CA Grenoble, ch. com., 6 novembre 2025, n° 24/02809
GRENOBLE
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Alpes Sud Taxi (Sté)
Défendeur :
Ambulances Volpe (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Payen
Avocats :
Me Millias, Me Dessinges
Faits et procédure :
1. La société Ambulances Volpe exerce les activités d'ambulances, transports sanitaires, transports de corps et de sang, par tous moyens, la location et vente de matériel médical, taxi, transport postal, petits déménagements, transport public de voyageurs. La société Alpes Sud Taxi a pour activités principales celles de taxi et transport de passagers, location de licences de taxis et véhicules.
2. Par acte authentique reçu par Me [J], notaire à [Localité 10], du 9 janvier 2021, la société Alpes Sud Taxi a consenti à la société Ambulances Volpe un contrat de location-gérance portant sur la branche de fonds artisanal de transport de personnes, transport de malades assis.
3. Ce contrat a inclus la location de trois autorisations de stationnement (licences), outre le bénéfice du conventionnement consenti par la Caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes-Alpes, pour les véhicules attachés aux trois autorisations de stationnement.
4. Les véhicules affectés à ces autorisations de stationnement étaient initialement les suivants :
- Un Mercedes classe B immatriculé [Immatriculation 6],
- Un Renault Traffic immatriculé [Immatriculation 11],
~ Un Mercedes classe C immatriculé [Immatriculation 4].
5. Le 6 mai 202l, la société Ambulances Volpe a remplacé le véhicule Mercedes classe C immatriculé [Immatriculation 4], qui était vieillissant, par un nouveau véhicule Mercedes classe E immatriculé [Immatriculation 5]. La société Alpes Sud Taxi a validé ce remplacement.
6. En octobre 2022, la société Ambulances Volpe a souhaité remplacer le véhicule Mercedes classe B immatriculé [Immatriculation 6], qui affichait 690 000 km parcourus, par un nouveau véhicule Mercedes classe C immatriculé [Immatriculation 7] plus récent. Le 14 octobre 2022, la société Ambulances Volpe a acquis en autofinancement le véhicule Mercedes classe C immatriculé [Immatriculation 7] pour un montant de 18.000 euros TTC. La carte grise du véhicule a été éditée au nom de la société Ambulances Volpe et de la société Alpes Sud Taxi comme co-titulaire de la carte grise en tant que propriétaire de la licence susceptible d'y être rattachée. La demande de certificat d'immatriculation n'a pas été présentée au président de la société Alpes Sud Taxi pour contreseing.
7. Par acte extrajudiciaire délivré à la société Ambulances Volpe en date du 9 février 2023, la société Alpes Sud Taxi a entendu se prévaloir de la clause résolutoire prévue au contrat de location-gérance, au motif que la société Ambulances Volpe a violé son obligation de bonne foi et d'entretien du matériel.
8. Après divers échanges infructueux, la société Alpes Sud Taxi a attrait la société Ambulances Volpe devant le président du tribunal de commerce de Gap statuant en référé, en vue de faire constater que par l'effet du commandement visant la clause résolutoire du 9 février 2023 resté infructueux, la clause résolutoire contenue au contrat de location-gérance est acquise depuis le 9 mars 2023, et que la société Ambulances Volpe exploite et utilise sans droit ni titre, depuis cette date, les biens corporels et incorporels objets dudit contrat.
9. Par ordonnance du 7 février 2024, le président du tribunal de commerce de Gap s'est déclaré incompétent en raison de sérieux motifs de contestation et a renvoyé les parties à comparaître devant le tribunal statuant au fond.
10. Devant le tribunal, la société Alpes Sud Taxi a présenté notamment les demandes suivantes contre la société Ambulances Volpe : constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, exploitation sans droit ni titre des biens corporels et incorporels, paiement d'une indemnité d'occupation de 1.410 euros par mois jusqu'à la restitution effective du fonds artisanal et de ses accessoires.
11. Par jugement du 5 juillet 2024, le tribunal de commerce de Gap a :
- débouté la société Alpes Sud Taxi de sa demande visant à voir acquise la clause résolutoire contenue au contrat de location-gérance du 9 janvier 2021;
- dit que la société Ambulances Volpe demeure redevable d'un loyer mensuel de 1.410 euros auprès de la société Alpes Sud Taxi, au titre du contrat de location-gérance toujours en vigueur ;
- débouté la société Ambulances Volpe de sa demande reconventionnelle d'indemnisation pour procédure manifestement abusive ;
- condamné la société Alpes Sud Taxi à verser à la société Ambulances Volpe la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Alpes Sud Taxi aux entiers dépens de la présente instance ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
12. La société Alpes Sud Taxi a interjeté appel de cette décision le 19 juillet 2024, en ce qu'elle :
- l'a déboutée de sa demande visant à voir acquise la clause résolutoire contenue au contrat de location-gérance du 9 janvier 2021 ;
- l'a condamnée à verser à la société Ambulances Volpe la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée aux entiers dépens de la présente instance ;
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
13. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 3 juillet 2025.
Prétentions et moyens de la société Alpes Sud Taxi:
14. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 12 mars 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 872 et suivants du code de procédure civile, de l'article L3121-1-2 du code des transports, des articles L. 144-1 et suivants du code de commerce, des articles 1103 et 1104, 1224 et suivants du code civil, de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la concluante de sa demande visant à voir acquise la clause résolutoire contenue au contrat de location-gérance du 9 janvier 2021 ;
- dit la société Ambulances Volpe redevable d'un loyer mensuel de 1.410 euros envers la concluante au titre du contrat de location-gérance toujours en vigueur;
- débouté l'intimée de sa demande reconventionnelle d'indemnisation pour procédure manifestement abusive ;
- condamné la concluante à verser à la société Ambulances Volpe la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la concluante aux entiers dépens de l'instance.
15. L'appelante demande à la cour, statuant à nouveau :
- de constater que par l'effet du commandement visant la clause résolutoire en date du 9 février 2023 resté infructueux, la clause résolutoire contenue au contrat de location-gérance en date du 9 janvier 2021 est acquise depuis le 9 mars 2023, et que la société Ambulances Volpe exploite et utilise sans droit ni titre, depuis cette date, les biens corporels et incorporels objets dudit contrat;
- de dire et juger que la société Ambulances Volpe sera redevable depuis le 9 mars 2023 d'une indemnité d'occupation de 1.410 euros par mois jusqu'à la restitution effective du fonds artisanal et de ses accessoires ;
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Ambulances Volpe de sa demande reconventionnelle d'indemnisation pour procédure abusive ;
- en toutes hypothèses, de condamner la société Ambulances Volpe à payer à la concluante la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Ambulances Volpe aux entiers dépens.
16. L'appelante expose :
17. ' que le contrat de location-gérance a stipulé que toutes les clauses sont de rigueur, et que chacune d'elles est une condition déterminante du contrat sans laquelle les parties n'auraient pas contracté ; qu'à défaut pour le locataire-gérant d'exécuter une seule de ces conditions et notamment de payer la redevance des échéances convenues, le contrat sera résilié de plein droit un mois après commandement de payer ou d'exécuter fait par exploit d'huissier resté sans effet et contenant déclaration par le loueur de son intention d'user du bénéfice de cette clause ;
18.- que l'intimée, suite à la délivrance du commandement visant cette clause, n'a pas saisi le président du tribunal de commerce afin de contester ce commandement, de sorte que la clause résolutoire est acquise ;
19. - que les faits sur lesquels le commandement repose ne sont pas contestés, puisque l'intimée a reconnu devant le juge des référés que par inadvertance, elle a omis de présenter la demande de certificat d'immatriculation à la concluante pour contreseing, tout en indiquant qu'il ne s'agit que d'une omission sans conséquence n'entraînant aucun préjudice pour la concluante qui figure sur la carte grise en sa qualité de titulaire et de propriétaire de la licence ;
20. ' que selon l'article L3121-1-2 du code des transports et l'avis du Conseil d'État du 12 novembre 2023 (n°36935), la location-gérance d'une autorisation de stationnement comprend nécessairement le véhicule spécialement équipé qui y est attaché, de sorte que la mise en location-gérance de la seule licence de taxi est impossible, puisque selon le ministère des transports, la dissociation de ces éléments reviendrait à mettre en location une autorisation administrative, ce qui est illégal ;
21 ' qu'en la cause, la concluante est titulaire des autorisations n°2 et 3 sur la commune [Localité 9] et de l'autorisation n°2 sur la commune d'[Localité 10], lesquelles sont exploitées au moyen des véhicules Renault Trafic [Immatriculation 11], Mercedes Classe C [Immatriculation 4] et Classe B [Immatriculation 6], suite à une location faite auprès de l'intimée ; que le contrat de location-gérance a porté sur les licences et également sur les véhicules qui y sont attachés, le locataire-gérant prenant en charge les loyers de ces véhicules ;
22. ' que si en raison de l'âge des véhicules, l'intimée a décidé de remplacer le véhicule Mercedes Classe C par un véhicule Mercedes Classe E [Immatriculation 5] le 31 mai 2021, ce à quoi a consenti à la concluante, elle a également, le 7 février 2014, entendu substituer au véhicule Mercedes Classe B un véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 7], afin de modifier la teneur du fonds donné en location-gérance, alors qu'elle l'a pris dans l'état dans lequel il se trouvait ; que ce remplacement ne peut s'analyser en l'exécution de l'obligation d'entretien pesant sur le locataire ; en outre, que l'intimée a estimé réduire le champ d'activité de ce véhicule plutôt que de procéder aux entretiens nécessaires, le laissant au garage; que le fonds n'est ainsi plus exploité de façon normale ;
23. ' que la demande de certificat d'immatriculation concernant le véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 7] au nom et pour le compte de la concluante constitue un faux pénalement réprimé ; que l'intimée ne peut soutenir qu'il ne s'agit que d'un oubli administratif sans conséquence, puisque ce véhicule a été affecté à l'autorisation n°3 sur la commune d'[Localité 10] ;
24. ' que l'intimée a également méconnu l'obligation prévue dans le contrat de location-gérance de s'acquitter des dettes et charges de toute nature relatives à l'exploitation du fonds de commerce, de façon à ce que la concluante ne soit pas recherchée au titre de sa responsabilité solidaire avec le locataire prévue par l'article L144-7 du code de commerce, puisque l'intimée ne fournit aucune information sur les modalités de l'exploitation et notamment la souscription de nouvelles dettes résultant de l'acquisition de véhicules de remplacement ;
25. ' concernant la demande reconventionnelle de l'intimée, que l'exercice d'un droit ne peut, à lui seul, justifier une condamnation à des dommages et intérêts, alors que la preuve d'une faute de la concluante n'est pas rapportée.
Prétentions et moyens de la société Ambulances Volpe :
26. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 13 décembre 2024, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Alpes Sud Taxi de sa demande visant à voir acquise la clause résolutoire contenue dans le contrat de location gérance du 9 janvier 2021, dit que la concluante demeure redevable d'un loyer mensuel de 1.410 euros auprès de la société Alpes Sud Taxi, condamné la société Alpes Sud Taxi à verser à la concluante la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au entiers dépens de l'instance, rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
27. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande reconventionnelle d'indemnisation pour procédure abusive, et statuant à nouveau :
- de débouter la société Alpes Sud Taxi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la société Alpes Sud Taxi à verser la somme de 5.000 euros au titre du caractère abusif de cette procédure ;
- de condamner la société Alpes Sud Taxi à verser à la concluante la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Alpes Sud Taxi aux entiers dépens.
28. L'intimée soutient :
29. ' que les trois véhicules affectés initialement aux trois autorisations de stationnement étaient sa propriété pour les avoir acquis avant le contrat de location-gérance, l'appelante n'étant propriétaire d'aucun véhicule pour l'exploitation de ces autorisations ; qu'elle ne peut ainsi prétendre qu'un chiffre d'affaires était affecté à ces véhicules ;
30. ' que dans le cadre de son obligation d'entretien résultant du contrat de location-gérance, la concluante a remplacé en 2021 le véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 4] lui appartenant par un véhicule Mercedes Classe E [Immatriculation 5], sans objection de l'appelante ;
31. ' que dans le cadre de l'exécution de cette obligation, la concluante a remplacé, en 2022, son véhicule Mercedes Classe B [Immatriculation 6] affecté d'un kilométrage important et nécessitant de nombreuses réparations, par un véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 8] ; qu'elle a acquis seule ce véhicule pour 18.000 euros TTC par un autofinancement ;
32. ' que lorsque la concluante a effectué les démarches pour l'obtention du certificat d'immatriculation, elle a fait mentionner l'appelante comme co-titulaire de la carte grise, puisque propriétaire de l'autorisation de stationnement qui devait être attachée à ce nouveau véhicule ; que c'est par inadvertance que le garage a omis de présenter la demande d'immatriculation
au président de l'appelante pour contreseing ; que cette omission est sans conséquence, puisque l'appelante n'apparaît que comme co-titulaire et propriétaire de la licence et non du véhicule ;
33. ' que la concluante n'a commis aucun manquement à ses obligations, puisque tous les véhicules exploités sont la propriété exclusive de la concluante alors que l'appelante a validé le changement du véhicule Mercedes Classe C en 2021 ; que les changements de véhicules ne résultent que de l'obligation d'entretien reposant sur la concluante, et n'altèrent pas la valeur du fonds donné en location-gérance ;
34. ' que l'appelante ne peut reprocher à la concluante de n'avoir pas précisé les modalités de financement du véhicule Classe C, puisqu'il a été acquis en autofinancement ;
35. ' que l'appelante est mal fondée à soutenir que la concluante a procédé au remplacement du véhicule Mercedes Classe B [Immatriculation 6], puisque ce véhicule est toujours en service, bien que d'une utilisation restreinte en raison d'un fort kilométrage ;
36. ' que la procédure a été engagée de mauvaise fois par l'appelante, afin de forcer une renégociation du contrat de location.
*****
37. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
38. Selon le tribunal de commerce, si la société Alpes Sud Taxi estime que la société Ambulances Volpe aurait aliéné des biens objets du contrat de location gérance et altéré la valeur de la branche du fonds artisanal, qui se serait retrouvé vidé de toute substance en l'état de la cession frauduleuse dudit véhicule, l'article L.144-1 du code du commerce dispose que la location-gérance consiste en tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls. Le tribunal en a retiré que, pour constituer le fonds de commerce ou artisanal, le cédant doit mettre en location l'autorisation de stationnement ainsi que le véhicule équipé qualifié de taxi par la loi, puisque le véhicule est lié à l'autorisation émise.
39. Le tribunal a constaté que selon un avis rendu par le Conseil d'Etat en date du 12 novembre 2003 ( n°369335), il n'est pas possible d'admettre la mise en gérance de la seule autorisation de stationnement, sans y inclure le véhicule spécialement équipé que la loi qualifie de taxi, auquel cette autorisation est liée et qui fait donc partie du fond. Il s'agit en effet de donner en location-gérance un fonds, dont fait partie intégrante ledit véhicule.
40. Les premiers juges ont relevé que le contrat de location-gérance du 9 janvier 2021 précise dans la constitution des éléments corporels que les véhicules sont pris en location par le propriétaire du fonds, qu'ils sont équipés de taximètres réglementaires, que les loyers desdits véhicules seront pris en charge par le locataire gérant, en sus de la redevance de gérance. Ils en ont retiré que les véhicules cités sont la propriété de la société Ambulances Volpe, mais que faisant partie intégrante des éléments corporels du contrat de location-gérance et conformément aux accords passés audit contrat, la société Ambulances Volpe prend en charge les frais de location de ses propres véhicules dus à l'origine par la société Alpes Taxi.
41. Le tribunal a ainsi considéré que la société Ambulances Volpe doit être considérée comme locataire de ses propres véhicules au sens strict du contrat de location-gérance, puisqu'en l'occurrence, l'identité du bailleur est indifférente, et doit répondre, les concernant, aux obligations dudit contrat.
42. Concernant le véhicule Mercedes Benz Classe C immatriculé [Immatriculation 4], le tribunal a noté que la société Alpes Sud Taxi a validé le changement de ce véhicule rendu nécessaire au vu de son vieillissement, en contresignant la demande de certificat d'immatriculation et le mandat afférent pour le carte grise du véhicule de remplacement Mercedes Benz Classe E immatriculé CF- 268-VA le 6 mai 2021.
43. Il a constaté que la société Alpes Sud Taxi a admis, en validant ce remplacement, qu'une telle opération relevait de l'obligation d'entretien incombant au locataire gérant et qu'elle n'a en rien altéré la valeur de la branche du fonds artisanal. La société Ambulances Volpe a remplacé ainsi un véhicule vieillissant par un véhicule plus récent dont elle assure l'achat en autofinancement. Ce véhicule est désormais exploité dans le cadre de l'une des trois autorisations de stationnement citées dans le contrat de location-gérance.
44. Concernant le Véhicule Mercedes classe B immatriculé CT 706 PL, le tribunal a relevé que ce véhicule figurant historiquement au contrat de location-gérance, n'a pas été remplacé comme le souhaitait la société Ambulances Volpe, qui affirme continuer à l'exploiter sur un périmètre de circulation plus restreint, après avoir réalisé un gros entretien sur ce véhicule, dont les factures ont pu être vérifiées par le tribunal. Il a noté que le véhicule Mercedes classe C, acheté en remplacement unilatéralement par la société Ambulances Volpe sans consulter la société Alpes Sud Taxi, est, quant à lui, inexploitable au sens du contrat liant les parties : le propriétaire de la licence, qui est également loueur des véhicules attachés au contrat (en l'occurrence la société Alpes Sud Taxi) n'ayant pas été associé à la démarche et refusant de régulariser ce remplacement.
45. Le tribunal a considéré que la société Ambulances Volpe a exécuté son obligation d'entretien en procédant au remplacement du véhicule Mercedes Classe C immatriculé [Immatriculation 4], alors que la preuve d'un défaut d'entretien des autres véhicules n'est pas rapportée.
46. Il a également réfuté un manquement de la société Ambulances Volpe à son obligation de conservation du fonds, puisque la même opération a été réalisée pour un autre véhicule lié au contrat, le 31 mai 2022, opération qui n'a jamais été contestée par le détenteur de la licence, la société Alpes Sud Taxi. La démarche litigieuse, entamée par le loueur, n'a pas abouti à ce jour puisque la société Alpes Sud Taxi a refusé de la régulariser. De ce fait, le véhicule qui était voué à être remplacé ne l'a pas été, et un entretien conséquent a été réalisé sur celui-ci pour qu'il continue à être exploité.
47. Il a, en outre, constaté que le véhicule de type Mercedes classe C immatriculé [Immatriculation 7], qui était destiné à assurer le remplacement du véhicule de type Mercedes Classe B immatriculé [Immatriculation 6], a été autofinancé par la société Ambulances Volpe, ce qui exempte de toute dette afférente à cette opération la société Alpes Sud Taxi.
48. Concernant l'inscription de la société Alpes Sud Taxi en qualité de co-titulaire du véhicule sur le certificat d'immatriculation, sans avoir recueilli sa signature, les premiers juges ont rappelé que la société Ambulances Volpe est propriétaire du véhicule type Mercedes Classe B immatriculé [Immatriculation 6]; que la société Alpes Sud Taxi est locataire de ce véhicule attaché à l'une des licences du bailleur ; que la société Ambulances Volpe assume le coût de la location de ce véhicule, outre la redevance du contrat de location gérance ; que
c'est au titre de son statut de propriétaire du véhicule que la société Ambulances Volpe a engagé son remplacement, et non en qualité de locataire-gérant.
49. Le tribunal a rejeté l'accusation de la société Alpes Sud Taxi reposant sur un contact direct du locataire avec la commune d'Embrun à des fins déloyales. Il a constaté que la société Ambulances Volpe a tenté de régulariser le remplacement du véhicule de type Mercedes Classe B immatriculé [Immatriculation 6], afin d'exploiter un véhicule plus récent et plus sûr, et s'est vue opposer le refus de la société Alpes Sud Taxi au risque de réduire le périmètre d'activité de ce matériel et d'altérer l'exploitation du fonds artisanal. Il en a retiré que la société Ambulances Volpe n'a pas manqué à son obligation de loyauté dans le cadre du contrat de location-gérance liant les parties.
50. Concernant la solidarité financière de la société Alpes Sud Taxi, les premiers juges ont relevé si la société Alpes Sud Taxi estime que la société Ambulances Volpe ne fournit aucune information sur les modalités de l'exploitation, et notamment sur la souscription de dettes nouvelles relatives à l'acquisition du véhicule de remplacement, dans des conditions financières qui sont totalement inconnues, et qu'il en va de même s'agissant de l'obligation du locataire gérant de justifier de la détention des assurances nécessaires à l'exploitation, cependant aucun document probant n'est joint par le bailleur pour justifier cette absence d'information, comme par exemple une démarche engagée auprès du locataire-gérant pour les obtenir. Il a constaté également que les montants engagés pour acquérir le nouveau véhicule ont été payés comptant par la société Ambulances Volpe et que, dans ces conditions, le bailleur ne pourra être inquiété ni recherché à ce sujet.
51. Le tribunal a conclu que la société Ambulances Volpe n'a manqué à aucune de ses obligations, et qu'il n'y a, dans ce contexte, aucunement lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire.
52. La cour constate en premier lieu, s'agissant des effets du commandement visant la clause résolutoire insérée au contrat de location-gérance, que ce contrat stipule que toutes les clauses sont de rigueur, chacune d'elles étant une conditions déterminante du contrat sans laquelle les parties n'auraient pas contracté. A défaut par le locataire-gérant d'exécuter une seule de ces conditions et notamment de payer la redevance aux échéances convenues, le présent contrat de location-gérance sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou d'exécuter fait par exploit d'huissier resté sans effet et contenant déclaration par le loueur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause. Il est ajouté que lorsque la résiliation aurait été encourue, pour quelle que cause que ce soit, et si le locataire-gérant refuse de quitter les lieux, il suffira, pour l'y contraindre, d'une simple ordonnance de référé rendue par le président du tribunal compétent, laquelle ordonnance sera exécutoire par provision nonobstant appel.
53. L'appelante a fait ainsi délivrer un commandement visant la clause résolutoire le 9 février 2023, reposant sur l'absence d'entretien par l'intimée, et sur le fait qu'elle a, en violation de la clause lui imposant d'entretenir en bon état le matériel servant à l'exploitation du fonds, régularisé un certificat de cession d'un véhicule attaché au contrat de location-gérance qui ne lui appartenait pas, sans informer le bailleur, qui n'a découvert la situation que lorsque l'intimée a multiplié les appels pour obtenir la signature des documents administratifs auprès de la commune d'[Localité 10]. Elle a argué que l'intimée a ainsi cédé un actif propriété du loueur de fonds, sans en aviser le propriétaire et sans avoir obtenu son accord, le bien ayant été vendu et remplacé par un bien « indivis ».
54. Il est constant qu'aucune opposition à ce commandement n'a été formée en justice par l'intimée. Cependant, la cour retient que la résiliation n'est pas pour autant acquise automatiquement, puisqu'il appartient au bailleur de prouver que le contrat n'a pas été exécuté, pour les motifs invoqués dans le commandement, la résiliation du contrat étant alors acquise si les faits invoqués sont reconnus comme fondés. Le délai d'un mois stipulé dans la clause résolutoire n'a que pour effet de permettre au locataire-gérant de se mettre en conformité avec le contrat.
55. En conséquence, l'appelante est mal fondée à soutenir qu'en l'absence d'opposition au commandement signifié le 9 février 2023, la résiliation du contrat de location-gérance a été acquise.
56. Sur le fond, l'article L3121-1 du code des transports dispose que les taxis sont des véhicules spécifiquement aménagés, et dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique, en l'attente de la clientèle, afin d'effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages.
57. Il résulte de la réponse ministérielle du 21 juillet 2020, reprenant la jurisprudence du Conseil d'État du 12 novembre 2003, que la location-gérance doit porter sur tous les éléments du fonds de commerce auquel est attachée la clientèle, et il n'est pas possible d'admettre une mise en gérance d'une seule autorisation de stationnement sans y inclure le véhicule spécialement équipé auquel cette autorisation est liée et qui fait ainsi partie du fonds.
58. En l'espèce, les autorisations de stationnement délivrées par la commune d'[Localité 10] et des [Localité 13] autorisent l'appelante à faire circuler et stationner sur la voie publique sur les emplacements réservés aux taxis des véhicules spécifiquement désignés. Les arrêtés du maire de la commune [Localité 9] précisent que si un véhicule est remplacé, le véhicule de remplacement devra faire l'objet d'un arrêté modificatif. Il en résulte que les autorisations sont liés à des véhicules spécialement identifiés.
59. Le contrat de location-gérance indique que les éléments incorporels donnés à bail comprennent les trois autorisations de stationnement, sans cependant préciser qu'elles sont liés à des véhicules spécialement identifiés. Il est cependant précisé que les éléments corporels sont constitués par trois véhicules identifiés spécialement, au moyen desquels les autorisations de stationnement sont exploitées.
60. Selon ce contrat, le locataire-gérant devra conserver au fonds sa destination et son genre d'activité, et s'abstenir de tout acte pouvant entraîner la dépréciation du fonds. Il devra entretenir le matériel en bon état et effectuer les réparations nécessaires.
61. La cour note qu'il est constant que tous les véhicules bénéficiant d'une autorisation de stationnement ne sont pas la propriété de l'appelante, mais de l'intimée, dans le cadre de locations, ce que confirment les certificats d'immatriculation annexés aux autorisations délivrées à la société Alpes Sud Taxi. Celle-ci figure sur les certificats en qualité de co-titulaire, alors qu'il est indiqué que la société Ambulances Volpe est propriétaire.
62. Dans le cadre de l'exécution du contrat de location-gérance, l'intimée a procédé, le 6 mai 2021, au remplacement du véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 4] vieillissant par un véhicule de même marque plus récent, ce que l'appelante a validé. Il ne peut ainsi être retenu aucune faute du locataire-gérant de nature à entraîner la résolution du contrat, et notamment aucune revente d'un actif dépendant du fonds sans l'accord du loueur.
63. Pour le véhicule Mercedes Classe B [Immatriculation 6], il est constant qu'il n'y a eu aucun accord entre les parties afin qu'il soit remplacé de la même manière que précédemment, bien qu'il affichait un kilométrage très important. La cour constate cependant que ce véhicule n'a pas été vendu par l'intimée, alors qu'un
entretien important a été réalisé ainsi qu'il résulte du récapitulatif des travaux réalisés par l'intimée jusqu'au 31 octobre 2023, sur un véhicule totalisant désormais près de 700.000 km. Les relevés des kilométrages effectués lors de chaque intervention confirment qu'il a continué à être utilisé, bien que de façon plus réduite.
64. Il ne peut ainsi être constaté que l'intimée a manqué à son obligation d'entretien des éléments donnés en location, ni qu'elle a revendu ce véhicule au mépris du droit du loueur, ainsi que relevé par le tribunal de commerce.
65. Concernant la solidarité pesant sur le propriétaire du fonds donné en location-gérance avec le locataire-gérant, la cour constate que l'acquisition du véhicule Mercedes Classe C [Immatriculation 7] réalisée le 14 octobre 2022 a été payée comptant par l'intimée. L'appelante ne peut ainsi se prévaloir du risque d'un engagement solidaire avec le locataire-gérant.
66. S'agissant enfin de la mention de l'appelante en qualité de co-titulaire du certificat d'immatriculation sur ce dernier véhicule, la cour ne peut retenir aucun manquement de l'intimée à son devoir de loyalement exécuter le contrat de location-gérance.
67. S'il n'est en effet pas contestable que l'appelante n'a pas signé la demande de certificat d'immatriculation, sa mention en qualité de co-titulaire s'inscrit dans la pratique antérieurement suivie par les parties de la faire figurer en cette qualité sur tous les certificats des véhicules affectés au fonds de commerce et bénéficiant des autorisations administratives. En 2021, cette inscription avait été validée par l'appelante lors de l'acquisition d'un véhicule de remplacement.
68. Selon l'article 441-1 du code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice. Or, la mention de l'appelante sur le dernier certificat délivré, alors que le véhicule devait venir en remplacement d'un véhicule ancien et affecté d'un fort kilométrage, ne pouvait porter préjudice à la valeur du fonds donné en location-gérance et ainsi porter préjudice à l'appelante, de sorte que sa mention sur ce certificat n'est pas pénalement répréhensible. Aucune plainte n'a d'ailleurs été déposée contre la société Ambulances Volpe. Ce véhicule n'est pas exploité, puisqu'aucune autorisation administrative n'a pu être délivrée.
69. En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes.
70. Concernant la demande reconventionnelle de la société Ambulances Volpe pour procédure abusive, le tribunal de commerce a relevé qu'aucune preuve n'est produite pouvant conclure à la mauvaise foi de la société Alpes Sud Taxi. Adoptant ces motifs, la cour confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté cette demande.
71. Succombant en son appel, la société Alpes Sud Taxi sera condamnée à payer à la société Ambulances Volpe la somme complémentaire de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , outre dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L144-1 et suivants du code de commerce ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Condamne la société Alpes Sud Taxi à payer à la société Ambulances Volpe la somme complémentaire de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Alpes Sud Taxi aux dépens d'appel ;