CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 novembre 2025, n° 24/07259
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Diffusion Des Ebenistes Contemporains Romeo (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salord
Conseillers :
M. Buffet, Mme Distinguin
Avocats :
Me Ribaut, Me Cabeli, Me de Mirbeck
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2025
(n°131, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 24/07259 - n° Portalis 35L7-V-B7I-CJJB6
Décision déférée à la Cour : jugement du 1er mars 2024 - Tribunal judiciaire de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°22/09466
APPELANTE
S.A.S. DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO - représentée par la S.E.L.A.R.L. AJRS, agissant en la personne de Me [E] [W], es-qualités d'administrateur provisoire, dont le siège social est [Adresse 5] - ayant son siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de [Localité 7] sous le numéro 316 754 365
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0010
Assistée de Me Hervé CABELI plaidant pour le Cabinet ANTÈS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R 250
INTIMÉ
M. [F] [N] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Garance DE MIRBECK, avocate au barreau de PARIS, toque D 1672
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie SALORD, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de M. Gilles BUFFET, Conseiller
Mme Marie SALORD et M. Gilles BUFFET ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Mme Valérie DISTINGUIN, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, empêchée
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie SALORD, Présidente de chambre, en remplacement de Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 1er mars 2024 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 10 avril 2024 par la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, représentée par la Selarl AJRS, prise en la personne de Me [E] [W], ès-qualités d'administrateur provisoire,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 3 juin 2025 par la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, représentée par la Selarl AJRS prise en la personne de Maître [E] [W], ès-qualités d'administrateur provisoire, appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 2 juin 2025 par M. [F] [X], intimé,
Vu l'ordonnance de clôture du 5 juin 2025.
SUR CE, LA COUR
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo est titulaire de la marque verbale française ROMEO n° 1278395 enregistrée le 9 juillet 1984, et régulièrement renouvelée, qui vise en classe 11 les appareils d'éclairage ; de chauffage ; de production de vapeur ; de cuisson ; de réfrigération ; de séchage ; de ventilation ; de distribution d'eau et installations sanitaires ; en classe 20 les meubles ; glaces ; (miroirs) ; cadre ; produits non compris dans d'autres classes ; en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques, en classe 24 les tissus et produits textiles non compris dans d'autres classes ; couvertures de lit et de table et en classe 42 les services de décoration intérieure.
Son fondateur et dirigeant, [Y] [N] [J], est décédé le 18 mai 2018, laissant pour lui succéder ses trois enfants, Mme [E] [X], Mme [Z] [X] et M. [F] [X].
Suite au placement sous tutelle de [Y] [N] [J] par jugement du 7 avril 2017, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné par ordonnance du 28 décembre 2017 en qualité d'administrateur provisoire de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo Maître [C] [K]. Par ordonnance du 26 septembre 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a mis fin à sa mission et désigné à cette fonction la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître [E] [W].
Lors de l'assemblée générale du 5 novembre 2019 de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, M. [F] [X] a été désigné président de cette société pour une durée de 6 mois. Son mandat n'a pas été renouvelé.
La société ARJS a alors été désignée en qualité d'administrateur provisoire de la société par ordonnances du président du tribunal de commerce de Paris des 14 mai et 8 juin 2020.
Le 15 novembre 2019, M. [F] [X] a déposé la marque verbale française n°4599140 ROMEO [F] [N] publiée le 6 décembre 2019 et enregistrée le 6 mars 2020 en classe 20 pour les meubles ; glaces (miroirs) ; cadres (encadrements) ; objets d'art en bois, cire, plâtre ou en matières plastiques ; cintres pour vêtements ; commodes ; coussins ; étagères ; récipients d'emballage en matières plastiques ; fauteuils ; sièges ; literie à l'exception du linge de lit ; matelas ; vaisseliers ; boîtes en bois ou en matières plastiques, en classe 24 pour les tissus ; couvertures de lit ; tissus à usage textile ; tissus élastiques ; velours ; linge de lit ; linge de maison ; linge de table non en papier ; linge de bain à l'exception de l'habillement ; sacs de couchage et en classe 37 pour la construction ; informations en matière de construction ; conseils en construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; maçonnerie ; travaux de plâtrerie ; travaux de plomberie ; travaux de couverture de toits ; services d'isolation (construction) ; démolition de constructions ; location de machines de chantier ; nettoyage de bâtiments (ménage) ; nettoyage d'édifices (surface extérieure) ; nettoyage de fenêtres ; nettoyage de véhicules ; entretien de véhicules ; assistance en cas de pannes de véhicules (réparation) ; désinfection ; dératisation ; nettoyage de vêtements ; rénovation de vêtements ; entretien, nettoyage et réparation du cuir ; entretien, nettoyage et réparation des fourrures ; repassage du linge ; travaux de cordonnerie ; rechapage de pneus ; vulcanisation de pneus (réparation) ; installation, entretien et réparation d'appareils de bureau ; installation, entretien et réparation de machines ; installation, entretien et réparation de matériel informatique ; entretien et réparation d'instruments d'horlogeries et chronométriques ; réparation de serrures ; restauration de mobilier ; construction navale.
Le 20 octobre 2021, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo a mis en demeure M. [X] de cesser d'utiliser et d'exploiter la marque ROMEO [F] [N] et d'y renoncer.
Par acte de commissaire de justice du 4 août 2022, elle l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en annulation de cette marque, réparation du préjudice résultant de la contrefaçon et subsidiairement pour parasitisme.
C'est dans ce contexte qu'a été rendu le jugement du tribunal judiciaire de Paris, dont appel, en date du 1er mars 2024, qui a :
- déclaré irrecevable l'action en nullité formée par la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo contre la marque verbale française n° 4599140 Romeo [F] [N],
- prononcé la déchéance de la marque verbale française Romeo n° 1278395 pour défaut d'usage sérieux,
- condamné la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo aux dépens de l'instance,
- condamné la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo à payer à M. [F] [X] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 3 juin 2025, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, représentée par la Selarl AJRS, demande à la cour de :
- dire l'appelante recevable et bien fondée en leur appel,
- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité formée par la société Diffusion des ébénistes contemporains diffusion Romeo contre la marque verbale française n° 4599140 Romeo [F] [N], prononcé la déchéance de la marque verbale française Romeo n° 1278395 pour défaut d'usage sérieux, condamné la SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo aux dépens de l'instance, condamné la SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo à payer à M. [F] [X] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- dire que la marque verbale Romeo [F] [N] n° 4599140 porte atteinte aux droits antérieurs de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo,
- annuler en conséquence la marque verbale Romeo [F] [N] enregistrée le 15 novembre 2019 sous le n° 4599140,
- dire que M. [F] [X] se livre à un usage non autorisé portant atteinte à la marque et aux droits de propriété intellectuelle de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, et constitutif de contrefaçon,
- interdire à M. [F] [X] l'usage de la marque verbale Romeo [F] [N] sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision,
- condamner M. [F] [X] à payer à la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial, d'image et moral résultant de la contrefaçon,
- débouter M. [F] [N] [J] de sa demande reconventionnelle en déchéance de la marque Romeo n°1278395 pour défaut d'usage sérieux avec effet au 4 août 2022,
A titre subsidiaire,
- dire que M. [F] [X] a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo,
- condamner en conséquence M. [F] [X] à payer à la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo la somme de 50 000 euros de dommages intérêts,
En toutes hypothèses,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir en entier ou par extrait aux frais de M. [F] [X] dans trois journaux ou revues au choix de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo,
- condamner M. [F] [X] à payer la somme de 10 000 euros à la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, M. [X] demande à la cour de :
- le dire et juger recevable et bien-fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions.
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
* jugé irrecevable l'action en nullité intentée contre la marque Romeo [F] [N] n°4599140,
* constaté la déchéance de la marque Romeo n°1278395 pour défaut d'usage sérieux,
* débouté la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo de ses autres demandes,
* et l'a condamnée à verser 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [F] [X] outre les dépens.
A titre subsidiaire,
- débouter la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo de toutes ses demandes, fins et prétentions,
En toute hypothèse,
- en cas d'annulation de la marque Romeo [F] [N] n°4599140, la limiter aux produits de la classe 20 à savoir les meubles et glaces (miroirs),
- condamner l'appelante à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, en plus de la somme allouée à ce titre par le tribunal pour la première instance,
- condamner l'appelante aux dépens de première instance et d'appel.
SUR CE,
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la demande en déchéance de la marque verbale française ROMEO n°1278395
M. [X] soutient que les droits de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo sur la marque ROMEO doivent être déchus en raison de son défaut d'exploitation pendant 5 ans précédant la demande de déchéance.
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo s'oppose à cette demande et fait valoir qu'elle justifie de l'usage sérieux de la marque dont elle est titulaire en 2018 et 2019.
Aux termes de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige : 'Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation.'
Doit seul être considéré comme sérieux l'usage de la marque dans la vie des affaires et dans sa fonction de garantie d'identité d'origine des produits et services pour lesquels elle est déposée, aux fins de créer, de développer ou de conforter ses parts de marché dans le secteur économique considéré. Cet usage doit donc être suffisant et non seulement symbolique et au seul but de maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque s'apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque.
La marque doit être utilisée à titre de marque, c'est à dire pour indiquer l'origine du produit ou du service en cause et pour tous les produits et services indiqués dans le certificat d'enregistrement.
Les parties s'accordent sur le fait que la demande en déchéance a été présentée en première instance par conclusions de M. [X] du 1er février 2023, ainsi qu'il en justifié, et non comme retenu par le jugement dont appel le 9 novembre 2022.
Il s'ensuit que pour échapper à la déchéance qui lui est opposée, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo doit rapporter la preuve d'une exploitation sérieuse et non équivoque de sa marque n°1278395 à titre de marque, sur le territoire français, dans les cinq ans précédant le 1er février 2023, soit entre le 1er février 2018 et le 1er février 2023.
En premier lieu, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo indique qu'elle a participé à la Foire de [Localité 7] en promouvant sa marque du 27 avril au 8 mai 2018.
M. [X] conteste cette participation.
Il résulte du grand livre de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo corroboré par des factures qu'entre février et mars 2018 elle a réglé la somme de 44 565 euros à la société Comexposium, organisatrice de la Foire, et du courriel du 5 novembre 2024 de Mme [M] [L], responsable relations clients dans cette société, que la société appelante a « exposé » à cette occasion.
Cependant, cette seule preuve d'une participation ne démontre pas l'offre à la vente sous la marque ROMEO des produits et services visés à l'enregistrement.
En deuxième lieu, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo fait valoir qu'elle a loué entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019 une vitrine dans les locaux de l'hôtel Ritz pour y exposer des meubles sous sa marque.
M. [X] répond que l'extrait du [Localité 6] livre général produit est celui de la société Soveca Elysées et que rien n'indique que la somme de 20 000 euros porte sur la location d'une vitrine qui reproduit la marque ROMEO.
Le [Localité 6] livre des comptes 2018 de la société Soveca Elysées mentionne dans la rubrique « Publicité, Publication et Relations Publiques » une somme de 20 000 euros intitulée « Ritz 1/6/18 au 31/5/19 ».
Si l'appelante indique que la société Soveca Elysées commercialisait des meubles sous sa marque, force est de constater qu'elle n'en justifie pas. En tout état de cause, elle ne produit aucun élément justifiant que la somme de 20 000 euros était destinée à louer une vitrine où étaient exposés des meubles sous la marque ROMEO.
En troisième lieu, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo soutient avoir vendu en 2018 des meubles pour un montant de 2 328 939 euros HT à plus de 400 clients et fourni des services pour un montant de 129 000 euros HT et en 2019 pour des montants respectifs de 713 533 euros HT à plus de 250 clients et de 84 300 euros HT.
M. [X] répond que les comptes et grands livres 2018 et 2019 sont insuffisants pour démontrer la réalisation d'un usage sérieux de la marque et que rien n'indique que les encaissements ayant eu lieu en 2018 et 2019 correspondaient à des ventes réalisées à ces dates.
Le compte de résultat et le grand livre général mentionnant la vente de marchandises et la production de services sont insuffisants à justifier de la vente de produits et services sous la marque ROMEO dès lors qu'ils ne sont corroborés par aucune pièce, notamment les factures visées, démontrant pour ces produits et services l'usage du signe à titre de marque.
Enfin, comme l'a justement relevé le tribunal, le site internet ClaudeDalle-Romeo.com s'il fait apparaître la marque ne porte pas sur la période en cause dès lors que ses informations sont obsolètes, étant relevé au surplus qu'il ne fait la promotion d'aucun produit ou service visé par la marque.
Le tribunal a aussi justement considéré que la vente aux enchères par la maison de vente Artcurial en novembre 2020 intitulée « collection Romeo 1 500 meubles § objets d'art » portant sur le stock de la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo n'avait pas pour effet ou objet de maintenir ou créer des parts de marché pour les produits et services visés par la marque.
Ainsi, en l'absence de preuve d'exploitation de la marque, la déchéance sera prononcée et le jugement confirmé de ce chef. Il y sera ajouté la date de prise d'effet de la déchéance, soit le 1er février 2023.
Sur la demande en nullité de la marque n°4599140 ROMEO [F] [N]
L'appelante vise au soutien de sa demande en nullité les articles « L.711-3, I, 1°, a) et/ou b) », L.711-3, I, 2° et L.711-3, I, 3° du code de la propriété intellectuelle.
- Sur le fondement de la marque ROMEO n°1278395
M. [X] fait valoir que cette demande est irrecevable.
L'article L716-2-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Est irrecevable :
1° La demande en nullité formée par le titulaire d'une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l'objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l'appui de la demande, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en nullité a été formée, dans les conditions prévues à l'article L. 714-5 ou, s'il s'agit d'une marque de l'Union européenne, à l'article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage ('). »
La déchéance de la marque ROMEO n°1278395 a été prononcée en l'absence de justification d'usage sérieux pour les produits et services du 1er février 2018 au 1er février 2023. La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo a assigné M. [X] devant le tribunal judiciaire de Paris le 4 août 2022. Or, il n'est justifié, ni allégué que la marque a été exploitée entre le 4 août 2017 et le 1er février 2018, si bien que l'usage sérieux n'est pas démontré entre le 4 août 2017 et la date de l'assignation.
La demande de nullité est donc irrecevable et le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur le fondement de la dénomination sociale Diffusion des ébénistes contemporains Romeo
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo soutient que la marque ROMEO [F] [N] crée un risque de confusion dans l'esprit du public avec sa dénomination sociale qui jouit d'une importante renommée. Elle fait valoir que le nom ROMEO est en attaque, que le fait d'ajouter le patronyme [N] (et non [X]) constitue une référence directe au père de M. [X], créateur du groupe, dont le nom est associé à « la marque Diffusion des ébénistes contemporains Romeo» et que cette association ne fait qu'augmenter la confusion du public, l'adjonction du prénom [F] n'étant pas de nature à la dissiper. Elle ajoute que les mots « diffusion des ébénistes contemporains » sont descriptifs de l'activité artisanale (ébénisterie) et du style (contemporain) et ne font que souligner « la marque » « Diffusion des ébénistes contemporains Romeo ».
M. [X] répond qu'il n'existe pas de risque de confusion entre la marque et la dénomination sociale, en l'absence d'identité entre les signes qui ne sont pas similaires. Selon lui, la dénomination sociale comprend 5 mots dont 4 de douze syllabes qui ont un pouvoir distinctif fort tant dans leur signification (Diffusion/Ebéniste/Contemporain/Diffusion des ébénistes contemporains Romeo) que dans leur longueur sonore et visuelle. Il ajoute que la présence en attaque du mot « Diffusion » a un caractère dominant et distinctif à cet emplacement, compte tenu de sa consonance, de son rythme et de sa signification.
Il résulte de la combinaison des articles L. 714-3 et L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans leur version application au litige, que la marque qui porte atteinte à une dénomination sociale antérieure, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, est déclarée nulle.
Le risque de confusion entre la marque et la dénomination sociale doit être analysé globalement en prenant en compte tous les facteurs pertinents. L'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux doit être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur le consommateur d'attention moyenne au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 12 septembre 1979 et exerce selon ce registre une activité de négoce de meubles au détail.
Ainsi, les produits visés en classe 23 et les services visés en classe 37 de la marque verbale française n°4599140 ROMEO [F] [N] ne sont pas similaires à l'activité exercée par la société et ne peuvent être retenus.
D'un point de vue visuel, les signes ont en commun le mot Romeo qui figure en attaque de la marque et qui constitue le dernier mot de la dénomination sociale. La marque se distingue dès lors que les autres mots, [F] [N], ne sont pas repris dans la dénomination sociale qui comprend quatre autres mots. Il s'ensuit que la similitude visuelle est faible.
Sur le plan phonétique, la marque et la dénomination n'ont en commun que les syllabes du mot Romeo qui ne figure pas à la même place. En dépit de la reprise de ce mot, la similitude phonétique est faible en raison des sonorités et du nombre de syllabes qui différent.
Sur le plan conceptuel, le signe protégé par la marque évoque deux prénoms et un nom patronymique. La dénomination commerciale n'entretient pas de proximité avec ce signe puisque qu'elle renvoie à un commerce de meubles en bois contemporains. Les signes sont donc conceptuellement éloignés.
La société appelante ne justifie pas de la connaissance par le grand public, consommateur de meubles, du patronyme [N] en association avec les mots Diffusion des ébénistes contemporains Romeo puisque les articles de presse qu'elle produit démontrent que la société était connue d'un public fortuné dans les années 1970 à 1990.
En conséquence, il n'existe pas de risque de confusion dans l'esprit du consommateur entre la dénomination sociale et la marque. La demande de nullité sur ce fondement sera donc rejetée.
Sur la contrefaçon
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo soutient qu'en déposant la marque ROMEO [F] [N], M. [X] a commis une contrefaçon de la marque ROMEO.
M. [X] répond qu'en l'absence d'usage de la marque, il n'existe pas de contrefaçon.
En l'absence de déchéance de la marque ROMEO lors du dépôt de la marque ROMEO [F] [N], le 15 novembre 2019, il convient de statuer sur la demande puisque l'appelante est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur sa marque qu'ont pu lui causer des actes de contrefaçon intervenus avant la déchéance.
Le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, arrêt du 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27).
Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire.
Dès lors, le dépôt d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon et sans qu'il soit utile de procéder à une comparaison des signes, il y a lieu de rejeter cette demande. Il sera ajouté au jugement dont le dispositif ne mentionne pas ce rejet.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
La société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo soutient que le dépôt par M. [X] de la marque ROMEO [F] [N] est constitutif de parasitisme car il a cherché à s'immiscer dans son sillage afin de tirer profit de sa renommée sans rien dépenser pour développer sa propre marque. Selon elle, l'intention dolosive de M. [X] se caractérise par le fait qu'il a cherché à créer une confusion dans l'esprit du public en associant à la marque ROMEO le patronyme [N] qui est celui de son créateur. Elle ajoute que le seul dépôt de la marque dévalorise la marque ROMEO auprès de ses potentiels acquéreurs dans la mesure où ceux-ci se détourneront d'une marque aussi directement concurrencée et que l'atteinte à la valeur vénale caractérise le préjudice subi.
M. [X] répond que l'appelante n'invoque pas de faits distincts de ceux de la contrefaçon et ne peut exercer cumulativement une action en contrefaçon et une action en concurrence déloyale. Il ajoute que la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo n'a plus d'activité puisque ses magasins sont fermés, que son personnel a été licencié, qu'elle ne fabrique plus de meubles depuis plusieurs années et son stock a été liquidé et constitue une coquille vide qui demeure pour les besoins de sa liquidation, initiée dès 2019, si bien qu'elle est mal fondée dans son action en concurrence déloyale ou parasitaire en l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité à défaut d'acte de commercialisation.
En l'espèce, la demande en concurrence déloyale et parasitisme est formée à titre subsidiaire si bien qu'il importe peu qu'elle repose sur les mêmes faits que ceux opposés au titre de la contrefaçon.
Fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, la concurrence déloyale suppose l'existence d'une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. Elle se définit comme la commission de man'uvres déloyales, constitutives de fautes dans l'exercice de l'activité commerciale, à l'origine pour le concurrent d'un préjudice
Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Si le dépôt d'une marque peut constituer un acte de parasitisme, la preuve doit être rapportée qu'en commercialisant des produits contrefaisants, il a été tiré parti de sa valeur économique individualisée et identifiée prétendument parasitée au jour des actes invoqués comme étant fautifs.
Or, aucune commercialisation de produits ou services sous la marque dont est titulaire M. [X] n'est alléguée ou justifiée si bien que les conditions du parasitisme et de la concurrence déloyale ne sont pas réunies et cette demande sera rejetée.
Il sera ajouté au jugement dont le dispositif ne mentionne pas ce rejet.
Sur les autres demandes
La solution du litige commande de confirmer les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.
Partie perdante, la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo sera condamnée aux dépens d'appel et à indemniser les frais que M. [X] a été contraint d'engager dans le cadre de ce recours à hauteur de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement dans son intégralité,
Y ajoutant,
Dit que la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo est déchue de ses droits sur la marque verbale française ROMEO n°1278395 pour l'ensemble des produits et services visés à compter du 1er février 2023,
Déboute la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo de sa demande de nullité de la marque n°4599140 ROMEO [F] [N] fondée sur sa dénomination sociale antérieure,
Déboute la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo de sa demande au titre de la contrefaçon de sa marque française ROMEO n°1278395,
Déboute la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo de sa demande au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
Condamne la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, représentée par la Selarl AJRS prise en la personne de Maître [E] [W], ès-qualités d'administrateur provisoire, aux dépens d'appel,
Condamne la société Diffusion des ébénistes contemporains Romeo, représentée par la Selarl AJRS prise en la personne de Maître [E] [W], ès-qualités d'administrateur provisoire, à payer à M. [F] [X] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente