Cass. com., 19 novembre 2025, n° 24-16.094
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 19 novembre 2025
Cassation partielle
Mme SCHMIDT, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 587 F-B
Pourvoi n° Q 24-16.094
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 NOVEMBRE 2025
La société Patrimoine conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ayant pour enseigne Anthea, a formé le pourvoi n° Q 24-16.094 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Financière Gotreau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Financière Gotreau a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Patrimoine conseil, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Financière Gotreau, et l'avis de Mme Guinamant, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Guillou, consellère, et Mme Sezer, greffière de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, le 2 avril 2024) et les productions, le 22 décembre 2005, les sociétés Rothschild & Cie Gestion, Rothschild Gestion et Rothschild & Cie Banque (les sociétés Rothschild) ont donné mandat à la société Patrimoine conseil, société de gestion de patrimoine d'exercer une activité de démarchage en vue de souscrire des parts et d'actions dans des organismes de placement collectif de valeurs mobilières (opcvm) référencés par la société Rothschild & Cie Gestion.
2. Le 1er décembre 2006, la société Financière Gotreau a investi, sur proposition de la société Patrimoine conseil, une certaine somme dans des titres de la société d'investissement à capital variable Luxalpha (la Sicav Luxalpha) commercialisés par les sociétés Rothschild.
3. Le 2 avril 2009, la Sicav Luxalpha a été mise en liquidation judiciaire.
4. Le 17 juin 2013, la société Financière Gotreau a assigné la société Patrimoine conseil en réparation du préjudice résultant des pertes liées à son investissement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs et ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. La société Patrimoine conseil fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Financière Gotreau une certaine somme au titre de la perte de l'investissement et au titre du manque à gagner, alors :
1°/ « que le mandat de démarchage bancaire et financier doit mentionner la nature des produits et des services qui en sont l'objet, mais n'a pas à les identifier ; qu'en jugeant que l'exposante était réputée avoir agi hors mandat au motif qu'elle "se trouv[ait] dans l'impossibilité de produire un document nominatif démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha" quand le mandat de démarchage du 22 décembre 2005 dont elle justifiait n'avait pas à identifier les Opcvm qu'elle était autorisée à commercialiser, mais seulement la nature des produits dont la souscription était autorisée, de sorte que le mandat dont elle justifiait l'autorisant à commercialiser des Opcvm, et donc des Sicav, l'autorisait à commercialiser les Sicav Luxalpha et qu'en jugeant pourtant qu'elle aurait commis une faute pour avoir commercialisé les actions du Sicav Luxalpha sans justifier d'un mandat l'autorisant expressément à vendre ce produit, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4 et L. 341-13 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 ;
2°/ que l'étendue du mandat de démarchage bancaire et financier peut être prouvée par tous moyens, dès lors que l'existence du mandat est établie par écrit ; qu'en refusant d'examiner les "preuves extrinsèques" dont se prévalait l'exposante pour justifier de l'étendue de son mandat et en retenant que l'exposante devait être réputée avoir agi hors mandat au motif qu'elle "se trouv[ait] dans l'impossibilité de produire un document nominatif démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha", quand, dès lors que la mandataire justifiait d'un mandat écrit se référant à une liste d'instruments financiers, elle pouvait établir son étendue par tous moyens et notamment grâce à l'exécution du mandat par le mandant, lequel avait, comme elle le rappelait donné effet aux demandes de souscription dans le fonds Luxalpha et avait payé à la mandataire les commissions afférentes à cette souscription, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4 et L. 341-13, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005, ensemble l'article 1985 du code civil ; »
Réponse de la Cour
7.Selon l'article L. 341-4, I du code monétaire et financier, les personnes mentionnées à l'article L. 341-3 du même code peuvent mandater des personnes physiques ou morales afin d'exercer pour leur compte une activité de démarchage bancaire ou financier. Ce mandat mentionne la nature des produits et services qui en sont l'objet ainsi que les conditions dans lesquelles l'activité de démarchage peut être exercée.
8. Selon l'article L. 341-13 du code monétaire et financier, il est interdit au démarcheur de proposer des produits, instruments financiers et services autres que ceux pour lesquels il a reçu des instructions expresses de la ou des personnes pour le compte desquelles il agit.
9. Il en résulte que les démarcheurs ne relevant pas des dispositions de l'article L. 341-3 précité doivent établir avoir reçu mandat par une personne mentionnée par ce texte de distribuer les produits, instruments financiers et services qu'ils proposent à leur clientèle.
10. Ayant retenu que la société Patrimoine conseil était dans l'impossibilité de produire le tableau des opcvm référencés démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha au jour où ceux-ci avaient été acquis par la société Financière Gotreau, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ayant agi hors mandat, la société Patrimoine conseil avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle en proposant, à l'occasion d'un démarchage, des produits qu'elle avait interdiction de commercialiser.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
12. La société Financière Gotreau fait grief à l'arrêt attaqué de limiter la condamnation de la société Patrimoine Conseil à lui payer une certaine somme au titre du manque à gagner, alors : « que le principe de la réparation intégrale impose de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait générateur de responsabilité n'était pas survenu ; qu'en se limitant à l'indemniser pour la seule période comprise entre décembre 2006 et décembre 2008, sans justifier en quoi elle ne pourrait plus se prévaloir, au-delà de cette dernière date, de la perte d'une chance de percevoir les sommes qu'un autre placement aurait généré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
13. Il résulte de ce texte et de ce principe que celui par la faute duquel un dommage est causé doit réparer le préjudice qui en découle sans qu'il en résulte pour la victime perte ou profit.
14. Pour fixer à la somme de 200 000 euros la réparation de la perte de chance subie par la société Financière Gotreau résultant de l'absence de perception des sommes qu'un autre placement aurait générées, l'arrêt relève que cette société pouvait espérer une rémunération de l'ordre de 100 000 euros par an puis lui a alloué une somme calculée pour la durée de l'investissement réalisé sur la période du mois de décembre 2006 au mois de décembre 2008.
15. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la perte de chance résultant de l'absence de perception des sommes qu'un autre placement aurait pu produire avait cessé à compter de décembre 2008, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 200 000 euros la condamnation de la société Patrimoine conseil, l'arrêt rendu le 2 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société Patrimoine conseil aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Patrimoine conseil et la condamne à payer à la société Financière Gotreau la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-neuf novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
HM
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 19 novembre 2025
Cassation partielle
Mme SCHMIDT, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 587 F-B
Pourvoi n° Q 24-16.094
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 NOVEMBRE 2025
La société Patrimoine conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ayant pour enseigne Anthea, a formé le pourvoi n° Q 24-16.094 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Financière Gotreau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Financière Gotreau a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Patrimoine conseil, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Financière Gotreau, et l'avis de Mme Guinamant, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Guillou, consellère, et Mme Sezer, greffière de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, le 2 avril 2024) et les productions, le 22 décembre 2005, les sociétés Rothschild & Cie Gestion, Rothschild Gestion et Rothschild & Cie Banque (les sociétés Rothschild) ont donné mandat à la société Patrimoine conseil, société de gestion de patrimoine d'exercer une activité de démarchage en vue de souscrire des parts et d'actions dans des organismes de placement collectif de valeurs mobilières (opcvm) référencés par la société Rothschild & Cie Gestion.
2. Le 1er décembre 2006, la société Financière Gotreau a investi, sur proposition de la société Patrimoine conseil, une certaine somme dans des titres de la société d'investissement à capital variable Luxalpha (la Sicav Luxalpha) commercialisés par les sociétés Rothschild.
3. Le 2 avril 2009, la Sicav Luxalpha a été mise en liquidation judiciaire.
4. Le 17 juin 2013, la société Financière Gotreau a assigné la société Patrimoine conseil en réparation du préjudice résultant des pertes liées à son investissement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs et ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. La société Patrimoine conseil fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Financière Gotreau une certaine somme au titre de la perte de l'investissement et au titre du manque à gagner, alors :
1°/ « que le mandat de démarchage bancaire et financier doit mentionner la nature des produits et des services qui en sont l'objet, mais n'a pas à les identifier ; qu'en jugeant que l'exposante était réputée avoir agi hors mandat au motif qu'elle "se trouv[ait] dans l'impossibilité de produire un document nominatif démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha" quand le mandat de démarchage du 22 décembre 2005 dont elle justifiait n'avait pas à identifier les Opcvm qu'elle était autorisée à commercialiser, mais seulement la nature des produits dont la souscription était autorisée, de sorte que le mandat dont elle justifiait l'autorisant à commercialiser des Opcvm, et donc des Sicav, l'autorisait à commercialiser les Sicav Luxalpha et qu'en jugeant pourtant qu'elle aurait commis une faute pour avoir commercialisé les actions du Sicav Luxalpha sans justifier d'un mandat l'autorisant expressément à vendre ce produit, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4 et L. 341-13 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 ;
2°/ que l'étendue du mandat de démarchage bancaire et financier peut être prouvée par tous moyens, dès lors que l'existence du mandat est établie par écrit ; qu'en refusant d'examiner les "preuves extrinsèques" dont se prévalait l'exposante pour justifier de l'étendue de son mandat et en retenant que l'exposante devait être réputée avoir agi hors mandat au motif qu'elle "se trouv[ait] dans l'impossibilité de produire un document nominatif démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha", quand, dès lors que la mandataire justifiait d'un mandat écrit se référant à une liste d'instruments financiers, elle pouvait établir son étendue par tous moyens et notamment grâce à l'exécution du mandat par le mandant, lequel avait, comme elle le rappelait donné effet aux demandes de souscription dans le fonds Luxalpha et avait payé à la mandataire les commissions afférentes à cette souscription, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4 et L. 341-13, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005, ensemble l'article 1985 du code civil ; »
Réponse de la Cour
7.Selon l'article L. 341-4, I du code monétaire et financier, les personnes mentionnées à l'article L. 341-3 du même code peuvent mandater des personnes physiques ou morales afin d'exercer pour leur compte une activité de démarchage bancaire ou financier. Ce mandat mentionne la nature des produits et services qui en sont l'objet ainsi que les conditions dans lesquelles l'activité de démarchage peut être exercée.
8. Selon l'article L. 341-13 du code monétaire et financier, il est interdit au démarcheur de proposer des produits, instruments financiers et services autres que ceux pour lesquels il a reçu des instructions expresses de la ou des personnes pour le compte desquelles il agit.
9. Il en résulte que les démarcheurs ne relevant pas des dispositions de l'article L. 341-3 précité doivent établir avoir reçu mandat par une personne mentionnée par ce texte de distribuer les produits, instruments financiers et services qu'ils proposent à leur clientèle.
10. Ayant retenu que la société Patrimoine conseil était dans l'impossibilité de produire le tableau des opcvm référencés démontrant qu'elle avait reçu mandat de commercialiser les titres de la Sicav Luxalpha au jour où ceux-ci avaient été acquis par la société Financière Gotreau, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ayant agi hors mandat, la société Patrimoine conseil avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle en proposant, à l'occasion d'un démarchage, des produits qu'elle avait interdiction de commercialiser.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
12. La société Financière Gotreau fait grief à l'arrêt attaqué de limiter la condamnation de la société Patrimoine Conseil à lui payer une certaine somme au titre du manque à gagner, alors : « que le principe de la réparation intégrale impose de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait générateur de responsabilité n'était pas survenu ; qu'en se limitant à l'indemniser pour la seule période comprise entre décembre 2006 et décembre 2008, sans justifier en quoi elle ne pourrait plus se prévaloir, au-delà de cette dernière date, de la perte d'une chance de percevoir les sommes qu'un autre placement aurait généré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
13. Il résulte de ce texte et de ce principe que celui par la faute duquel un dommage est causé doit réparer le préjudice qui en découle sans qu'il en résulte pour la victime perte ou profit.
14. Pour fixer à la somme de 200 000 euros la réparation de la perte de chance subie par la société Financière Gotreau résultant de l'absence de perception des sommes qu'un autre placement aurait générées, l'arrêt relève que cette société pouvait espérer une rémunération de l'ordre de 100 000 euros par an puis lui a alloué une somme calculée pour la durée de l'investissement réalisé sur la période du mois de décembre 2006 au mois de décembre 2008.
15. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la perte de chance résultant de l'absence de perception des sommes qu'un autre placement aurait pu produire avait cessé à compter de décembre 2008, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 200 000 euros la condamnation de la société Patrimoine conseil, l'arrêt rendu le 2 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société Patrimoine conseil aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Patrimoine conseil et la condamne à payer à la société Financière Gotreau la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-neuf novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.