Cass. com., 9 octobre 2019, n° 16-19.755
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mouillard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 août 2005, Mme B... a constitué la société La Forêt blanche (la société) ; que par un acte du 21 décembre 2005, la société Banque de la Réunion, devenue la société Caisse d'épargne Provence Alpes Corse (la banque), a consenti à la société un prêt d'un montant de 250 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de Mme B..., à concurrence de 162 500 euros, un nantissement de fonds de commerce et le cautionnement de la Sofaris ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 13 août 2008, la banque a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à Mme B..., qui l'a contesté ;
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la banque à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts et de la condamner à payer à la banque la somme de 162 500 euros alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute l'établissement de crédit qui sollicite un cautionnement pour garantir une opération dont il n'ignore pas l'absence de viabilité de sorte qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée par Mme B..., sans aucune opposition ni contestation de la banque, si n'était pas fautif l'octroi d'un crédit de 250 000 euros à une EURL au capital social de 8 000 euros, créée deux mois plus tôt, dépourvue de ressources, ce crédit étant affecté à l'acquisition de différents fonds de commerce aux résultats bénéficiaires très faibles, déjà endettés à hauteur de 334 897 euros, et débiteurs d'une somme de 137 500 euros envers l'établissement prêteur, aucun de ces faits, établis, n'étant contestés par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, aujourd'hui devenus respectivement les articles 1231-1 du code civil et 1240 du code civil ;
2°/ qu'en énonçant que Mme B... n'apportait pas de preuve à l'appui de ses allégations, sans analyser, ne serait-ce que sommairement, les documents par lesquels cette dernière établissait, sans être contestée par la banque, les conditions de formation de la société ainsi que les conditions d'acquisition des fonds de commerce financée à l'aide du prêt cautionné, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article L. 650-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; que Mme B... ne s'étant prévalue d'aucun des trois cas permettant d'engager la responsabilité de la banque, le moyen, qui se borne à contester les motifs de l'arrêt écartant toute faute de celle-ci dans l'octroi du crédit litigieux, est inopérant ;
Sur le même moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que Mme B... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que la seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale de la caution ne suffit pas à établir que cette dernière est une caution avertie si bien qu'en déduisant la qualité de caution avertie de Mme B... de la seule circonstance que cette dernière était dirigeante de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, aujourd'hui devenus respectivement les articles 1231-1 du code civil et 1240 du code civil ;
Mais attendu que, par le motif critiqué, la cour d'appel a rejeté la demande de Mme B... fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil quant au mécanisme de la garantie Sofaris, sur lequel le caractère averti ou non de la caution est sans incidence ; que le moyen est inopérant ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme B... d'imputation des paiements effectués par la société débitrice principale prioritairement sur le capital et la condamner, en qualité de caution, à payer à la banque la somme de 162 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2010, l'arrêt, après avoir retenu que la banque n'avait pas fourni à la caution l'information légale prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et qu'elle devait être déchue des intérêts au taux conventionnel à compter du 31 mars 2006, retient que, dans la mesure où le principal de la créance au titre du crédit de 250 000 euros, qui s'élevait à la somme de 197 297,39 euros le 15 octobre 2008, excède largement le montant de l'engagement de Mme B..., il n'y a pas lieu d'inviter la banque à produire un nouveau décompte expurgé des intérêts échus, et que la caution n'est pas fondée à invoquer l'article 1256 du code civil pour demander l'imputation des paiements effectués par la société prioritairement sur le capital ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la caution fondait sa demande d'imputation des paiements effectués par la société débitrice principale par priorité sur le capital de la dette sur le manquement de la banque à son obligation d'information annuelle de la caution prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, même si elle se prévalait, en outre, des dispositions de l'article 1256 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, pour demander l'imputation des paiements sur la partie cautionnée de la dette, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme B... d'imputation des paiements effectués par la société La Forêt blanche prioritairement sur le capital, condamne la caution à payer à la société Banque de la Réunion la somme de 162 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2010, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Caisse d'épargne Provence Alpes Corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.