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Décisions

Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-23.957

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Chauvin

Rapporteur :

Champ

Cass. com. n° 21-23.957

10 janvier 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 septembre 2021) et les productions, la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] (la banque) a consenti à la SCI FDM (l'emprunteur) deux prêts immobiliers, garantis par Mme [B] (la caution), qui s'est portée caution solidaire.

2. Après avoir prononcé la déchéance du terme et obtenu la vente forcée de l'immeuble de l'emprunteur par un jugement d'adjudication du 17 décembre 2010, la banque a signifié à la caution un commandement de saisie-vente le 15 juin 2015.

3. Le 2 décembre 2016, la caution a assigné la banque en caducité de ses engagements et en paiement de dommages-intérêts. La banque a sollicité le paiement des sommes restant dues.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter le surplus des moyens de procédure soulevés et notamment le moyen tiré de la prescription des demandes formées à son encontre par la caution sur le fondement des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde ou défaut d'information exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; que la carence de la caution à réclamer le courrier recommandé contenant la mise en demeure n'a pas pour effet de différer le point de départ de la prescription à une date postérieure, ce d'autant plus lorsque ce courrier a été doublé d'une lettre simple ; qu'en énonçant que la banque, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de communiquer l'accusé de réception de la mise en demeure du 9 décembre 2009 signé par la caution, mais seulement le retour du document muni de la mention "Non réclamé - retour à l'envoyeur", échouait à établir que le délai de prescription des demandes au titre d'un manquement au devoir de mise en garde et à l'obligation d'information, ainsi qu'au titre d'un cautionnement manifestement disproportionné, avait pu valablement courir à compter de cette date, la réception du courrier simple par la caution n'étant pas davantage établi, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1139 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2224 du même code :

5. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

6. Il ressort du second que l'action en responsabilité de la caution contre la banque se prescrit par cinq ans à compter du jour où la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur défaillant a permis à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une disproportion de ses engagements ou de manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité et que le point de départ de son action en responsabilité à l'encontre de la banque est fixé, au jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.

8. Pour déclarer l'action en responsabilité initiée par la caution recevable, l'arrêt relève que la banque n'est pas en mesure de communiquer l'accusé de réception de la mise en demeure du 9 décembre 2009 signé par la caution, mais seulement le retour du document muni de la mention « Non réclamé - retour à l'envoyeur » et qu'elle succombe à établir que le délai de prescription des demandes a pu valablement courir à compter de cette date.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. La banque fait grief à l'arrêt de dire prescrites ses créances au titre des cautionnements consentis et de la déclarer irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la caution, alors « que l'interpellation faite au débiteur principal interrompt le délai de prescription contre la caution ; qu'en l'espèce, la caisse de Crédit mutuel d'[Localité 3] faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la procédure d'exécution forcée diligentée à l'égard de la SCI FDM, en sa qualité de débiteur principal, avait eu pour effet d'interrompre la prescription de son action en paiement à l'égard de Mme [O] [B], en sa qualité de caution ; qu'en énonçant qu'aucune interruption utile de la prescription n'était démontrée à l'égard de Mme [O] [B], en ce que les paiements opérés par cette dernière étaient postérieurs à l'expiration du délai de cinq ans ayant couru à compter du 9 décembre 2009, date de la déchéance du terme, sans rechercher si un tel effet interruptif de la prescription n'était pas acquis au regard de la procédure d'exécution forcée qui avait été diligentée antérieurement par la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] à l'encontre de la SCI FDM, ou du commandement de payer valant saisie-immobilière délivré antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2246, anciennement 2250, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2246 du code civil :

11. Selon l'alinéa 1 du premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

12. Selon le second, l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.

13. Pour déclarer la banque irrecevable en sa demande en paiement à l'égard de la caution, l'arrêt relève qu'il est établi que, si la caution a procédé à plusieurs règlements au titre des deux engagements litigieux, aucun n'est antérieur au 10 décembre 2014, date à laquelle la prescription des créances de la banque était acquise, et qu'aucune interruption utile de cette prescription n'est démontrée.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la procédure d'exécution forcée diligentée antérieurement par la banque à l'encontre de l'emprunteur n'avait pas eu un effet interruptif de la prescription, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Condamne Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [B] et la condamne à payer à la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.

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