, la période d'observation se prolongeait ; or les créances échues avant la période d'observation ne peuvent être payées en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, ce qui justifie l'infirmation du jugement entrepris ;
Elle a listé les paiements allégués qui ne se rapportent pas à la période visée par la présente procédure, soit de 2009 à 2016 et dont le total des sommes dues par la société Deklic Graphique s'élève à 851667,77 euros, montant sans rapport avec le total des paiements dont l'appelant se prévaut pour conclure à l'absence de créance ;
La responsabilité de l'intimé étant engagée, elle demande que le jugement déféré soit infirmé, s'agissant des montants mis à la charge de Monsieur [M], tenu solidairement avec la société Deklic Graphique ;
Monsieur [R] [M] fait valoir que la dette n'a pu être recouvrée uniquement du fait des refus opposés par l'intimée d'encaisser ses paiements et par les modalités d'imputation des paiements qu'il conteste ;
Il affirme que les paiements n'ont pas été effectués pendant la 'période d'observation' alors que c'est ce motif qui lui a été opposé pour refuser les paiements de la société ;
Or il s'agit de la période de 2018 à 2019 pendant laquelle la société Deklic Graphique était toujours en plan de continuation du fait de l'appel du Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce d'Epinal du 5 décembre 2017, ayant prononcé la dissolution du plan ainsi que la liquidation judiciaire de la société ;
Il affirme que l'intimée en commettant cette erreur de droit, lui a causé un préjudice qui l'exonère de sa responsabilité en tant que dirigeant ; il affirme que l'encaissement des dettes fiscales courantes était justifiée ;
Il conclut en chiffrant la totalité des consignations qu'il a effectuées en compte CARPA pour les dettes fiscales de l'exploitation courante, à la somme de 297918,94 euros dont 44328,94 euros consignés lors du contrôle fiscal soit un solde de 253590 euros ;
Aux termes de l'article L. 622-21 I du code de commerce, 'I.-[C] jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture' ;
L'article L 662-2 du code de commerce précise que 'Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant'.
L'arrêt des poursuites individuelles s'applique à toutes les créances ne répondant pas aux caractéristiques de l'article L. 622-17 du même code [Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance] ;
Les créanciers n'entrant pas dans les catégories visées à l'article L 622-17 I ne peuvent agir à l'encontre du débiteur en paiement ou en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent dès le prononcé du jugement d'ouverture de sauvegarde, de redressement judiciaire jusqu'à l'issue de ces procédures. Cette interdiction s'applique aussi en liquidation judiciaire.
Cette interdiction se poursuit en cas d'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement, ces jugements, opposables à tous, imposant aux créanciers des délais ou remises. [C] créancier ne recouvre son droit de poursuite individuelle qu'en cas de résolution du plan ;
En l'espèce, la pièce n° 36 de l'intimée, liste avec précision la ventilation des sommes versées par la SCP [O]- [G] pendant la période de redressement judiciaire de la société Deklic Graphique ;
[C] total des paiements ainsi listés est repris en pièce 8 de l'intimée, laquelle totalise l'entièreté des créances antérieures à la période de redressement judiciaire à la somme de 149623,88 euros ;
Après ajout des créances relatives à la période du redressement judiciaire, soit de janvier 2011 à décembre 2013 et de janvier 2015 à décembre 2016, la totalité de la créance est de 238263,96 euros ;
Ce montant se décompose en quatre sommes correspondant aux quatre périodes, objet des poursuites du PRS des Vosges à savoir :
- 64784,59 euros pour la période d'avril à juillet 2009,
- 84839,29 euros pour celle d'août à décembre 2009,
- 3015,09 euros pour celle du 1er au 31 décembre 2011,
- 85625 euros pour la période de janvier 2015 à décembre 2016.
Les dettes constituées par la société, notamment au titre de la TVA concernant la période de 2008 à décembre 2009, soit antérieurement à la procédure collective de Deklic Graphique ont été déclarées par le PRS des Vosges les 10 et 16 février 2010 et admises par le juge commissaire le 10 mars 2011 à hauteur de la somme totale de 386599,01 euros - créance privilégiée du trésor - (pièces 3/1 et 4/1) ; les créances ainsi déclarées sont relatives notamment aux mensualités de TVA d'avril 2009 au 7 décembre 2009 ;
S'agissant des paiements dont Monsieur [M] se prévaut, ils ont été reconstitués par l'intimée, dans un listing débutant le 11/07/18 pour s'achever le 20/05/21 (pièce 35/1 intimée) ;
Monsieur [M] produit les envois à l'intimée de chèques ainsi que les sommes qu'il a dû consigner en compte CARPA du fait du refus de l'administration fiscale de les encaisser (pièces 8 à 22 appelant) ;
Il s'agit des mouvements suivants :
- le 9 mars 2018, chèque de 44328,94 euros attribué selon Deklic Graphique au contrôle fiscal externe du 1/01/2015 au 31/12/2016 (pièce 8),
- refus d'une somme de 15765 euros au titre de la TVA d'août 2018,
- le 28 mai 2018, chèque de 34814 euros en recouvrement de la TVA du mois de janvier 2018,
- le 28 mai 2018, chèque de 29958 euros,
- le 6 août 2018, 43260 euros selon attestation de dépôt de chèque à la Carpa,
- le 27 décembre 2018, 75743 euros selon attestation de dépôt de chèque à la Carpa,
- le 21 janvier 2019, 40215 euros selon attestation de dépôt de chèque du 21 janvier 2019 à la Carpa correspondant à un AMR du 31 octobre 2018 pour la même somme en principal - TVA juillet 2018 ;
[C] chèque de 30000 euros comptabilisé le 24 juillet 2018 dans l'historique du compte Carpa produit en pièce 22, n'est pas produit ; le total des mouvements au crédit sus énoncé est de 297918,94 euros ;
Il y a lieu de constater que l'ensemble de ces paiements sont intervenus postérieurement au jugement du tribunal de commerce de Nancy du 5 décembre 2017, portant dissolution du plan de continuation et liquidation judiciaire de la société, et antérieurement au 19 juin 2019, date de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Nancy ;
C'est à ce titre qu'elle a été qualifiée de 'suspecte' par le PRS des Vosges dans ses courriers de refus d'encaissement de chèques de paiement (pièces 9 et 12 appelant) ;
Un seul des paiements, le premier, concerne une dette née pendant l'exécution de plan de continuation de la société du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ; cela justifie de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déduit des causes de la procédure ce montant payé antérieurement au jugement de liquidation judiciaire correspondant à une partie de la créance dont le paiement est réclamé ;
En revanche, du fait de l'appel formé par le Ministère Public contre le jugement du tribunal de commerce, la décision de liquidation judiciaire n'était pas définitive ;
Aussi aucun manquement ne peut être retenu contre le PRS des Vosges pendant la période couvrant la procédure d'appel, dès lors que l'arrêt confirmatif du jugement a pour effet d'en reporter les effets à la date de la première décision, ce qui légitime son refus d'encaisser les paiement afférents à la période du 5 décembre 2017 au 19 juin 2019 ;
Dès lors, aucune faute imputable et indemnisable n'est établie à l'encontre de l'intimée ;
En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la thèse de Monsieur [M], tenant au caractère fautif des rejets de paiement opposés par l'intimée ;
Sur les sommes dues
Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) conteste les arguments développés par l'appelant tenant au caractère incertain de la dette ;
Elle concerne les TVA d'avril à juillet 2009 pour 64784,59 euros (taxation d'office), celles d'août à décembre 2009 pour 84839,29 euros, celles du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 pour 3015 euros et celles de janvier 2015 à janvier 2016 pour 85625 euros pour un montant total de 238263,96 euros (pièce n° 8) ;
Elle ajoute justifier des modalités d'imputation des paiements dans sa pièce n° 12 ;
Elle affirme que les montants mis en paiement ne sont plus contestables, en application des dispositions de l'article L. 624-1 du code de commerce et rappelle que les déclarations de créances ont été admises et publiées ; seules les sommes versées au PRS peuvent être portées en déduction de sa créance ;
En revanche, les sommes payées par le liquidateur judiciaire sont listées dans le document n° 36 et certaines ont été imputées sur les créances prioritaires tel que cela résulte des mentions de sa pièce n° 37 ;
Elle conclut en rappelant que seul le liquidateur judiciaire dispose du pouvoir d'imputer les paiements selon les règles strictes de la procédure collective et que ce paiement n'influera pas le montant exigible dans la présente procédure, laquelle concerne des dettes antérieures à 2018 ; L'intimée reconnaît ainsi, avoir perçu de Maître [N] une somme de 20000 euros imputée sur la TVA 2018 et précise qu'aucun versement complémentaire n'est intervenu depuis ;
En dernier lieu, Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) conteste l'argument adverse relatif à l'imputation des sommes payées, au visa de l'article 1256 du code civil devenu 1342-10 du même code qui n'intervient pas dans une procédure collective comportant des règles spéciales (L. 641-13 et L 643-8 et suivants du code de commerce) ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris qui l'a écartée ;
Enfin s'agissant du nouveau moyen tiré de l'absence de ventilation des sommes dues en principal, intérêts et pénalités à le supposer recevable, elle se réfère aux mentions claires des Avis à Tiers Détenteur (ATD) ;
Monsieur [M] conteste son obligation au paiement en qualité de dirigeant de la société Deklic Graphique, s'agissant de sommes autres que la dette (intérêts de retard, frais irrépétibles de défense ...) ; il liste les paiements effectués au titre de la dette fiscale de la société qui ont été refusés par l'intimée et consignés pour un montant de 225100,94 euros et affirme qu'ainsi, il ne saurait être condamné à une somme supérieure à 13163,02 euros (238263,96- 225100,94);
Enfin il affirme que les paiements du liquidateur judiciaire encaissés par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) doivent lui profiter et qu'en conséquence, toute la dette de TVA est éteinte ; en tout état de cause, il conteste les imputations effectuées par Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) et réclame le bénéfice des dispositions de l'article 1342-10 du code civil ;
L'article 9 du code de procédure civile énonce en outre, 'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions' ;
Il résulte des pièces produites par le PRSV telles que sus énoncées, que les dettes objet de la présente procédure concernent les quatre périodes mentionnées par l'intimée ;
Les deux premières sont afférentes à la période antérieure au redressement judiciaire et ont fait l'objet de déclarations de créances, lesquelles ont été admises par le juge commissaire ;
De plus les concernant, l'intimée justifie de l'imputation des versements du liquidateur la SCP [C] Carrer-[G] sur ces créances antérieures à la procédure collective selon listing qu'elle produit pour la période (pièce n° 36) ;
Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la dette de 3015,09 euros résulte au visa de la pièce 8 de l'intimé portant ventilation des paiements effectués, du paiement d'une somme de 187515,92 euros sur une dette de 203999 euros ;
Enfin la quatrième période de dettes visées par cette procédure concerne une dette de 85625 euros correspondant aux droits de janvier 2015 à juin 2016, pour laquelle aucun paiement n'est imputé ;
Cependant Monsieur [M] justifie du paiement de la somme de 44 328,94 euros par un chèque du 9 mars 2018 attribué par l'appelant au contrôle fiscal externe du 1/01/2015 au 31/12/2016 (pièce 8) ; aucune raison objective ne justifiant d'écarter ce paiement effectué antérieurement à la décision de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce d'Epinal, elle sera déduite du solde d'impôts exigibles, tel que décidé dans le jugement déféré ;
En revanche, les autres montants consignés par la société Deklic Graphique et justifiés (supra et pièce 22 appelant), n'ont pas été perçus par l'intimée à juste titre, comme concernant la période de liquidation judiciaire durant laquelle seul le liquidateur était fondé à les percevoir ; En effet et tel qu'énoncé précédemment, compte tenu de l'appel de la décision du tribunal de commerce d'Epinal, la décision de liquidation judiciaire n'était pas définitive avant l'arrêt confirmatif du jugement, lequel a pour conséquence d'en reporter les effets à la date de la première décision, ce qui légitime le refus du PRS des Vosges d'encaisser les paiements afférents à la période du 5 décembre 2017 au 19 juin 2019 ;
De plus, il y a lieu de rejeter le moyen de l'appelant tiré du bénéfice de l'imputation des sommes payées au titre de l'article 1256 du code civil devenu 1342-10 du même code, la procédure collective imposant ses règles protectrices de l'égalité des créanciers ;
Enfin le solde de dette réclamé ne concerne pas les intérêts de retard ;
Enfin il échet de constater que, contrairement aux affirmations de Monsieur [M], la dette de la société Deklic Graphique était au 11 avril 2017 de 88640 euros s'agissant de la quatrième période et se calcule, après imputation du paiement à comptabiliser à (88640,08 - 44328,94) à 44311,14 euros, outre les soldes des créances avant procédure collective de 84839,29 et 64784,59 euros, soit un total de 193935,02 euros ;
En conséquence, à défaut de paiement en temps et heure du solde exigible, Monsieur [M] est responsable de cette dette devenue irrecouvrable du fait de la liquidation judiciaire à effet du 5 décembre 2017 ;
[C] jugement déféré, qui a prononcé sa condamnation au paiement de cette somme solidairement avec la société Déklic Graphique, sera par conséquent confirmé ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [M] succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [M], partie perdante, devra supporter les dépens d'appel ; en outre, il sera condamné à payer à Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche il sera débouté de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [R] [M] à payer à Madame le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (PRS) des Vosges, la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [R] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [R] [M] aux dépens d'appel.
[C] présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix-sept pages.