CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 10 novembre 2025, n° 21/09093
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2025
N° 2025/ 451
N° RG 21/09093 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHU6B
S.A.R.L. AGENCE SUD AUTO - ASA
C/
[D] [L]
SCP BR & ASSOCIES
S.A.S. GVA BYMYCAR VAUCLUSE
SELARL ML ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me François-xavier KOZAN
Me Gwendoline PREVOSTAT
Me Marion VELLA
Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] en date du 20 Mai 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/03083.
APPELANTE
S.A.R.L. AGENCE SUD AUTO - ASA Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me François-Xavier KOZAN, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur [D] [L]
né le 16 Janvier 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Gwendoline PREVOSTAT, avocat au barreau de TOULON, et plaidant par Me Frédéric BASSOMPIERRE, avocat au barreau de CARPENTRAS
S.A.S. GVA BYMYCAR VAUCLUSE, venant aux droits de la société GV BYMYCAR AVIGNON demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marion VELLA, avocat au barreau de TOULON, et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume HEINRICH, avocat au barreau de GRENOBLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
SELARL ML ASSOCIES Prise en la personne de Maître [B] [S], agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAR A.S.A AGENCE SUD AUTO,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, subsituté par Me SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON pour avocat plaidant
SCP BR & ASSOCIES Prise en la personne de Maître [B] [S], agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL A.S.A AGENCE SUD AUTO
demeurant Mandataires Judiciaires - [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, subsituté par Me SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON pour avocat plaidant
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine OUVREL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025
Signé par Madame Catherine OUVREL, conseillère, pour la Présidente empêchée et Madame Anastasia LAPIERRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 12 novembre 2015, M. [D] [L] a acquis auprès de la SARL Agence Sud Auto (ci-après la SARL ASA) pour un prix de 22 990 euros un véhicule Audi Q5 Quattro 2.0 TFSI affichant 95 000 kilomètres.
Après avoir parcouru 400 kilomètres en deux mois environ, un ajout d'huile a été requis.
Cette situation s'étant réitérée 300 kilomètres plus tard, M. [L] a avisé la SARL ASA aux fins de mettre en 'uvre la garantie contractuelle souscrite.
Le 18 mai 2016, M. [L] se prévalant d'un bulletin d'adhésion remis par le vendeur selon lequel il aurait souscrit un contrat de garantie Gras Savoye, intitulé "garantie sécurité", a confié le véhicule à la SAS GVA Bymycar Vaucluse (ci-après la SAS GVA Bymycar), concessionnaire Audi. Le véhicule remis présentait alors un kilométrage arrêté à 96 060 kilomètres.
Les investigations techniques du concessionnaire ont permis de révéler un défaut d'étanchéité des pistons, bielles et segments nécessitant des réparations pour un montant de 5 570,11 euros.
Le concessionnaire réparateur a présenté une demande de prise en charge au titre de la garantie contractuelle souscrite auprès de la compagnie Gras Savoye laquelle, le 24 mai 2016, a opposé un refus de garantie au motif que le défaut préexistait à la vente.
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Le SAS GVA Bymycar a alors sollicité directement auprès du constructeur Audi la prise en charge de coût de cette réparation, en vain.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2016, M. [L] exposant que le véhicule serait affecté d'un vice caché, a mis en demeure la SARL ASA, vendeur, de procéder soit à la résolution amiable de la vente, soit à la prise en charge du coût total de l'intervention en réparation pour un montant évalué à la somme de 5 570,11 euros par le concessionnaire, en vain.
Les parties ont alors réaliser une expertise amiable du véhicule, au contradictoire de la société venderesse qui a dépêché son propre expert, M. [J] [R], et du fabricant. Les experts amiables respectifs des parties ont conclu chacun de manière distincte.
Par acte 25 janvier 2017, M. [L] a sollicité devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon, l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer si le véhicule est effectivement affecté de vices cachés et évaluer son préjudice.
Par ordonnance en date du 20 février 2017, le juge des référés a fait droit à cette demande et commis M. [J] [R] en qualité d'expert.
M. [L] a alors saisi de nouveau le juge des référés aux fins de remplacement de l'expert désigné, exposant que M. [R] était déjà intervenu dans ce dossier à l'occasion de la mesure d'expertise amiable.
Selon ordonnance de changement d'expert du 3 avril 2017, M. [M] [P] a ainsi été désigné en lieu et place de M. [R].
L'expert a déposé son pré-rapport d'expertise le 6 octobre 2017 et son rapport définitif le 30 novembre 2017.
Le véhicule, immobilisé depuis le 20 janvier 2017 chez la SAS GVA Bymycar, concessionnaire, a été récupéré par le demandeur le 22 mai 2018.
Le 17 janvier 2018, M. [L] a de nouveau sollicité de la SARL ASA qu'il soit procédé à la résolution amiable de la vente mais sans succès. C'est dans ces conditions que par assignations délivrées les 31 mai et 5 juin 2019, M. [L] a fait citer la SARL ASA et la SAS GVA Bymycar, devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins notamment de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente et obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1641 et suivant anciens du code civil.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a :
' prononcé la résolution judiciaire de la vente du 12 novembre 2015 du véhicule Audi Q5 intervenue entre M. [D] [L] et la SARL Agence Sud Auto,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à restituer à M. [D] [L] le prix de vente, soit la somme de 22 990 euros,
' pris acte que M. [L] tient à la disposition de la SARL Agence Sud Auto le véhicule Audi Q5 dans son état actuel, qui devra le récupérer au lieu où il est entreposé,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] une somme de 19 436,28 euros, en réparation des préjudices financiers,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] la somme de 9 610,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
' condamné M. [D] [L] à payer à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros au titre des frais de gardiennage,
' ordonné l'exécution provisoire,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] somme de 1 500 euros et à la société GVA Bymycar Vaucluse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise exposés.
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Le tribunal, au vu du rapport d'expertise judiciaire, a considéré que celui-ci était suffisamment pertinent et explicite pour retenir l'existence d'un vice caché affectant le véhicule et consistant en l'usure prématurée du moteur. Il a en conséquence dit n'y avoir lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise et a prononcé la résolution de la vente.
Sur les préjudices financiers subis, le tribunal a reconnu la créance du concessionnaire contre M. [D] [L] au titre des frais de gardiennage sur la période du 20 janvier 2017 jusqu'au 22 mai 2018, mais uniquement dans la limite de la somme réclamée. Il a ensuite estimé que M. [D] [L] justifiait de l'indemnisation de ses préjudices financiers (gardiennage, remorquage, assurance du véhicule, réparations réalisées par la SAS GVA Bymycar) envers la SARL ASA, outre d'un préjudice de jouissance.
Selon déclaration reçue au greffe le 18 juin 2021, la SARL ASA a relevé appel de cette décision, l'appel portant sur chacun des chefs de jugement rendus, à l'exception de la condamnation de M. [D] [L] à régler à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros au titre des frais de gardiennage.
Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Toulon a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL ASA, désignant la SCP BR & Associés prise en la personne de maître [S], ès-qualités de mandataire.
M. [L] a déclaré sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2021 et la SCP BR & Associés a été mise en cause devant la cour, ès-qualités.
Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL ASA et désigné la SCP BR & Associés commissaire à l'exécution du plan.
Par conclusions transmises le 20 février 2025, la SELARL ML Associés, venant aux droits de la SCP BR & Associés, est intervenue volontairement à la procédure.
* Par dernières conclusions transmises le 12 août 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL ASA demande à la cour :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
' débouter M. [L] de ses demandes formulées à son encontre,
' débouter la SAS GVA Bymycar de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
A titre subsidiaire :
' ordonner une nouvelle mesure d'expertise et commettre tel expert judiciaire qu'il plaira,
En tout état de cause :
' condamner M. [L] et la SAS GVA Bymycar à lui payer la somme de 2 500 euros chacun, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction.
La SARL ASA soutient que l'existence d'un vice antérieur à la vente n'est pas établie au regard de la distance importante parcourue par M. [L] entre la prise de possession du véhicule le 21 novembre 2015, et la date de la première réunion d'expertise contradictoire du 18 mai 2016. Elle considère que M. [L] a passé aveu judiciaire en ce que deux messages d'erreur (demande de rajout d'huile) s'étaient affichés, sans qu'il ait estimé utile et opportun de solliciter, immédiatement après l'apparition du premier message d'erreur, l'avis d'un professionnel.
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Elle estime en conséquence que M. [L], sur qui pèse la charge de la preuve, échoue à démontrer que la condition tenant à l'antériorité du vice est remplie en l'espèce, et fait valoir sur ce point que le rapport d'expertise judiciaire, dépourvue de constatation objective ou corroborée est contredit par les constations de l'expertise amiable, et ne permet pas d'établir avec certitude la date d'apparition du vice.
A titre surabondant sur les préjudices évoqués, elle soutient que M. [L] ne verse aucune facture susceptible de démontrer qu'il aurait effectivement été contraint de louer un véhicule caractérisant son préjudice de jouissance, et considère ne pas être responsable des frais de gardiennage exposés par celui-ci. Elle fait valoir en substance que l'intimé est seul responsable des conditions de gardiennage et du délai écoulé entre l'apparition des défectuosités et la présente procédure.
A titre subsidiaire, elle conclut à la mise en place d'une nouvelle expertise judiciaire aux fins de datation de la rupture du circuit de lubrification et de la dégradation moteur.
Par dernières conclusions d'intervention volontaire transmises le 20 février 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL ML & Associés, prise en la personne de maître [S], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL ASA, demande à la cour de :
À titre principal :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, notamment quant au prononcé de la résolution de la vente,
Statuant à nouveau :
' débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
' désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour, avec pour mission de dire si le véhicule était ou non atteint d'un vice caché au moment de la vente,
A titre encore plus subsidiaire :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, notamment sur le montant de la créance à fixer,
Statuant à nouveau :
' fixer la créance de M. [L] à la seule somme de 22 990 euros,
' débouter M. [L] de ses autres demandes de fixation de créance,
Encore plus subsidiairement :
' rejeter comme irrecevable la demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner tout succombant aux entiers dépens
La Serlarl ML & Associés, rejoignant l'essentiel des moyens exposés par l'appelante, fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que le jugement dont appel a été rendu antérieurement au jugement d'ouverture de sauvegarde du 6 juillet 2021 et estime en conséquence qu'aucune condamnation ne peut être prononcée compte tenu de l'arrêt des poursuites prévu aux articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce.
Elle considère par ailleurs que la demande de condamnation de la SARL ASA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est irrecevable au regard de l'arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 2021.
* Par dernières conclusions transmises le 11 août 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :
' confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 12 novembre 2015 du véhicule AudiQ5,
Et statuant sur ses conséquences :
' lui allouer une somme de 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
' lui allouer une indemnité de 19 436,28 euros en réparation de ses préjudices financiers,
' lui allouer une indemnité de 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
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Et, tenant compte de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la SARL ASA et le plan de continuation adopté depuis :
' statuer à nouveau en fixant sa créance au passif de la SARL ASA à la somme totale de 52 036,28 euros décomptée de la façon suivante :
' une somme de 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
' une indemnité de 19 436,28 euros en réparation de ses préjudices financiers correspondant :
* aux frais de gardiennage pour un montant de 14 700 euros,
* aux cotisations d'assurance sur la période du 1er juillet 2016 au jour de l'assignation pour un montant de 2 640,27 euros,
* au remorquage du véhicule le 22 mai 2018 par le garage du Marché Gare de [Localité 6] pour un montant de 405 euros,
* aux opérations de diagnostic et de démontage du moteur réalisées en septembre et novembre 2016 par le concessionnaire Bymycar pour un coût de 1 691,01 euros,
* une indemnité de 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
En tout état de cause :
' condamner la SARL ASA à lui verser une indemnité de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des nouveaux frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les dépens d'appel.
M. [L] réplique que tant les conclusions de l'expertise amiable, que celle de l'expert judiciaire permettent de retenir l'existence d'un vice caché, antérieur à la vente et rendant le véhicule impropre à sa destination de sorte qu'il considère que la responsabilité de la SARL ASA est pleinement acquise sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.
Il considère être ainsi en mesure d'obtenir, outre la résolution de la vente, la condamnation de l'appelante à des dommages et intérêts, soutenant que la SARL ASA ne produit aucun élément de nature à renverser la présomption de mauvaise foi pesant sur le vendeur professionnel.
Il conclut à la confirmation du jugement sur la nature des préjudices subis et leur quantum, sauf à voir fixer sa créance au passif de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de l'appelante.
Il entend se prévaloir des dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, exposant qu'il dispose d'un intérêt légitime à voir mettre en cause le concessionnaire Bymycar aux fins que le jugement de première instance lui soit déclaré commun et opposable en raison de l'intervention dudit garage dans la conservation du véhicule objet de l'action en résolution.
Par dernières conclusions transmises le 5 novembre 2021, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS GVA Bymycar Vaucluse demande à la cour de :
' confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
' constater que ni M. [D] [L] ni la SARL ASA ne forme de demande à son endroit,
' condamner M. [L] à lui rembourser la somme de 14 700 euros correspondant aux frais de gardiennage,
En tout état de cause :
' condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La SAS GVA Bymycar expose que ni M. [O], ni la SARL ASA ne formule de demande à son encontre et fait valoir, à titre reconventionnel, justifier de sa créance à l'encontre de M. [O] au titre des frais de gardiennage. Elle précise sur ce point que le montant réclamé, déjà visé aux termes des mises en demeure adressées au vendeur et reconnu par l'expert judiciaire, ne saurait être remis en cause.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 19 août 2025.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour d'appel précise, qu'il ressort des conclusions prises aux intérêts des parties et des actes de procédure, qu'aucun appel incident n'a été formé dans les rapports M. [D] [L] et la SAS GVA Bymycar, au titre de la condamnation de M. [D] [L] à régler à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros pour les frais de gardiennage du véhicule litigieux, de sorte que la cour, non saisie, ne se prononcera pas de ce chef, pas même pour les confirmer.
Sur la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés affectant le véhicule acquis par M. [D] [L]
Par application de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par application de l'article 1641 du code civil, non modifié par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En vertu de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Aux termes de l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Par application de l'article 1648-1 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En application de ces dispositions, la jurisprudence applique la garantie des vices cachés quand le bien vendu présente un défaut non apparent et suffisamment grave pour rendre la chose impropre à l'usage auquel l'acheteur pouvait sérieusement s'attendre compte tenu de la nature du bien vendu, dès lors que le vice est antérieur à la vente, et plus précisément au transfert des risques.
Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices, y compris non apparents, affectant la chose qu'il vend.
En l'occurrence, M. [D] [L], acquéreur particulier, a acquis auprès de la SARL ASA, dont il n'est pas contesté qu'elle est un professionnel de la vente de véhicules automobiles, une voiture de marque Audi Q5 au prix de 22 990 euros, le véhicule affichant 95 000 kms au compteur.
Après plusieurs messages d'erreur et rajout d'huile moteur, M. [D] [L] a confié son véhicule au garage Audi, la SAS GVA Bymycar, le 18 mai 2016, le véhicule présentant alors 96 060 kms. Le diagnostic posé fut alors le suivant : consommation excessive d'huile (témoin s'allume dès qu'on roule 50 kms).
Une expertise amiable a été contradictoirement réalisée. Aux termes de celle-ci, l'expert automobile de la SARL ASA, M. [R], a rendu un rapport le 20 décembre 2016, concluant effectivement à une consommation excessive d'huile avec une valeur théorique de 1,24 litres au 1 000 km, ce qui est hors des normes du constructeur. Tout en préconisant tout de même à son mandant en sa qualité de vendeur de prendre en charge pour partie les frais de remise en état du véhicule, M. [R] a retenu que 'la datation de la dégradation du moteur par une usure abrasive n'est pas rapportée', excluant le fait que les entretiens réalisés avant la vente hors réseau soient constitutifs d'une faute.
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De son côté, l'expert conseil de M. [D] [L], M. [Y] [V], a conclu le 15 janvier 2017, à une anomalie de consommation de l'huile moteur antérieure à l'achat du véhicule par l'intimé et dont celui-ci ne pouvait alors se rendre compte lors de la commande et de l'essai du véhicule. Il explique que cette surconsommation en huile entraîne un encrassement accru de divers éléments mécaniques du véhicule, sources de pannes. Il confirme que le premier diagnostic posé en mai 2016 d'une consommation excessive d'huile est confirmé et il ajoute avoir évalué cette surconsommation à 1,24 litres au 1 000 kms, par observation du véhicule, lors de trois visites contradictoires. Ainsi, il souligne que si le véhicule a continué à rouler et a parcouru plus de 2 200 kms depuis son achat par M. [D] [L], 1 600 kms ont été parcourus en phase d'observation.
Sont ainsi mis en avant à la fois une consommation excessive d'huile moteur et une usure abrasive des éléments lubrifiés du moteur. Un défaut d'étanchéité des pistons, bielles et segments est retenu et il est préconisé de les remplacer sous peine de rendre le moteur définitivement hors d'usage.
Enfin, une expertise judiciaire a été diligentée. L'expert mandaté, après avoir repris l'entier et complet historique d'entretien et des réparations effectuées sur le véhicule litigieux depuis sa mise en circulation, de manière bien plus complète que ne l'a fait l'expert conseil M. [R], a conclu que le phénomène de consommation anormale d'huile de graissage trouve son origine dans une usure prématurée du moteur. Au vu de l'entretien détaillé du véhicule, l'expert judiciaire a retenu, d'une part, que le moteur a été altéré par une huile de graissage dégradée et fortement polluée par de la limaille, et, d'autre part, que le véhicule a souffert d'un défaut d'entretien évident. Toutefois, sans pouvoir dater précisément la dégradation des éléments mécaniques du véhicule, l'expert a mis en évidence que cette surconsommation d'huile moteur avait déjà été établie lors d'un contrôle le 7 octobre 2014 alors que le véhicule présentait 84 490 kms (remplacement du capteur papillon, signe d'un fort envahissement par la suie issue des graisses brûlées en excédent). L'expert a relevé également qu'une vidange complète a été réalisée le 8 juillet 2015 avec une huile plus épaisse et seulement après 5 958 kms parcourus.
Dès lors, l'expert judiciaire en a déduit que l'usure prématurée du moteur constituait un vice caché du véhicule lors de la vente et le rendait impropre à son usage.
La SARL ASA conteste les conclusions de l'expert. Néanmoins, force est de relever que celles-ci sont conformes aux données précédemment recueillies par les experts d'assurance, bien que plus poussées et précises.
De même, l'expert judiciaire exclut toute mauvaise utilisation du véhicule postérieurement à l'achat par M. [D] [L], dès lors qu'il est démontré que le vice, dont la teneur n'est en soi pas contestée, préexistait à l'achat du 12 novembre 2015. Le fait que M. [D] [L] n'ait pas immédiatement été consulter un concessionnaire Audi après un premier message d'erreur quant au niveau d'huile moteur ne peut suffire à exclure la responsabilité de la SARL ASA au titre de la garantie des vices cachés, alors que le vice préexistait à la vente.
Les éléments de contestation élevés par la SARL ASA, déjà débattus devant l'expert judiciaire, qui les a pris en compte et y a répondu, sont insuffisants à justifier l'organisation d'une nouvelle expertise.
Dès lors, il est suffisamment démontré que le véhicule vendu par la SARL ASA, professionnel, à M. [D] [L], profane, le 12 novembre 2015 était affecté d'un vice tenant à une surconsommation d'huile moteur, de nature à dégrader les éléments mécaniques lubrifiés du véhicule et présentant un risque de casse moteur. Ainsi, les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés sont réunies, le véhicule étant impropre à sa destination puisque la totalité du bloc moteur doit être changée.
La décision entreprise doit donc être confirmée à ce titre et en ce qu'elle a fait droit à la demande de résolution de la vente de ce chef, avec les conséquences induites en termes de restitutions réciproques.
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Sur l'indemnisation des préjudices subis par M. [D] [L]
Sur l'incidence de la procédure collective ouverte pour la SARL ASA
A titre liminaire, il y a lieu d'avoir égard aux dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce qui prévoient que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L 622-22 du même code ajoute que, sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
Or, en l'occurrence, le 6 juillet 2021, soit en cours d'instance d'appel, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'endroit de la SARL ASA. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL ASA, la SELARL ML Associés étant désignée mandataire puis commissaire à l'exécution du plan. La SELARL ML Associés est régulièrement intervenue à l'instance, M. [D] [L] a déclaré sa créance le 15 septembre 2021 et celle-ci a été admise le 21 juillet 2025 à hauteur de 56 164,83 euros, conformément aux condamnations prononcées par jugement du 20 mai 2021.
Dans ces conditions, si la demande en résolution de la vente, en application de la garantie des vices cachés, peut être confirmée, les condamnations prononcées par le tribunal à la charge de la SARL ASA ne pourront qu'être infirmées, la cour n'étant en mesure que d'en fixer le montant.
Sur l'indemnisation
En vertu des dispositions de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'occurrence, compte tenu de sa qualité de vendeur professionnel, la SARL ASA est présumée avoir eu connaissance des vices affectant le véhicule vendu. Elle est donc tenue d'indemniser M. [D] [L] des préjudices par lui subis.
Sur les préjudices matériels
D'une part, M. [D] [L] entend être indemnisé des fris de gardiennage par lui exposés. En effet, il résulte des pièces produites et de l'expertise judiciaire que le véhicule litigieux est immobilisé depuis le 1er juillet 2016, son organe monteur étant déposé. Aux termes d'une facture émise par la SAS GVA Bymycar, cette dernière a réclamé à M. [D] [L] le paiement des frais de gardiennage à compter du 20 janvier 2017 pour un montant journalier de 30 euros HT, soit 36 euros TTC, jusqu'au 22 mai 2018, date à laquelle M. [D] [L] a fait remorquer son véhicule en un autre lieu. Il est ainsi justifié de la somme de 14 700 euros, au paiement de laquelle M. [D] [L] a été définitivement condamné par le jugement du 20 mi 2021.
Il s'agit d'un préjudice matériel souffert par M. [D] [L] qui doit être imputé à la SARL ASA.
D'autre part, M. [D] [L] fait état et justifie des frais de remorquage du véhicule, non roulant, à hauteur de 405 euros, des cotisations d'assurance du véhicule inutilisable à hauteur de 2 640,27 euros, et des frais liés aux opérations de diagnostic et de démontage du moteur réalisées en septembre et novembre 2016 par la SAS GVA Bymycar pour un coût de 1 691,01 euros.
- 10-
Le montant total des préjudices matériels soufferts par M. [D] [L] s'élèvent donc à 19 436,28 euros, ainsi que retenu en première instance.
Sur le préjudice de jouissance
L'existence d'un préjudice de jouissance induit par la privation pour M. [D] [L] de son véhicule à compter du 1er juillet 2016 a été retenu par l'expert judiciaire. Ce dernier a validé le montant mensuel sollicité à hauteur de 310 euros par mois correspondant au tarif de location en crédit-bail pour ce type de véhicule, soit la somme de 9 610 euros sur la période écoulée entre le 1er juillet 2016 et le jour de l'assignation en justice.
La SARL ASA est mal fondée à critiquer ce poste de préjudice alors qu'elle a refusé à M. [D] [L], par courrier du 6 juillet 2016, le prêt d'un véhicule tel que sollicité afin de réduire précisément ce préjudice.
Le préjudice de jouissance souffert par M. [D] [L] peut donc être fixé à la somme de 9 610 euros.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SARL ASA, qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d'appel. En outre, les indemnités auxquelles elle a été condamnée en première instance au titre des frais irrépétibles seront confirmées en leur montant, et, une indemnité supplémentaire de 3 000euros sera mise à sa charge au bénéfice de M. [D] [L], outre une nouvelle indemnité de 1 000 euros au bénéfice de la SAS GVA Bymycar qu'elle a intimé, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties. Néanmoins, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle porte condamnation à ces titres, alors que, désormais, du fait de la procédure collective ouverte contre la SARL ASA, seule la fixation des créances est possible.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
' condamné la SARL Agence Sud Auto à restituer à M. [D] [L] le prix de vente, soit la somme de 22 990 euros,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] une somme de 19 436,28 euros, en réparation des préjudices financiers,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] la somme de 9 610,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] somme de 1 500 euros et à la société GVA Bymycar Vaucluse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise exposés,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe comme suit la créance de M. [D] [L] envers la SARL ASA :
- 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
- 19 436,28 euros en réparation des préjudices financiers soufferts par M. [D] [L],
- 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- les dépens de première instance et d'appel,
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Fixe comme suit la créance de la SAS GVA Bymycar envers la SARL ASA :
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- les dépens de première instance et d'appel,
Constate que les entiers dépens de l'instance sont intégrés au passif de la SARL ASA,
Déboute la SARL ASA de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2025
N° 2025/ 451
N° RG 21/09093 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHU6B
S.A.R.L. AGENCE SUD AUTO - ASA
C/
[D] [L]
SCP BR & ASSOCIES
S.A.S. GVA BYMYCAR VAUCLUSE
SELARL ML ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me François-xavier KOZAN
Me Gwendoline PREVOSTAT
Me Marion VELLA
Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] en date du 20 Mai 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/03083.
APPELANTE
S.A.R.L. AGENCE SUD AUTO - ASA Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me François-Xavier KOZAN, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur [D] [L]
né le 16 Janvier 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Gwendoline PREVOSTAT, avocat au barreau de TOULON, et plaidant par Me Frédéric BASSOMPIERRE, avocat au barreau de CARPENTRAS
S.A.S. GVA BYMYCAR VAUCLUSE, venant aux droits de la société GV BYMYCAR AVIGNON demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marion VELLA, avocat au barreau de TOULON, et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume HEINRICH, avocat au barreau de GRENOBLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
SELARL ML ASSOCIES Prise en la personne de Maître [B] [S], agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAR A.S.A AGENCE SUD AUTO,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, subsituté par Me SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON pour avocat plaidant
SCP BR & ASSOCIES Prise en la personne de Maître [B] [S], agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL A.S.A AGENCE SUD AUTO
demeurant Mandataires Judiciaires - [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, subsituté par Me SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON pour avocat plaidant
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine OUVREL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2025
Signé par Madame Catherine OUVREL, conseillère, pour la Présidente empêchée et Madame Anastasia LAPIERRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 12 novembre 2015, M. [D] [L] a acquis auprès de la SARL Agence Sud Auto (ci-après la SARL ASA) pour un prix de 22 990 euros un véhicule Audi Q5 Quattro 2.0 TFSI affichant 95 000 kilomètres.
Après avoir parcouru 400 kilomètres en deux mois environ, un ajout d'huile a été requis.
Cette situation s'étant réitérée 300 kilomètres plus tard, M. [L] a avisé la SARL ASA aux fins de mettre en 'uvre la garantie contractuelle souscrite.
Le 18 mai 2016, M. [L] se prévalant d'un bulletin d'adhésion remis par le vendeur selon lequel il aurait souscrit un contrat de garantie Gras Savoye, intitulé "garantie sécurité", a confié le véhicule à la SAS GVA Bymycar Vaucluse (ci-après la SAS GVA Bymycar), concessionnaire Audi. Le véhicule remis présentait alors un kilométrage arrêté à 96 060 kilomètres.
Les investigations techniques du concessionnaire ont permis de révéler un défaut d'étanchéité des pistons, bielles et segments nécessitant des réparations pour un montant de 5 570,11 euros.
Le concessionnaire réparateur a présenté une demande de prise en charge au titre de la garantie contractuelle souscrite auprès de la compagnie Gras Savoye laquelle, le 24 mai 2016, a opposé un refus de garantie au motif que le défaut préexistait à la vente.
- 3-
Le SAS GVA Bymycar a alors sollicité directement auprès du constructeur Audi la prise en charge de coût de cette réparation, en vain.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2016, M. [L] exposant que le véhicule serait affecté d'un vice caché, a mis en demeure la SARL ASA, vendeur, de procéder soit à la résolution amiable de la vente, soit à la prise en charge du coût total de l'intervention en réparation pour un montant évalué à la somme de 5 570,11 euros par le concessionnaire, en vain.
Les parties ont alors réaliser une expertise amiable du véhicule, au contradictoire de la société venderesse qui a dépêché son propre expert, M. [J] [R], et du fabricant. Les experts amiables respectifs des parties ont conclu chacun de manière distincte.
Par acte 25 janvier 2017, M. [L] a sollicité devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon, l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer si le véhicule est effectivement affecté de vices cachés et évaluer son préjudice.
Par ordonnance en date du 20 février 2017, le juge des référés a fait droit à cette demande et commis M. [J] [R] en qualité d'expert.
M. [L] a alors saisi de nouveau le juge des référés aux fins de remplacement de l'expert désigné, exposant que M. [R] était déjà intervenu dans ce dossier à l'occasion de la mesure d'expertise amiable.
Selon ordonnance de changement d'expert du 3 avril 2017, M. [M] [P] a ainsi été désigné en lieu et place de M. [R].
L'expert a déposé son pré-rapport d'expertise le 6 octobre 2017 et son rapport définitif le 30 novembre 2017.
Le véhicule, immobilisé depuis le 20 janvier 2017 chez la SAS GVA Bymycar, concessionnaire, a été récupéré par le demandeur le 22 mai 2018.
Le 17 janvier 2018, M. [L] a de nouveau sollicité de la SARL ASA qu'il soit procédé à la résolution amiable de la vente mais sans succès. C'est dans ces conditions que par assignations délivrées les 31 mai et 5 juin 2019, M. [L] a fait citer la SARL ASA et la SAS GVA Bymycar, devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins notamment de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente et obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1641 et suivant anciens du code civil.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a :
' prononcé la résolution judiciaire de la vente du 12 novembre 2015 du véhicule Audi Q5 intervenue entre M. [D] [L] et la SARL Agence Sud Auto,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à restituer à M. [D] [L] le prix de vente, soit la somme de 22 990 euros,
' pris acte que M. [L] tient à la disposition de la SARL Agence Sud Auto le véhicule Audi Q5 dans son état actuel, qui devra le récupérer au lieu où il est entreposé,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] une somme de 19 436,28 euros, en réparation des préjudices financiers,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] la somme de 9 610,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
' condamné M. [D] [L] à payer à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros au titre des frais de gardiennage,
' ordonné l'exécution provisoire,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] somme de 1 500 euros et à la société GVA Bymycar Vaucluse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise exposés.
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Le tribunal, au vu du rapport d'expertise judiciaire, a considéré que celui-ci était suffisamment pertinent et explicite pour retenir l'existence d'un vice caché affectant le véhicule et consistant en l'usure prématurée du moteur. Il a en conséquence dit n'y avoir lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise et a prononcé la résolution de la vente.
Sur les préjudices financiers subis, le tribunal a reconnu la créance du concessionnaire contre M. [D] [L] au titre des frais de gardiennage sur la période du 20 janvier 2017 jusqu'au 22 mai 2018, mais uniquement dans la limite de la somme réclamée. Il a ensuite estimé que M. [D] [L] justifiait de l'indemnisation de ses préjudices financiers (gardiennage, remorquage, assurance du véhicule, réparations réalisées par la SAS GVA Bymycar) envers la SARL ASA, outre d'un préjudice de jouissance.
Selon déclaration reçue au greffe le 18 juin 2021, la SARL ASA a relevé appel de cette décision, l'appel portant sur chacun des chefs de jugement rendus, à l'exception de la condamnation de M. [D] [L] à régler à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros au titre des frais de gardiennage.
Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Toulon a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL ASA, désignant la SCP BR & Associés prise en la personne de maître [S], ès-qualités de mandataire.
M. [L] a déclaré sa créance par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2021 et la SCP BR & Associés a été mise en cause devant la cour, ès-qualités.
Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL ASA et désigné la SCP BR & Associés commissaire à l'exécution du plan.
Par conclusions transmises le 20 février 2025, la SELARL ML Associés, venant aux droits de la SCP BR & Associés, est intervenue volontairement à la procédure.
* Par dernières conclusions transmises le 12 août 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL ASA demande à la cour :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
' débouter M. [L] de ses demandes formulées à son encontre,
' débouter la SAS GVA Bymycar de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
A titre subsidiaire :
' ordonner une nouvelle mesure d'expertise et commettre tel expert judiciaire qu'il plaira,
En tout état de cause :
' condamner M. [L] et la SAS GVA Bymycar à lui payer la somme de 2 500 euros chacun, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction.
La SARL ASA soutient que l'existence d'un vice antérieur à la vente n'est pas établie au regard de la distance importante parcourue par M. [L] entre la prise de possession du véhicule le 21 novembre 2015, et la date de la première réunion d'expertise contradictoire du 18 mai 2016. Elle considère que M. [L] a passé aveu judiciaire en ce que deux messages d'erreur (demande de rajout d'huile) s'étaient affichés, sans qu'il ait estimé utile et opportun de solliciter, immédiatement après l'apparition du premier message d'erreur, l'avis d'un professionnel.
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Elle estime en conséquence que M. [L], sur qui pèse la charge de la preuve, échoue à démontrer que la condition tenant à l'antériorité du vice est remplie en l'espèce, et fait valoir sur ce point que le rapport d'expertise judiciaire, dépourvue de constatation objective ou corroborée est contredit par les constations de l'expertise amiable, et ne permet pas d'établir avec certitude la date d'apparition du vice.
A titre surabondant sur les préjudices évoqués, elle soutient que M. [L] ne verse aucune facture susceptible de démontrer qu'il aurait effectivement été contraint de louer un véhicule caractérisant son préjudice de jouissance, et considère ne pas être responsable des frais de gardiennage exposés par celui-ci. Elle fait valoir en substance que l'intimé est seul responsable des conditions de gardiennage et du délai écoulé entre l'apparition des défectuosités et la présente procédure.
A titre subsidiaire, elle conclut à la mise en place d'une nouvelle expertise judiciaire aux fins de datation de la rupture du circuit de lubrification et de la dégradation moteur.
Par dernières conclusions d'intervention volontaire transmises le 20 février 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL ML & Associés, prise en la personne de maître [S], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL ASA, demande à la cour de :
À titre principal :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, notamment quant au prononcé de la résolution de la vente,
Statuant à nouveau :
' débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
' désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour, avec pour mission de dire si le véhicule était ou non atteint d'un vice caché au moment de la vente,
A titre encore plus subsidiaire :
' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, notamment sur le montant de la créance à fixer,
Statuant à nouveau :
' fixer la créance de M. [L] à la seule somme de 22 990 euros,
' débouter M. [L] de ses autres demandes de fixation de créance,
Encore plus subsidiairement :
' rejeter comme irrecevable la demande de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner tout succombant aux entiers dépens
La Serlarl ML & Associés, rejoignant l'essentiel des moyens exposés par l'appelante, fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que le jugement dont appel a été rendu antérieurement au jugement d'ouverture de sauvegarde du 6 juillet 2021 et estime en conséquence qu'aucune condamnation ne peut être prononcée compte tenu de l'arrêt des poursuites prévu aux articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce.
Elle considère par ailleurs que la demande de condamnation de la SARL ASA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est irrecevable au regard de l'arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 2021.
* Par dernières conclusions transmises le 11 août 2025, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :
' confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 12 novembre 2015 du véhicule AudiQ5,
Et statuant sur ses conséquences :
' lui allouer une somme de 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
' lui allouer une indemnité de 19 436,28 euros en réparation de ses préjudices financiers,
' lui allouer une indemnité de 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
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Et, tenant compte de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la SARL ASA et le plan de continuation adopté depuis :
' statuer à nouveau en fixant sa créance au passif de la SARL ASA à la somme totale de 52 036,28 euros décomptée de la façon suivante :
' une somme de 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
' une indemnité de 19 436,28 euros en réparation de ses préjudices financiers correspondant :
* aux frais de gardiennage pour un montant de 14 700 euros,
* aux cotisations d'assurance sur la période du 1er juillet 2016 au jour de l'assignation pour un montant de 2 640,27 euros,
* au remorquage du véhicule le 22 mai 2018 par le garage du Marché Gare de [Localité 6] pour un montant de 405 euros,
* aux opérations de diagnostic et de démontage du moteur réalisées en septembre et novembre 2016 par le concessionnaire Bymycar pour un coût de 1 691,01 euros,
* une indemnité de 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
En tout état de cause :
' condamner la SARL ASA à lui verser une indemnité de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des nouveaux frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre les dépens d'appel.
M. [L] réplique que tant les conclusions de l'expertise amiable, que celle de l'expert judiciaire permettent de retenir l'existence d'un vice caché, antérieur à la vente et rendant le véhicule impropre à sa destination de sorte qu'il considère que la responsabilité de la SARL ASA est pleinement acquise sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.
Il considère être ainsi en mesure d'obtenir, outre la résolution de la vente, la condamnation de l'appelante à des dommages et intérêts, soutenant que la SARL ASA ne produit aucun élément de nature à renverser la présomption de mauvaise foi pesant sur le vendeur professionnel.
Il conclut à la confirmation du jugement sur la nature des préjudices subis et leur quantum, sauf à voir fixer sa créance au passif de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de l'appelante.
Il entend se prévaloir des dispositions de l'article 331 du code de procédure civile, exposant qu'il dispose d'un intérêt légitime à voir mettre en cause le concessionnaire Bymycar aux fins que le jugement de première instance lui soit déclaré commun et opposable en raison de l'intervention dudit garage dans la conservation du véhicule objet de l'action en résolution.
Par dernières conclusions transmises le 5 novembre 2021, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS GVA Bymycar Vaucluse demande à la cour de :
' confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
' constater que ni M. [D] [L] ni la SARL ASA ne forme de demande à son endroit,
' condamner M. [L] à lui rembourser la somme de 14 700 euros correspondant aux frais de gardiennage,
En tout état de cause :
' condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La SAS GVA Bymycar expose que ni M. [O], ni la SARL ASA ne formule de demande à son encontre et fait valoir, à titre reconventionnel, justifier de sa créance à l'encontre de M. [O] au titre des frais de gardiennage. Elle précise sur ce point que le montant réclamé, déjà visé aux termes des mises en demeure adressées au vendeur et reconnu par l'expert judiciaire, ne saurait être remis en cause.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 19 août 2025.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour d'appel précise, qu'il ressort des conclusions prises aux intérêts des parties et des actes de procédure, qu'aucun appel incident n'a été formé dans les rapports M. [D] [L] et la SAS GVA Bymycar, au titre de la condamnation de M. [D] [L] à régler à la SAS GVA Bymycar la somme de 14 700 euros pour les frais de gardiennage du véhicule litigieux, de sorte que la cour, non saisie, ne se prononcera pas de ce chef, pas même pour les confirmer.
Sur la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés affectant le véhicule acquis par M. [D] [L]
Par application de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par application de l'article 1641 du code civil, non modifié par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En vertu de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Aux termes de l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Par application de l'article 1648-1 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En application de ces dispositions, la jurisprudence applique la garantie des vices cachés quand le bien vendu présente un défaut non apparent et suffisamment grave pour rendre la chose impropre à l'usage auquel l'acheteur pouvait sérieusement s'attendre compte tenu de la nature du bien vendu, dès lors que le vice est antérieur à la vente, et plus précisément au transfert des risques.
Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices, y compris non apparents, affectant la chose qu'il vend.
En l'occurrence, M. [D] [L], acquéreur particulier, a acquis auprès de la SARL ASA, dont il n'est pas contesté qu'elle est un professionnel de la vente de véhicules automobiles, une voiture de marque Audi Q5 au prix de 22 990 euros, le véhicule affichant 95 000 kms au compteur.
Après plusieurs messages d'erreur et rajout d'huile moteur, M. [D] [L] a confié son véhicule au garage Audi, la SAS GVA Bymycar, le 18 mai 2016, le véhicule présentant alors 96 060 kms. Le diagnostic posé fut alors le suivant : consommation excessive d'huile (témoin s'allume dès qu'on roule 50 kms).
Une expertise amiable a été contradictoirement réalisée. Aux termes de celle-ci, l'expert automobile de la SARL ASA, M. [R], a rendu un rapport le 20 décembre 2016, concluant effectivement à une consommation excessive d'huile avec une valeur théorique de 1,24 litres au 1 000 km, ce qui est hors des normes du constructeur. Tout en préconisant tout de même à son mandant en sa qualité de vendeur de prendre en charge pour partie les frais de remise en état du véhicule, M. [R] a retenu que 'la datation de la dégradation du moteur par une usure abrasive n'est pas rapportée', excluant le fait que les entretiens réalisés avant la vente hors réseau soient constitutifs d'une faute.
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De son côté, l'expert conseil de M. [D] [L], M. [Y] [V], a conclu le 15 janvier 2017, à une anomalie de consommation de l'huile moteur antérieure à l'achat du véhicule par l'intimé et dont celui-ci ne pouvait alors se rendre compte lors de la commande et de l'essai du véhicule. Il explique que cette surconsommation en huile entraîne un encrassement accru de divers éléments mécaniques du véhicule, sources de pannes. Il confirme que le premier diagnostic posé en mai 2016 d'une consommation excessive d'huile est confirmé et il ajoute avoir évalué cette surconsommation à 1,24 litres au 1 000 kms, par observation du véhicule, lors de trois visites contradictoires. Ainsi, il souligne que si le véhicule a continué à rouler et a parcouru plus de 2 200 kms depuis son achat par M. [D] [L], 1 600 kms ont été parcourus en phase d'observation.
Sont ainsi mis en avant à la fois une consommation excessive d'huile moteur et une usure abrasive des éléments lubrifiés du moteur. Un défaut d'étanchéité des pistons, bielles et segments est retenu et il est préconisé de les remplacer sous peine de rendre le moteur définitivement hors d'usage.
Enfin, une expertise judiciaire a été diligentée. L'expert mandaté, après avoir repris l'entier et complet historique d'entretien et des réparations effectuées sur le véhicule litigieux depuis sa mise en circulation, de manière bien plus complète que ne l'a fait l'expert conseil M. [R], a conclu que le phénomène de consommation anormale d'huile de graissage trouve son origine dans une usure prématurée du moteur. Au vu de l'entretien détaillé du véhicule, l'expert judiciaire a retenu, d'une part, que le moteur a été altéré par une huile de graissage dégradée et fortement polluée par de la limaille, et, d'autre part, que le véhicule a souffert d'un défaut d'entretien évident. Toutefois, sans pouvoir dater précisément la dégradation des éléments mécaniques du véhicule, l'expert a mis en évidence que cette surconsommation d'huile moteur avait déjà été établie lors d'un contrôle le 7 octobre 2014 alors que le véhicule présentait 84 490 kms (remplacement du capteur papillon, signe d'un fort envahissement par la suie issue des graisses brûlées en excédent). L'expert a relevé également qu'une vidange complète a été réalisée le 8 juillet 2015 avec une huile plus épaisse et seulement après 5 958 kms parcourus.
Dès lors, l'expert judiciaire en a déduit que l'usure prématurée du moteur constituait un vice caché du véhicule lors de la vente et le rendait impropre à son usage.
La SARL ASA conteste les conclusions de l'expert. Néanmoins, force est de relever que celles-ci sont conformes aux données précédemment recueillies par les experts d'assurance, bien que plus poussées et précises.
De même, l'expert judiciaire exclut toute mauvaise utilisation du véhicule postérieurement à l'achat par M. [D] [L], dès lors qu'il est démontré que le vice, dont la teneur n'est en soi pas contestée, préexistait à l'achat du 12 novembre 2015. Le fait que M. [D] [L] n'ait pas immédiatement été consulter un concessionnaire Audi après un premier message d'erreur quant au niveau d'huile moteur ne peut suffire à exclure la responsabilité de la SARL ASA au titre de la garantie des vices cachés, alors que le vice préexistait à la vente.
Les éléments de contestation élevés par la SARL ASA, déjà débattus devant l'expert judiciaire, qui les a pris en compte et y a répondu, sont insuffisants à justifier l'organisation d'une nouvelle expertise.
Dès lors, il est suffisamment démontré que le véhicule vendu par la SARL ASA, professionnel, à M. [D] [L], profane, le 12 novembre 2015 était affecté d'un vice tenant à une surconsommation d'huile moteur, de nature à dégrader les éléments mécaniques lubrifiés du véhicule et présentant un risque de casse moteur. Ainsi, les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés sont réunies, le véhicule étant impropre à sa destination puisque la totalité du bloc moteur doit être changée.
La décision entreprise doit donc être confirmée à ce titre et en ce qu'elle a fait droit à la demande de résolution de la vente de ce chef, avec les conséquences induites en termes de restitutions réciproques.
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Sur l'indemnisation des préjudices subis par M. [D] [L]
Sur l'incidence de la procédure collective ouverte pour la SARL ASA
A titre liminaire, il y a lieu d'avoir égard aux dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce qui prévoient que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L 622-22 du même code ajoute que, sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
Or, en l'occurrence, le 6 juillet 2021, soit en cours d'instance d'appel, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'endroit de la SARL ASA. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL ASA, la SELARL ML Associés étant désignée mandataire puis commissaire à l'exécution du plan. La SELARL ML Associés est régulièrement intervenue à l'instance, M. [D] [L] a déclaré sa créance le 15 septembre 2021 et celle-ci a été admise le 21 juillet 2025 à hauteur de 56 164,83 euros, conformément aux condamnations prononcées par jugement du 20 mai 2021.
Dans ces conditions, si la demande en résolution de la vente, en application de la garantie des vices cachés, peut être confirmée, les condamnations prononcées par le tribunal à la charge de la SARL ASA ne pourront qu'être infirmées, la cour n'étant en mesure que d'en fixer le montant.
Sur l'indemnisation
En vertu des dispositions de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'occurrence, compte tenu de sa qualité de vendeur professionnel, la SARL ASA est présumée avoir eu connaissance des vices affectant le véhicule vendu. Elle est donc tenue d'indemniser M. [D] [L] des préjudices par lui subis.
Sur les préjudices matériels
D'une part, M. [D] [L] entend être indemnisé des fris de gardiennage par lui exposés. En effet, il résulte des pièces produites et de l'expertise judiciaire que le véhicule litigieux est immobilisé depuis le 1er juillet 2016, son organe monteur étant déposé. Aux termes d'une facture émise par la SAS GVA Bymycar, cette dernière a réclamé à M. [D] [L] le paiement des frais de gardiennage à compter du 20 janvier 2017 pour un montant journalier de 30 euros HT, soit 36 euros TTC, jusqu'au 22 mai 2018, date à laquelle M. [D] [L] a fait remorquer son véhicule en un autre lieu. Il est ainsi justifié de la somme de 14 700 euros, au paiement de laquelle M. [D] [L] a été définitivement condamné par le jugement du 20 mi 2021.
Il s'agit d'un préjudice matériel souffert par M. [D] [L] qui doit être imputé à la SARL ASA.
D'autre part, M. [D] [L] fait état et justifie des frais de remorquage du véhicule, non roulant, à hauteur de 405 euros, des cotisations d'assurance du véhicule inutilisable à hauteur de 2 640,27 euros, et des frais liés aux opérations de diagnostic et de démontage du moteur réalisées en septembre et novembre 2016 par la SAS GVA Bymycar pour un coût de 1 691,01 euros.
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Le montant total des préjudices matériels soufferts par M. [D] [L] s'élèvent donc à 19 436,28 euros, ainsi que retenu en première instance.
Sur le préjudice de jouissance
L'existence d'un préjudice de jouissance induit par la privation pour M. [D] [L] de son véhicule à compter du 1er juillet 2016 a été retenu par l'expert judiciaire. Ce dernier a validé le montant mensuel sollicité à hauteur de 310 euros par mois correspondant au tarif de location en crédit-bail pour ce type de véhicule, soit la somme de 9 610 euros sur la période écoulée entre le 1er juillet 2016 et le jour de l'assignation en justice.
La SARL ASA est mal fondée à critiquer ce poste de préjudice alors qu'elle a refusé à M. [D] [L], par courrier du 6 juillet 2016, le prêt d'un véhicule tel que sollicité afin de réduire précisément ce préjudice.
Le préjudice de jouissance souffert par M. [D] [L] peut donc être fixé à la somme de 9 610 euros.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SARL ASA, qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d'appel. En outre, les indemnités auxquelles elle a été condamnée en première instance au titre des frais irrépétibles seront confirmées en leur montant, et, une indemnité supplémentaire de 3 000euros sera mise à sa charge au bénéfice de M. [D] [L], outre une nouvelle indemnité de 1 000 euros au bénéfice de la SAS GVA Bymycar qu'elle a intimé, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties. Néanmoins, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle porte condamnation à ces titres, alors que, désormais, du fait de la procédure collective ouverte contre la SARL ASA, seule la fixation des créances est possible.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
' condamné la SARL Agence Sud Auto à restituer à M. [D] [L] le prix de vente, soit la somme de 22 990 euros,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] une somme de 19 436,28 euros, en réparation des préjudices financiers,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] la somme de 9 610,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
' condamné la SARL Agence Sud Auto à payer à M. [L] somme de 1 500 euros et à la société GVA Bymycar Vaucluse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise exposés,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe comme suit la créance de M. [D] [L] envers la SARL ASA :
- 22 990 euros au titre de la restitution du prix de vente,
- 19 436,28 euros en réparation des préjudices financiers soufferts par M. [D] [L],
- 9 610 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- les dépens de première instance et d'appel,
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Fixe comme suit la créance de la SAS GVA Bymycar envers la SARL ASA :
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- les dépens de première instance et d'appel,
Constate que les entiers dépens de l'instance sont intégrés au passif de la SARL ASA,
Déboute la SARL ASA de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente