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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 novembre 2025, n° 24/03013

GRENOBLE

Autre

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CA Grenoble n° 24/03013

6 novembre 2025

N° RG 24/03013

N° Portalis DBVM-V-B7I-ML6D

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

Me Alban VILLECROZE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 06 NOVEMBRE 2025

Appel d'un jugement (N° RG 2023J00095)

rendu par le tribunal de commerce de Vienne

en date du 11 juillet 2024

suivant déclaration d'appel du 07 août 2024

APPELANTE :

SARL CUBIC 33 FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Achille VIANO, Avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

SAS INVOLVE DEVELOPMENT, Société par actions simplifiée au capital social de 234 000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOURG EN BRESSE sous le n° 422 745 844, prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice

[Adresse 3]

[Localité 1]

SAS INVOLVE GROUP, société par actions simplifiée au capital social de 2.000.000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VIENNE sous le n° 383 841 111, prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentées par Me Alban VILLECROZE, avocat postulant au barreau de GRENOBLE substitué par Me Elise QUAGLINO, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Justine CAILLET-ROUSSET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Céline PAYEN, Conseillère,

Assistés lors des débats de Fabien OEUVRAY, greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 septembre 2025, Mme PAYEN, Conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

La SAS Involve group est une holding ayant pour filiales la SAS Involve development (anciennement la société RDP development), la SCI Ekosfer immobilier 38 et la SAS Plastifal. Monsieur [N] [G] représente la holding et les filiales.

Au cours de l'année 2021, les SAS Involve group et Involve development ont entrepris la construction d'un bâtiment industriel sur la commune de [Localité 7], pour les besoins de l'activité de la SAS Plastifal. Elles se sont rapprochées de la SARL Cubic 33 dont l'activité est la conception et la construction clef en main de bâtiments industriels logistiques ou tertiaires.

Le 11 novembre 2021, Monsieur [N] [G] a signé un devis d'avant-projet construction émis par la SARL Cubic 33, d'un montant de 23 355,58 euros HT, portant sur les missions ESQ, AVP et PC. Les factures correspondant à ce devis ont été établies au nom de la SCI Ekosfer immobilier 38, titulaire du permis de construire, et payées par cette dernière.

Le 21 juin 2022, la SARL Cubic 33 a émis une offre V9 d'un montant de 3 009 947 euros HT, soit 3 611 936,40 euros TTC, comprenant les lots installation de chantier, terrassement, voiries et réseaux divers, structure, clos-couvert, aménagement de bureaux et locaux sociaux, outre les honoraires d'étude (maîtrise d''uvre, mission OPC et SPS, mission de CT, mission de géomètre, étude G2 PRO + G4, recours à un BET structure et un BET thermique).

Le 24 juin 2022, Monsieur [N] [G], en tant que représentant légal de la SAS Involve development, a signé avec « bon pour accord» le devis de 3 009 947 euros HT portant sur l'offre financière de l'ensemble de la construction.

Par mail en date du 04 juillet 2022, la SARL Cubic 33 a envoyé à la SAS Involve group un projet de contrat de promotion immobilière.

Par mail en réponse du 05 septembre 2022, la SAS Involve group a indiqué à la SARL Cubic 33, qu'elle ne pouvait signer le contrat de promotion immobilière, car le crédit bailleur lui imposait de mettre en concurrence l'offre émise par la société Cubic 33. Elle a également demandé à la SARL Cubic 33 de lui envoyer les dossiers relatifs aux règlements déjà effectués.

De nombreux échanges de mails ont eu lieu entre les parties durant les mois de septembre et octobre 2022.

La SAS Involve group a notamment réclamé à la SARL Cubic 33 des chiffrages complémentaires, afin d'adapter le projet aux recommandations formulées par l'organisme Carsat. Pour répondre à ces demandes, la SARL Cubic 33 a émis les 18 et 21 octobre 2022, deux propositions complémentaires.

En parallèle, la SARL Cubic 33 a continué à travailler sur le projet pour un coût qu'elle a estimé à 92 000 euros HT, soit 110 400 euros TTC.

Le contrat de promotion immobilière n'a jamais été signé, la SAS Involve group ayant contracté avec un autre prestataire, puis in fine, abandonné le projet.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er février 2023, la SARL Cubic 33 a acté l'existence d'un manquement contractuel grave par la SAS Involve group en ce qu'elle a refusé de régulariser le contrat de promotion immobilière, prévu au devis accepté le 24 juin 2022. Elle a en conséquence acté la suspension de l'exécution de ses prestations, en application de l'article 1220 du code civil. Elle a également informé la SAS Involve group de l'engagement d'une procédure judiciaire afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par courrier en réponse en date du 27 février 2023, la SAS Involve group a contesté l'existence d'un contrat de promotion immobilière entre les deux sociétés et a refusé de payer les indemnités réclamées.

Par courrier en date du 27 mars 2023, la SARL Cubic 33 a émis une facture de 110 400 euros TTC (92 000 euros HT) et a mis en demeure, en vain, la SAS Involve group de procéder au règlement.

Aucun accord amiable n'a pu intervenir entre les parties.

Suivant exploit de commissaire de justice en date des 20 et 24 avril 2023, la SARL Cubic 33 a fait assigner la SAS Involve group et la SAS Involve development devant le tribunal de commerce de Vienne, afin de voir :

- condamner in solidum les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 110.400,00 euros TTC au titre de leurs responsabilités contractuelles ;

- condamner in solidum les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance de passation d'autres marchés ;

- condamner in solidum les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 30.000 euros en indemnisation du préjudice subi au titre de la mauvaise foi dans l'exécution des relations contractuelles.

- condamner in solidum les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par jugement en date du 11 juillet 2024, le tribunal de commerce de Vienne a :

- jugé recevables mais mal fondées les demandes de la société Cubic 33,

- jugé que les parties étaient liées par une relation contractuelle,

- débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement au titre de la responsabilité contractuelle,

- débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement, à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité délictuelle,

- jugé que compte tenu du contexte de l'affaire, l'équité impose à chaque partie de conserver les frais de procédure par elle engagés,

- condamné la société Cubic 33 aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 07 août 2024, la SARL Cubic 33 a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- jugé recevables mais mal fondées les demandes de la société Cubic 33,

- débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement au titre de la responsabilité
contractuelle,

- débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement, à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité délictuelle,

- jugé que compte tenu du contexte de l'affaire, l'équité impose à chaque partie de conserver les frais de procédure par elle engagés,

- condamné la société CLJBIC 33 aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile el les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.

La SAS Involve group et de la SAS Involve development ont interjeté appel incident, sur l'existence d'un contrat liant les parties.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 juillet 2025.

Prétentions et moyens de la SARL Cubic 33

Dans ses conclusions en appel n°2 notifiées par RPVA le 02 avril 2025, la SARL Cubic 33 demande à la cour au visa des articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants, 1240 et suivants du code civil, L221-1 du code de la construction et de l'habitation, de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a jugé que les parties étaient liées par une relation contractuelle,

- réformer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a :

* jugé recevables mais mal fondées les demandes de la société Cubic 33,

* débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement au titre de la responsabilité contractuelle,

* débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement, à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité délictuelle,

* jugé que compte tenu du contexte de l'affaire, l'équité impose à chaque partie de conserver les frais de procédure par elle engagés,

* condamné la société Cubic 33 aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

A titre principal

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 110.400 euros TTC au titre de la facture impayée, outre intérêts à compter de sa date d'échéance,

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance de passation d'autres marchés;

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 30.000 euros en indemnisation du préjudice subi au titre de la mauvaise foi dans l'exécution des relations contractuelles;

A titre subsidiaire

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 110.400 euros TTC au titre de leurs responsabilités délictuelles ;

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance de passation d'autres marchés;

- condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 30.000 euros en indemnisation du préjudice subi au titre de la mauvaise foi dans les négociations précontractuelles ;

En tout état de cause :

- rejeter l'intégralité des demandes des sociétés Involve group et Involve development ;

- condamner in solidum les sociétés Involve group et Involve development à payer à la société Cubic 33 la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

1/ Sur l'existence d'un contrat entre les parties

La SARL Cubic 33 fait valoir que :

- les éléments essentiels du contrat de promotion immobilière sont constitués par la réalisation d'un programme de construction au moyen de contrat de louage d'ouvrage à un prix convenu, que le contrat est ainsi formé entre les parties dès lors qu'il existe un accord sur les constructions devant être réalisées dans le cadre de l'opération et sur le prix de ladite opération,

- la rencontre des volontés créant le contrat résulte de l'apposition de la formule « bon pour accord »,

- le refus par le maître de l'ouvrage d'un premier projet lui étant soumis n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'un contrat.

Elle souligne que :

- la SAS Involve group et la SAS Involve development se sont engagées contractuellement envers elle en acceptant l'offre émise au mois de juin 2021,

- l'offre V9 détaille les divers postes de travaux et les conditions financières de l'offre,

- le devis précise que les conditions de l'offre devront être matérialisées par un contrat de promotion immobilière,

- elle a fourni aux sociétés Involve group et Involve development tous les éléments leur permettant de connaître le contenu du contrat de promotion immobilière qui devait ensuite être signé entre elles,

- la rémunération du promoteur était déterminée, le projet de contrat indiquant le prix global, net et forfaitaire qui inclut notamment « la rémunération du promoteur pour ses peines, soins et débours »,

Elle affirme encore que :

- l'offre validée par la SAS Involve group et la SAS Involve development satisfait aux exigences du code de la construction et de l'habitation s'agissant du contrat de promotion immobilière, qu'en renvoyant à la SARL Cubic 33 l'offre V9 et les documents l'accompagnant, signés et comportant la mention « bon pour accord », les sociétés Involve group et Involve development ont manifesté leur volonté de s'engager contractuellement.

- l'attitude de la SAS Involve group et de la SAS Involve development postérieurement à la signature de l'offre du 24 juin 2022 s'inscrit dans un cadre contractuel, les sociétés ayant continué à la solliciter, pour apporter des modifications, le tout dans le but de faire avancer le projet de réalisation du bâtiment industriel, diverses réunions ayant été organisées relativement aux points techniques de la réalisation du bâtiment,

- elle a été sollicitée pour des demandes de modification de la prestation contractuelle et a émis deux propositions complémentaires,

La SARL Cubic 33 conteste encore que les parties en aient été au stade de discussions précontractuelles en ce que :

- l'absence de signature du contrat de promotion immobilière n'est pas de nature à remettre en cause le lien contractuel existant,

- l'engagement de la SAS Involve group et de la SAS Involve development à signer le contrat de promotion immobilière emportait obligation ultérieure de le ratifier,

- le contrat de promotion immobilière a été adressé aux deux sociétés dès le 04 juillet 2022 et elles ont été relancées en l'absence de signature, ce qui démontre bien que la ratification était acquise,

La SARL Cubic 33 soutient encore que :

- le fait que la SAS Involve group ne disposait pas d'un accord de financement n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'un lien contractuel entre les parties, alors que cette difficulté de financement n'est pas avérée,

- il appartenait aux sociétés de s'assurer qu'elles disposaient bien du financement nécessaire à la réalisation de l'opération avant d'accepter sa proposition, qui mentionnait le détail des conditions financières,

- la remise en concurrence n'était pas certaine et postérieurement au mail du 05 septembre 2022 l'annonçant, la SAS Involve group et la SAS Involve development ont continué à discuter avec elle et ont organisé des réunions en sa présence,

- la SAS Involve development a apposé sa signature sur le devis sans aucune condition suspensive

- un contrat cadre a ainsi été conclu.

2/ Sur les manquements contractuels de la SAS Involve group et de la SAS Involve development

La SARL Cubic 33 affirme que :

- en refusant de signer le contrat de promotion immobilière, la SAS Involve group et la SAS Involve development ont manqué à leurs obligations contractuelles,

- malgré le refus de signature, elles ont sollicité la SARL Cubic 33 afin qu'elle réalise des chiffrages complémentaires et ajuste le projet, ce qui a entraîné des coûts pour elle,

- elle a été entretenue dans la croyance erronée que la SAS Involve group et la SAS Involve development souhaitaient poursuivre le contrat de promotion immobilière avec elle, ce qui caractérise une déloyauté dans l'exécution des relations contractuelles,

- la SAS Involve group et la SAS Involve development ont utilisé les plans et marchés de travaux établis par elle pour contractualiser avec les intervenants à la construction in fine retenus,

3/ Sur les préjudices de la SARL Cubic 33

Elle soutient que :

- pour respecter ses engagements contractuels, elle a exposé des frais importants, mobilisant ses équipes sur le projet durant plusieurs mois et notamment sur les phases ADP/PRO, DCE, ACT, elle a réalisé les plans de masses et de coupe, le CCAG et le CCAP, les différents CCTP pour chacun des lots, elle a consacré du temps aux missions organisationnelles,

- elle a passé un temps considérable sur la consultation des entreprises et justifie de l'ensemble des consultations réalisées, grâce à ses pièces,

- les factures payées par la SCI ESKOFFIER IMMOBILIER correspondent à la phase APC, qui n'inclut pas la réalisation des plans de masse, intérieur, coupe, façade,

- ces factures se réfèrent au devis APC n°CFR12327-CL-2 signé le 11 novembre 2021, et il n'y a pas de double facturation,

- les diligences réalisées l'ont été sur demande de la SAS Involve group et de la SAS Involve development,

Sur la perte de chance d'obtenir d'autres marchés, elle fait valoir que :

- la mobilisation de ses équipes sur le projet de la SAS Involve group et de la SAS Involve development l'a obligée à refuser d'autres marchés,

- outre la perte de marge sur le projet litigieux, il existe un manque à gagner généré par la perte de ces opportunités commerciales qu'elle a refusées ou des appels d'offre auxquels elle n'a pas participé, considérant son agenda bloqué par le projet litigieux,

- le temps perdu sur le projet de la SARL Cubic 33 a eu un impact négatif sur son chiffre d'affaires de l'année 2022,

Sur la rupture abusive et vexatoire, elle prétend que :

- la SAS Involve group et la SAS Involve development l'ont maintenue dans la croyance erronée d'une collaboration pérenne, obtenant de sa part un travail important et utile dont elles ont bénéficié,

- la SAS Involve group et la SAS Involve development ont poursuivi l'opération d'édification du bâtiment avec les entreprises correspondant au DCE établi par elle,

4/ Sur la condamnation in solidum de la SAS Involve group et de la SAS Involve development

La SARL Cubic 33 soutient que :

- les deux sociétés sont impliquées dans le projet et sont toutes deux intervenues auprès d'elle pour la réalisation de l'opération litigieuse,

- elle a adressé le devis du 24 juin 2022 à la SAS Involve group qui pilotait le projet au travers de ses différentes filiales et qui a été destinataire de l'offre,

- c'est la SAS Involve development qui a apposé son tampon sur le devis du 24 juin 2022 et l'a renvoyé avec la mention « bon pour accord »,

- la SAS Involve development est une filiale de la SAS Involve group et cette dernière a ensuite échangé à de nombreuses reprises avec elle,

- les deux sociétés ont été ses deux principales interlocutrices,

5/ A titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle de la SAS Involve group et de la SAS Involve development

La SARL Cubic 33 explique que :

- le fait de tromper volontairement son cocontractant et de le maintenir dans l'erreur que le contrat va être conclu alors qu'il n'existe aucune intention de le conclure constitue une faute délictuelle,

- la SAS Involve group et la SAS Involve development l'ont maintenue dans la croyance erronée qu'elles allaient régulariser le contrat de promotion immobilière, en acceptant le devis « avant-projet conception » le 11 novembre 2021 puis en acceptant l'offre du 24 juin 2022, en la sollicitant à plusieurs reprises pour obtenir des ajustements du projet montrant leur intérêt à collaborer avec elle et en laissant croire à la régularisation imminente du contrat de promotion immobilière (demande de chiffrages complémentaires afin de répondre à des exigences règlementaires, organisation de réunions de travail afin de chiffrer des prestations complémentaires),

- elle avait toutes les raisons de croire que les sociétés étaient sérieuses dans leur projet de contracter avec elle,

- en refusant de signer le contrat de promotion immobilière, les deux sociétés ont manqué à l'obligation de bonne foi dans le cadre des négociations précontractuelles,

- ce n'est que le 5 septembre 2022 que la SAS Involve group et la SAS Involve development ont indiqué vouloir procéder à une remise en concurrence soit plus de deux mois après l'acceptation de l'offre V9,

- elle conteste avoir émis les offres complémentaires du fait de la remise en concurrence.

Prétentions et moyens de la SAS Involve group et de la SAS Involve development

Dans leurs conclusions d'intimé n°2 notifiées par RPVA le 24 avril 2025, la SAS Involve group et la SAS Involve development demandent à la cour, au visa des articles 1112, 1113, 1114 et 1831-1 du code civil, L 221-1 du code de la construction et de l'habitation, 9 et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 11 juillet 2024 en ce qu'il a :

* jugé que les parties étaient liées par une relation contractuelle,

Et statuant à nouveau :

- juger l'absence d'accord définitif entre les sociétés Cubic 33 et les sociétés Involve group et Involve development

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 11 juillet 2024 en ce qu'il a :

* débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement au titre de la responsabilité contractuelle,

* débouté la société Cubic 33 de ses demandes en paiement, à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité délictuelle,

* condamné la société Cubic 33 aux dépens,

Ce faisant,

- débouter la société Cubic 33 de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Involve group et Involve development

- condamner la société Cubic 33 à verser aux sociétés Involve group et Involve development la somme de 10 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Alban VILLECROZE.

1/ Sur la réformation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat

La SAS Involve group et la SAS Involve development exposent que :

- plusieurs éléments doivent être réunis pour qu'une convention puisse être qualifié de contrat de promotion immobilière, qui concernent notamment le prix convenu et la rémunération du promoteur,

- si au cours des pourparlers, les parties ont subordonné leur accord à la formation d'un acte définitif, aucun contrat n'a été conclu si cet acte n'est pas intervenu,

- il résulte des mentions du devis V9, qu'un contrat de promotion immobilière devait être obligatoirement signé pour qu'il y ait un contrat, le devis mentionnant que « la proposition devait être réalisée dans le cadre d'une contractualisation d'un contrat de promotion immobilière »,

- le contrat de promotion immobilière n'a jamais été signé,

- le projet ne mentionne pas l'identité du maître de l'ouvrage,

- le mail du 5 septembre 2022 émis par la SARL Cubic 33 démontre qu'elle attendait également la signature du contrat et que les parties en étaient au stade des discussions,

- elles avaient précisé à la SARL Cubic 33 qu'elles attendaient la confirmation des financements,

- elles précisaient dans le mail ne pas avoir l'autorisation de signer le contrat de promotion immobilière en l'état,

- la SARL Cubic 33 n'a jamais contesté la mise en concurrence, ni le refus de leur part de signer le contrat de promotion immobilière,

- le prix de la prestation de la SARL Cubic 33 a toujours fait défaut, étant précisé qu'il n'est pas inclus dans le poste « honoraires d'études », qui concerne les autres intervenants à intégrer au cout de la construction,

- si ce prix est intégré au coût de la construction, son montant précis n'est pas déterminé,

2/ Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SARL Cubic 33 de ses demandes en paiement au titre de la responsabilité contractuelle

La SAS Involve group et la SAS Involve development affirment que :

- la SARL Cubic 33 ne démontre pas l'existence d'un préjudice,

- seule la SAS Involve group pourrait être liée par un contrat et une société non partie à un contrat ne peut être condamnée solidairement,

- les pièces 33 à 41 de la SARL Cubic 33 n'ont jamais été communiquées auparavant et ne démontrent pas que les employés de la SARL Cubic 33 ont travaillé sur le projet,

- le pourcentage relatif aux honoraires de la SARL Cubic 33 ne figure pas dans l'offre V9,

- les documents communiqués ne permettent pas de déterminer le nombre d'employés de la SARL Cubic 33 impliqués dans le projet, ou le nombre d'heures de travail,

- la SARL Cubic 33 ne produit aucun élément relatif à la perte de chance d'obtenir d'autre marchés,

- le litige n'a pu avoir un impact sur le chiffre d'affaire de l'année 2022,

- la rupture abusive et vexatoire n'est pas démontrée.

3/ Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SARL Cubic 33 de ses demandes au titre de la responsabilité délictuelle

La SAS Involve group et la SAS Involve development affirment que :

- la rupture unilatérale des pourparlers ne peut constituer un fait générateur de responsabilité et la rupture en elle-même n'est pas fautive,

- la SARL Cubic 33 ne caractérise aucune faute de chacune des deux sociétés,

- la SARL Cubic 33 n'a pas été entretenue dans la croyance erronée que le contrat de promotion immobilière allait être régularisé, au vu des mails envoyés évoquant une mise en concurrence,

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.

Motifs de la décision :

§1 Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Involve group et de la SAS Involve development

Les articles 1113 et suivants du code civil disposent que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

L'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Par ailleurs, aux termes des articles L221-1 du code de la construction et de l'habitation et 1831-1 du code civil, " Le contrat de promotion immobilière est un mandat d'intérêt commun par lequel une personne dite " Promoteur immobilier " s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou de plusieurs édifices ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792,1792-1,1792-2 et 1792-3 du présent code.

Si le promoteur s'engage à exécuter lui-même partie des opérations du programme, il est tenu, quant à ces opérations, des obligations d'un locateur d'ouvrage. "

Le contrat de promotion immobilière est ainsi un contrat par lequel le maître de l'ouvrage charge son cocontractant d'édifier un ouvrage et de gérer l'ensemble de l'opération.

Le contenu du contrat est, dans le secteur libre, laissé à la volonté des parties. Il ne sera donc soumis qu'aux conditions générales de validité des contrats et aux conditions d'existence du contrat de promotion immobilière.

Les éléments constitutifs du contrat sont l'objet, les taches du mandataire, le prix convenu et enfin la rémunération du promoteur.

Le promoteur immobilier s'engage à réaliser un programme de construction «pour un prix convenu ». Le prix convenu, n'est pas le coût de la construction stricto sensu mais le coût total de l'opération, à l'exclusion toutefois de la rémunération du promoteur.

Comme l'objet, les tâches du promoteur et le prix convenu, la rémunération du promoteur est de l'essence même du contrat de promotion immobilière.

Le prix doit notamment être déterminé ou déterminable, en application de l'article 1163 du code civil.

Ce contrat se caractérise par ses modalités financières : Se distinguent ainsi d'une part, le « prix convenu », constitutif de l'enveloppe financière déterminée dans le contrat, que le promoteur affectera au paiement des locateurs d'ouvrage qui réaliseront le programme de construction et, d'autre part, la « rémunération convenue », destinée à payer les prestations du promoteur lui-même pour les «opérations juridiques, administratives et financières » concourant à la réalisation du programme.

Ces deux éléments financiers doivent être nécessairement fixés au moment de la conclusion du contrat, ad validitatem.

En l'espèce, la SARL Cubic 33 verse aux débats en pièce 7 l'offre litigieuse. Elle est intitulée en page 1 « Détails de l'offre financière offre V9 du 21/06/2022 »

En page 4, elle est intitulée « INVOLVE [Localité 7] - Construction d'un bâtiment d'activité ' Contrat de Promotion Immobilière »

La mention « Contrat de Promotion Immobilière » est reprise en pages 4 et 5

Cette offre comprend au titre des remarques générales les mentions suivantes :

« Cette présente version est établie suite à la réunion du 31 mai 2022.

Afin de diminuer les assurances, Cubic 33 propose de porter le projet en Contrat de Promotion Immobilière (CPI).

En annexe, Cubic 33 vous propose une gestion du projet en libre ouvert »

La page 6 est intitulée « Proposition en livre ouvert avec prix maximum garanti »

« Offre de référence : V9 du 21/06/2022 »

Au titre des commentaires, il est indiqué :

« Cette proposition est réalisée dans le cadre d'une contractualisation en CPI dans lequel il sera indiqué un prix de vente de référence comme cité ci-dessus.

Cette proposition n'intègre pas de clause de révision de prix.

Dans le cas d'une dégradation des achats, le montant du projet sera bloqué avec un prix garanti de 3 248 500 € HT.

Cubic fera son affaire des hausses au-dessus de ce montant ».

Cette offre V9 a été acceptée par le groupe RDP, le 24 juin 2022, avec la mention « bon pour accord ». Le cachet du groupe RDP est également apposé.

Il est constant que le devis V9 émis par la SARL Cubic 33 comportait une offre et un prix.

Comme le soulignent les premiers juges, l'offre V9 détaille précisément le coût de chaque poste technique ainsi que l'assurance et les honoraires. Le groupe RPD a apposé sa signature ainsi que son cachet commercial, sans émettre de réserve, de contre-proposition ou de condition suspensive.

En raison de cet accord sur la chose et le prix, un contrat a ainsi été conclu entre la SARL Cubic 33 et le groupe RPD.

C'est en vain que la SAS Involve group et la SAS Involve development invoquent un mail écrit par elles le 05 septembre 2022, soit après l'acceptation de l'offre V9, évoquant la nécessité de mettre en concurrence la SARL Cubic 33.

Il leur appartenait de procéder à une mise en concurrence des projets avant d'accepter le projet V9 et de faire insérer dans cet acte une condition suspensive s'il existait une quelconque difficulté quant aux financements.

Au surplus, l'attitude des SAS Involve group et SAS Involve development postérieurement à la signature de ce contrat confirme l'existence de relations contractuelles entre elles même et la SARL Cubic 33. En effet, sans jamais reparler d'une éventuelle mise en concurrence ou de difficultés de financement, elles vont solliciter la SARL Cubic 33 pour faire des modifications sur le projet, vont participer à des réunions en sa présence, ce qui démontre bien l'existence de relations contractuelles entre les parties.

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent la SAS Involve group et la SAS Involve development, les parties n'en étaient plus au stade des pourparlers et un contrat a été conclu entre elles.

Il doit maintenant être analysé si ce contrat signé par le groupe RPD est un contrat de promotion immobilière.

Les deux parties étant commerçantes, la preuve du contrat peut être faite par tous moyens.

En l'espèce, il doit être relevé que le devis signé par le groupe RPD ne prévoit pas expressément la rémunération de la SARL Cubic 33.

Il résulte en effet de la pièce 7 de la SARL Cubic 33, que la ligne honoraire d'études, 198 478 euros, correspond à la rémunération de la maîtrise d''uvre, du géomètre expert, des différents bureaux d'étude, de contrôle et du coordinateur SPS.

En outre, il résulte du comportement des parties et notamment de la SARL Cubic 33, postérieurement à la signature de ce devis, qu'elle avait conscience que l'acte signé ne correspondait pas à un contrat de promotion immobilière.

En effet, suivant mail en date du 04 juillet 2022, la SARL Cubic 33 a adressé à la SAS Involve group et la SAS Involve development le projet de contrat de promotion immobilière qui ne sera in fine jamais signé.

En conséquence, le devis V9 ne peut être qualifié de contrat de promotion immobilière.

Pour autant, un lien contractuel existe entre les parties, sans qu'il soit besoin de qualifier ce contrat, sui generis.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que les parties étaient liées par une relation contractuelle.

§2 Sur la personne morale signataire du contrat

La SARL Cubic 33 sollicite la condamnation in solidum de la SAS Involve group et de la SAS Involve development à lui payer des dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle.

Aux termes de l'article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.

Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.

En l'espèce, le devis V9 a été accepté par le groupe RDP, représenté par Mr [G].

Si la SAS Involve development s'appelait auparavant « RDP Development», elle ne s'appelait pas « Groupe RDP » et il n'est donc pas démontré que ce soit elle qui ait signé le devis V9.

Au surplus, il n'est pas contesté que le bâtiment est destiné à l'activité de la société Plastifal et que le permis de construire a été déposé au nom de la SCI Ekisfer, deux filiales de la SAS Involve group.

Dès lors, il sera jugé que la SAS Involve development n'a pas signé le contrat, qui a été signé par la seule SAS Involve group, en sa qualité de holding. Seule la responsabilité contractuelle de la SAS Involve group est ainsi susceptible d'être engagée en cas de faute.

§3 Sur les manquements contractuels allégués

Au terme des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Les articles 1231-1 et suivants du code civil, énoncent que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

Le devis V9 émis par la SARL Cubic 33 et signé par la SAS Involve group emportait obligation pour les parties de continuer à travailler ensemble afin de faire aboutir leur projet commun.

Le mail écrit par Mr [N] [G], représentant de la holding le 5 septembre 2022, par lequel il évoque la volonté du groupe de procéder à une remise en concurrence, alors que le devis V9 venait juste d'être accepté constitue une faute, de la SAS Involve group.

Au surplus, hormis ce mail, la SAS Involve group n'a jamais expliqué à la SARL Cubic 33 en quoi elle entendait procéder à une remise en concurrence, ni à quel moment et selon quelles modalités concrètes. Elle n'a pas non plus explicité les difficultés de financement évoquées.

Au contraire, elle a poursuivi les réunions et demandé à la SARL Cubic 33 de procéder à des modifications, lui faisant croire que la relation contractuelle se poursuivait sans difficultés, au lieu de mettre le projet en pause afin de clarifier la situation juridique et financière.

Par ailleurs, il est démontré par les pièces 11 et 12 versées aux débats par la SARL Cubic 33, que suite à la signature du devis V9, la SAS Involve group a participé à des réunions de travail ayant pour objet de faire évoluer le projet.

Ainsi, le mardi 27 septembre 2022, la SARL Cubic 33 envoie un mail à différents interlocuteurs de la SAS Involve group dont Mr [N] [G], pour indiquer :

« Nous vous confirmons notre présence pour ce jeudi 29/09 à 15h30 sur [Localité 6].

(')

Objet de l'échange :

- demandes CARSAT

- ajuster le descriptif Cubic 33

- vérifier la nécessité du RIA

- échanger sur les retours d'offres négociées avec les entreprises et sur le coût global de l'opération. »

Le mercredi 19 octobre 2022, la SAS Involve group envoie à la SARL Cubic 33 un mail indiquant :

« Afin de préparer notre prochain échange téléphonique, voici les options à chiffrer :

- dallage 5T / m² dans le local moule et l'atelier de mécanique,

- acrotère BA pour la toiture des bureaux,

- ventelles sur 14m (longueur) x 3m (hauteur) pour masquer les groupes froids,

- barrière écluse pour la mezzanine

- abri de 42m² pour les bennes, avec dalle, charpente et toiture ».

Ces mails témoignent de ce que la SAS Involve group a poursuivi la relation contractuelle dans le but de finaliser l'opération de construction.

La SAS Involve group a ainsi maintenu la SARL Cubic 33 dans la croyance de ce que l'exécution du projet et du contrat se poursuivait normalement.

Le fait d'assister à des réunions de travail et de demander à la SARL Cubic 33 d'engager du travail pour modifier le projet, pour in fine, refuser de signer le contrat de promotion immobilière constitue également une faute de la part de la SAS Involve group.

Par contre, la SARL Cubic 33 n'invoque aucune pièce au soutien de sa prétention selon laquelle la SAS Involve group aurait ensuite utilisé les plans et marchés de travaux établis par elle-même pour contractualiser directement avec les intervenants à la construction. Ce point sera en conséquence considéré comme une simple affirmation non étayée.

Au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus, il sera jugé que la SAS Involve group a commis plusieurs fautes qui engagent sa responsabilité contractuelle.

§4 Sur les préjudices subis par la SARL Cubic 33

Sur la facture impayée

La victime d'un dommage doit pouvoir obtenir réparation intégrale de son préjudice et une remise en l'état comme si rien n'était arrivé. Le propre de la responsabilité civile est en effet de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. Les dommages et intérêts s'évaluent au jour du jugement ou de la transaction qui les liquide.

Dès lors qu'il ressort des éléments soumis au juge que le défendeur a subi un préjudice, le juge ne peut le débouter de sa demande d'indemnisation au motif qu'il ne produit pas d'éléments suffisants pour procéder à l'évaluation (Cour de cassation 2ème civile 28 mai 2025, n°23-20.477).

Au surplus, en application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La SARL Cubic 33 verse aux débats une facture 2023-1-C19 (pièce 29 la SARL Cubic 33) d'un montant de 92 000 euros HT, soit 110 400 euros TTC.

Cette facture reprend en objet : « frais des sommes engagées au titre de la construction d'un bâtiment d'activité selon détail ci-joint »

La SARL Cubic 33 a ainsi facturé au taux horaire et selon l'avancement de chaque phase, les phases APD/PRO, des missions organisationnelles (coordination des intervenants de la maîtrise d''uvre, établissement, présentation et diffusion des dossiers, synthèse économique des investissements, plan de principe d'installation de chantier et note méthodologique générale d'exécution des travaux en liaison avec le CSPS), la phase ACT (assistance pour la passation des contrats de travaux), des missions organisationnelles (coordination des intervenants de la maîtrise d''uvre et préparation des dossiers marchés BE géotechnique/bureau de contrôle/BE thermique).

Contrairement à ce que soutient la SAS Involve group dans ses conclusions, les 3% évoqués par la SARL Cubic 33 dans son courrier officiel du 1er février 2023 ne correspondent pas à des honoraires que se verserait la SARL Cubic 33, mais à l'état d'avancement du projet. Ainsi qu'expliqué dans le courrier en question : « entre juin et octobre 2022, la SARL Cubic 33 a en effet assuré la réalisation des phases APD, DCE et ACT, représentant 3% du marché, soit 90298,41 euros HT (3% de 3009 947 euros HT) ».

La SARL Cubic 33 estime donc qu'elle a réalisé 3% du devis V9 signé entre elle-même et la SAS Involve group et qu'elle doit en recevoir paiement.

Il doit être analysé si la SARL Cubic 33 a bien accompli tous les postes repris dans cette facture.

Le devis et la première facture 2021-1-C58 payée à la SARL Cubic 33 intitulée DEVIS AVANT PROJET CONCEPTION (pièces 5 et 6) comprennent une mission « conception APS-APD », « réalisation des plans masse, plan intérieur, coupe, façade, insertion dans le site ».

Or, la facture litigieuse 2023-1-C19 (pièce 29 la SARL Cubic 33) reprend également ces postes « plans masse/VRD et plans ensemble/COUPES/FACADES », sans que la SARL Cubic 33 n'explique en quoi ces plans sont différents ou nécessaires par rapport à ce qui a été payé lors du premier devis. Ces postes de la facture seront en conséquence écartés (6500 euros HT), comme ne faisant pas partie du préjudice subi par la SARL Cubic 33.

Par ailleurs, la SARL Cubic 33 démontre avoir établi les différents CCTP pour chacun des lots, (pièces 20 à 28 la SARL Cubic 33).

En outre, la SARL Cubic 33 verse aux débats différentes pièces 33 à 41 démontrant qu'elle a effectivement procédé à la consultation des entreprises, que plusieurs entreprises ont été consultées pour certains lots. Les employés de la société ont ainsi nécessairement passé un temps conséquent sur ce dossier.

Il n'est pas anormal que la SARL Cubic 33 ne puisse justifier du nombre de salariés et du nombre d'heures passées sur chaque dossier, la rémunération du contrat de promotion immobilière envisagée n'étant pas horaire, mais au forfait.

Le fait pour elle de calculer son préjudice en pourcentage du contrat est ainsi tout à fait justifié.

Par contre, les pièces 17 et 18 versées aux débats par la SARL Cubic 33 sont tout à fait insuffisantes pour établir que le CCAG et le CCAP ont été établis, s'agissant des conditions particulières de contrat d'entreprise ou de louage d'ouvrage « en blanc » c'est-à-dire non remplis. Ce poste de la facture sera en conséquence écarté (1500 euros HT).

Au regard de ces éléments, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la SARL Cubic 33 de sa demande de dommages et intérêts.

Après analyse de la facture 2023-1-C19 (pièce 29 la SARL Cubic 33), la SAS Involve group sera condamnée à payer à la SARL Cubic 33 la somme de 84 000 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2023, date de la mise en demeure d'avoir à payer la facture litigieuse.

Sur la perte de chance d'obtenir d'autres marchés

La SARL Cubic 33 invoque en réalité deux pertes de chance : d'une part la perte de chance d'obtenir d'autres marchés et d'autre part, la perte de chance de mener à bien l'opération immobilière avec la SAS Involve group et ainsi de percevoir des honoraires à ce titre.

Concernant la perte de chance de mener à bien l'opération immobilière avec la SAS Involve group, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, il n'est statué que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il ne sera dès lors pas statué sur les prétentions formées par la SARL Cubic 33 dans le corps de ses conclusions et non reprises dans son dispositif.

Il n'y a ainsi pas lieu d'apprécier si la SARL Cubic 33 a subi une perte de chance de mener à bien l'opération immobilière avec la SAS Involve group.

Concernant la perte de chance d'obtenir d'autres marchés, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

La perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. (Cour de cassation 1ère civile 16 juillet 1998), sauf si le préjudice est certain. (Cour de cassation 3ème civile, 21 mai 2014).

La SARL Cubic 33 démontre que son chiffre d'affaires a baissé pour l'année 2022. Pour autant, elle ne démontre pas qu'il existe un lien entre la non réalisation du contrat de promotion immobilière avec la SAS Involve group et la baisse de son chiffre d'affaires, de nombreux facteurs extérieurs au litige pouvant expliquer cette baisse du chiffre d'affaire, alors que l'on se situe à peine à deux années de la fin du COVID.

Il est par contre certain que le temps passé par la SARL Cubic 33 sur le dossier de la SAS Involve group n'a pu être investi à répondre à d'autres appels d'offre ou à prospecter d'autres marchés. En ce sens, la SARL Cubic 33 subit un préjudice. Il est cependant modéré car rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait remporté ces marchés. Il sera en conséquence alloué à la SARL Cubic 33 la somme de 15 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir d'autres marchés.

Sur la rupture abusive et vexatoire

Il est indéniable que la SARL Cubic 33 a rompu ses engagements contractuels.

En effet, il résulte du mail en date du 5 septembre 2022, que la SAS Involve group a signé le devis V9 sans s'être assurée au préalable qu'elle disposait bien des financements lui permettant de réaliser l'opération.

De même, elle a voulu procéder après la signature du devis à la mise en concurrence qui aurait du logiquement avoir lieu avant la signature d'un quelconque devis.

Pour autant, ce comportement s'analyse davantage en une négligence de sa part qu'en une démonstration de mauvaise foi.

Au regard de ces éléments, la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Cubic 33 au titre de la rupture abusive et vexatoire sera rejetée.

§5 Sur les frais irrépétibles

Au vu de la solution du litige, conformément à la demande de la SARL Cubic 33, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge des frais de procédure par elle engagés et condamné la SARL Cubic 33 aux dépens prévus par l'article 695 du code de procédure civile.

La SAS Involve group qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SARL Cubic 33 la somme de 6.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

En outre, la SARL Cubic 33 sera condamnée à payer à la SAS Involve development la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- jugé que les parties étaient liées par une relation contractuelle

- débouté la SARL Cubic 33 de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la responsabilité délictuelle,

INFIRME pour le surplus le jugement déféré et statuant à nouveau pour plus de clarté :

DIT que la SAS Involve development n'a pas signé le contrat V9 du 21/06/2022, qui a été signé par la seule SAS Involve group,

DIT que la SAS Involve group a commis des fautes qui engagent sa responsabilité contractuelle

CONDAMNE la SAS Involve group à payer à la SARL Cubic 33 la somme de 84 000 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2023, au titre de la facture 2023-1-C19,

CONDAMNE la SAS Involve group à payer à la SARL Cubic 33 la somme de 15 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, au titre de la perte de chance d'obtenir d'autres marchés,

DEBOUTE la SARL Cubic 33 du surplus de ses demandes indemnitaires,

CONDAMNE la SAS Involve group aux dépens de l'instance d'appel.

CONDAMNE la SAS Involve group à payer à la SARL Cubic 33 la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SARL Cubic 33 à payer à la SAS Involve development la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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