Cass. com., 13 mars 2012, n° 10-30.923
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Favre
Attendu, selon les arrêts attaqués (Metz, 7 mai 2009, 17 mars et 17 juin 2010), que le 28 septembre 2002, M. et Mme X... (les cautions) se sont rendus cautions solidaires, envers la caisse de crédit mutuel de Yutz (la caisse), des engagements de la société Mobilshop (la société), dont leur fils était le gérant ; que la société ayant été mise en faillite le 22 juillet 2003, la caisse, après avoir déclaré sa créance, a assigné en paiement les cautions, qui ont invoqué la nullité de leur engagement pour réticence dolosive et absence de cause et ont opposé divers manquements de la caisse ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 mai 2009 :
Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigés contre cet arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les arrêts du 17 mars et 17 juin 2010 :
Sur le premier moyen :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt du 17 mars 2010 de les avoir condamnées solidairement à payer à la caisse la somme de 159 794, 89 euros avec intérêts au taux de 12, 27 % à compter du 1er janvier 2003, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se référant au fait que les cautions étaient actionnaires d'une société différente de la société cautionnée pour décider qu'elles ne sont aucunement profanes dans le monde des affaires mais sont parfaitement à même par leurs compétences propres d'apprécier la situation de la société cautionnée et pour en déduire que la caisse n'était pas débitrice à leur égard d'une obligation d'information, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les articles 1116 et 1134, alinéa 3, du code civil ;
2°/ que tenue de motiver sa décision, la cour d'appel ne peut procéder par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant pourtant que la situation bancaire de la société était le seul élément qui avec certitude était en possession de la caisse sans autres motifs ni référence ou analyse des documents de la cause, tandis que les premiers juges avaient jugé que la caisse ne pouvait ignorer que l'exercice 2001 s'était clôturé par une perte record de l'ordre de 765 000 euros qui n'a pas pu manquer de l'inquiéter au plus haut point et que la caisse, elle-même, ne contestait pas avoir eu connaissance du bilan de la société pour 2001, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en retenant que rien ne permettait d'affirmer que les difficultés de la société de l'été 2002 n'étaient pas simplement passagères et ne pouvaient être résorbées à bref délai tandis qu'elle constatait elle-même que le bilan de cette société pour 2001 faisait apparaître une perte de 765 900 euros disproportionnée au regard de son capital qui demeurait de 30 986, 69 euros, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'un établissement financier ne peut octroyer un crédit sans vérifier les capacités financières de l'emprunteur ; que la contemplation des seuls comptes bancaires de l'emprunteur est insuffisant à cet égard ; qu'en se fondant, pour écarter la faute de la caisse, sur la circonstance que celle-ci n'avait pas connaissance du bilan de la société emprunteuse pour l'année 2001 lors de l'octroi du crédit mais seulement de ses comptes bancaires, ce qui caractérisait le manquement imputable à l'établissement de crédit qui n'avait pas vérifié les capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
5°/ que le créancier cautionné ne peut se prévaloir de la clause du contrat de cautionnement qui énonce que la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son engagement dès lors qu'il l'avait stipulée en connaissance des difficultés financières du débiteur principal ; qu'en se fondant néanmoins sur cette clause de style pour exclure la réticence dolosive de la banque concernant les difficultés financières du débiteur dont elle avait connaissance, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1116 du code civil ;
6°/ que l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet ; que la cause de l'engagement des cautions résidait dans le crédit accordé à la société ; qu'en considérant néanmoins que la dénonciation du découvert par la caisse intervenue à bref délai après l'engagement des cautions ne privait pas celui-ci de toute cause au motif insuffisant que l'engagement personnel de leur fils n'avait pas été respecté, sans rechercher si les cautions savaient que le respect de cet engagement conditionnait le maintien du crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que les cautions, par leurs fonctions respectives dans d'autres sociétés que la société cautionnée, sont rompues au domaine des affaires, en mesure d'appréhender la situation de la société dirigée par leur fils et d'apprécier les risques pris par eux au cas d'une éventuelle défaillance du débiteur, l'une étant président du conseil d'administration et l'autre associée d'une société tierce, de sorte qu'elles ne sont pas profanes dans le domaine des affaires mais sont à même par leurs compétences propres d'apprécier la situation de la société dirigée par leur fils et la portée de leur engagement pris envers la caisse au cas de défaillance de la société, ainsi que les risques pris par eux au titre de la garantie ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la caisse n'était débitrice à leur égard ni d'une obligation d'information, de sorte que la critique de la cinquième branche est inopérante, ni d'un devoir de mise en garde, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, sous le couvert de griefs infondés de défaut et de contradiction de motifs, ne tend qu'à remettre en question le pouvoir souverain de la cour d'appel, qui a retenu, des éléments mis au débat, qu'il n'était pas démontré que la caisse avait eu connaissance d'une situation irrémédiablement compromise de la société ;
Attendu, en dernier lieu, qu'ayant relevé que le cautionnement intervenait après l'engagement de leur fils de régulariser le compte de sa société au 31 octobre 2002, et que la banque avait maintenu le niveau de découvert en compte tant que les engagements de celui-ci, y compris lors d'un nouvel échelonnement du remboursement, avaient été respectés, faisant ainsi ressortir que l'engagement de caution avait une cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ;
Que dès lors le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt du 17 juin 2010 de les avoir condamnées solidairement aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et dit que les frais et dépens de première instance et d'appel seront frais privilégiés de la procédure de faillite de la société, alors selon le moyen, que la cassation de l'arrêt du 17 mars 2010 entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 17 juin 2010 qui, se bornant à compléter l'arrêt du 17 mars 2010 quant aux frais et dépens, n'en est que la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le pourvoi formé contre l'arrêt du 17 mars 2010 ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 7 mai 2009 ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du treize mars deux mille douze.