Cass. com., 5 novembre 2025, n° 24-12.676
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Thomas
Avocat :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 décembre 2023), M. [G] a, suivant reconnaissance de dette datée du 11 mars 2010, prêté la somme de 20 000 euros à [N] [B], devenu peu après gérant de la société Centrale Auto, lequel lui a cédé le 1er mars 2015 la totalité des parts sociales de cette société moyennant le prix de 20 000 euros.
2. [N] [B] est décédé le 1er septembre 2017 en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Mme [D], et sa fille [Z] [B], issue d'une d'une précédente union. Par un jugement du 27 mars 2018, la société Centrale Auto a été mise en liquidation judiciaire.
3. Mme [D] a assigné M. [G] en paiement du prix de cession des parts sociales de la société, puis Mme [B] en intervention forcée.
4. Mmes [D] et [B] ont fait appel du jugement qui avait notamment constaté la compensation des créances réciproques.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [D] fait grief à l'arrêt de constater que M. [G] s'est libéré de sa dette d'un montant de 20 000 euros au titre d'un acte de cession de parts sociales du 1er mars 2015 à la date du 1er mars 2015, de rejeter sa demande en paiement et sa demande en réparation, alors « que l'aveu judiciaire, qui fait pleine foi contre celui qui l'a fait, permet de prouver outre ou contre l'écrit ; qu'en se bornant à relever qu'il était stipulé dans l'acte de cession de parts sociales du 1er mars 2015 que le prix de cession de 20.000 euros avait été payé par M. [G] à M. [B], pour en déduire qu'il se trouvait dès cette date libéré de sa dette, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée si, en se prévalant dans ses conclusions d'appel d'une reconnaissance de dette de 20 000 euros souscrite par M. [B] à son profit et d'une compensation entre leurs dettes réciproques, M. [G] n'avait pas fait l'aveu judiciaire de l'absence de règlement du prix de cession des parts sociales, contrairement à ce qui était stipulé dans l'acte de cession et, partant, s'il n'avait pas reconnu l'existence de sa propre dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1341 et 1356 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 1341 et 1356 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
7. Aux termes du premier de ces textes, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
8. Selon le second, l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait.
9. Pour rejeter la demande tendant à la condamnation de M. [G] au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du prix de cession des parts sociales de la société Centrale Auto, l'arrêt retient que M. [G] s'est libéré de cette dette au 1er mars 2015, selon les termes de l'acte de cession indiquant que le prix est payé au cédant qui en donne quittance au cessionnaire.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si, en faisant état dans ses conclusions d'une compensation entre une reconnaissance de dette qu'il détenait contre [N] [B] et la cession des parts de la société Centrale Auto, M. [G] n'a pas fait l'aveu judiciaire de l'absence de paiement du prix de cession au moment de l'acte de cession, contrairement à ce qui y est stipulé, et ainsi reconnu l'existence de sa propre dette, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [G] à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le cinq novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.