CA Aix-en-Provence, ch. 4-8b, 7 novembre 2025, n° 24/08632
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT AU FOND
DU 07 NOVEMBRE 2025
N°2025/438
Rôle N° RG 24/08632 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNLMF
[8]
C/
[L] [E]
Copie exécutoire délivrée
le 07 novembre 2025:
à :
[9]
Me Cassandra ROSSI,
avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de [Localité 10] en date du 25 Mars 2024,enregistré au répertoire général sous le n° 23/769.
APPELANTE
[8], demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [V] [N] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [L] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Cassandra ROSSI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Corinne AUGUSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2025
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Corinne AUGUSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [L] [E] [l'allocataire], née le 6 juin 1952, bénéficie depuis le 1er avril 2013 d'une pension personnelle assortie du complément du minimum contributif et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, attribuées avec effet au 1er avril 2013 et versées par la [7] [la caisse].
Après contrôle de la situation de l'allocataire et enquête, la caisse lui a notifié par lettre datée du 19 décembre 2022 un trop perçu de 16 088.90 euros pour la période du 01/10/2016 au 30/11/2022 en lui en demandant le remboursement.
En l'état d'une décision implicite de la commission de recours amiable de sa contestation de cet indu, l'allocataire a saisi le 18 juillet 2023 le pôle social d'un tribunal judiciaire.
Par jugement en date du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:
* annulé la notification d'indu datée du 19 décembre 2022,
* dit que la procédure de recouvrement est irrégulière,
* débouté la caisse de sa demande en paiement de la somme de 16 088.90 euros,
* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la caisse aux dépens.
La caisse en a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions jointes à sa déclaration d'appel réceptionnées par le greffe le 5 juillet 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de:
* juger que les éventuelles irrégularités de forme dont pourrait être entachée la procédure de recouvrement n'entraîne pas sa nullité,
* juger que l'indu est bien fondé,
* juger que les sommes indument perçues au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées au cours de la période du 01/10/2016 au 30/11/2022 sont recouvrables compte tenu de la non-déclaration du changement intervenu dans ses ressources,
* condamner l'allocataire à lui payer la somme de 16 088.90 euros en deniers ou quittances,
* condamner l'allocataire aux entiers dépens.
Par conclusions réceptionnées par le greffe le 9 septembre 2025, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'allocataire sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner la caisse au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Pour annuler la notification d'indu, les premiers juges ont retenu au visa de l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale que la caisse ne justifie pas, pour la période d'indu considérée, d'une notification de payer régulière.
Exposé des moyens des parties:
La caisse argue que l'allocataire demandeur à la nullité d'une décision doit justifier en application de l'article 114 du code de procédure civile d'un grief, c'est à dire d'un préjudice subi du fait de l'irrégularité formelle de l'acte, alors qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée, l'allocataire ayant été en mesure de présenter ses observations en toute connaissance de cause, d'abord dans le cadre de l'enquête, puis devant la commission de recours amiable pour soutenir que les droits de la défense ont été préservés et que le moyen tiré de la nullité de la décision est inopérant.
Elle souligne que l'absence de mention des voies et délais de recours n'engendre pas l'annulation de la décision, mais rend seulement inopposable la forclusion et que le défaut ou l'insuffisance de motivation de la décision relative à l'indu, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien fondé devant le juge sans condition de délai.
Concernant le fond, elle argue que l'allocataire a eu à remplir des questionnaires cycliques en 2014 et en 2016 sur l'ensemble de ses ressources, lesquels comportaient de manière claire et explicite dans l'encart destiné à la signature, l'information qu'elle était tenue de déclarer l'intégralité de ses ressources notamment en cas de changement de situation, alors qu'elle ne l'a pas informée spontanément de sa reprise d'activité professionnelle à compter de 2016 et ce jusqu'en février 2021, et qu'elle a omis de déclarer, pendant plusieurs années, ses salaires et indemnités journalières associées, ce qui a eu pour conséquence à compter de 2016, d'augmenter le montant total de ses ressources personnelles prises en compte dans le calcul de ses droits à l'allocation en cause.
Elle argue en outre que l'omission déclarative peut constituer une fraude lorsque le manquement à l'obligation de déclaration est intentionnel, que la persistance dans l'omission déclarative exclut toute idée de bonne foi et représente à lui seul un élément intentionnel constitutif de la fraude, rendant applicable la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil à l'action en recouvrement de l'indu. Elle ajoute que l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 17 mai 2023 a confirmé sa position en jugeant que le délai d'action de cinq ans de l'article 2224 du code civil n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil qui dispose que le délai de prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.
***
L'allocataire lui oppose le non-respect des formalités substantielles prévues par l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, ce qui est sanctionné par l'annulation de la notification, soulignant que la notification de payer qui lui a été adressée n'a pas date certaine, ne comporte aucune indication sur la nature des sommes réclamées, la date du ou des versements en cause et le motif justifiant la récupération de l'indu. Elle argue également que la lettre datée du 19 décembre 2022 n'indique pas les voies et délais de recours, pour soutenir que la procédure de recouvrement d'indu est irrégulière et l'annulation de la notification de payer justifiée.
Réponse de la cour:
1- sur le moyen tiré de la nullité de la notification de payer:
Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Selon l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable à la date de notification de l'indu:
I.-l'action en recouvrement de prestations indues prévue à l'article L.133-4-1 s'ouvre par l'envoi à l'assuré par le directeur de l'organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d'une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l'organisme, que l'assuré a perçu des prestations indues. Cette notification:
1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l'indu,
2° Indique:
a) Les modalités selon lesquelles l'assuré peut, dans un délai de vingt jours à compter de la réception de cette notification et préalablement à l'exercice du recours mentionné à l'article L.142-4, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l'indu,
b) La possibilité pour l'organisme, lorsque l'assuré ne fait pas usage du a, de récupérer à compter de l'expiration du même délai de vingt jours les sommes indûment versées par retenues sur les prestations à venir, sauf si l'assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d'un échéancier de paiement, dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d'un échéancier dans un délai d'un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement,
c) La possibilité pour l'organisme, à l'expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet mentionné au 1° du II, de procéder à la récupération des sommes après expiration du délai mentionné au 2° du II sauf si l'assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d'un échéancier de paiement dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d'un échéancier dans un délai d'un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement,
d) Les voies et délais de recours.
II.-Pour l'application du huitième alinéa de l'article L.133-4-1:
1° Le délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet de la demande de rectification mentionnée au a du 2° du I est fixé à un mois,
2° Le délai à l'issue duquel la mise en recouvrement peut être effectuée est fixé à deux mois suivant l'expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet (...)
V.-A défaut de paiement, à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R.142-1, après notification de la décision de la commission instituée à ce même article ou à l'expiration des délais de remboursement des sommes en un ou plusieurs versements mentionnés au b et c du 2° du I et au 2° du III, le directeur de l'organisme créancier compétent adresse au débiteur par tout moyen donnant date certaine à sa réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement et les voies et délais de recours.
L'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale ne mentionne pas que l'inobservation de ses dispositions est sanctionnée par la nullité.
S'il est tout à fait exact que la notification d'indu datée du 19 décembre 2022, ne respecte pas les exigences de forme et de motivation posées par l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle ne précise pas la nature de la prestation indument versée, que si elle mentionne le montant total de l'indu réclamé (16 088.90 euros) et la période (du 01/10/2016 au 30/11/2022) pour autant elle ne détaille pas les dates et les montants des versements indus, qu'ainsi cette décision n'est pas motivée, que de même, elle ne mentionne ni la possibilité pour l'allocataire de la contester, et par suite n'énonce ni les modalités, ni le délai, ni les coordonnées de la commission de recours amiable, pour autant l'irrégularité de cette notification d'indu ne fait pas obstacle à l'examen au fond du litige, étant observé que l'allocataire a contesté cette notification en saisissant la commission de recours amiable.
Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant les décisions de l'organisme (2e Civ., 4 mai 2017, n°16-15.948, Bull. 2017, II, n°90).
Le jugement doit en conséquence être infirmé.
2- sur l'indu:
L'article L.815-9 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de l'ordonnance 2004-605 du 24 juin 2004, dispose que l'allocation de solidarité aux personnes âgées n'est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles de l'intéressé et du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité n'excède pas des plafonds fixés par décret. Lorsque le total de la ou des allocations de solidarité et des ressources personnelles de l'intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dépasse ces plafonds, la ou les allocations sont réduites à due concurrence.
Selon l'article L.815-11 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de la loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée à tout moment lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie ou lorsque les ressources de l'allocataire ont varié.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée par les services ou organismes mentionnés à l'article L.815-7.
Dans tous les cas, les arrérages versés sont acquis aux bénéficiaires sauf lorsqu'il y a fraude, absence de déclaration du transfert de leur résidence hors du territoire métropolitain ou des collectivités mentionnées à l'article L.751-1, absence de déclaration des ressources ou omission de ressources dans les déclarations.
Toute demande de remboursement de trop-perçu se prescrit par deux ans à compter de la date du paiement de l'allocation entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
Par application des dispositions combinées des articles R.815-38 et R.815-39 du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont tenus de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence et les organismes et services mentionnés à l'article R.815-7 peuvent procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Une omission déclarative peut constituer une fraude au sens des dispositions précitées lorsque le manquement à l'obligation de déclaration est intentionnel, ce qui suppose que le bénéficiaire avait connaissance de l'obligation déclarative pesant sur lui, et que cette omission a pour finalité le bénéfice de prestations auxquelles il savait qu'il n'aurait pas pu prétendre s'il avait respecté son obligation.
Elle se distingue de la fausse déclaration, qui est une déclaration délibérément inexacte.
Ainsi le fait d'indiquer " néant " sur le formulaire à la rubrique "ressources", alors que la personne perçoit des revenus, caractérise une fausse déclaration.
L'article 2224 du code civil fixe la prescription de droit commun applicable pour les actions personnelles ou mobilières à cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le cours de la prescription visée tant par les dispositions de l'article L.815-11 du code de la sécurité sociale que par celles de l'article 2224 du code civil est interrompu par l'envoi à l'adresse de l'allocataire d'une lettre recommandée avec avis de réception valant mise en demeure quels qu'aient été le mode de délivrance et le point de départ de l'action en recouvrement d'un trop perçu en matière de prestation vieillesse et d'invalidité est reporté en cas de fraude à la découverte de celle-ci.
L'article 2219 du code civil dispose que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
Selon les articles 2240 et 2241 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Pour interrompre la prescription la reconnaissance du débiteur doit être claire et dépourvue d'ambiguïté.
En l'espèce, il est établi que la caisse verse à son allocataire depuis le 1er avril 2013 outre une retraite personnelle, le complément minimum contributif et l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Il résulte du formulaire de contrôle de ses ressources et de sa situation familiale, que l'allocataire a rempli et daté du 16/02/2016, qu'elle a déclaré au titre de ses ressources uniquement les versements mensuels de la caisse (800 euros) et d'Agrr-retraite [3] (73,86 euros) et qu'elle a apposé sa signature sous la mention qu'elle "atteste sur l'honneur que les renseignements portés sur cette demande sont exacts" et s'est "engagée à faire connaître toute modification de sa situation et de celle de son conjoint ainsi que tout changement de domicile".
Il résulte du formulaire de contrôle des ressources et de la situation familiale, que l'allocataire a rempli et daté du 30/06/2020, qu'elle a déclaré au titre de ses ressources avoir perçu des indemnités journalières maladie (650 euros en mars 2020, 326 euros en avril 2020 et 674 euros en mai 2020) une allocation mensuelle de 60 euros de la [4], et qu'elle dispose de 10 000 euros placés en assurance vie.
Le rapport d'enquête 'ressources résidence' retient que l'allocataire a repris une activité professionnelle d'août 2016 jusqu'à janvier 2021 sans avoir porté à la connaissance de la caisse ce changement dans sa situation personnelle, alors que notamment lors du questionnaire rempli le 16 février 2016, elle avait été informée de l'obligation d'informer la caisse de tout changement dans sa situation, qu'elle n'a pas respectée.
Entre le 13 février 2020 et le 26 juin 2020, la caisse n'établit pas lui avoir adressé de nouveau questionnaire à remplir, et il résulte de son courrier daté du 1er octobre 2020, que c'est à l'examen des réponses de l'allocataire sur le questionnaire rempli le 30 juin 2020, mentionnant des indemnités journalières maladie, qu'elle a procédé à une enquête qui a révélé l'emploi occupé à partir d'août 2016.
S'il ne peut donc pas être retenu que l'allocataire a fait de fausses déclarations, par contre elle a omis de déclarer spontanément à la caisse cet emploi alors que l'allocation de solidarité aux personnes âgées est une allocation subsidiaire, subordonnée à une condition de ressources.
Ayant connaissance de l'obligation déclarative pesant sur elle, cette omission lui a permis de continuer à bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées qu'elle savait conditionnée par ses ressources.
La fraude doit donc être retenue.
Il s'ensuit que la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil est applicable.
Par courrier daté du 19 décembre 2022, la caisse lui a demandé le remboursement d'un trop perçu d'un montant de 16 088.90 euros.
L'indu porte sur les allocations de solidarité aux personnes âgées versées du mois de d'octobre 2016 au 30 novembre 2022.
Le courrier du 19 décembre 2022 établit qu'à cette date la caisse a eu connaissance de la fraude constituée par l'omission déclarative.
La caisse ne justifiant pas de la date à laquelle l'allocataire a réceptionné ce courrier, la cour retient la date de la lettre de saisine de la commission de recours amiable par son avocat, soit le 7 février 2023.
Cette date constitue par conséquent le point de départ de la prescription quinquennale, qui est celle de l'action en répétition de l'indu et non point de la créance d'indu.
En effet, la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire (Soc. 1er février 2011 n°10.30160).
Par trois décisions en date du 20 septembre 2019 (n°420406, n°420685, n°420909) le Conseil d'Etat a décidé que la prescription quinquennale édictée par l'article 2224 du code civil ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même, et que dès lors que l'action est introduite dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la seule limite à l'exercice de ce droit résulte de l'article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aux termes duquel " le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ".
La Cour de cassation (Ass. plén., 17 mai 2023, n°20-20.559) a jugé que:
* il résulte de la combinaison des articles L.355-3 du code de la sécurité sociale et 2224 du code civil que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L.355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration,
* ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues,
* il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.
Il est établi que la caisse a eu connaissance le 19 décembre 2022 de la fraude en notifiant par son courrier la demande de remboursement de l'indu portant sur la période du 01/10/2016 au 30/11/2022, dont son allocataire a eu connaissance au plus tard le 7 février 2023, date du courrier de son avocat saisissant la commission de recours amiable en contestation de l'indu.
La créance d'indu de la caisse n'est donc pas prescrite.
La caisse fait état d'un échéancier de remboursement à hauteur de 80.90 euros et de ce qu'il lui reste dû au 25 juin 2024 la somme de 15 765.30 euros.
L'allocataire doit donc être condamnée au paiement à la caisse de la somme de 16 088.90 euros dont devront être déduits les remboursements effectués.
Succombant en ses prétentions l'allocataire doit être condamnée aux entiers dépens ce qui fait obstacle à ce qu'elle puisse solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application au bénéfice de la [5] de ces mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS,
- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déboute Mme [L] [E] de l'intégralité de ses prétentions,
- Condamne Mme [L] [E] à payer à la [6] la somme de 16 088.90 euros au titre de l'indu d'allocation de solidarité aux personnes âgées afférent à la période du 1er octobre 2016 au 30 novembre 2022, dont devront être déduits les remboursements effectués,
- Déboute Mme [L] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de la [6] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [L] [E] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Chambre 4-8b
ARRÊT AU FOND
DU 07 NOVEMBRE 2025
N°2025/438
Rôle N° RG 24/08632 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNLMF
[8]
C/
[L] [E]
Copie exécutoire délivrée
le 07 novembre 2025:
à :
[9]
Me Cassandra ROSSI,
avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de [Localité 10] en date du 25 Mars 2024,enregistré au répertoire général sous le n° 23/769.
APPELANTE
[8], demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [V] [N] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [L] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Cassandra ROSSI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Corinne AUGUSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2025
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Corinne AUGUSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [L] [E] [l'allocataire], née le 6 juin 1952, bénéficie depuis le 1er avril 2013 d'une pension personnelle assortie du complément du minimum contributif et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, attribuées avec effet au 1er avril 2013 et versées par la [7] [la caisse].
Après contrôle de la situation de l'allocataire et enquête, la caisse lui a notifié par lettre datée du 19 décembre 2022 un trop perçu de 16 088.90 euros pour la période du 01/10/2016 au 30/11/2022 en lui en demandant le remboursement.
En l'état d'une décision implicite de la commission de recours amiable de sa contestation de cet indu, l'allocataire a saisi le 18 juillet 2023 le pôle social d'un tribunal judiciaire.
Par jugement en date du 25 mars 2024, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:
* annulé la notification d'indu datée du 19 décembre 2022,
* dit que la procédure de recouvrement est irrégulière,
* débouté la caisse de sa demande en paiement de la somme de 16 088.90 euros,
* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la caisse aux dépens.
La caisse en a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions jointes à sa déclaration d'appel réceptionnées par le greffe le 5 juillet 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de:
* juger que les éventuelles irrégularités de forme dont pourrait être entachée la procédure de recouvrement n'entraîne pas sa nullité,
* juger que l'indu est bien fondé,
* juger que les sommes indument perçues au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées au cours de la période du 01/10/2016 au 30/11/2022 sont recouvrables compte tenu de la non-déclaration du changement intervenu dans ses ressources,
* condamner l'allocataire à lui payer la somme de 16 088.90 euros en deniers ou quittances,
* condamner l'allocataire aux entiers dépens.
Par conclusions réceptionnées par le greffe le 9 septembre 2025, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'allocataire sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner la caisse au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Pour annuler la notification d'indu, les premiers juges ont retenu au visa de l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale que la caisse ne justifie pas, pour la période d'indu considérée, d'une notification de payer régulière.
Exposé des moyens des parties:
La caisse argue que l'allocataire demandeur à la nullité d'une décision doit justifier en application de l'article 114 du code de procédure civile d'un grief, c'est à dire d'un préjudice subi du fait de l'irrégularité formelle de l'acte, alors qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée, l'allocataire ayant été en mesure de présenter ses observations en toute connaissance de cause, d'abord dans le cadre de l'enquête, puis devant la commission de recours amiable pour soutenir que les droits de la défense ont été préservés et que le moyen tiré de la nullité de la décision est inopérant.
Elle souligne que l'absence de mention des voies et délais de recours n'engendre pas l'annulation de la décision, mais rend seulement inopposable la forclusion et que le défaut ou l'insuffisance de motivation de la décision relative à l'indu, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien fondé devant le juge sans condition de délai.
Concernant le fond, elle argue que l'allocataire a eu à remplir des questionnaires cycliques en 2014 et en 2016 sur l'ensemble de ses ressources, lesquels comportaient de manière claire et explicite dans l'encart destiné à la signature, l'information qu'elle était tenue de déclarer l'intégralité de ses ressources notamment en cas de changement de situation, alors qu'elle ne l'a pas informée spontanément de sa reprise d'activité professionnelle à compter de 2016 et ce jusqu'en février 2021, et qu'elle a omis de déclarer, pendant plusieurs années, ses salaires et indemnités journalières associées, ce qui a eu pour conséquence à compter de 2016, d'augmenter le montant total de ses ressources personnelles prises en compte dans le calcul de ses droits à l'allocation en cause.
Elle argue en outre que l'omission déclarative peut constituer une fraude lorsque le manquement à l'obligation de déclaration est intentionnel, que la persistance dans l'omission déclarative exclut toute idée de bonne foi et représente à lui seul un élément intentionnel constitutif de la fraude, rendant applicable la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil à l'action en recouvrement de l'indu. Elle ajoute que l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 17 mai 2023 a confirmé sa position en jugeant que le délai d'action de cinq ans de l'article 2224 du code civil n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil qui dispose que le délai de prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.
***
L'allocataire lui oppose le non-respect des formalités substantielles prévues par l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, ce qui est sanctionné par l'annulation de la notification, soulignant que la notification de payer qui lui a été adressée n'a pas date certaine, ne comporte aucune indication sur la nature des sommes réclamées, la date du ou des versements en cause et le motif justifiant la récupération de l'indu. Elle argue également que la lettre datée du 19 décembre 2022 n'indique pas les voies et délais de recours, pour soutenir que la procédure de recouvrement d'indu est irrégulière et l'annulation de la notification de payer justifiée.
Réponse de la cour:
1- sur le moyen tiré de la nullité de la notification de payer:
Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Selon l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable à la date de notification de l'indu:
I.-l'action en recouvrement de prestations indues prévue à l'article L.133-4-1 s'ouvre par l'envoi à l'assuré par le directeur de l'organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d'une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l'organisme, que l'assuré a perçu des prestations indues. Cette notification:
1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l'indu,
2° Indique:
a) Les modalités selon lesquelles l'assuré peut, dans un délai de vingt jours à compter de la réception de cette notification et préalablement à l'exercice du recours mentionné à l'article L.142-4, demander la rectification des informations ayant une incidence sur le montant de l'indu,
b) La possibilité pour l'organisme, lorsque l'assuré ne fait pas usage du a, de récupérer à compter de l'expiration du même délai de vingt jours les sommes indûment versées par retenues sur les prestations à venir, sauf si l'assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d'un échéancier de paiement, dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d'un échéancier dans un délai d'un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement,
c) La possibilité pour l'organisme, à l'expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet mentionné au 1° du II, de procéder à la récupération des sommes après expiration du délai mentionné au 2° du II sauf si l'assuré, dans ce même délai, rembourse ces sommes ou accepte le principe d'un échéancier de paiement dont la durée peut être fixée ultérieurement sans pouvoir excéder douze mois. A défaut de conclusion d'un échéancier dans un délai d'un mois suivant cette acceptation, les sommes sont mises en recouvrement immédiatement,
d) Les voies et délais de recours.
II.-Pour l'application du huitième alinéa de l'article L.133-4-1:
1° Le délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet de la demande de rectification mentionnée au a du 2° du I est fixé à un mois,
2° Le délai à l'issue duquel la mise en recouvrement peut être effectuée est fixé à deux mois suivant l'expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet (...)
V.-A défaut de paiement, à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R.142-1, après notification de la décision de la commission instituée à ce même article ou à l'expiration des délais de remboursement des sommes en un ou plusieurs versements mentionnés au b et c du 2° du I et au 2° du III, le directeur de l'organisme créancier compétent adresse au débiteur par tout moyen donnant date certaine à sa réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement et les voies et délais de recours.
L'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale ne mentionne pas que l'inobservation de ses dispositions est sanctionnée par la nullité.
S'il est tout à fait exact que la notification d'indu datée du 19 décembre 2022, ne respecte pas les exigences de forme et de motivation posées par l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle ne précise pas la nature de la prestation indument versée, que si elle mentionne le montant total de l'indu réclamé (16 088.90 euros) et la période (du 01/10/2016 au 30/11/2022) pour autant elle ne détaille pas les dates et les montants des versements indus, qu'ainsi cette décision n'est pas motivée, que de même, elle ne mentionne ni la possibilité pour l'allocataire de la contester, et par suite n'énonce ni les modalités, ni le délai, ni les coordonnées de la commission de recours amiable, pour autant l'irrégularité de cette notification d'indu ne fait pas obstacle à l'examen au fond du litige, étant observé que l'allocataire a contesté cette notification en saisissant la commission de recours amiable.
Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant les décisions de l'organisme (2e Civ., 4 mai 2017, n°16-15.948, Bull. 2017, II, n°90).
Le jugement doit en conséquence être infirmé.
2- sur l'indu:
L'article L.815-9 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de l'ordonnance 2004-605 du 24 juin 2004, dispose que l'allocation de solidarité aux personnes âgées n'est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles de l'intéressé et du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité n'excède pas des plafonds fixés par décret. Lorsque le total de la ou des allocations de solidarité et des ressources personnelles de l'intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dépasse ces plafonds, la ou les allocations sont réduites à due concurrence.
Selon l'article L.815-11 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue de la loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée à tout moment lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est pas remplie ou lorsque les ressources de l'allocataire ont varié.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'allocation peut être révisée, suspendue ou supprimée par les services ou organismes mentionnés à l'article L.815-7.
Dans tous les cas, les arrérages versés sont acquis aux bénéficiaires sauf lorsqu'il y a fraude, absence de déclaration du transfert de leur résidence hors du territoire métropolitain ou des collectivités mentionnées à l'article L.751-1, absence de déclaration des ressources ou omission de ressources dans les déclarations.
Toute demande de remboursement de trop-perçu se prescrit par deux ans à compter de la date du paiement de l'allocation entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
Par application des dispositions combinées des articles R.815-38 et R.815-39 du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont tenus de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence et les organismes et services mentionnés à l'article R.815-7 peuvent procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Une omission déclarative peut constituer une fraude au sens des dispositions précitées lorsque le manquement à l'obligation de déclaration est intentionnel, ce qui suppose que le bénéficiaire avait connaissance de l'obligation déclarative pesant sur lui, et que cette omission a pour finalité le bénéfice de prestations auxquelles il savait qu'il n'aurait pas pu prétendre s'il avait respecté son obligation.
Elle se distingue de la fausse déclaration, qui est une déclaration délibérément inexacte.
Ainsi le fait d'indiquer " néant " sur le formulaire à la rubrique "ressources", alors que la personne perçoit des revenus, caractérise une fausse déclaration.
L'article 2224 du code civil fixe la prescription de droit commun applicable pour les actions personnelles ou mobilières à cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le cours de la prescription visée tant par les dispositions de l'article L.815-11 du code de la sécurité sociale que par celles de l'article 2224 du code civil est interrompu par l'envoi à l'adresse de l'allocataire d'une lettre recommandée avec avis de réception valant mise en demeure quels qu'aient été le mode de délivrance et le point de départ de l'action en recouvrement d'un trop perçu en matière de prestation vieillesse et d'invalidité est reporté en cas de fraude à la découverte de celle-ci.
L'article 2219 du code civil dispose que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
Selon les articles 2240 et 2241 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Pour interrompre la prescription la reconnaissance du débiteur doit être claire et dépourvue d'ambiguïté.
En l'espèce, il est établi que la caisse verse à son allocataire depuis le 1er avril 2013 outre une retraite personnelle, le complément minimum contributif et l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Il résulte du formulaire de contrôle de ses ressources et de sa situation familiale, que l'allocataire a rempli et daté du 16/02/2016, qu'elle a déclaré au titre de ses ressources uniquement les versements mensuels de la caisse (800 euros) et d'Agrr-retraite [3] (73,86 euros) et qu'elle a apposé sa signature sous la mention qu'elle "atteste sur l'honneur que les renseignements portés sur cette demande sont exacts" et s'est "engagée à faire connaître toute modification de sa situation et de celle de son conjoint ainsi que tout changement de domicile".
Il résulte du formulaire de contrôle des ressources et de la situation familiale, que l'allocataire a rempli et daté du 30/06/2020, qu'elle a déclaré au titre de ses ressources avoir perçu des indemnités journalières maladie (650 euros en mars 2020, 326 euros en avril 2020 et 674 euros en mai 2020) une allocation mensuelle de 60 euros de la [4], et qu'elle dispose de 10 000 euros placés en assurance vie.
Le rapport d'enquête 'ressources résidence' retient que l'allocataire a repris une activité professionnelle d'août 2016 jusqu'à janvier 2021 sans avoir porté à la connaissance de la caisse ce changement dans sa situation personnelle, alors que notamment lors du questionnaire rempli le 16 février 2016, elle avait été informée de l'obligation d'informer la caisse de tout changement dans sa situation, qu'elle n'a pas respectée.
Entre le 13 février 2020 et le 26 juin 2020, la caisse n'établit pas lui avoir adressé de nouveau questionnaire à remplir, et il résulte de son courrier daté du 1er octobre 2020, que c'est à l'examen des réponses de l'allocataire sur le questionnaire rempli le 30 juin 2020, mentionnant des indemnités journalières maladie, qu'elle a procédé à une enquête qui a révélé l'emploi occupé à partir d'août 2016.
S'il ne peut donc pas être retenu que l'allocataire a fait de fausses déclarations, par contre elle a omis de déclarer spontanément à la caisse cet emploi alors que l'allocation de solidarité aux personnes âgées est une allocation subsidiaire, subordonnée à une condition de ressources.
Ayant connaissance de l'obligation déclarative pesant sur elle, cette omission lui a permis de continuer à bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées qu'elle savait conditionnée par ses ressources.
La fraude doit donc être retenue.
Il s'ensuit que la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil est applicable.
Par courrier daté du 19 décembre 2022, la caisse lui a demandé le remboursement d'un trop perçu d'un montant de 16 088.90 euros.
L'indu porte sur les allocations de solidarité aux personnes âgées versées du mois de d'octobre 2016 au 30 novembre 2022.
Le courrier du 19 décembre 2022 établit qu'à cette date la caisse a eu connaissance de la fraude constituée par l'omission déclarative.
La caisse ne justifiant pas de la date à laquelle l'allocataire a réceptionné ce courrier, la cour retient la date de la lettre de saisine de la commission de recours amiable par son avocat, soit le 7 février 2023.
Cette date constitue par conséquent le point de départ de la prescription quinquennale, qui est celle de l'action en répétition de l'indu et non point de la créance d'indu.
En effet, la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire (Soc. 1er février 2011 n°10.30160).
Par trois décisions en date du 20 septembre 2019 (n°420406, n°420685, n°420909) le Conseil d'Etat a décidé que la prescription quinquennale édictée par l'article 2224 du code civil ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même, et que dès lors que l'action est introduite dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la seule limite à l'exercice de ce droit résulte de l'article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, aux termes duquel " le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ".
La Cour de cassation (Ass. plén., 17 mai 2023, n°20-20.559) a jugé que:
* il résulte de la combinaison des articles L.355-3 du code de la sécurité sociale et 2224 du code civil que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L.355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration,
* ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues,
* il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.
Il est établi que la caisse a eu connaissance le 19 décembre 2022 de la fraude en notifiant par son courrier la demande de remboursement de l'indu portant sur la période du 01/10/2016 au 30/11/2022, dont son allocataire a eu connaissance au plus tard le 7 février 2023, date du courrier de son avocat saisissant la commission de recours amiable en contestation de l'indu.
La créance d'indu de la caisse n'est donc pas prescrite.
La caisse fait état d'un échéancier de remboursement à hauteur de 80.90 euros et de ce qu'il lui reste dû au 25 juin 2024 la somme de 15 765.30 euros.
L'allocataire doit donc être condamnée au paiement à la caisse de la somme de 16 088.90 euros dont devront être déduits les remboursements effectués.
Succombant en ses prétentions l'allocataire doit être condamnée aux entiers dépens ce qui fait obstacle à ce qu'elle puisse solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application au bénéfice de la [5] de ces mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS,
- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déboute Mme [L] [E] de l'intégralité de ses prétentions,
- Condamne Mme [L] [E] à payer à la [6] la somme de 16 088.90 euros au titre de l'indu d'allocation de solidarité aux personnes âgées afférent à la période du 1er octobre 2016 au 30 novembre 2022, dont devront être déduits les remboursements effectués,
- Déboute Mme [L] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de la [6] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [L] [E] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE