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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 6 novembre 2025, n° 24/00470

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 24/00470

6 novembre 2025

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 6 novembre 2025 à

Me Estelle GARNIER

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

XA

ARRÊT du : 6 NOVEMBRE 2025

MINUTE N° : - 25

N° RG 24/00470 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G6FZ

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 16 Janvier 2024 - Section : INDUSTRIE

APPELANT :

Monsieur [L] [T]

né le 14 Novembre 1983 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau D'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Edouard LEFRANC de la SCP LIERE-JUNJAUD-LEFRANC-DEMONT, avocat au barreau de CHATEAUROUX,

ET

INTIMÉES :

S.A.S. HMY venant aux droits de la S.A.S.U. HMY RETAIL SERVICES

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

S.A.S. H M Y FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Ordonnance de clôture : 21/03/2025

Audience publique du 27 Mars 2025 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Puis le 6 NOVEMBRE 2025, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le groupe HMY exerce son activité dans la conception, la fabrication et la commercialisation de mobilier d'agencement de magasins, essentiellement pour les grandes surfaces alimentaires et de bricolage.

La société HMY France conçoit et fabrique ce mobilier et la société HMY Retail Services procède à son installation, l'une et l'autre étant des filiales contrôlées par la SAS HMY (société holding).

Chacune de ces sociétés filiales a plus de 11 salariés, l'effectif de la société HMY Retail Services étant de 26 salariés au moment des licenciements.

M.[L] [T] a été engagé à compter du 22 août 2011 par la société HMY Retail Services en qualité de monteur, statut ouvrier.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990.

Envisageant une cessation de son activité en raison de difficultés économiques, la société HMY Retail Services a initié, le 5 novembre 2020, une procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de licenciement des 26 salariés de l'entreprise.

Le conseil social et économique a émis un avis le 1er décembre 2020.

Par lettre du 5 janvier 2021, la société HMY Retail Services a notifié à M.[T] son licenciement pour cause économique, invoquant sa cessation d'activité à la suite des difficultés économiques,

Le contrat de travail a été rompu le 14 mars 2021, après l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

Par deux requêtes du 15 décembre 2021 et 13 décembre 2022, M.[T] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours d'une contestation de ce licenciement, sollicitant la condamnation au paiement de diverses sommes non seulement de la société HMY Retail Services , mais aussi de la société HMY et la société HMY France, qu'il considère comme ses coemployeurs.

La société HMY Retail Services, employeur de M. [T], a été intégralement absorbée par la société HMY selon un traité de fusion du 17 novembre 2022 et a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés le 3 janvier 2023. La société HMY vient aujourd'hui aux droits de la société HMY Retail Services.

Par jugement du 16 janvier 2024 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé des motifs, le conseil de prud'hommes de Tours a :

- Ordonné la jonction des deux procédures,

- Dit et jugé qu'il n'y a pas de situation de co-emploi et que la cessation d'activité est justifiée,

- Dit et jugé que le licenciement pour motif économique de M.[T] par la société HMY Retail Services est justifié,

- Débouté M.[T] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Renvoyé chaque partie à ses dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 8 février 2024, M.[T] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 7 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M.[T] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Tours en date du 16 janvier 2024 en ce qu'il a :

- Dit et jugé qu'il n'y a pas de situation de co-emploi, que la cessation d'activité est justifiée,

- Dit et jugé que le licenciement pour motif économique de M.[T] par la société HMY Retail Services est justifié,

- Débouté M.[T] de l'ensemble de ses demandes tendant à voir :

- Dire et juger que la société HMY France et la société HMY étaient co-employeur de M.[T]

- Dire et juger que le licenciement de M.[T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France à payer à M.[T] la somme de 17 039,07 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du Code du Travail pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- Ordonner à la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France de remettre à M.[T] un bulletin de salaire, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la décision à intervenir, à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document non transmis passé un délai de 15 jours suivant la notification de la décision,

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France à payer à M.[T] la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

Décider que :

- La société HMY France et la société HMY étaient co-employeurs de M.[T],

- Pour les causes sus énoncées, le licenciement de M.[T] est nul et abusif, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France, à payer à M.[T] la somme de 17 039,07 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du Code du Travail pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

- Ordonner à la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France, de remettre à M.[T], un bulletin de salaire, un certificat de travail, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la décision à intervenir, à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard et par document non transmis passé un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir.

- Débouter la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France de toutes demandes, fins, moyens et conclusions contraires ou plus amples aux présentes.

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France à payer à M.[T], en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 2500,00 euros au titre des frais non répétibles non compris dans les dépens exposés en première instance, augmentée de la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

- Condamner in solidum la société HMY Retail Services, la société HMY venant aux droits de la société HMY Retail Services, la société HMY et la société HMY France aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la société HMY, venant aux droits de la société HMY Retail Services, et la société HMY France demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Tours le 16 janvier 2024 en toutes ses dispositions.

En conséquence :

- Débouter M.[T] de l'intégralité de ses demandes.

Y ajoutant :

- Condamner M.[T] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture initialement fixée au 8 novembre 2024 a été révoquée par ordonnance du 14 février 2025. L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la situation de coemploi

Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ( Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769 PBRI ; Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-23.206).

Lorsque plusieurs entités appartenant à un même groupe, ont la qualité de coemployeurs, la cessation des activités de l'une d'elles ne constitue une cause économique de licenciement qu'à la condition d'être justifiée par des difficultés économiques, une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont elles relèvent (Soc., 18 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.199, Bull. 2011, V, n° 23).

M.[T] expose que la société HMY Retail Services a été créée par la société HMY en 2010 dans le seul but de devenir l'installateur auprès des clients du mobilier fabriqué par la société HMY France. La société HMY détient 100 % du capital social de la société HMY Retail Services. Les trois sociétés sont dirigées par la même personne. Les salariés de la société HMY Retail Services étaient encadrés par un salarié, responsable des opérations, n'ayant aucune délégation de pouvoir, exerçant sous l'autorité du directeur du transport et des installations, celui-ci étant salarié de la société HMY France. Le personnel encadrant intervenant dans l'organisation et la gestion du travail était salarié de la société HMY France. Aucun personnel commercial ou financier n'était salarié de la société HMY Retail Service. L'activité était quasi-exclusivement orientée vers le groupe. Il n'existait aucun centre de décision du sein de cette société, que ce soit au niveau de la gestion économique, de la gestion financière ou des ressources humaines. Les licenciements ont été gérés au niveau du groupe, lequel a pris la décision de fermer la structure. Il en déduit que la société HMY Retail Services ne disposait d'aucune autonomie et qu'il existait une immixtion permanente du groupe. Avant 2010, le montage était d'ailleurs réalisé par un service interne à cette dernière et a continué, après la fermeture de la société HMY Retail Services, à gérer l'activité de montage, de nombreux intérimaires ayant été alors recrutés.

La société HMY et la société HMY France répliquent que la preuve d'une immixtion permanente de leur part dans la gestion économique et sociale de la société HMY Retail Services, conduisant à la perte totale d'autonomie de cette dernière, n'est pas rapportée. Elles soulignent que la société Holding est dépourvue de tout salarié et de toute activité opérationnelle. Elles confirment que la société HMY Retail Services a été créée en 2011 pour devenir le sous-traitant privilégié de la société HMY France s'agissant des travaux de montage, sans pour autant qu'elle en soit le donneur d'ordre exclusif, puisqu'elle avait vocation à développer des activités " annexes et autonomes ", notamment la peinture et la pose de revêtement de sols, et qu'elle a cherché à développer de nouvelles sources de chiffre d'affaires. Si les services supports ont été centralisés au niveau du groupe, cela ne permet pas de caractériser une situation de coemploi. A l'occasion de la liquidation de la société HMY Retail Services, le groupe a été impliqué par l'intermédiaire de responsables du groupe par le biais de ces services support. Mais la société HMY Retail Services conservait la maîtrise de l'organisation quotidienne de l'activité de ses salariés et M.[T] a été placé sous l'autorité de divers supérieurs hiérarchiques qui disposaient d'une délégation de pouvoir en matière disciplinaire.

L'identité de dirigeants de diverses sociétés composant un même groupe, qui n'est pas contestée au cas présent, est insuffisante en soi à caractériser l'absence d'autonomie de chacune de ces sociétés. Il en est de même de la détention du capital à 100 % d'une filiale par une société de groupe et de l'existence d'une centralisation au sein du groupe de fonctions supports. Il importe de démontrer qu'une telle organisation a entraîné une immixtion permanente de cette société dominante dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

S'agissant de la dépendance économique de la société HMY Retail Services, il résulte des pièces de la procédure et notamment du document d'information destiné au comité social et économique en vue de sa consultation sur le projet de licenciement économique collectif que la société HMY Retail Services a été créée fin 2010 pour constituer le sous-traitant privilégié de la société HMY France laquelle était destinée à être son donneur d'ordre exclusif. Cependant, il est aussi expliqué que devant le déficit important de ses deux premières années d'activité (') la société HMY Retail Services, tout en restant la structure privilégiée par HMY pour ses activités de montage, a décidé de développer une activité annexe et autonome pour capter du chiffre d'affaires en direct chez les clients, équilibrer son portefeuille de clientèle par rapport à son principal donneur d'ordre, la démarche consistant à chercher de nouveaux clients extérieurs au groupe, répondant à la nécessité, présentée comme vitale pour l'entreprise, de disposer d'autres sources d'activité. C'est ainsi que s'est constitué un " marché tiers " en développant différents types de services complémentaires : montage et déplacement de mobilier, pose de revêtement de sols, pose de meubles froids, prestations de peinture de surface et de mobiliers métalliques, gestion de tous travaux de second 'uvre, service haut de gamme, création d'un centre de formation. S'il est certes déploré le fait que la plupart de ces activités n'ont pas pu être véritablement développées, ni se pérenniser faute d'une masse suffisante de demandes sur le marché et de l'activité de la concurrence, ces éléments démontrent l'existence d'une activité annexe et distincte de celle de 'sous traitant' impulsée par la société HMY France et ne permettent pas de conclure qu'il n'a pas été tenté de diversifier les ressources de la société HMY Retail Services dans le cadre d'une prise d'autonomie par rapport aux autres entités du groupe.

Le bilan et le compte de résultat de la société HMY Retail Services fait état d'une comptabilité retraçant des recettes propres, résultant essentiellement de la vente de services, et des charges, notamment de personnel, qui ne laissent pas apparaître leur prise en charge par des sociétés tierces. Ainsi, les finances de la société HMY Retail Services n'apparaissent donc pas imbriquées dans celles des autres sociétés du groupe.

Par ailleurs,les décisions stratégiques dont celles de créer et de fermer la société HMY Retail Services ont certes été prises au niveau du groupe mais n'excédent pas le cadre usuel de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés qui le composent et de la coordination de l'ensemble de ses activités, d'autant plus justifiée s'agissant d'un sous-traitant et d'un donneur d'ordre. Il n'est pas utilement contesté que durant l'existence de cette entreprise, celle-ci disposait d'une réelle marge d'autonomie quant à l'organisation de son travail, quand bien même le service commercial en charge de développer de nouveaux marchés et prospecter de nouveaux clients était assuré, ainsi que le soutient M.[T], par les services supports de la société HMY France, ce point ne suffisant pas à caractériser une absence totale d'autonomie.

S'agissant de la gestion des ressources humaines, il résulte des éléments produits dont les contrats de travail que la société HMY Retail Services avait un directeur général en la personne successive de M.[Z], puis de M.[W] et M.[F], et qu'ont été recrutés successivement entre 2015 et 2019 un directeur des opérations ou un responsable opérationnel, le dernier étant M. [G]. Si les premiers étaient placés sous l'autorité directe du directeur général de la société HMY Retail Services, il ressort d'un avenant signé le 15 mai 2019 qu'à compter du 1er juin suivant, M. [G], engagé en qualité de directeur des opérations par la société HMY Retail Services exerçait ses attributions sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par le directeur des transports et des installations de la société HMY. Si cet élément confirme une plus grande proximité entre les deux sociétés, il n'est pas démontré pour autant une immixtion permanente de la société HMY dans la gestion sociale de la société HMY Retail Services.

Outre le fait que M. [T] n'était pas placé sous l'autorité hiérarchique directe de salariés provenant du groupe, il ressort de diverses pièces que si la signature des contrats de travail était assurée par le président de la SAS, le responsable opérationnel de la société HMY Retail Services, M. [G], assurait diverses missions de gestion du personnel telles que les entretiens d'évaluation, l'octroi d'avances sur les notes de frais, la validation des congés, la gestion de planning de travail, des entretiens disciplinaires, en lien avec sa responsable de ressources humaines. Il disposait également d'une délégation de pouvoir de la part du représentant légal de la société HMY Retail Services pour assurer la présidence et les relations avec le comité social et économique. Il est justifié de convocations et de procès-verbaux de réunions confirmant l'exercice de ces attributions. Les pièces produites concernant le précédent Directeur des opérations de la société HMY Retail Services, M. [K], confirment également l'exercice de prérogatives dans le domaine des ressources humaines :recrutement, formation et entretiens d'évaluation ou la gestion des avances permanentes et mis en oeuvre des accords de NAO.

Il n'est pas donc pas établi la perte de toute autonomie de la part de la société HMY Retail Services dans sa gestion sociale au profit de la société HMY.

L'intervention plus prégnante des cadres du groupe au sein de la société HMY Retail Services au cours de la dernière période d'exercice et particulièrement dans les réunions du conseil social et économique organisées dans le cadre de l'annonce du projet de cessation d'activité dont celle du directeur des offres installation transport service client de la société HMY France, M. [X], et de la directrice des ressources humaines de la société HMY France, Mme [U], conviés en tant qu'invités aux dites réunions ne suffit pas à caractériser une situation de coemploi, l'implication accrue de la société HMY France ou du groupe s'expliquant par les difficultés financières de la filiale et la conduite d'un projet d'envergure tel que la procédure de licenciements économiques collectifs. Elle n'induit pas et il n'est pas démontré que le directeur de la société HMY Retail Services était totalement démuni de tout pouvoir de décision et de gestion de la société.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est aucunement démontré une immixtion permanente de la société HMY et de la société HMY France dans la gestion économique et sociale de la société HMY Retail Services ayant conduit à sa totale perte d'autonomie, de sorte que la situation de coemploi n'est pas avérée.

Les demandes formulées à ce titre par M. [T] seront, par voie de confirmation, rejetées.

Il reste que la société HMY doit justifier que le licenciement de M.[T] présente bien une cause économique réelle et sérieuse.

- Sur le caractère économique du licenciement

L'article L.1233-3 du code du travail prévoit que " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ".

Au cas particulier, le licenciement de M. [T] est fondé sur la cessation d'activité de la société HMY Retail Services.

La cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur(Soc., 6 avril 2022, pourvoi n° 20-19.308).

L'appréciation de ce motif s'effectue au niveau de l'entreprise et non au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient la société dont l'activité cesse de manière totale et définitive ( Soc.,9 octobre 2024, pourvoi n°23-10.377).

Le juge n'a pas à s'immiscer dans les choix de gestion de l'employeur et l'erreur du chef d'entreprise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas une faute (Soc., 23 novembre 2011, pourvoi n° 10-26.167 et Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.029 FS+P).

A cet égard, M.[T] expose que la cessation d'activité de la société HMY Retail Services ne suffit pas à valablement motiver le licenciement pour motif économique dont il a été l'objet. Selon lui, la cessation totale d'activité n'est pas établie, son licenciement précédent de 13 mois cette cessation, puisque la cessation d'activité de la société est datée du 7 février 2022, ce qui est confirmé par le Bodacc des 7 et 8 mars 2022.

La cour constate cependant que ce délai s'explique non par la poursuite d'une activité après les licenciements collectifs intervenus en janvier 2021, mais par le fait que l'autorisation de licenciement de quatre salariés protégés n'est intervenue que le 22 février 2022, à la suite de la décision de la Ministre du travail prise à cette date après un recours contre le refus d'autorisation initialement prise par l'inspecteur du travail le 30 avril 2021.

Ce moyen doit donc être rejetée.

Par ailleurs, M.[T] invoque la faute de l'employeur et sa légèreté blâmable, qui seraient à l'origine de la décision de cesser l'activité de la société HMY Retail Services, relevant que celle-ci connaissait une amélioration de son résultat d'exploitation et qu'aucun élément n'était produit sur la situation des autres sociétés du groupe et du secteur d'activité concerné. La cessation d'activité a selon lui été programmée, s'agissant d'une décision de gestion prise au niveau du groupe qui a eu recours massivement à des sous-traitants pour assurer le montage du mobilier, tandis que les prélèvements de dividendes par la société holding s'accroissaient, évoquant notamment un prélèvement de 600.000 euros, soit la quasi-totalité des réserves, en juin 2017. Il ajoute qu'après son licenciement, la société HMY France, qui continue d'assurer le service du montage auparavant assuré par la société HMY Retail Services, a largement eu recours à l'intérim, ce qui contrevient aux dispositions de l'article L.1242-5 du code du travail. M.[T] en conclut à la faute intentionnelle et la fraude.

La société HMY et la société HMY France répliquent que la société HMY Retail Services devait " remonter " chaque année des dividendes à sa holding vis-à-vis de laquelle elle avait une " dette séniore " après que la société LBO France est devenue actionnaire majoritaire du groupe, relevant néanmoins que le prélèvement de 600.000 euros était de 4 ans antérieur au licenciement litigieux. Elles affirment que la société HMY France a toujours privilégié la société HMY Retail Services par rapport à ses autres sous-traitants. S'agissant du recours à l'intérim, rien n'interdisait à la société HMY France, distincte de la société HMY Retail Services, d'y recourir, et notamment pas l'article L.1242-5 du code du travail. Elle ajoute que ces postes d'intérim correspondent à du montage en production et non pas sur site en livraisons comme le pratiquait la société HMY Retail Services, le recours à l'intérim n'ayant à cet égard que peu augmenté après la fermeture de la société HMY Retail Services.

En premier lieu, il résulte des éléments de procédure que la société HMY Retail Services était la seule à effectuer le montage sur site du mobilier destiné aux grandes surfaces, fabriqué par la société HMY France et qu'elle était donc la seule entité du groupe à opérer au sein de ce secteur d'activité, de sorte que les éléments communiqués par l'employeur, relatif à cette seule société HMY Retail Services, sont suffisants à éclairer la cour sur la réalité des difficultés économiques de ce secteur.

Par ailleurs, la cour constate la réalité de la remontée de dividendes de 600 KE euros, intervenue en 2016, soit quatre années avant le licenciement de M.[T]. Mais si elle a conduit à une diminution des capitaux propres, ces derniers demeuraient à un niveau acceptable après ce prélèvement, puisqu'ils passaient de 1219 KE à 614 KE. En 2017, on constate un résultat déficitaire à -27KE, après une année 2016 excédentaire, en lien avec une diminution des produits d'exploitation.

Ensuite, selon la note du cabinet d'expertise Syndex établie pour l'information du comité social et économique en novembre 2020, on constate un " effondrement de l'activité de l'entreprise en 2018 " qui a " conduit à une perte conséquente ".

Si, comme le relève le cabinet Syndec, le prélèvement en question, opéré en 2016, a rendu l'entreprise " vulnérable face à la baisse d'activité à venir ", il ne peut s'agir d'une faute, l'évolution ultérieure du niveau d'activité et du chiffre d'affaires ne pouvant pas par définition être anticipée, tandis qu'aucune remontée de dividende n'étant notée postérieurement.

Il ne peut donc être déduit que ce soit ce prélèvement qui soit à l'origine des difficultés de la société HMY Retail Services, d'autant que les déficits importants qui se sont dégagés en 2018 (-686 KE) et en 2019 (-569 KE), auraient, en tout état de cause, généré un épuisement des capitaux propres, même si cela aurait été dans une moindre proportion.

Il reste à examiner la question de savoir si c'est en raison d'une baisse des commandes par la société HMY France que sa société s'ur a connu une diminution de son chiffre d'affaires et par là même si c'est la politique du groupe qui est la source de ses difficultés.

A cet égard, la société HMY produit un graphique très explicite sur le taux d'occupation des salariés de la société HMY Retail Services par rapport à ceux des autres sous-traitants de la société HMY France. Il en résulte que ce taux a diminué pour ces derniers comme pour la société HMY Retail Services entre 2016 et 2020, mais dans une proportion moindre pour cette dernière, quand bien même ce taux a été quasiment identique pour l'année 2020, année de la crise sanitaire ayant exposé les entreprises à un contexte économique difficile. Ainsi le taux d'occupation de la société HMY Retail Services est demeuré supérieur à 60 % en 2019 alors qu'il baissait drastiquement pour ses concurrents pour passer à un taux tournant autour de 40 %.

En réalité, c'est bien la modification de la politique d'investissement de la grande distribution et de ses acteurs, comme Auchan et Casino, de même que la décroissance continue de la surface de vente moyenne, en lien avec la croissance de la vente en ligne, selon les termes de la lettre de licenciement, qui est à l'origine de cette baisse d'activité de l'entreprise. De même en 2020, année de la crise sanitaire, le compte de résultat 2020 faisant état certes d'une diminution des pertes mais ces dernières restaient d'un montant encore préoccupant (-389 KE en résultat courant avant impôts).

L'hypothèse d'un assèchement des commandes de manière délibérée par la société HMY et la société HMY France est donc exclue, leur diminution s'expliquant par des causes économiques objectives.

Enfin, si l'embauche de travailleurs intérimaires monteurs par la société HMY France n'est pas contestée, il n'est pas établi qu'ils aient été affectés sur des postes sur site et non au sein de l'usine de fabrication, ce qui n'est pas utilement contredit par M.[T], les listes d'embauches d'intérimaires par la société HMY France confirmant l'existence de tels recrutements avant le licenciement de ce dernier, sachant que l'article L.1242-5 du code du travail prohibant le recours au travail intérimaire dans un délai de 6 mois après un licenciement économique ne s'appliquait qu'à l'employeur, à savoir la société HMY Retail Services et non à la société HMY France. Il est en outre établi que pour l'installation sur site, celle-ci a toujours eu recours à des société sous-traitantes, comme déjà indiqué.

Ainsi, toute faute ou légèreté blâmable de la société HMY France ou la société HMY est exclue dans le cadre de la cessation d'activité de la société HMY Retail Services, qui a été décidée en considération des réelles difficultés rencontrées durablement par cette dernière dans le cadre du secteur d'activité dans lequel elle évoluait, touché par les évolutions déjà décrites.

C'est pourquoi la cause économique du licenciement de M.[T] est établie.

- Sur l'obligation de reclassement

L'article L.1233-4 du code du travail prévoit que " le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

M.[T] critique les conditions de son reclassement en considérant qu'il n'est pas démontré qu'il n'aurait pas existé de solutions de reclassement autres que celles qui lui ont été proposées au sein du groupe, seules des listes d'emplois disponibles lui ayant été communiquées, et qu'il n'est pas justifié des démarches réellement accomplies. L'embauche d'intérimaires démontre notamment que des emplois compatibles avec ses compétences existaient. Des solutions étaient également possibles en termes de mesures de reclassement externe, comme une aide à la création d'entreprise, un allongement de la durée du congé de reclassement avec une hausse du taux d'indemnisation, la définition d'un budget de formation, une aide à la mobilité, une prime à l'employeur qui embaucherait un salarié licencié, une indemnité supra-légale de licenciement, toutes ces solutions ayant été suggérées par l'expertise du cabinet Syndex.

La société HMY réplique que plusieurs offres de reclassement ont été soumises à M.[T], accompagnées d'un programme de formation qualifiante, qui sont demeurées sans réponse, et que la liste de tous les postes disponibles au sein du groupe lui a été communiquée, sans qu'il manifeste un intérêt pour l'un d'eux. Enfin, de nombreuses mesures d'accompagnement ont été proposées, la société HMY Retail Services ayant eu recours à un cabinet de reclassement spécialisé. Elle en conclut qu'elle a bien respecté son obligation de reclassement.

La cour constate en effet que par courrier du 3 décembre 2020, l'employeur a proposé à M.[T] des postes de soudeur, de menuisier d'agencement et de menuisier monteur, au sein de la société HMY France, dans chacun de ces sites du Loir-et-Cher et de l'Yonne, avec des formations qualifiantes propres à chacune de ces spécialités, sachant qu'il était déjà monteur.

La liste de l'ensemble des postes disponibles au sein de la société HMY France lui était également communiquée, sans qu'on puisse retenir que d'autres postes disponibles n'auraient pas été proposés.

M.[T] n'apparaît pas avoir manifesté d'intérêt pour aucun de ces postes.

Par ailleurs, comme mentionné dans le dispositif mis en place dans le cadre du licenciement collectif opéré, un cabinet spécialisé a mis en 'uvre " les moyens adaptés afin que chaque candidat, dont le licenciement était envisagé, trouve une nouvelle solution personnelle ou professionnelle satisfaisante, sous réserve que le candidat concerné soit actif dans sa recherche d'une nouvelle solution ".

Il était mis en place une " antenne emploi " et un dispositif d'accompagnement de recherche d'emploi, de bilan professionnel, de formation technique de recherche d'emploi, d'accompagnement dans le cadre d'un projet de formation, de validation des acquis de l'expérience, d'accompagnement dans la création reprise d'entreprise. Des aides financières étaient proposées dans le cadre des mesures d'accompagnement à la mobilité géographique.

L'employeur apparaît donc avoir non seulement proposé les postes disponibles, compatibles avec sa formation passée de monteur ou accessibles par le biais de formations qualifiantes, de manière personnalisée, mais aussi en toute transparence informé M. [T] de l'ensemble des postes ouverts au sein du groupe, tout en mettant en place des mesures complètes d'accompagnement au retour à l'emploi.

Dans ces conditions, M.[T] ne peut affirmer que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement économique de M.[T] était justifié et débouté de dernier de l'ensemble de ses demandes.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes seront rejetées.

M.[T] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 16 janvier 2024 par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [T] aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

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