Cass. com., 8 avril 2015, n° 13-26.734
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mouillard
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et la société Sudre, en qualité de liquidateur judiciaire de la société 2MH, que sur le pourvoi incident relevé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 8 février 2008, la société 2MH a contracté auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France (la caisse) deux emprunts pour financer l'acquisition des titres composant le capital de la société Etablissements Levigne et fils ; que M. X... (la caution), gérant de la société 2MH, s'est rendu caution de ces engagements ; que cette société étant défaillante, la caisse l'a assignée, ainsi que la caution, en paiement des sommes dues au titre des prêts et du solde de son compte courant ; que la société 2MH ayant été mise en liquidation judiciaire, son liquidateur est intervenu à l'instance ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que la caution et le liquidateur font grief à l'arrêt de fixer aux sommes de 1 063 282, 19 euros, 987 998, 03 euros et 10 547, 97 euros les créances de la caisse et de condamner la caution à leur paiement alors, selon le moyen, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des éléments du patrimoine financés par l'opération garantie ; qu'en tenant compte, pour apprécier le patrimoine de M. X..., de la valeur des parts de la société Levigne, dont il est devenu, indirectement, propriétaire par l'effet de l'opération pour le financement de laquelle il s'est porté caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Mais attendu que la caution, tout en alléguant, au visa de l'article L. 341-4 du code de la consommation, que son engagement était manifestement disproportionné, n'a pas demandé à la cour d'appel de déchoir la caisse du droit de s'en prévaloir mais de la condamner à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale à celles qui lui étaient réclamées ; qu'ayant ainsi fondé ses prétentions sur la responsabilité civile de droit commun du créancier, la caution ne peut reprocher à la cour d'appel d'avoir violé un texte dont celle-ci n'a pas fait application ; que le moyen est inopérant ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 10 547, 97 euros la créance de la caisse au passif de la liquidation judiciaire de la société 2MH, outre intérêts au taux légal à compter du 1er février 2011, au titre du solde débiteur de son compte courant et condamner la caution à son paiement, l'arrêt retient que la société 2MH critique l'absence de production des relevés de février 2008 à février 2009 mais ne discute pas que le compte ait présenté un solde débiteur de 893, 17 euros en février 2009, la preuve de la créance de la caisse étant ainsi rapportée, contrairement à ce que soutient sans motivation sérieuse la société 2MH ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société 2MH soutenait qu'il n'était apporté aucune information sur les opérations au débit ou au crédit du compte entre février 2008 et février 2009 et que la caisse, en se bornant à affirmer que le compte était débiteur de 893, 17 euros au 5 février 2009, sans justifier du montant utilisé comme point de départ de son calcul, ne rapportait pas la preuve de sa créance, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 1152 du code civil ;
Attendu que, pour « annuler » la clause pénale stipulée dans le contrat de prêt, l'arrêt retient que les sommes correspondantes, qui ne sont pas justifiées par la caisse autrement que par leur caractère contractuel, sont manifestement excessives ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'absence de préjudice subi par la caisse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 10 547, 97 euros la créance de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre France au passif de la liquidation judiciaire de la société 2MH au titre du solde débiteur de son compte courant, outre intérêts au taux légal à compter du 1er février 2011, condamne M. X... au paiement de cette somme, annule la clause pénale stipulée dans les contrats de prêt, arrête en conséquence à 1 063 282, 19 et 987 998, 03 euros les sommes à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société 2MH et à payer par M. X..., l'arrêt rendu le 11 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.