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CA Montpellier, 2e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 25/00716

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/00716

6 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/00716 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QRLT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 14 JANVIER 2025

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 7]

N° RG 16/05187

APPELANTE :

ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY LIMITED

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Denis RIEU

INTIMEE :

La S.A. MAAF ASSURANCES, société anonyme ayant son siège social sis [Adresse 6], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NIORT sous le numéro 542 073 580, agissant

poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent SALLELES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseillère

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte du 3 août 2015, Mme [K] [L] a acquis au sein d'un immeuble, situé [Adresse 2] à [Localité 8] un appartement (lot 34) auprès de M. [S] [Z], ainsi qu' un garage et une cave (lots 47 et 52) auprès de la société Energie Immobilier dont ce dernier est le représentant légal.

Invoquant des désordres affectant les parties privatives et communes de l'immeuble, Mme [K] [L] a procédé, le 20 décembre 2015, à une déclaration de sinistre auprès de la société Acasta European Insurance Company Limited, assureur dommage-ouvrage.

Par ordonnance en date du 17 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné une expertise et désigné M. [X] [O] en qualité d'expert.

Par actes en date des 5 et 8 août 2016, Mme [K] [L] a fait assigner ses deux vendeurs devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de rechercher leurs responsabilités et de les voir condamner à réparer les désordres sur le fondement des articles 1792 et 1147 ancien du code civil. Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 16-05187.

Par acte de commissaire de justice du 11 janvier 2017, elle a également fait assigner la société Acasta European Insurance Company Limited, en sa qualité d'assureur dommage ouvrage, devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de la voir condamner à payer les travaux de réparation fixés par l'expert judiciaire. La procédure a été enregistrée sous le n° de RG 17-00501. Cette affaire a été renvoyée devant le tribunal judiciaire de Montpellier par ordonnance du 16 juin 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes.

Enfin, par acte de commissaire de justice du 18 décembre 2019, elle a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble litigieux devant le tribunal de grande instance de Montpellier. Cette instance a été jointe avec celle enregistrée sous le n° de RG 16-05187.

Par acte de commissaire de justice en date du 24 octobre 2022 , la société Acasta European Insurance Company Limited a fait assigner la société MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins d'être relevée et garantie de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre. Par ordonnance du 27 juillet 2023, le juge de la mise en état a joint cette instance portant le n° de RG 22-04819 à celle enregistrée sous le n° de RG 16-05187 par ordonnance du juge de la mise en état du 27 juillet 2023.

Les opérations d'expertise ont été rendues opposables à l'ensemble des parties à la procédure.

Le 14 août 2020, l'expert a déposé son rapport.

En lecture de ce rapport, Mme [L] a demandé aux termes de ses dernières conclusions au fond en date du 29 juin 2023 la condamnation in solidum de la société Acasta European Insurance Company Limited, M. [Z] et la SAS Energie Immobilier à lui verser la somme de 37 411 euros TTC au titre des désordres affectant ses lots privatifs et à verser au Syndicat des copropriétaires la somme de 85 844 euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise des désordres affectant les parties communes.

Par conclusions du 3 janvier 2024, M. [Z] et la société Energie immobilier ont saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à l'irrecevabilité de l'action de Mme [L] tirée de la prescription et du défaut de qualité à agir.

Par conclusions d'incident du 26 avril 2024, la société MAAF Assurances a également demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l'action en garantie de la société Acasta à son encontre en raison de la prescription de cette action.

Par conclusions d'incident récapitulatives du 6 juin 2024, la société Acasta a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l'action de Mme [L] pour défaut d'intérêt à agir et a déclaré s'en rapporter s'agissant des fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et de la prescription.

Par ordonnance en date du 14 janvier 2025, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier a :

- déclaré irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par M. [S] [Z], la S.A.S Energie Immobilier et la société Acasta au titre du défaut de qualité à agir et de la prescription de l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- déclaré irrecevable comme prescrit l'appel en garantie formulé par la société Acasta à l'encontre de la société MAAF Assurances,

- rejeté la demande de M. [S] [Z] et de la S.A.S Energie Immobilier tendant à enjoindre Mme [K] [L] à préciser ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 6 mai 2025 et invité les parties à conclure au fond avant cette date.

Par déclaration reçue au greffe par la voie électronique le 4 février 2025, la société Acasta a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 mai 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société Acasta European Insurance Company Limited demande à la Cour de :

* Faisant droit à l'appel principal formé par Acasta, infirmer l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état le 14 janvier 2025 en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrit l'appel en garantie formulé par la société Acasta à l'encontre de la société MAAF Assurances.

* Statuant à nouveau

- juger que l'action d'Acasta à l'encontre de MAAF Assurances est recevable comme n'étant pas prescrite.

- condamner MAAF Assurances à verser à Acasta la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 mai 2025 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA MAAF Assurances demande à la Cour de :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a jugé prescrite l'action engagée par la société Acasta European Insurance Company Limited à l'encontre de la S.A. MAAF Assurances.

- condamner la société Acasta European Insurance Company Limited à payer à la S.A. MAAF Assurances une somme de 3.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

MOTIFS :

Il convient de relever en préliminiare que l'appel ne porte que sur les dispositions de l'ordonnance entreprise ayant déclaré irrecevable comme prescrit l'appel en garantie formé par la société Acasta European Insurance Company Limited à l'encontre de la société MAAF Assurances.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Acasta European Insurance Company Limited à l'encontre de la société MAAF Assurances

La société Acasta fait valoir qu'en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, elle a vocation à exercer une action subrogatoire et non personnelle conformément à l'article L 121-12 alinéa 1er du code des assurance. Elle soutient que si cette subrogation légale n'opère qu'à compter de l'indemnisation du bénéficiaire par l'assureur dommages-ouvrage, la jurisprudence admet néanmoins de manière ancienne et constante la subrogation in futurum conférant recevabilité à l'action introduite par l'assureur dommages-ouvrage à l'encontre des responsables dès lors qu'un tel paiement interviendra au plus tard avant que le juge du fond ait statué au fond.

Elle indique, en conséquence, que c'est à tort que le premier juge a appliqué la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil alors qu'il suffit que l'action subrogatoire soit exercée dans le délai d'action dont disposait l'assurée sous peine d'être forclose, ce qui est le cas, en l'espèce, le délai de forclusion ayant été interrompu par l'assignation en référé expertise de Mme [L] du 22 janvier 2016, un nouveau délai ayant commencé à courir à compter de l'ordonnance du 17 mars 2016 qui a désigné l'expert judiciaire pour expirer le 17 mars 2026.

Elle considère, en conséquence, que bien que n'ayant pas indemnisé Mme [L], son action en garantie n'est pas prescrite, le juge du fond n'ayant pas encore statué au fond.

La SA MAAF Assurances soutient au contraire que l'action est prescrite aux motifs qu'elle n'a pas été engagée dans le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du Code civil et applicable aux actions en responsabilité extracontractuelle, puisqu'il s'est écoulé plus de cinq années entre l'action en paiement de Mme [K] [L] à l'encontre de la société Acasta engagée selon assignation délivrée le 11 janvier 2017 et l'appel en garantie délivré à la compagnie concluante le 24 octobre 2022 à la requête de la société Acasta.

Elle fait valoir, en outre, que la subrogation légale dont la société Acasta pourrait se prévaloir en tant qu'assureur dommages-ouvrage dans les droits et actions de Mme [K] [L] supposerait la démonstration par l'assureur du paiement de l'indemnité à son assurée qui doit intervenir avant que le Juge statue mais que la société Acasta n'invoque aucun règlement en faveur de Mme [K] [L] et ne peut donc se prévaloir d'une quelconque subrogation dans ses droits et actions.

L'action formée par la société Acasta, en sa qualité d'assureur dommage-ouvrage de la société Energie Immobilier, qui a fait procéder aux travaux de rénovation du bien acheté par Mme [L] et objet des désordres, à l'encontre de la société MAAF, assureur de la société HK Construction, entreprise chargée du gros oeuvre et de la couverture ne relève pas du régime des recours entre constructeurs soumis à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

En effet, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, " Sans préjudice du deuxième alinéa de l'article L. 121-2, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l' assureur ."

La demande en garantie fondée sur le recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage contre le constructeur responsable et son assureur se prescrit donc selon le même délai que celui applicable à l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage contre le constructeur.

Par ailleurs, en application de l'article 334 du code civil, une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial.

En l'espèce, bien que n'ayant procédé à ce jour à aucune indemnisation, la société Acasta, assignée elle-même par Mme [L] aux fins d'obtenir sa condamnation à réparer les dommages résultant des désordres qu'elle a subis,est recevable et bien fondée à agir à l'encontre de la MAAF Assurances dès lors d'une part qu'elle sera après paiement subrogée dans les droits et actions de son assurée, ce paiement pouvant intervenir jusqu'à ce que le juge du fond statue et d'autre part qu'elle justifie agir avant l'expiration du délai de forclusion décennale.

Le point de départ de la prescription décennale se situe donc à la date de réception sans réserve des travaux réalisés par la société HK Construction, assurée auprès de la MAAF Assurances, soit aux 1er octobre 2014 et avril 2015, dates non contestées par l'intimée. Le délai de forclusion qui expirait donc initialement les 1er octobre 2024 et 1er avril 2025 a été interrompu, en application de l'article 2241 du code civil, par l'assignation en référé-expertise délivrée par Mme [L] le 22 janvier 2016 jusqu'à l'ordonnance de référé du 17 mars 2016 ayant désigné l'expert judiciaire, date à laquelle un nouveau délai de dix ans a recommencé à courir jusqu'au 17 mars 2026. Il convient de relever que la société Acasta qui a fait délivrer son assignation à la société MAAF Assurances le 24 octobre 2022, justifie, en conséquence, avoir agi avant l'expiration du délai de forclusion décennale.

C'est ainsi à tort que le premier juge a déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société Acasta à l'encontre de la société MAAF Assurances comme étant prescrit.

La décision entreprise sera donc infirmée en ces dispositions critiquées et statuant à nouveau, rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société MAAF Assurances et tirée de la prescription de l'action de la société Acasta et par voie de conséquence, déclare recevable cette action.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité ne commande pas de faire bénéficier les parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur demande à ce titre sera rejetée.

La SA MAAF Assurances succombant à l'instance sur incident, elle sera condamnée aux dépens de première instance et de l'instance d'appel sur incident.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,

- rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SA MAAF Assurances et tirée de la prescription de l'action de la société Acasta European Insurance Company Limited ;

- par voie de conséquence, déclare recevable l'appel en garantie formée par la société Acasta European Insurance Company Limited à l'encontre de la SA MAAF Assurances

- rejette la demande formée par chacune des parties condamne la société Acasta European Insurance Company Limited au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la SA MAAF Assurances aux dépens de première instance et de l'instance d'appel sur incident.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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