Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-27.809
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Rémery
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 octobre 2016), que par des actes du 4 mai 2009, M. Gabriel Y... et sa mère, Mme Yolande Y..., se sont rendus cautions solidaires du remboursement d'un prêt d'équipement consenti par la société Banque populaire du Sud (la banque) à la société Yosa (la société) ; que par un acte du 16 juillet 2000, M. Gabriel Y... s'est encore rendu caution d'un prêt professionnel consenti par la banque à la société ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Gabriel Y... et Mme Yolande Y... font grief à l'arrêt de juger valables les engagements de caution de M. Y... au regard des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rejeter ses demandes de déchéance de ses engagements sur le fondement de ce texte et de le condamner à payer à la banque diverses sommes au titre de ses cautionnements alors, selon le moyen :
1°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande en déchéance de ses engagements de caution, sans rechercher si ces engagements étaient, lors de leur conclusion, manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits du litige ;
2°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'il incombe au créancier professionnel de prouver que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permet de faire face à son obligation ; qu'en jugeant au contraire qu'il appartiendrait à la caution de prouver que son patrimoine serait insuffisant pour honorer la dette au moment où elle y est appelée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits du litige ;
Mais attendu que la caution, tout en alléguant, au visa de l'article L. 341-4 du code de la consommation, que ses engagements étaient manifestement disproportionnés, n'a pas demandé à la cour d'appel, dans le dispositif de ses conclusions, de déchoir la banque du droit de s'en prévaloir mais de la condamner à lui payer des dommages-intérêts ; qu'ayant ainsi fondé ses prétentions sur la responsabilité civile de droit commun du créancier, la caution ne peut reprocher à la cour d'appel d'avoir violé un texte dont celle-ci n'a pas fait application ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Gabriel Y... et Mme Yolande Y... font encore grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. Y... de dommages-intérêts formée contre la banque alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucune des parties au litige ne prétendait que M. Gabriel Y... aurait été gérant de la société qui avait bénéficié des prêts litigieux ; qu'en se fondant sur cette circonstance pour débouter M. Y... de sa demande, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en relevant d'office, pour débouter M. Gabriel Y... de sa demande, qu'il aurait été gérant de la société qui avait bénéficié des prêts litigieux, sans inviter les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que la banque produisait elle-même aux débats un extrait K-bis de la société emprunteuse dont il ressortait clairement et précisément que la gérante de cette société était Mme Bérangère Y... née A... ; qu'en retenant que le gérant de cette société était M. Gabriel Y..., la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
4°/ que le seul fait qu'une caution soit gérante de société ne suffit pas à déduire qu'elle est avertie ; qu'en retenant que M. Y... aurait été une caution « avertie » et que la banque n'aurait donc pas été tenue d'un devoir de mise en garde à son égard, au prétexte qu'il aurait « souscrit plusieurs engagements en qualité de gérant », la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la perte de chance de ne pas contracter apparaissait comme nulle, dès lors que le montant des prêts, respectivement de 6 000 euros et 28 000 euros, était très raisonnable pour des prêts professionnels, que leur durée devait permettre à la société emprunteuse de bénéficier de mensualités modérées de 399,27 euros et 112,06 euros et que les taux d'intérêts étaient conformes à ceux généralement pratiqués à l'époque de la souscription des engagements de caution, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine, écarté l'existence de tout préjudice envers la caution résultant du manquement de la banque à son obligation de mise en garde ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants sur le caractère averti de la caution, ne peut être accueilli ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Gabriel Y... et Mme Yolande Y... font enfin grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la banque à indemniser Mme Yolande Y... à hauteur de la somme de 5 000 euros et de condamner Mme Y... à payer à la banque des sommes au titre de son engagement de caution alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucune des parties au litige ne prétendait que M. Gabriel Y... aurait été gérant de la société qui avait bénéficié des prêts litigieux ; qu'en se fondant sur cette circonstance, pour limiter le droit à indemnisation de Mme Y..., la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en relevant d'office, pour limiter le droit à indemnisation de Mme Y..., que M. Gabriel Y... aurait été gérant de la société qui avait bénéficié des prêts litigieux, sans inviter les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que la banque produisait elle-même aux débats un extrait K-bis de la société emprunteuse, dont il ressortait clairement et précisément que la gérante de cette société était Mme Bérangère Y... née A... ; qu'en retenant que le gérant de cette société était M. Gabriel Y..., la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la perte de chance de Mme Yolande Y... de ne pas contracter était faible, puisqu'en se rendant caution, elle avait manifestement voulu aider son fils à réaliser son projet professionnel, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, apprécié souverainement l'étendue du préjudice de la caution ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Gabriel Y... et Mme Yolande Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Banque populaire du Sud la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.