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Cass. soc., 19 novembre 2025, n° 24-16.430

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. soc. n° 24-16.430

19 novembre 2025

SOC. / ELECT

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 19 novembre 2025

Cassation partielle
sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1082 F-B

Pourvoi n° E 24-16.430

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 NOVEMBRE 2025

1°/ La société Saur, société par actions simplifiée,

2°/ la société Stereau, société par actions simplifiée unipersonnelle,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

3°/ la société Asur analyses et mesures, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 9], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

4°/ la société CISE TP, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

5°/ la société Hydroservices de l'Ouest, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 26], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

6°/ la Société des eaux de la presqu'île guerandaise, société anonyme,

7°/ la société SEPIG Atlantique eau, société par actions simplifiée,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 16], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

8°/ la Compagnie des eaux de [Localité 25], société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

9°/ la société Gestion pour l'environnement de [Localité 23], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 7], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

10°/ la société Ecostation, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 11], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

11°/ la société Agglopole Provence assainissement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

12°/ la société Gestion de l'assainissement du Valenciennois, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

13°/ la société ACCM assainissement, société par actions simplifiée unipersonnelle,

14°/ la société ACCM eau, société par actions simplifiée unipersonnelle,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 6], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

15°/ la société Service des eaux [Localité 19], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 17], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

16°/ la société Saint Aff'o, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 24], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

17°/ la société Eau de Garonne, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 18], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

18°/ la société Eau de [Localité 20]-assainissement, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 15], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

19°/ la Compagnie d'environnement [Localité 25] Atlantique, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

20°/ la société Marneo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

21°/ la société O'Périgord nontronnais, société d'économie mixte à opération unique, dont le siège est [Adresse 21], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

22°/ la société Nijhuis Saur industries France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

23°/ la Société de l'eau potable [Localité 25] Atlantique,société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

24°/ la société Saur Sud Loire, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 16], constituant ensemble l'UES du groupe Saur,

ont formé le pourvoi n° E 24-16.430 contre le jugement rendu le 3 juin 2024 par le tribunal de proximité de Vanves (contentieux socio-professionnel), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [U] [M],

2°/ à Mme [K] [X],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ au syndicat CFE-CGC-SCMDE, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ au syndicat CGT Saur-fédération CGT des services publics, dont le siège est [Adresse 14],

5°/ au syndicat SUD solidaires commerces et services RAA, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ au syndicat CFTC, dont le siège est [Adresse 12],

7°/ au syndicat SNPEA-CFDT, dont le siège est [Adresse 10],

8°/ au syndicat Force ouvrière des salariés groupe Saur, dont le siège est Union départementale FO du Gard, [Adresse 13],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Saur, Stereau, Asur analyses et mesures, CISE TP, Hydroservices de l'Ouest, Société des eaux de la presqu'île guerandaise, SEPIG Atlantique eau, Compagnie des eaux de [Localité 25], Gestion pour l'environnement de [Localité 23], Ecostation, Agglopole Provence assainissement, Gestion de l'assainissement du Valenciennois, ACCM assainissement, ACCM eau, Service des eaux [Localité 19], Saint Aff'o, Eau de Garonne, Eau de [Localité 20]-assainissement, Compagnie d'environnement [Localité 25] Atlantique, Marneo, O'Périgord nontronnais, Nijhuis Saur industries France, Société de l'eau potable [Localité 25] Atlantique et Saur Sud Loire, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], Mme [X] et du syndicat CFE-CGC-SCMDE, et l'avis écrit de Mme Canas, avocate générale, après débats en l'audience publique du 15 octobre 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseillère rapporteure, Mme Sommé, conseillère, et Mme Jouanneau, greffière de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée du président et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal de proximité de Vanves, 3 juin 2024), l'unité économique et sociale Eau du groupe Saur (l'UES), créée par un accord collectif du 11 mars 1998, compte, depuis un accord collectif du 7 juillet 2023, vingt-quatre sociétés : les sociétés Saur, Stereau, Asur analyses et mesures, CISE TP, Hydroservices de l'Ouest, Société des eaux de la presqu'île guérandaise, SEPIG Atlantique eau, Compagnie des eaux de [Localité 25], Gestion pour l'environnement de [Localité 23], Ecostation, Agglopole Provence assainissement, Gestion de l'assainissement du Valenciennois, ACCM assainissement, ACCM eau, Service des eaux [Localité 19], Saint Aff'o, Eau de Garonne, Eaux de [Localité 20]-assainissement, Compagnie d'environnement [Localité 25] Atlantique, Marneo, O'Périgord nontronnais, Nijhuis Saur industries France, Société de l'eau potable [Localité 25] Atlantique et Saur Sud Loire.

2. Par accord « relatif à la mise en place et au fonctionnement des comités sociaux et économiques d'établissement (« CSEE ») de l'UES Eau de Saur » du 14 mars 2023 ont été mis en place, outre un comité social et économique central, onze comités sociaux et économiques d'établissement (CSEE), le critère de rattachement des salariés aux différents CSEE étant uniquement géographique en fonction de leur lieu de travail, parmi lesquels l'établissement Siège/Stereau, correspondant au périmètre du siège et aux salariés de la société Stereau.

3. M. [M] est salarié de la société Saur et, depuis le 24 juillet 2014, il exerce le mandat social de gérant de la société Asur analyses et mesures faisant partie de l'UES. Son lieu de travail est situé à [Localité 22] et rattaché à l'établissement Siège/Stereau. Sa compagne, Mme [X], est également salariée de la société Saur et travaille sur le même site de [Localité 22].

4. Les élections professionnelles devant se dérouler par voie électronique du 15 au 17 mai 2023, les listes électorales ont été affichées le 11 avril 2023, M. [M] et Mme [X] y étant mentionnés comme électeurs au troisième collège de l'établissement Siège/Stereau mais non comme éligibles en raison de son mandat social pour le premier et du lien de concubinage pour la seconde. Ils ont toutefois été présentés comme candidat par le syndicat CFE-CGC-SCMDE (le syndicat CFE-CGC). A l'issue du premier tour de scrutin, tous les sièges ont été pourvus et M. [M] et Mme [X] n'ont pas été élus.

5. Le 6 juin 2023, le syndicat CFE-CGC a désigné M. [M] en qualité de délégué syndical central de l'UES et Mme [X] en qualité de représentante syndicale au sein de l'établissement Siège/ Stereau.

6. Les vingt-trois sociétés composant l'UES à cette date ont, le 22 juin 2023, saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de ces deux désignations. Par requête du 22 juin 2023, le syndicat Force ouvrière des salariés du groupe Saur (le syndicat FO) a saisi le tribunal judiciaire aux mêmes fins.

7. Une seconde désignation de M. [M] en qualité de délégué syndical central à compter du 5 juillet 2023 à 20h01 pour une durée indéterminée et la désignation de Mme [X] en qualité de déléguée syndicale centrale temporaire pour la journée du 5 juillet 2023 ont été notifiées par le syndicat CFE-CGC le 3 juillet 2023.

8. Par requêtes du 11 juillet 2023, les mêmes vingt-trois sociétés et la société Saur Sud Loire composant l'UES à la suite de l'avenant du 7 juillet 2023 ayant modifié le périmètre de celle-ci d'une part, le syndicat FO d'autre part ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de ces nouvelles désignations.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Les sociétés composant l'UES font grief au jugement de déclarer la société Saur Sud Loire irrecevable en son intervention volontaire pour les contestations engagées au sujet des désignations effectuées le 6 juin 2023 par le syndicat CFE-CGC, alors « que la saisine du tribunal judiciaire par toute partie recevable à agir aux fins d'annulation de la désignation d'un délégué syndical interrompt le délai de forclusion de l'article R. 2324-24 du code du travail au bénéfice des autres parties à l'instance dont les demandes tendent aux mêmes fins ; qu'en l'espèce, il est constant que les vingt-trois sociétés qui constituaient alors l'UES eau du groupe Saur ont saisi le tribunal judiciaire, par requête du 22 juin 2023, en vue de l'annulation des désignations de M. [M] et de Mme [X] en qualité respectivement de délégué syndical central et de déléguée syndicale d'établissement, de sorte que toutes les autres parties intéressées pouvaient intervenir à l'instance pour former des demandes identiques ; qu'en jugeant irrecevable l'intervention volontaire de la société Saur Sud Loire dans l'instance engagée par les sociétés appartenant à l'UES Eau du groupe Saur par requête en date du 22 juin 2023, au motif erroné que son intervention est une intervention à titre principal, ce qui signifie qu'elle ne peut agir que si elle a personnellement le droit d'agir, et qu'à la date des débats, le 22 avril 2024, elle se trouve hors délai pour contester les désignations de M. [M] et Mme [X] en date du 6 juin 2023, cependant que la saisine du tribunal judiciaire le 22 juin 2023, par les vingt-trois sociétés qui constituaient alors l'UES avait interrompu le délai de forclusion à l'égard des autres parties, et notamment de la société Saur Sud Loire dont les demandes tendaient aux mêmes fins, à savoir l'annulation des désignations du 6 juin 2023, le tribunal judiciaire a violé les articles R. 2324-24 et R. 2324-25 du code du travail, ensemble par fausse application les articles 329 et 330 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2143-8, R. 2314-24 et R. 2314-25 du code du travail et l'article 32 du code de procédure civile :

10. D'une part, il résulte des trois premiers de ces textes que la saisine du tribunal judiciaire par toute partie recevable à agir aux fins d'annulation de la désignation d'un délégué syndical interrompt le délai de forclusion des articles L. 2143-8 et R. 2314-24 du code du travail au bénéfice des autres parties à l'instance dont les demandes tendent aux mêmes fins.

11. D'autre part, il résulte du dernier de ces textes que l'action aux fins d'annulation de la désignation d'un délégué syndical central exerçant son mandat au sein d'une unité économique et sociale doit être introduite par ou dirigée contre toutes les entités composant l'unité économique et sociale, laquelle est dépourvue de la personnalité civile.

12. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Saur Sud Loire, le jugement retient que celle-ci n'est pas fondée à intervenir volontairement dans l'instance engagée par les sociétés de l'UES par requête du 22 juin 2023 car son intervention pour des intérêts propres, en tant que partie de l'UES, est une intervention à titre principal, ce qui signifie qu'elle ne peut agir que si elle a personnellement le droit d'agir. Le jugement en déduit qu'à la date des débats, le 22 avril 2024, cette société se trouve hors délai pour contester les désignations des deux salariés du 6 juin 2023.

13. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté d'une part qu'il était saisi par requête du 22 juin 2023 aux fins d'annulation des deux désignations du 6 juin 2023 par les vingt-trois sociétés composant l'UES au jour de sa saisine dans le délai de quinze jours fixé par l'article R. 2314-24 du code du travail et d'autre part que le périmètre du l'UES avait été modifié ultérieurement par un avenant n° 11 du 7 juillet 2023 qui y avait inclus la société Saur Sud Loire, ce dont il résultait que la saisine initiale avait interrompu le délai de forclusion au bénéfice de la société Saur Sud Loire dont la demande tendait aux mêmes fins, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. Les sociétés composant l'UES font grief au jugement de les débouter de leurs prétentions en annulation des désignations effectuées les 6 juin 2023 et 3 juillet 2023 par le syndicat CFE-CGC concernant M. [M] et Mme [X], alors « que le chef d'entreprise ne peut, pas plus que les salariés qui lui sont assimilés, être élu aux fonctions de représentant du personnel, ni désigné en qualité de délégué syndical dans l'entreprise ou l'unité économique et sociale auquel l'entreprise appartient ; que le gérant unique d'une société à responsabilité limitée est le représentant légal de cette société et titulaire des pouvoirs d'employeur des salariés de cette société, ce qui lui donne la qualité de chef d'entreprise ; qu'en conséquence, un salarié de l'une des sociétés composant une unité économique et sociale ne peut être désigné en qualité de délégué syndical central de cette UES s'il exerce parallèlement le mandat de gérant de l'une des sociétés composant cette unité économique et sociale ; qu'en l'espèce, il est constant que M. [M], qui est salarié de la société Saur, a été nommé, en 2014, au mandat de gérant unique de la SARL Asur analyses et mesures, qui fait partie de l'UES Saur groupe Eau, et qu'il exerce effectivement ce mandat social depuis cette date ; qu'en jugeant néanmoins que sa fonction de gérant de la société Asur analyses et aesures ne le rend pas inéligible aux élections professionnelles de l'UES Eau du groupe Saur, ni ne lui interdit d'être désigné délégué syndical central de cette UES, aux motifs inopérants que les sociétés demanderesses n'ont pas soutenu que M. [M] était titulaire d'une délégation écrite particulière d'autorité, que M. [M] n'a pas représenté le chef d'entreprise devant le comité social et économique et que "les fonctions exercées par Monsieur [U] [M] ne permettent pas de l'assimiler à un chef d'entreprise", cependant que le mandat social détenu par M. [M], qui lui conférait la qualité de chef d'entreprise, le rendait inéligible sans qu'il soit besoin de démontrer qu'il pouvait être assimilé au chef d'entreprise, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2314-9 et L. 2143-5 du code du travail, l'article L. 223-18 du code du commerce, ensemble le droit à participation garanti par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-19 du code du travail et l'article L. 223-18 du code de commerce :

15. Aux termes du premier alinéa du premier de ces textes, sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l'employeur ainsi que des salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique.

16. Selon le second de ces textes, la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques et, dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société.

17. La Cour de cassation juge que ne peut exercer un mandat de représentation du personnel ou syndical au sein d'une unité économique et sociale dont fait partie l'entreprise qui l'emploie, le salarié qui ne remplit pas les conditions pour exercer un tel mandat au sein de cette entreprise en raison de son assimilation au chef d'entreprise ( Soc., 16 avril 2008, pourvoi n° 07-60.382, Bull. 2008, V, n° 92).

18. Il en résulte que le gérant d'une société à responsabilité limitée faisant partie d'une unité économique et sociale, titulaire par ailleurs pour des fonctions techniques d'un contrat de travail, fût-il conclu avec une autre société appartenant à la même unité économique et sociale, ne remplit pas les conditions d'éligibilité requises pour exercer un mandat de délégué syndical central au sein de cette unité économique et sociale en raison du mandat social lui conférant la qualité de chef d'entreprise d'une entreprise incluse dans cette unité économique et sociale.

19. Pour rejeter les demandes en annulation des désignations des 6 juin et 3 juillet 2023 en qualité de délégué syndical central de M. [M], le jugement retient qu'il n'est pas soutenu que M. [M] aurait été titulaire d'une délégation écrite particulière d'autorité, qu'il n'est pas l'employeur des salariés, que ses pouvoirs sont limités, n'ayant pas d'autonomie propre à sa fonction de gérant qui marquerait une forte originalité par rapport à sa fonction de salarié en qualité de directeur technique, qu'il n'est qu'une « courroie de transmission » d'une politique de gestion définie par les instances dirigeantes et que cette situation peu autonome est renforcée par son absence totale de pouvoir économique puisqu'il est gérant non-rémunéré et n'est pas associé.

20. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que M. [M], salarié de la société Saur, exerçait depuis le 24 juillet 2014 le mandat social de gérant de la société à responsabilité limitée Asur analyses et mesures, ce dont il résultait que l'exercice de ce mandat social lui conférant la qualité de chef d'entreprise d'une société faisant partie de l'UES était incompatible avec l'exercice d'un mandat de délégué syndical central au sein de l'UES composée de vingt-quatre sociétés dont celle dont il est le représentant légal, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

21. Tel que suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif du jugement rejetant les demandes en annulation des désignations de M. [M] en qualité de délégué syndical central au sein de l'UES les 6 juin et 3 juillet 2023 entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes d'annulation des désignations, des mêmes dates, de Mme [X] en qualité de déléguée syndicale de l'établissement Siège/ Stereau et de déléguée syndicale centrale de l'UES qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, l'inégilibilité de celle-ci étant invoquée en raison de son lien de concubinage avec M. [M] lui-même inéligible.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des instances, déclare nulles et de nul effet les requêtes déposées les 27 juin et 9 août 2023 par le syndicat CFE-CGC-SCMDE et rejette la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de contestation, le jugement rendu le 3 juin 2024, entre les parties, par le tribunal de proximité de Vanves ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la société Saur Sud Loire recevable en son intervention volontaire pour la contestation des désignations effectuées le 6 juin 2023 par le syndicat CFE-CGC-SCMDE ;

Annule les désignations, effectuées le 6 juin 2023 par le syndicat CFE-CGC-SCMDE, de M. [M] en qualité de délégué syndical central au sein de l'unité économique et social Eau du groupe Saur et de Mme [X] en qualité de déléguée syndicale de l'établissement Siège/Stereau et celles, effectuées le 5 juillet 2023 par le syndicat CFE-CGC-SCMDE, de M. [M] en qualité de délégué syndical central au sein de l'unité économique et social Eau du groupe Saur à compter du 5 juillet 2023 à 20h01 pour une durée indéterminée et de Mme [X] en qualité de déléguée syndicale centrale temporaire de l'unité économique et social Eau du groupe Saur pour la journée du 5 juillet 2023 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, y compris celles formées devant le tribunal judiciaire ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le dix-neuf novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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