TUE, 6e ch. élargie, 12 novembre 2025, n° T-639/14
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI)
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. J. Costeira
Juges :
M. Kancheva, U. Öberg, E. Tichy‑Fisslberger, P. Zilgalvis
Avocats :
E. Bourtzalas, E. Salaka, C. Synodinos, H. Tagaras, V. Christianos, G. Karydis, G. Kelepouri
Arrêt
1 Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, la requérante, Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), demande, dans l’affaire T‑639/14 RENV II, l’annulation de la lettre COMP/E3/ΟΝ/AB/ark *2014/61460 de la Commission, du 12 juin 2014, l’informant du classement de ses plaintes (ci‑après la « lettre litigieuse »), dans l’affaire T‑352/15 RENV, l’annulation de la décision C(2015) 1942 final de la Commission, du 25 mars 2015 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale] (ci‑après la « première décision litigieuse ») et, dans l’affaire T‑740/17 RENV, l’annulation de la décision C(2017) 5622 final de la Commission, du 14 août 2017 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale] (ci‑après la « seconde décision litigieuse »).
I. Antécédents du litige
2 Les présentes affaires concernent essentiellement la question de savoir si le compromis d’arbitrage prévu afin de fixer le tarif de fourniture d’électricité que la requérante, producteur et fournisseur d’électricité établi à Athènes (Grèce) et contrôlé par l’État hellénique, a conclu avec son client principal, à savoir l’intervenante, Metlen Energy & Metals AE (ci-après « Metlen »), producteur d’aluminium, comporte l’octroi d’une aide d’État.
3 Le 4 août 2010, la requérante et Metlen ont signé un accord-cadre concernant le tarif de fourniture d’électricité (ci-après l’« accord-cadre ») à appliquer durant la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2013 (ci-après la « période en question »), ainsi que les modalités du règlement à l’amiable de la dette de Metlen envers la requérante, qui se serait accumulée durant la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010. Sur le fondement de cet accord, elles ont négocié le contenu d’un projet de contrat de fourniture d’électricité, sans tout de même parvenir à s’accorder sur le tarif que Metlen devait payer à la requérante pour la fourniture d’électricité.
4 Le 16 novembre 2011, la requérante et Metlen ont conclu un compromis d’arbitrage (ci-après le « compromis d’arbitrage ») par lequel elles ont volontairement décidé de confier le règlement de leur différend à l’arbitrage permanent de la Rythmistiki Archi Energeias (RAE, autorité de régulation de l’énergie, Grèce), conformément à l’article 37 de la nomos 4001/2011 gia ti leitourgia Energeiakon Agoron Ilektrismou kai Fysikou Aeriou, gia Erevna, Paragogi kai diktya metaforas Ydrogonanthrakon kai alles rythmiseis (loi 4001/2011 relative à l’opération des marchés énergétiques de l’électricité et du gaz, à la recherche, à la production et aux réseaux de transport d’hydrocarbures et à d’autres réglementations) (FEK A’ 179/22.8.2011, ci-après la « loi 4001/2011 »). Ainsi, aux fins de la résolution du différend entre les parties, le règlement du litige a été confié à un tribunal arbitral constitué conformément au compromis d’arbitrage (ci-après le « tribunal arbitral ») et à la réglementation encadrant l’arbitrage permanent de la RAE.
5 Selon le compromis d’arbitrage, la mission confiée au tribunal arbitral consistait à déterminer, sur la base des négociations ayant eu lieu entre la requérante et Metlen, un tarif de fourniture d’électricité correspondant aux caractéristiques spécifiques de Metlen et couvrant au moins les coûts supportés par la requérante. Par ailleurs, le tribunal arbitral devait tenir compte du cadre réglementaire précisé par les parties au compromis, à savoir, d’une part, de la décision n° 692/2011 de la RAE établissant les « [p]rincipes fondamentaux de [t]arification des [c]lients [h]aute [t]ension » et, d’autre part, de la décision n° 798/2011 de la RAE et de la sentence arbitrale n° 8/2010 qui avait été rendue dans le cadre d’un conflit tarifaire opposant les parties au compromis d’arbitrage et portant sur une période différente de la période en question. Entretemps, Metlen continuait à ne pas régler dans leur intégralité les factures mensuelles de la requérante dans la mesure où les parties restaient en désaccord sur le tarif qui devait être appliqué. Ainsi, la requérante a menacé Metlen d’arrêter de lui fournir de l’électricité si elle ne réglait pas les factures contestées, ce qui a amené Metlen à déposer une plainte auprès de la RAE par laquelle elle a sollicité l’adoption de mesures provisoires.
6 À la suite de la plainte de Metlen, par décision no 346/2012, du 9 mai 2012, la RAE a fixé, à titre provisoire, un tarif de fourniture d’électricité de 42 euros/MWh applicable à Metlen.
7 Le 15 juin 2012, la requérante a introduit une plainte auprès de la Commission européenne contre cette décision, enregistrée sous le numéro SA.34991 (ci‑après la « plainte de 2012 »), dans la mesure où le tarif provisoire fixé dans ladite décision l’obligerait à fournir de l’électricité à Metlen à un prix inférieur à ses coûts et constituerait une aide d’État illégale.
8 Par décision no 1/2013, du 31 octobre 2013, le tribunal arbitral a fixé un tarif de fourniture d’électricité applicable à Metlen pour la période en question à un montant brut de 40,7 euros/MWh et à un montant net de 36,6 euros/MWh (ci‑après la « sentence arbitrale »). Le 23 décembre 2013, la requérante a introduit une plainte auprès de la Commission contre la sentence arbitrale, enregistrée sous le numéro SA.38101 (ci-après la « seconde plainte »), dans la mesure où le tarif fixé dans ladite sentence était inférieur à celui qui avait été fixé provisoirement par la RAE.
9 Pour sa part, la Commission a invité les autorités helléniques à soumettre des observations sur la seconde plainte, que celles-ci ont finalement transmises à la Commission le 28 avril 2014. Lesdites autorités ont soutenu que les faits à l’origine de l’affaire n’étaient pas constitutifs d’une aide d’État. En transmettant une version confidentielle de ces observations à la requérante le 6 mai 2014, la Commission a informé celle-ci que, eu égard à l’ensemble des informations à sa disposition à ce stade préliminaire, aucune aide d’État ne semblait avoir été accordée par le tribunal arbitral. Elle l’a également invitée, au cas où celle-ci souhaitait qu’elle poursuive son examen, à produire de nouveaux éléments ou arguments qui remettraient en cause cette appréciation préliminaire.
10 À la suite d’un nouvel échange, la Commission a confirmé sa position quant à l’absence d’éléments susceptibles de constituer une aide d’État. Par la lettre litigieuse, signée par un chef d’unité de sa direction générale « Concurrence », elle a informé la requérante du classement de la seconde plainte, d’une part, en raison de l’absence d’imputabilité de la sentence arbitrale à l’État hellénique et, d’autre part, en raison de l’absence d’avantage.
11 Par recours déposé au greffe du Tribunal le 22 août 2014 et enregistré sous le numéro T‑639/14, la requérante a sollicité l’annulation de la décision de la Commission dans l’affaire SA.38101 et de la décision implicite de la Commission dans l’affaire SA.34991 telles qu’elles ressortent de la lettre litigieuse.
12 Le 25 mars 2015, la Commission a adopté la première décision litigieuse par laquelle elle a considéré, tout d’abord, que dans la mesure où la sentence arbitrale avait été appliquée rétroactivement et avait remplacé le tarif provisoire fixé par la RAE pour la période en question, la plainte de 2012 était devenue sans objet. Dès lors, elle a limité son examen à la seconde plainte. Ensuite, s’agissant de l’examen des conditions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE sur la qualification d’une mesure en aide d’État, elle a d’abord examiné le critère de l’avantage et a appliqué le principe du vendeur privé à la requérante, qui constituerait une composante du principe général de l’investisseur privé. Ainsi, elle a considéré que, au regard des circonstances de l’espèce, un investisseur privé avisé aurait également décidé de soumettre le différend avec Metlen à l’arbitrage. Par conséquent, selon elle, aucun avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’a été accordé, en l’espèce, à Metlen.
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2015, la requérante a formé un recours enregistré sous le numéro T‑352/15 et tendant à l’annulation de la première décision litigieuse.
14 Par ordonnance du 9 février 2016, DEI/Commission (T‑639/14, non publiée, EU:T:2016:77), le Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours dans l’affaire T‑639/14, au motif, notamment, que la première décision litigieuse avait abrogé et formellement remplacé la lettre litigieuse.
15 Le 22 avril 2016, la requérante a formé un pourvoi contre l’ordonnance du 9 février 2016, DEI/Commission (T‑639/14, non publiée, EU:T:2016:77), devant la Cour.
16 Par arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), la Cour a annulé l’ordonnance du 9 février 2016, DEI/Commission (T‑639/14, non publiée, EU:T:2016:77), a renvoyé l’affaire devant le Tribunal et a réservé les dépens.
17 À la suite du prononcé de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), la Commission a adopté la seconde décision litigieuse, par laquelle elle a de nouveau décidé, tout en abrogeant et remplaçant explicitement tant la lettre litigieuse que la première décision litigieuse, que la sentence arbitrale ne comportait pas l’octroi d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Les motifs exposés à l’appui de cette conclusion, fondés sur le respect du principe de l’investisseur privé, sont identiques à ceux exposés dans la première décision litigieuse.
18 Par lettres du 24 août 2017 dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15, soit à la suite de l’adoption de la seconde décision litigieuse, la Commission a demandé au Tribunal de constater que les recours dans ces affaires étaient devenus sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer.
19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 novembre 2017, la requérante a formé un recours enregistré sous le numéro T‑740/17 et tendant à l’annulation de la seconde décision litigieuse.
20 Par ordonnances du 14 mai 2018, le Tribunal a joint au fond l’examen de l’incident de procédure dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15.
21 Par décision du 26 février 2020, les affaires T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.
22 Par arrêt du 22 septembre 2021, DEI/Commission (T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17, ci‑après l’« arrêt initial », EU:T:2021:604), le Tribunal a annulé la lettre litigieuse et les première et seconde décisions litigieuses, a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante et a condamné Metlen à supporter ses propres dépens.
23 Par arrêt du 22 février 2024, Mytilinaios/DEI et Commission et Commission/DEI (C‑701/21 P et C‑739/21 P, ci‑après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2024:146), la Cour a annulé l’arrêt initial, a renvoyé les affaires T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 devant le Tribunal pour qu’il statue sur les moyens et les arguments qui avaient été soulevés devant lui et sur lesquels elle ne s’était pas prononcée et a réservé les dépens.
A. Arrêt initial
24 Le Tribunal a considéré dans l’arrêt initial que, dans la mesure où la seconde décision litigieuse avait clôturé la procédure au stade de l’examen préliminaire, elle avait empêché la requérante de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Ainsi, il a estimé que la requérante avait la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). De plus, il a rejeté l’argument de la Commission tiré du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans potest, selon lequel la requérante ne pouvait pas contester l’issue de la procédure d’arbitrage à laquelle cette dernière avait librement consenti, dans la mesure où une telle interprétation reposait sur une confusion entre l’État hellénique et la requérante, conduisant à imputer à cette dernière la prétendue satisfaction des autorités helléniques avec la sentence arbitrale. Dès lors, il a estimé que la requérante avait un intérêt à agir en annulation de la seconde décision litigieuse.
25 Ensuite, le Tribunal a considéré nécessaire d’examiner conjointement les troisième à cinquième moyens du recours T‑740/17 par lesquels la requérante avait contesté le refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, malgré ses arguments visant à démontrer que la sentence arbitrale, en tant qu’elle avait fixé le tarif en cause, octroyait un avantage en faveur de Metlen ne correspondant pas aux conditions du marché.
26 Le Tribunal a estimé que la sentence arbitrale rendue en l’espèce était susceptible de conférer à Metlen un avantage illégal imputable à l’État hellénique et, ce faisant, de rendre possible ou de perpétuer l’octroi d’une aide illégale, voire de devenir l’instrument à cet effet.
27 Dès lors, le Tribunal a annulé la lettre litigieuse ainsi que les première et seconde décisions litigieuses, a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante et a condamné Metlen à supporter ses propres dépens.
B. Arrêt sur pourvoi
28 La Commission et Metlen ont introduit des pourvois à l’encontre de l’arrêt initial.
29 Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que le tribunal arbitral pouvait être assimilé à une juridiction ordinaire et que la sentence arbitrale était une mesure étatique susceptible de constituer une aide d’État.
30 Ainsi, la Cour a retenu au point 113 de l’arrêt sur pourvoi que c’était à bon droit que la Commission avait considéré, d’une part, que la seule mesure étatique susceptible de constituer une aide d’État était la décision de la requérante de conclure avec Metlen le compromis d’arbitrage, étant donné que la requérante est contrôlée par l’État hellénique et, d’autre part, que, afin de savoir si cette décision avait conféré un avantage à Metlen, il y avait lieu de vérifier si un opérateur privé aurait, dans des conditions normales de marché, pris ladite décision aux mêmes conditions.
31 En effet, dans la mesure où la requérante et Metlen avaient volontairement saisi le tribunal arbitral, la Commission n’était pas tenue, dans les circonstances de l’espèce, d’analyser le contenu de la sentence arbitrale afin de vérifier si la décision de la requérante de conclure le compromis d’arbitrage avait procuré un avantage à Metlen au sens de l’article 107 TFUE.
32 Partant, la Cour a annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il statue sur les moyens et les arguments qui avaient été soulevés devant lui et sur lesquels elle ne s’était pas prononcée et a réservé les dépens.
II. Conclusions des parties après renvoi
33 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les demandes de non-lieu de la Commission dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV ;
– annuler la lettre litigieuse ainsi que les première et seconde décisions litigieuses ; et
– condamner la Commission et Metlen à supporter ses dépens pour les procédures devant le Tribunal et la Cour dans les affaires jointes C‑701/21 P et C‑739/21 P.
34 La Commission, soutenue par Metlen, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, prononcer un non‑lieu à statuer dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV ;
– rejeter automatiquement la première branche du sixième moyen dans l’affaire T‑740/17 RENV, sur la base du raisonnement de la Cour dans l’arrêt sur pourvoi ;
– rejeter les recours ; et
– condamner la requérante aux dépens.
35 La République fédérale d’Allemagne, intervenant au soutien de la Commission, n’a pas produit d’observations écrites sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur pourvoi au titre de l’article 193, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
III. En droit
A. Observations liminaires
36 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, à la suite de l’annulation de l’arrêt initial par la Cour et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi, en application de l’article 191 du règlement de procédure, par l’arrêt sur pourvoi et doit se prononcer une nouvelle fois sur l’ensemble des moyens d’annulation soulevés par la partie requérante, à l’exclusion notamment des éléments du dispositif non annulés par la Cour ainsi que des considérations qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée (voir arrêt du 26 janvier 2022, Intel Corporation/Commission, T‑286/09 RENV, EU:T:2022:19, point 80 et jurisprudence citée).
37 La requérante soutient que le Tribunal doit réitérer les conclusions et les appréciations de l’arrêt initial en ce qui concerne l’affaire T‑740/17, à l’exception des points 150 à 159 de celui-ci par lesquels le Tribunal avait constaté l’imputabilité de la sentence arbitrale à l’État hellénique. Selon la requérante, le Tribunal devrait notamment réitérer ses appréciations et conclusions figurant aux points 160 et suivants de cet arrêt, puisqu’elles seraient revêtues de l’autorité de la chose jugée, dans la mesure où elles n’auraient nullement été remises en cause par la Commission ou par Metlen par leurs moyens d’annulation. En tout état de cause, ces appréciations et conclusions ne constitueraient pas une question de droit, sur laquelle la Cour aurait statué, au sens de l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
38 À cet égard, il convient de relever que le point 1 du dispositif de l’arrêt sur pourvoi procède à l’annulation de l’intégralité de l’arrêt initial et que le point 2 dudit dispositif renvoie les trois affaires devant le Tribunal « pour qu’il statue sur les moyens et les arguments [qui ont été] soulevés devant lui [et] sur lesquels la [Cour] ne s’est pas prononcée ».
39 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal doit réitérer les conclusions et les appréciations de l’arrêt initial en ce qui concerne l’affaire T‑740/17, à l’exception des points 150 à 159 de celui-ci, ne saurait être retenue.
40 Ensuite, il ressort du point 118 de l’arrêt sur pourvoi que la Cour a définitivement écarté les troisième et quatrième moyens ainsi que les deux premières branches du cinquième moyen dans l’affaire T‑740/17, par lesquels, en substance, la requérante a reproché à la Commission d’avoir violé l’article 107 TFUE, dès lors qu’elle n’avait pas examiné, dans la seconde décision litigieuse, le tarif fixé par la sentence arbitrale avant d’exclure l’existence d’un avantage, et de s’être limitée à vérifier si, dans des conditions normales de marché, un opérateur privé aurait, dans les mêmes circonstances, conclu le compromis d’arbitrage dans les mêmes conditions.
41 Il s’ensuit que, dans le cadre du renvoi des présentes affaires, le Tribunal doit statuer sur l’ensemble des moyens et des arguments au soutien des conclusions en annulation des actes attaqués, à l’exception de ceux portant sur une prétendue obligation de la Commission d’examiner le contenu de la sentence arbitrale afin d’écarter la possibilité que cette sentence ait pu accorder une aide d’État illégale à Metlen.
42 Ainsi, le Tribunal doit désormais se prononcer sur les autres moyens soulevés par la requérante dans l’affaire T‑740/17, à savoir le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, du droit de la requérante d’être entendue et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle la Commission n’était pas tenue de procéder à des appréciations économiques complexes et d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce que la Commission a omis d’examiner des questions déterminantes pour constater l’existence ou non d’une aide d’État, le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1 et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en raison d’erreurs manifestes d’appréciation des faits quant à l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce et à l’application de ce critère aux faits de l’espèce et le septième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur d’appréciation des faits, dès lors que la Commission n’a pas donné suite à la plainte de 2012, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en fondant son appréciation sur le fait que cette plainte était devenue sans objet à la suite du prononcé de la sentence arbitrale.
43 Enfin, il ressort explicitement de l’arrêt sur pourvoi que le Tribunal doit désormais statuer sur les demandes de non‑lieu dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 réitérées à plusieurs reprises par la Commission, soutenue par Metlen. Dans la mesure où le premier moyen de l’affaire T‑740/17 porte sur le retrait et le remplacement des actes attaqués dans les deux affaires précitées, les demandes de non‑lieu dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 seront examinées avec ce moyen.
44 Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, le sixième moyen dans l’affaire T‑740/17, ensuite, les cinquième, deuxième et septième moyens dans l’affaire T‑740/17 et, enfin, le premier moyen dans l’affaire T‑740/17 conjointement avec les demandes de non‑lieu dans les affaires T‑639/14 RENV I et T‑352/15.
B. Sur le sixième moyen dans l’affaire T‑740/17, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1 et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en raison d’erreurs manifestes d’appréciation des faits quant à l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce et à l’application de ce critère aux faits de l’espèce
45 La requérante conteste, d’une part, l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce et, d’autre part, à titre subsidiaire, l’application de ce critère aux faits à l’origine du litige tel qu’interprétés par la Commission dans la seconde décision litigieuse.
1. Observations liminaires
46 Il ressort de la jurisprudence que la notion d’« aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle‑ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales de marché. L’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectue donc, en principe, par application du principe de l’opérateur privé en économie de marché (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 45 et jurisprudence citée).
47 Aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales de marché par un opérateur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de l’État en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte. Il en ressort que les rôles de l’État actionnaire d’une entreprise, d’une part, et de l’État agissant en tant que puissance publique, d’autre part, doivent être distingués. Pour déterminer en laquelle de ces deux qualités agit une entité publique dans l’adoption d’une mesure, peuvent être pris en compte, notamment, la nature et l’objet de cette mesure, le contexte dans lequel elle s’inscrit, ainsi que l’objectif poursuivi et les règles auxquelles ladite mesure est soumise (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 79, 80 et 86 et jurisprudence citée).
48 En effet, lorsqu’un État membre accorde en sa qualité d’actionnaire un avantage économique à une entreprise, l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché ne dépend pas de la forme dans laquelle cet avantage a été mis à la disposition de cette entreprise ni de la nature des moyens employés, qui peuvent relever de la puissance publique de l’État (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 48 et jurisprudence citée). Plus précisément, c’est la nature économique de l’intervention étatique en cause et non les moyens mis en œuvre à cette fin qui rend ledit principe applicable (voir arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 108 et jurisprudence citée).
49 Les avantages consentis peuvent ressortir non seulement des prestations positives telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d’entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Dans le cadre des avantages indirects qui ont les mêmes effets que les subventions, il importe de relever que figure la fourniture de biens ou de services dans des conditions préférentielles (voir arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 123 et jurisprudence citée).
50 En outre, il convient de rappeler que des facilités de paiement constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE si, compte tenu de l’importance de l’avantage économique ainsi octroyé, l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un créancier privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur. Il appartient donc à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel créancier privé (voir arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 72 et 73 et jurisprudence citée).
51 De surcroît, lorsque le principe de l’opérateur privé en économie de marché trouve à s’appliquer, le critère devant concrètement être employé dans un cas donné doit être déterminé en fonction, notamment, de la nature de l’action envisagée par l’État membre concerné. Parmi les critères concrets susceptibles d’être appliqués figurent notamment ceux de l’investisseur privé et du créancier privé (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 52). Par conséquent, pour déterminer si le critère de l’investisseur privé pouvait être appliqué en l’espèce, il convient de vérifier si ce critère visait à comparer de la façon la plus adaptée et adéquate possible la mesure en cause, compte tenu notamment de la nature de celle-ci, à celle qui aurait pu être adoptée par un opérateur privé se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché.
52 De plus, selon la jurisprudence, le principe de l’opérateur privé en économie de marché peut faire référence également au critère concret du créancier privé, qui trouve à s’appliquer en présence de mesures telles que des facilités de paiement pour le remboursement d’une dette, celui du débiteur privé, ou encore celui du vendeur privé, qui trouve à s’appliquer en présence de mesures se rapportant à la fourniture, directement ou par l’intermédiaire d’entités publiques ou d’entreprises privées se trouvant sous le contrôle ou sous l’influence de l’État, de biens ou de services ainsi qu’à la fixation de leurs conditions de vente, comme le prix (voir arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 110 et jurisprudence citée).
53 Ainsi, l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché implique elle-même de recourir au cas par cas à différents critères concrets qui visent chacun à comparer de la façon la plus adaptée et adéquate possible la mesure étatique qui est en cause dans un cas donné, compte tenu notamment de la nature de celle-ci, à celle qui aurait pu être adoptée par un opérateur privé se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 109 et jurisprudence citée).
54 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans un cas donné implique que la Commission démontre, au terme d’une appréciation globale prenant en considération tous les éléments pertinents du cas d’espèce, que l’entreprise ou les entreprises bénéficiaires de la mesure étatique en cause n’auraient manifestement pas obtenu un avantage comparable de la part d’un opérateur privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché. Dans le cadre de cette appréciation globale, elle doit tenir compte de l’ensemble des options qu’un tel opérateur aurait raisonnablement envisagées, de tout élément d’information disponible et susceptible d’influencer de façon significative sa décision ainsi que des évolutions prévisibles à la date où la décision d’accorder un avantage a été prise (voir arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 113 et jurisprudence citée).
55 En outre, l’examen par la Commission de la question de savoir si des mesures déterminées peuvent être qualifiées d’aide d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un créancier privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe. Partant, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union européenne exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 74 et 75 et jurisprudence citée).
56 Toutefois, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 76 et jurisprudence citée).
57 Enfin, il convient de ne pas confondre la question de l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce qui fait l’objet de la première branche du sixième moyen avec la question de l’application correcte de ce critère aux faits de l’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 62 et jurisprudence citée). En effet, quand bien même la Commission aurait mal apprécié les circonstances du litige, et donc mal appliqué ledit critère aux faits de l’espèce, cela ne signifie pas automatiquement que le même critère n’était pas applicable en l’espèce.
58 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner la contestation, par la requérante, tant de l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce que de l’application dudit critère aux faits de l’espèce.
2. Sur l’applicabilité du critère de l’investisseur privé
59 En premier lieu, la requérante fait valoir que le critère de l’investisseur privé ne peut pas être appliqué à l’évaluation de sa politique tarifaire en ce qui concerne la fourniture d’électricité, car il ne constituerait pas un instrument adapté pour évaluer les mesures étatiques. Ce constat serait confirmé par l’arrêt du 16 octobre 2014, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑177/10, EU:T:2014:897), dans lequel le Tribunal avait retenu que les « évaluations économiques complexes requises, par exemple, pour l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché ne pouvaient pas trouver une quelconque utilité ». De même, la requérante estime que, dans la décision C 2/2010 (ex NN 62/2009), du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État SA.26117 mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Alouminium of Greece SA (JO 2012, L 166, p. 83), la Commission n’a pas comparé son prix de l’électricité avec celui qu’aurait appliqué un investisseur privé, mais avec le tarif réglementé A‑150 (ci‑après le « tarif A‑150 ») qui aurait été applicable aux clients haute tension.
60 La requérante soutient que sa position sur le marché de détail en Grèce est différente de celle des autres sociétés du secteur privé actives sur le même marché. Selon elle, dans la mesure où elle disposait par le passé des droits exclusifs, ses activités et investissements auraient eu pour but de remplir sa mission de service public. Or, une société bénéficiant d’une telle position sur le marché ne saurait être comparée à une entreprise « purement » privée.
61 En second lieu, la requérante soutient que le critère de l’investisseur privé ne peut être appliqué à sa décision de recourir à l’arbitrage afin de régler son litige avec Metlen. La conclusion du compromis d’arbitrage constituerait simplement un choix entre plusieurs procédures alternatives de résolution de différends qui étaient envisageables conformément au cadre législatif existant. Elle ne constituerait pas une activité économique. De plus, la requérante fait valoir que le risque pour les parties audit compromis associé à la soumission d’un différend à l’arbitrage ne pourrait être perçu qu’à l’issue de la procédure d’arbitrage. Ce risque ne pourrait être évité que si la Commission examinait si un opérateur privé se trouvant dans une situation comparable considérerait le prix fixé par le tribunal arbitral comme avantageux et l’appliquerait.
62 En outre, dans ses observations après le renvoi, la requérante soutient, en substance, que l’argument exposé au point 61 ci-dessus n’est nullement écarté par le point 113 de l’arrêt sur pourvoi. La conclusion du compromis d’arbitrage ne saurait être considérée, selon la requérante, comme constituant sa politique tarifaire et n’aurait pas été décidée sur la base d’une analyse ou d’éléments de preuve tels que ceux qui auraient été nécessaires pour qu’elle prenne une telle décision.
63 La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission était tenue d’appliquer, d’une part, le critère du créancier privé, étant donné que, selon la seconde décision litigieuse, parmi les circonstances prises en considération, il aurait été tenu compte de la dette de Metlen résultant de factures d’électricité non réglées et, d’autre part, le critère du fournisseur privé d’électricité, étant donné que le différend qui a été soumis à l’arbitrage concernait le prix de l’approvisionnement en électricité qui serait applicable au moins pour une période de trois ans et demi.
64 La Commission conteste l’argumentation de la requérante. En outre, dans ses observations après le renvoi de l’affaire devant le Tribunal, elle fait valoir que la première branche du sixième moyen a été écartée par l’arrêt sur pourvoi, dans la mesure où la Cour a affirmé, au point 113 de cet arrêt, que la seule mesure susceptible de constituer une aide d’État en l’espèce était la décision de la requérante de conclure le compromis d’arbitrage avec Metlen et que l’examen de tout avantage résultant de cette mesure devait s’opérer sur la base du principe de l’opérateur privé en économie de marché.
65 À cet égard, il convient de rappeler que la question de l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce n’a pas été examinée dans l’arrêt initial.
66 De plus, il ressort des points 121 et 122 de l’arrêt sur pourvoi que la Cour a considéré que le sixième moyen n’était pas en état d’être jugé, car elle ne disposait pas de l’ensemble des éléments de fait nécessaires à cet égard. Dès lors, l’argument de la Commission présenté à la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal doit être écarté.
67 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel sa politique tarifaire ne peut pas être considérée sous l’angle du critère de l’investisseur privé, il y a lieu de constater que, par la fixation bilatérale des tarifs que ses clients haute tension doivent lui verser, elle peut, en tant qu’entreprise majoritairement détenue par l’État hellénique, éventuellement accorder un avantage économique à certaines entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, susceptible de porter atteinte à la concurrence.
68 À cet égard, il convient de constater que, premièrement, la requérante ne conteste pas le fait qu’elle est une entreprise publique majoritairement détenue par l’État hellénique.
69 Deuxièmement, quant à l’argument de la requérante selon lequel sa position sur le marché est unique, en raison des obligations de service public qui lui ont permis de disposer des droits exclusifs sur le marché de l’électricité, il convient de relever qu’une telle circonstance n’est pas susceptible d’exclure l’applicabilité du critère de l’investisseur privé. En effet, le principe de l’opérateur privé en économie de marché permet d’examiner si un investisseur hypothétique, et non réel, fournirait la même prestation dans des conditions similaires à celles de l’État (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays‑Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 35).
70 En l’espèce, la Commission a comparé le comportement de la requérante à celui d’une entreprise privée hypothétique, ayant les mêmes caractéristiques que celle-ci et se trouvant dans les mêmes circonstances. À cet égard, la requérante n’est pas non plus fondée pour appuyer son argumentation à invoquer l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388), dans lequel la Cour a constaté que la constitution et le maintien du réseau de La Poste française répondaient à un objectif d’intérêt économique général, qui n’aurait jamais été constitué par une entreprise privée. En effet, dans ledit arrêt, la Cour avait constaté que, en l’absence de toute possibilité de comparer la situation de La Poste française avec celle d’un groupe privé d’entreprises n’opérant pas dans un secteur réservé, les « conditions normales de marché », qui étaient nécessairement hypothétiques, devaient s’apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables disponibles. Partant, le fait qu’il n’existe aucune autre entreprise privée comparable à l’entreprise publique ne suffit pas pour exclure l’application du critère de l’investisseur privé en l’espèce.
71 Il s’ensuit que le fait qu’aucune entreprise privée en Grèce n’aurait pu fournir de l’électricité dans les mêmes conditions que la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce. En tout état de cause, il importe de rappeler que la période en question est postérieure à la libéralisation du marché de l’électricité en Grèce.
72 Troisièmement, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel elle n’avait aucune politique tarifaire dans laquelle entrait une politique de règlement de différends économiques avec Metlen. En effet, le critère de l’investisseur privé s’applique concrètement aux faits de chaque litige, indépendamment de la volonté initiale des parties. Il n’est pas contesté que le différend à l’origine du litige portait sur la relation contractuelle des parties et, en particulier, sur la fixation du tarif que Metlen devait verser à la requérante à la suite de la libéralisation du marché de l’électricité en Grèce.
73 Quatrièmement, quant à l’arrêt du 16 octobre 2014, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑177/10, EU:T:2014:897), auquel la requérante se réfère à plusieurs reprises, il suffit de constater que les faits à l’origine de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt se distinguent clairement du cas d’espèce, dans la mesure où l’avantage économique avait été accordé par un mécanisme compensatoire financé par une taxe parafiscale visant à libérer une société du paiement d’une partie des charges d’électricité nécessaires à la production des produits qu’elle commercialisait. En tout état de cause, le fait que l’application du critère de l’investisseur privé ne soit pas pertinente dans un cas particulier ne signifie pas qu’il n’est applicable dans aucune autre affaire dans laquelle est examinée l’existence éventuelle d’une aide d’État au moyen d’une tarification préférentielle. Du reste, la requérante n’est pas fondée à soutenir une quelconque pratique décisionnelle de la Commission en la matière, dans la mesure où la notion d’« aide d’État » est une notion objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision et qui est fonction de la question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à certaines entreprises (voir arrêt du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, EU:T:2009:50, point 145 et jurisprudence citée).
74 De même, s’agissant de la décision C 2/2010, du 13 juillet 2011, dans l’affaire SA.26117 Alouminium of Greece, elle porte sur des faits qui se sont déroulés avant la libéralisation des marchés de l’énergie électrique en Grèce. Au demeurant, il ressort du considérant 27 de cette décision que la Commission a retenu qu’un vendeur opérant en économie de marché n’accepterait pas de facturer un tarif mensuel réduit sans motif spécifique. Dès lors, la Commission a appliqué le principe de l’opérateur privé en économie de marché afin d’évaluer l’avantage susceptible d’être procuré par la mesure examinée. Cet exemple donné par la requérante ne saurait donc appuyer son argument selon lequel le critère de l’investisseur privé n’est pas applicable en l’espèce.
75 En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le critère de l’investisseur privé ne peut pas être appliqué à son consentement au règlement du différend avec Metlen par voie d’arbitrage, il convient de relever que la Commission a considéré cette circonstance par rapport aux différentes options qui se présentaient à la requérante afin de débloquer ledit différend qui l’opposait à Metlen depuis plusieurs années.
76 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le comportement d’un opérateur privé en économie de marché est, en principe, guidé par des perspectives de rentabilité (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2024, Danske Slagtermestre/Commission, T‑486/18 RENV, EU:T:2024:217, point 92 et jurisprudence citée).
77 En l’espèce, en soumettant le litige à l’arbitrage de la RAE, la requérante a recherché une certaine rentabilité au sens de la jurisprudence citée au point 76 ci‑dessus.
78 Premièrement, la requérante explique qu’elle a consenti à soumettre le litige à l’arbitrage au lieu, par exemple, de continuer les négociations ou de saisir une juridiction de droit commun, dans la mesure où la sentence arbitrale allait être rendue dans un délai de six mois et où les négociations avec Metlen semblaient être sans issue, l’accumulation de la dette de celle-ci étant préoccupante. Elle affirme avoir défendu que sa décision de convenir avec Metlen de soumettre le différend les opposant à l’arbitrage permanent de la RAE avait été dictée par la nécessité qui s’imposait à elle de préserver ses intérêts économiques et les ressources publiques qu’elle gérait en tant qu’entreprise soumise à un contrôle étatique exclusif, en tentant de régler ce différend le plus rapidement possible et dans les conditions les plus avantageuses possibles pour elle. Selon la requérante, pour prendre sa décision, elle a tenu compte du « montant de la dette totale de [Metlen] » et de l’« important risque financier que cette dette représentait pour elle, dans un environnement économique et commercial très difficile ». Elle estime qu’il était rationnel de sa part de chercher la solution la plus « rentable » pour régler le litige, c’est-à-dire la solution qui allait lui permettre de récupérer au minimum une partie des sommes dues par Metlen, et ce dans le délai le plus court possible. C’est précisément ce qu’un investisseur privé avisé aurait fait.
79 Deuxièmement, il y a lieu de relever également que, contrairement à ce que soutient la requérante, la comparaison de son comportement avec celui d’un opérateur privé hypothétique motivé par des considérations de rentabilité ne saurait avoir lieu à l’égard du tarif fixé dans la sentence arbitrale. En effet, ainsi qu’il a été précisé au point 113 de l’arrêt sur pourvoi, c’est le choix de recourir à l’arbitrage qui constitue le comportement susceptible d’avoir procuré un avantage à Metlen et qui devait être examiné par la Commission.
80 À cet égard, il doit être rappelé que, pour qu’une mesure soit considérée comme une aide d’État, ce ne sont pas les objectifs en tant que tels de l’intervention étatique en question qui importent, mais ses effets (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 94 et jurisprudence citée). Dès lors, le fait que la requérante n’aurait pas pu anticiper le prix qui serait fixé par la sentence arbitrale ne suffit pas à écarter l’applicabilité du critère de l’investisseur privé.
81 En effet, il ressort de la jurisprudence que, pour rechercher si une entreprise publique a adopté ou non le comportement d’un opérateur avisé en économie de marché, il y a lieu de se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle les décisions ont été prises pour évaluer la rationalité économique du comportement de cette entreprise et donc de s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 71, et du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 83 à 85 et 105).
82 Il n’est pas contesté par les parties que la requérante et Metlen ont librement convenu de référer leur litige à l’arbitrage permanent de la RAE. La constitution volontaire d’un tribunal arbitral, conformément au compromis d’arbitrage, a été également constatée par la Cour, qui a relevé, au point 114 de l’arrêt sur pourvoi, que la requérante n’avait pas soutenu que la conclusion du compromis d’arbitrage avec Metlen lui avait été imposée contre sa volonté par l’État hellénique afin d’octroyer à cette dernière une aide d’État. À cet égard, il importe également de rappeler que, au point 119 dudit arrêt, la Cour a relevé que, aux points 9, 90 et 232 de l’arrêt initial, le Tribunal avait conclu, en substance, que la requérante et Metlen avaient saisi volontairement le tribunal arbitral de la RAE par leur compromis d’arbitrage et que cela n’a pas été contesté dans le cadre du pourvoi.
83 Troisièmement, la requérante fait valoir dans ses observations à la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal qu’elle n’a pas fondé son choix de recourir à l’arbitrage sur une analyse économique préalable ou une analyse d’éléments de preuve. Cependant, cette circonstance n’est pas susceptible d’écarter l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 78 ci‑dessus, la requérante avait pensé au fait que l’arbitrage allait probablement lui permettre de débloquer le désaccord avec Metlen le plus rapidement possible.
84 Quatrièmement, c’est à tort que la requérante soutient dans sa demande d’audience, en réponse aux observations de Metlen sur la suite de la procédure, que les jurisprudences issues des arrêts du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep (C‑224/12 P, EU:C:2014:213), et du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission (C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886), ne sont pas applicables en l’espèce, dans la mesure où elles concerneraient des transactions contractuelles et pas la décision de soumettre le différend à un arbitrage. Or, la relation de la requérante et de Metlen est clairement une relation contractuelle, le compromis d’arbitrage ayant été signé dans le cadre de la finalisation du projet de contrat de fourniture.
85 Partant, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a mal apprécié les faits quant à l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce.
86 Pour ce qui concerne, ensuite, l’argument subsidiaire de la requérante selon lequel la Commission était tenue d’appliquer, d’une part, le critère du créancier privé, étant donné que, selon la seconde décision litigieuse, parmi les circonstances prises en considération, il aurait été tenu compte de la dette de Metlen résultant de factures d’électricité non réglées et, d’autre part, le critère du fournisseur privé d’électricité, étant donné que le différend qui a été soumis à l’arbitrage concernait le prix de l’approvisionnement en électricité qui serait applicable au moins pour une période de trois ans et demi, ainsi qu’il a été constaté au point 51 ci-dessus, pour déterminer si le critère de l’investisseur privé pouvait être appliqué en l’espèce, il convient de vérifier si ce critère visait à comparer de la façon la plus adaptée et adéquate possible la mesure en cause, compte tenu notamment de la nature de celle-ci, à celle qui aurait pu être adoptée par un opérateur privé se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché. À cet égard, il ressort du point 51 ci‑dessus que le critère devant concrètement être employé dans un cas donné doit être déterminé en fonction, notamment, de la nature de l’opération envisagée par l’État membre concerné.
87 En l’espèce, en choisissant de recourir à la conclusion d’un compromis d’arbitrage, la requérante a, certes, souhaité le règlement d’une créance, mais elle a également cherché à établir un tarif de fourniture dans le cadre de sa relation contractuelle avec Metlen, et ce dans les meilleurs délais. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que le critère de l’investisseur privé n’est pas adapté au contexte factuel du litige entre les parties au compromis d’arbitrage.
88 D’ailleurs, la seconde décision litigieuse a comparé le comportement de la requérante à celui d’un vendeur privé, c’est‑à‑dire à un fournisseur privé d’électricité. Partant, l’argument subsidiaire de la requérante selon lequel la Commission aurait dû évaluer le comportement d’un créancier privé avisé ou d’un fournisseur d’électricité privé avisé n’est pas susceptible de remettre en cause le bien-fondé de ladite décision.
89 Dans ces circonstances, la première branche du sixième moyen de l’affaire T‑740/17, par laquelle la requérante conteste l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en l’espèce, doit être écartée.
3. Sur l’application du critère de l’investisseur privé aux faits de l’espèce
90 La requérante allègue que, quand bien même le critère de l’investisseur privé serait applicable en l’espèce, la Commission se serait fondée, lorsqu’elle a appliqué ledit critère aux faits de l’espèce, sur une appréciation manifestement erronée, d’une part, des faits et, d’autre part, du cadre approprié et des éléments devant faire l’objet d’une évaluation à la lumière du principe de l’opérateur privé en économie de marché.
91 En ce qui concerne les faits, pris en compte dans la seconde décision litigieuse, en premier lieu, la requérante soutient que, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 29 de cette décision, elle n’a pas été obligée de s’abstenir d’appliquer le tarif A‑150 à l’ensemble de ses clients haute tension.
92 En deuxième lieu, la requérante allègue que, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 29 de la seconde décision litigieuse, selon la sentence arbitrale no 8/2010, son obligation de mener des négociations substantielles avec chaque client haute tension concernait seulement le taux d’augmentation du tarif A‑150 dans la fourchette de 0 à 10 %.
93 En troisième lieu, selon la requérante, la Commission a erronément conclu à la dépendance de Metlen par rapport à elle quant à l’approvisionnement en électricité.
94 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que Metlen n’était pas un client unique, puisqu’il existait d’autres consommateurs importants d’électricité. En tout état de cause, un tel constat ne serait pas pertinent pour la qualification du tarif en cause comme étant une aide d’État.
95 En cinquième lieu, s’agissant de la difficulté de l’évaluation comparative afin d’identifier un prix du marché approprié telle que constatée au considérant 32 de la seconde décision litigieuse, la requérante soutient que la question d’une quelconque évaluation comparative n’est pas pertinente et que, en tout état de cause, la Commission ne précise pas quel tarif pourrait être considéré comme un prix du marché approprié.
96 En sixième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a conclu à tort qu’elle avait joué un rôle actif dans le cadre de son litige avec Metlen en cherchant à fixer un tarif d’électricité le plus élevé possible. Elle prétend que, lors de la conclusion du compromis d’arbitrage, elle a accepté l’offre de Metlen et que cette dernière s’est ensuite rétractée.
97 À titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission a mal évalué le contexte dans lequel elle a pris la décision de recourir à l’arbitrage et, notamment, la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné. En particulier, elle allègue que, étant donné que les conditions sur la base desquelles elle avait décidé de recourir à l’arbitrage ont été violées, elle n’avait pas, en pratique, la possibilité de se retirer de la procédure arbitrale, puisque les décisions de la RAE l’obligeaient à continuer à approvisionner Metlen en électricité.
98 Dans ses observations sur la suite de la procédure après le renvoi de l’affaire devant le Tribunal, la requérante ajoute, en substance, que la Commission aurait dû éprouver des difficultés sérieuses ou avoir des doutes quant à l’appréciation du contenu et des termes du compromis d’arbitrage. En particulier, elle conteste la conclusion de la Commission selon laquelle le tarif fixé par la sentence arbitrale constituait la « conséquence logique » des « paramètres clairs et objectifs » prévus par ledit compromis, sans définir avec précision ces paramètres dans la seconde décision litigieuse ni apporter une appréciation sur ceux-ci. Selon la requérante, rien n’avait été expressément prévu dans ce compromis au sujet des caractéristiques de la consommation de Metlen et des coûts de DEI.
99 De même, la requérante fait valoir que la Commission n’explique pas quelles sont les caractéristiques du marché hellénique de l’électricité qui constitueraient des paramètres clairs et objectifs. Selon la requérante, la Commission ne fournit aucune analyse ou évaluation économique complexe qui l’a conduite à conclure avec certitude que le tarif fixé était la conséquence des paramètres fixés par l’arbitrage. Elle estime que, eu égard au désaccord des parties au compromis d’arbitrage sur les principes fondamentaux de tarification, le tarif fixé par la sentence arbitrale ne saurait être considéré comme la conséquence logique de ces paramètres, d’autant plus que la méthode et les données utilisées ont dépassé le cadre de la décision no 692/2011 de la RAE, puisque la Commission prend en compte uniquement le coût de production de l’électricité issue du lignite, qui a été calculé de manière erronée par le tribunal arbitral et ne tient pas compte des coûts résultant de l’approvisionnement en électricité sur le marché de gros obligatoire.
100 La requérante conteste également la constatation de la Commission selon laquelle le pouvoir d’appréciation des arbitres serait limité par des paramètres clairs et objectifs, puisque les parties au compromis d’arbitrage étaient en désaccord sur l’étendue de leur pouvoir. Elle fait valoir que Metlen a soutenu que le tarif fixé par le tribunal arbitral devrait être appliqué de manière rétroactive, tandis qu’elle contestait cette possibilité.
101 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
102 D’emblée, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 113 de l’arrêt sur pourvoi, la mesure que la Commission aurait dû examiner afin d’apprécier l’existence d’un avantage économique était la décision de la requérante de soumettre le règlement de son différend avec Metlen à l’arbitrage. À cet égard, il doit être souligné que le principe de l’opérateur privé en économie de marché ne porte pas sur le résultat de la mesure pour l’entité en cause, mais sur les actions entreprises. Ainsi, il n’y a pas lieu d’examiner si cette décision a accordé un avantage économique à Metlen, mais si la Commission aurait dû avoir des doutes sur la compatibilité de ladite décision avec le droit des aides d’État.
103 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 108 TFUE et le règlement 2015/1589 prévoient une procédure particulière pour le contrôle des aides d’État par la Commission.
104 La procédure d’examen préliminaire visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE et aux articles 4 et 5 du règlement 2015/1589 a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la mesure qu’elle examine.
105 Il ressort d’une jurisprudence constante que lorsque la procédure visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, la Commission est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation. Ainsi, elle doit, conformément à la finalité de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, engager les mesures et les vérifications nécessaires afin de surmonter, au cours de l’examen préliminaire, d’éventuelles difficultés, de sorte à dissiper tous les doutes existants quant à la compatibilité de la mesure considérée avec le marché intérieur (voir arrêt du 5 septembre 2024, Slovénie/Commission, C‑447/22 P, EU:C:2024:678, point 49 et jurisprudence citée).
106 La notion de « difficultés sérieuses » revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur (voir arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 77 et jurisprudence citée). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, va au‑delà de la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 55 et jurisprudence citée).
107 La preuve de l’existence de telles difficultés doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C‑578/21 P, non publié, EU:C:2022:898, point 54 et jurisprudence citée).
108 Dès lors, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. Ainsi, il appartient à l’auteur d’une telle demande d’annulation de démontrer que des doutes sur cette compatibilité existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir ladite procédure formelle d’examen (voir arrêt du 5 septembre 2024, Slovénie/Commission, C‑447/22 P, EU:C:2024:678, point 51 et jurisprudence citée).
109 Partant, il incombe au juge de l’Union, lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’une telle décision, de déterminer si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure nationale en cause aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la qualification d’aide de cette mesure, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (voir arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C‑578/21 P, non publié, EU:C:2022:898, point 55 et jurisprudence citée).
110 En outre, la légalité d’une décision prise au terme de la procédure d’examen préliminaire telle que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle « pouvait disposer », ce qui inclut les éléments qui apparaissaient pertinents et dont elle aurait pu, à sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir arrêt du 17 novembre 2022, Irish Wind Farmers’ Association e.a./Commission, C‑578/21 P, non publié, EU:C:2022:898, point 56 et jurisprudence citée).
111 Il convient dès lors de vérifier, conformément à la jurisprudence citée aux points 108 à 110 ci‑dessus, si les arguments soulevés par la requérante devant le Tribunal permettent d’identifier des doutes quant à la compatibilité de sa décision de conclure le compromis d’arbitrage avec les règles régissant le marché intérieur, imposant à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen.
a) Sur l’appréciation du critère de l’investisseur privé avisé dans la seconde décision litigieuse
112 Il ressort de la seconde décision litigieuse que, pour examiner si les faits reportés dans la plainte de 2012 et la seconde plainte étaient susceptibles de constituer une aide d’État, la Commission a considéré opportun d’examiner, tout d’abord, si, dans les circonstances de la présente affaire, la décision de soumettre le différend à l’arbitrage a procuré un avantage à Metlen, ainsi que le défendait la requérante (considérant 25 de la seconde décision litigieuse).
113 Ainsi, la Commission a retenu au considérant 26 de la seconde décision litigieuse que la comparaison du comportement de la requérante avec celui d’un investisseur privé avisé hypothétique devait être effectuée en tenant compte des informations disponibles et des conséquences prévisibles au moment, notamment, de la décision de conclure le compromis d’arbitrage.
114 En effet, selon le considérant 27 de la seconde décision litigieuse, la Commission a retenu que la politique tarifaire de la requérante par rapport à Metlen avait été déterminée par la sentence arbitrale qui avait été la conséquence du compromis d’arbitrage, que la requérante avait conclu librement. Dès lors, la Commission a estimé qu’elle était tenue d’examiner si un investisseur privé avisé, qui se trouverait dans les mêmes conditions que la requérante, aurait conclu un tel compromis, en déterminant les paramètres que devrait prendre en compte le tribunal arbitral, dans le but de mettre à jour et d’appliquer les conditions de tarification qui étaient incluses dans le projet de contrat d’approvisionnement du 5 octobre 2010 pour la période déterminée et conduisant à la sentence arbitrale, laquelle conclut que la requérante doit appliquer ces termes pour la période en question.
115 La Commission a également constaté que la procédure d’arbitrage a été précédée d’un long différend entre la requérante et Metlen quant au tarif applicable à l’électricité que la première fournissait à la seconde (considérant 28 de la seconde décision litigieuse).
116 Ensuite, la Commission a précisé que, après la libéralisation du marché de l’électricité hellénique, la requérante a été obligée de s’abstenir d’appliquer le tarif A‑150 à ses clients haute tension et a donc été obligée de négocier le tarif avec chacun de ces clients. En outre, elle a constaté que la RAE était compétente pour la surveillance du marché hellénique de l’électricité afin de garantir la concurrence et le respect des règles en vigueur, en particulier pour ce qui concerne les tarifs appliqués par les fournisseurs en position dominante. Ces tarifs devaient être déterminés en prenant en compte le coût sous‑jacent des services du fournisseur et des paramètres utilisés pour la différenciation des tarifications (considérant 29 de la seconde décision litigieuse).
117 La Commission a également retenu que la requérante était le seul producteur d’électricité en Grèce capable de fournir de l’électricité aux clients haute tension tels que Metlen, puisque durant la période en question la requérante contrôlait l’ensemble des centrales de production au lignite et des centrales hydroélectriques en Grèce. Au total, la requérante détenait 70 % des centrales d’électricité en Grèce. Les concurrents de la requérante détenaient uniquement des centrales de gaz naturel plus chères et relativement neuves, dont le coût d’investissement, à la différence de celui des centrales au lignite et hydroélectriques, n’était pas encore amorti. De plus, sur le plan de la fourniture d’électricité, la requérante disposait d’un monopsone (vis‑à‑vis des producteurs) et d’un monopole (vis‑à‑vis des clients), avec une part de marché située entre 98 et 99 %. Par ailleurs, l’importation d’électricité n’était pas une solution viable pour des clients tels que Metlen. Dès lors, les clients comme cette dernière étaient totalement dépendants de la requérante pour la fourniture d’électricité, ce qui compliquait les négociations sur les conditions de tarification (considérant 30 de la seconde décision litigieuse).
118 Au considérant 31 de la seconde décision litigieuse, la Commission a estimé que le fait que Metlen s’apparente à un « client unique », étant donné qu’il s’agissait du plus grand consommateur au sein du marché hellénique de l’électricité, avait compliqué davantage la résolution du différend et la fixation du tarif approprié. Elle a en effet relevé que la consommation de Metlen était supérieure à 5 % de la consommation totale d’électricité en Grèce et égale à 40 % de la consommation totale des clients haute tension, tandis que le deuxième plus gros consommateur sur ledit marché consommait presque 50 % de moins que Metlen. Par ailleurs, elle a noté que la consommation de Metlen était presque constante (stable) tout au long de l’année.
119 La Commission a retenu, au considérant 32 de la seconde décision litigieuse, que la position dominante de la requérante sur le marché hellénique de l’électricité, d’une part, et les caractéristiques de client unique de Metlen, d’autre part, rendaient l’évaluation comparative particulièrement difficile pour l’établissement d’un tarif approprié.
120 Le considérant 33 de la seconde décision litigieuse retient que, selon la RAE, la requérante n’avait pas réellement négocié avec ses clients haute tension, dont Metlen, afin de déterminer le tarif qui représenterait les caractéristiques de consommation de chaque client et ses coûts, comme elle aurait dû le faire dans des conditions de concurrence, conformément à la législation hellénique pertinente.
121 De plus, la Commission a constaté, au considérant 34 de la seconde décision litigieuse, que la requérante a eu un rôle actif dans son différend avec Metlen, car elle a cherché à établir le tarif le plus élevé possible et à revendiquer les sommes non payées par Metlen. Toutefois, malgré ces efforts, Metlen a refusé de signer le projet de contrat de fourniture qui aurait déterminé la relation contractuelle entre les parties au compromis d’arbitrage et aurait mis en œuvre l’accord-cadre qu’ils avaient initialement signé. Par conséquent, la dette de Metlen s’accumulait et s’élevait à hauteur d’environ 30 millions d’euros en octobre 2011, en plus des 82 millions qui étaient convenus entre les parties à cet accord.
122 Dès lors, les négociations étaient infructueuses pour une durée de temps assez importante et il n’y avait donc pas d’offre écrite et d’acceptation d’un contrat de fourniture approprié. Dans la mesure où les parties à l’accord-cadre étaient en désaccord sur le tarif à appliquer, elles ont chacune établi des factures différentes sur la base de ce qu’elles considéraient être le tarif correct (considérant 35 de la seconde décision litigieuse).
123 Selon le considérant 36 de la seconde décision litigieuse, face à cette situation, la requérante a décidé de recourir à l’arbitrage, sous la condition que Metlen règle immédiatement une partie de sa dette ainsi que les factures mensuelles. Par conséquent, en sollicitant l’arbitrage, la requérante avait la possibilité d’obtenir une partie de la dette, de s’assurer que Metlen réglerait ses factures et de régler le différend dans un délai raisonnable.
124 Il ressort du considérant 37 de la seconde décision litigieuse que la Commission a estimé que, eu égard aux circonstances de l’espèce, la requérante ne pouvait pas réellement continuer à essayer de régler le litige avec Metlen. De plus, même un arrangement sur la dette accumulée par cette dernière ne réglerait pas la question de la fixation du tarif approprié que celle-ci devait payer pour l’avenir. En outre, selon la Commission, la requérante ne pouvait pas arrêter de fournir Metlen en électricité, puisque, premièrement, dans ce cas, elle ne pourrait pas revendiquer les sommes dues et, deuxièmement, ainsi qu’il ressort de ses tentatives pour arrêter la fourniture en électricité de Metlen durant la procédure devant le tribunal arbitral et à la suite de la sentence arbitrale, la RAE ou l’autorité hellénique de la concurrence pouvaient l’obliger à continuer à fournir Metlen en électricité. En outre, la procédure devant les tribunaux helléniques aurait duré plusieurs années avant l’élaboration d’une décision juridictionnelle définitive, alors que l’arbitrage, selon la législation pertinente, devait aboutir à une décision dans les six mois.
125 Par conséquent, la Commission a conclu, au considérant 38 de la seconde décision litigieuse, que, eu égard aux circonstances du présent litige, un investisseur privé avisé aurait également décidé de recourir à l’arbitrage afin de régler un différend de plusieurs années et d’obtenir le paiement des dettes accumulées.
126 Enfin, la Commission a considéré qu’il convenait d’établir si un investisseur privé avisé aurait conclu un tel compromis d’arbitrage, en établissant ces paramètres pour la définition du tarif applicable. À cet égard, elle a souligné qu’un tel investisseur aurait défini ces paramètres avec une attention particulière, afin d’éliminer les dangers liés à la procédure d’arbitrage et d’obtenir l’application d’un tarif qui correspondrait à des critères objectifs. En particulier, cet investisseur aurait donné son accord à l’arbitrage s’il était établi que la marge d’appréciation des arbitres était limitée et que les arbitres en question étaient spécialisés dans le domaine concerné (considérant 39 de la seconde décision litigieuse).
127 La Commission a retenu que, selon les informations disponibles, il n’y avait pas de doute sur les compétences des arbitres choisis qui étaient spécialisés dans le domaine concerné par le différend. Selon la Commission, la requérante et Metlen s’étaient mises d’accord sur les arbitres qui, conformément à l’article 37 de la loi 4001/2011, devaient être sélectionnés parmi une liste d’arbitres possédant des connaissances spécialisées dans le domaine du différend soumis à l’arbitrage (considérant 40 de la seconde décision litigieuse).
128 De plus, selon le considérant 41 de la seconde décision litigieuse, dans le cadre de la mise en place d’un arbitrage permanent, conformément à la législation applicable, la RAE n’était responsable que de l’organisation de la procédure d’arbitrage et du support administratif nécessaire. Ainsi, selon la Commission, elle n’aurait eu aucune influence sur le tribunal arbitral. Dès lors, la Commission a estimé qu’il pouvait être considéré que le tribunal arbitral avait été composé de manière à garantir son indépendance des parties au compromis d’arbitrage et des tiers.
129 En ce qui concerne les paramètres du tarif à appliquer, la Commission a rappelé que le compromis d’arbitrage mentionnait expressément, conformément aux règles de tarification en matière d’électricité pour les clients haute tension qui avaient été auparavant établies par la RAE, que le tribunal arbitral devait mettre à jour et appliquer les conditions de tarification qui étaient déterminées par le projet de contrat de fourniture afin de garantir, d’une part, que ces conditions correspondaient au profil de consommation de Metlen et, d’autre part, que lesdites conditions couvraient au moins les coûts de la requérante. Dès lors, selon la Commission, ledit compromis établissait que le tribunal arbitral était tenu de déterminer le tarif approprié en fonction des règles de tarification applicables sur le marché d’électricité hellénique pour les clients haute tension, en garantissant parallèlement que les circonstances particulières du litige seraient prises en compte. De plus, elle a souligné que les critères pertinents pour la fixation du tarif, à savoir le profil de consommation de Metlen et les coûts de la requérante, dans la mesure où les parties à ce compromis n’avaient pas réussi à les déterminer de manière concrète pendant les négociations, avaient été pris en compte par les arbitres. Dans ces circonstances, la Commission a considéré que les paramètres relatifs à la fixation du tarif d’électricité, ainsi définis dans le compromis d’arbitrage, avaient été établis sur la base de critères objectifs qui limitaient la marge d’appréciation des arbitres pour la détermination du tarif. Enfin, elle a observé que les paramètres que les arbitres devaient utiliser étaient similaires à ceux qu’aurait utilisés la RAE dans le cadre de mesures provisoires (considérant 42 de la seconde décision litigieuse).
130 Dès lors, la Commission a conclu qu’un investisseur privé avisé, dans des conditions similaires à celles de la requérante en l’espèce, aurait conclu un compromis d’arbitrage similaire au compromis d’arbitrage, qui déterminerait des paramètres clairs et objectifs que devraient respecter les arbitres dans la fixation du tarif pertinent. Par conséquent, elle a considéré que le comportement de la requérante pendant la conclusion dudit compromis était celui d’un investisseur privé avisé en économie de marché et que, partant, la décision de conclure un compromis dans ces conditions ne suscitait pas de doutes quant à la compatibilité de la prise de cette décision avec les règles régissant les aides d’État. Ainsi, la Commission a retenu que Metlen n’avait pas bénéficié d’un avantage au sens de l’article 107 TFUE (considérant 43 de la seconde décision litigieuse).
131 Par ailleurs, la Commission a soulevé qu’elle n’était pas tenue d’examiner si le tarif fixé finalement par le tribunal arbitral était conforme aux conditions du marché (considérant 44 de la seconde décision litigieuse).
132 À cet égard, la Commission a rappelé que l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché nécessite des appréciations économiques complexes (considérant 45 de la seconde décision litigieuse). Elle a également constaté que, lors de la signature du compromis d’arbitrage, la requérante n’avait pas contesté les paramètres déterminés par ce compromis. De plus, un tel opérateur privé n’aurait pas pu influencer l’issue de la procédure d’arbitrage au-delà du cadre prévu par la législation, à savoir la contestation de la sentence arbitrale devant les juridictions ordinaires (considérant 46 de ladite décision).
133 La Commission a également relevé que, même si elle n’était pas obligée d’examiner la question en l’espèce, le tarif fixé par la sentence arbitrale était plus élevé que le tarif moyen appliqué aux entreprises métallurgiques en Europe, qui était, en 2013, de 30,87 euros/MWh (considérant 47 de la seconde décision litigieuse).
134 Ainsi, la Commission a conclu que, dans la mesure où la sentence arbitrale avait respecté les paramètres objectifs fixés auparavant pour la détermination du tarif d’électricité qui serait acceptable pour un investisseur privé avisé, aucun avantage économique n’avait été accordé à Metlen (considérant 48 de la seconde décision litigieuse). Dans la mesure où les quatre conditions de l’article 107 TFUE étaient cumulatives, elle n’a pas examiné les autres conditions avant de constater l’absence d’aide d’État.
135 Il convient, dès lors, d’examiner les arguments de la requérante quant aux erreurs qu’aurait commises la Commission dans la seconde décision litigieuse, concernant l’application du critère de l’investisseur privé aux faits en l’espèce. Conformément à la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, il y a lieu d’examiner si ces arguments démontrent que la Commission aurait dû avoir des doutes dans les circonstances d’adoption du compromis d’arbitrage en cause, en mettant en relation les motifs de la décision, d’une manière objective, avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité de la prétendue aide en cause avec le marché intérieur.
136 Pour rechercher si la requérante a adopté ou non le comportement d’un opérateur avisé en économie de marché, il y a lieu de se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle elle a décidé de régler le différend par recours à l’arbitrage de la RAE pour évaluer la rationalité économique de son comportement, y compris compte tenu des conditions dans lesquelles le compromis d’arbitrage a été signé, et donc de s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 71).
b) Sur les éléments factuels contestés, à titre principal, par la requérante
1) Sur le tarif appliqué aux clients haute tension
137 La Commission a constaté au considérant 29 de la seconde décision litigieuse que, après la libéralisation du marché de l’électricité, la requérante avait été obligée de s’abstenir d’appliquer le tarif A‑150 à ses clients haute tension et donc de négocier le tarif avec chacun de ces clients.
138 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que par la note en bas de page no 13 la Commission a précisé dans la seconde décision litigieuse que la requérante avait eu la possibilité d’appliquer le tarif A‑150, augmenté jusqu’à 10 % et à la suite de négociations substantielles avec les clients haute tension, pour une période transitoire, conformément à l’article 14 du Kodika Promitheias se Pelates (code de l’approvisionnement en électricité).
139 En effet, l’Ypourgiki Apofasi D5/IL/V/F29/23860/2007 FEK 2332/B’/7.12.2007 Afxisi Timologion Polisis Ilektrikis Energias « DEI AE » Dekemvriou 2007 kai Tropopoiisi Kodika Promitheias (arrêté ministériel sur l’augmentation des tarifs de vente de l’électricité « DEI AE » et l’amendement du code de l’approvisionnement en électricité), du 7 décembre 2007 (EL/B/F29/23860/2007 – FEK 2332/B’/7.12.2007), avait prévu qu’« un prix plafond applicable aux clients [haute tension] [était] fixé par décision du ministre du développement après avis de la RAE » et que, « [l]ors de la première application de la[dite] réglementation, le prix plafond [était] égal au montant correspondant aux tarifs actuels augmentés de 10 % ».
140 Par sa décision no 346/2012, la RAE a précisé que, en cas d’augmentation du tarif, celui‑ci ne pouvait être augmenté que jusqu’à 10 %. Ainsi, selon cette décision, le législateur hellénique a voulu, dans une première phase, libéraliser progressivement les tarifs de la requérante en protégeant les clients haute tension de l’incontestable position dominante de cette dernière qui aurait pu entraîner des tarifications soudaines. La RAE a également constaté que ce législateur n’avait fait aucune mention du tarif A-150, mais que, dans la pratique, ce tarif avait été utilisé comme référence, puisqu’il était applicable auxdits clients jusqu’à la libéralisation du marché de l’électricité. Or, ledit tarif n’était plus compatible avec la libéralisation du marché et la décision no 692/2011 de la RAE.
141 Selon la décision no 346/2012 de la RAE, la volonté du législateur hellénique a été que, dans une deuxième phase, les négociations ultérieures du tarif prennent en compte le coût réel qui se définit comme le coût par client, qui prend en considération les caractéristiques propres de ce dernier, même au sein de la même catégorie de clients, et qui n’est pas simplement le coût logistique de la requérante. La RAE estime en effet que ce coût, dans le cas du marché de l’électricité en Grèce, est dans une large mesure dû à des problèmes structurels, à des subventions croisées et à des distorsions générales du marché. Par conséquent, seul le coût réel de l’entreprise pourrait constituer la limite inférieure à partir de laquelle toute négociation sur la fixation des prix pourrait avoir lieu, afin que les deux parties puissent partager de manière égale et symétrique le surplus au bénéfice de la collectivité qui en découle, ce qui se produirait automatiquement si une concurrence saine sur le marché de l’électricité était effective. Dès lors, la libéralisation du marché aurait imposé la suppression du tarif maximal réglementé pour les clients haute tension, puisque la fixation dudit tarif visait initialement à protéger les clients concernés d’un éventuel abus de sa position dominante de la requérante.
142 La requérante et Metlen étaient en désaccord sur l’interprétation de l’expression « tarif actuel » et de l’augmentation qu’il convenait d’y ajouter. Ainsi, elles ont déféré leur différend à l’arbitrage, dans un premier temps, au mois de juillet 2009.
143 Il ressort du dossier que la requérante était tenue depuis le 1er juillet 2008 de négocier avec Metlen le tarif qui lui serait applicable, en respectant les principes de bonne foi et de loyauté de façon à préserver les conditions de développement de la concurrence et la protection des consommateurs. Néanmoins, la requérante proposait une augmentation de 10 % du tarif A-150 qui était généralement applicable aux clients haute tension par le passé, alors que Metlen avait bénéficié d’un tarif préférentiel depuis les années soixante. Dès lors, cette dernière n’acceptait pas la tarification par la requérante au tarif réglementé qui de toute manière devait demeurer exceptionnel même pour lesdits clients pour lesquels il avait auparavant été applicable. Cela étant, même à supposer que la requérante avait, à juste titre, appliqué ce tarif initialement à Metlen, faute de pouvoir lui appliquer le tarif préférentiel, elle était incontestablement tenue par la suite de négocier avec ce client pour fixer un tarif adapté à son profil de consommation.
144 Partant, la Commission a retenu, à juste titre, que la requérante devait s’écarter du tarif réglementé pour les clients haute tension et proposer des tarifs adaptés à chaque client concerné en fonction de son profil de consommation.
145 Par ailleurs, le fait que le tarif libéralisé de la sentence arbitrale ait été inférieur au tarif A‑150 n’est pas susceptible de remettre en cause cette appréciation dans la mesure où les circonstances qui fondaient ledit tarif étaient différentes. Cependant, en 2012, il n’était plus légitime, en Grèce, d’imposer un tarif réglementé par l’État aux clients haute tension. C’est pour cette raison que, ainsi que le reconnaît la requérante elle‑même, aucune mesure législative n’a été adoptée à la suite de la disposition précitée du code de l’approvisionnement en électricité pour imposer un tarif généralisé auxdits clients.
146 Ensuite, il convient de constater que, au considérant 29 de la seconde décision litigieuse, la Commission a simplement constaté que la requérante devait s’abstenir d’appliquer le tarif réglementé, sans préciser davantage si le nouveau tarif devait être supérieur ou inférieur à celui‑ci. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle avait la possibilité de continuer à appliquer le tarif réglementé sur le long terme.
147 Enfin, est sans pertinence le fait que Metlen aurait proposé à la requérante d’appliquer le tarif en question pour les périodes de charge basse, ainsi qu’il résulterait de l’accord-cadre, dans la mesure où les parties à cet accord ne sont pas parvenues à un accord sur la fixation du tarif généralisé que Metlen devait payer.
148 Dans ces circonstances, il convient de constater que la requérante n’a pas prouvé, au sens de la jurisprudence citée au point 108 ci‑dessus, que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’interprétation du cadre juridique applicable à la libéralisation du marché hellénique de l’électricité pour les clients haute tension.
2) Sur l’obligation de négociation du tarif avec les clients haute tension
149 La requérante conteste le considérant 29 de la seconde décision litigieuse constatant l’obligation pour elle d’engager des négociations substantielles pour l’application des tarifs individuels des clients haute tension qui n’auraient pas de liens avec les anciens tarifs réglementés, puisque les négociations ne concerneraient que le taux d’augmentation du tarif A‑150 dans la fourchette de 0 à 10 %.
150 Or, l’allégation de la requérante selon laquelle les négociations ne concerneraient que le taux d’augmentation du tarif A‑150 dans la fourchette de 0 à 10 % peut être écartée par les décisions de la RAE que la requérante a elle‑même communiquées à la Commission.
151 En effet, il ressort notamment de la décision no 346/2012 de la RAE que cette dernière a, par lettre du 25 août 2010, demandé à la requérante de ne pas appliquer les mêmes tarifs aux clients haute tension, puisque cela aboutirait à une rupture d’égalité entre des clients ayant les mêmes caractéristiques. Ainsi, la requérante était tenue de proposer des tarifs adaptés qui prennent en compte le profil de consommation des clients en question. Il ressort des points 14 et 15 de cette décision que la tarification, par la requérante, de la fourniture d’électricité auxdits clients par le passé était identique pour tous ces clients et incluait toutes les charges pour l’utilisation du système, les services d’intérêt général et les tarifs concurrentiels pour l’électricité fournie. Cependant, en raison de l’imposition de la tarification annuelle maximale pour l’utilisation des services d’intérêt général par client, mais aussi de la facturation de l’utilisation du réseau, dont l’application entraîne une charge moyenne différente en fonction de la puissance à facturer pour chaque client, et déduction faite du tarif de fourniture uniforme global, il en résulte une différenciation par client de la charge moyenne pour la partie concurrentielle du tarif.
152 Dans ses recommandations figurant au point 20 de sa décision no 346/2012, la RAE a suggéré d’éviter toute référence aux « anciens tarifs réglementés (tels que par exemple le tarif A‑150 pour les clients haute tension) » et de déterminer de nouveau les paramètres pertinents pour tout nouveau tarif proposé. Ainsi, elle a suggéré à la requérante de négocier réellement avec ces clients, en constatant que celle-ci ne l’avait pas fait conformément aux principes énoncés dans sa décision n° 692/2011.
153 En tout état de cause, dans la mesure où le marché devait être libéralisé, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle pouvait continuer à appliquer le tarif fixé auparavant par l’État sans l’accord des clients concernés.
154 Partant, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’était pas tenue de négocier les tarifs à appliquer aux clients haute tension avec ces derniers. Elle ne démontre donc pas que la Commission aurait dû avoir des doutes lors de l’examen des circonstances d’adoption du compromis d’arbitrage en cause.
3) Sur la dépendance de Metlen par rapport à la requérante en ce qui concerne l’approvisionnement en électricité
155 La requérante estime que, en affirmant que des clients comme Metlen étaient totalement dépendants d’elle pour l’approvisionnement en électricité au considérant 30 de la seconde décision litigieuse, la Commission a adopté simplement les motifs de la sentence arbitrale et de la décision no 346/2012 de la RAE alors qu’elle lui avait fourni une analyse d’un cabinet d’audit qui devait susciter des doutes quant à cette constatation.
156 À cet égard, il y a lieu de relever que, premièrement, pour contester l’affirmation en cause, la requérante se contente de renvoyer par une note en bas de page à ses observations du 12 juin 2013 sur l’analyse préliminaire de la Commission où il est fait référence à l’analyse en cause. Or, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doivent figurer dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 40 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, pour autant que par son renvoi à ses observations soumises à la Commission la requérante souhaite contester la dépendance de Metlen à son égard pour ce qui concerne l’approvisionnement en électricité, cet argument est irrecevable.
157 En tout état de cause, tout d’abord, il ressort de ces observations que la requérante a demandé l’analyse annexée à la requête à un cabinet d’audit dans le contexte de son argumentation devant le tribunal arbitral, et que ce cabinet n’était pas d’accord avec l’analyse des coûts de base de la requérante effectuée par la RAE.
158 Toutefois, l’analyse en cause ne constitue pas un indice susceptible de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle les importations n’étaient pas une véritable solution pour des clients tels que Metlen, et selon laquelle la requérante disposait d’un quasi-monopole sur le marché hellénique et les centrales les moins coûteuses déjà amorties. En effet, compte tenu du monopole de la requérante dans la fourniture d’électricité en Grèce, sa contestation de la dépendance du plus grand consommateur sur le marché hellénique de l’électricité ne saurait prospérer.
159 Deuxièmement, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a admis, dans ses écritures, n’avoir jamais examiné l’analyse en cause qu’elle lui a soumise, une telle admission ne ressortant pas des points auxquels elle se réfère. Au demeurant, il y a lieu de constater que ladite analyse, annexée par la requérante à ses écritures, est postérieure à la conclusion du compromis d’arbitrage et qu’elle remet en cause les principes fondamentaux de tarification tels qu’ils ressortent de la décision no 692/2011 de la RAE. Toutefois, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 136 ci‑dessus, les éléments postérieurs au comportement évalué par la Commission ne sont pas susceptibles de remettre en cause le bien‑fondé de son évaluation. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 5 ci‑dessus, cette décision de la RAE faisait partie du cadre réglementaire que le tribunal arbitral devait prendre en compte, conformément au choix des parties audit compromis. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission devait considérer cette analyse dans le cadre de l’examen des conditions dans lesquelles ces parties ont conclu ce compromis et la conformité des termes de celui-ci avec le principe de l’opérateur privé en économie de marché.
160 Troisièmement, il ressort également de la décision no 346/2012 de la RAE que, en raison de la structure du marché hellénique de l’électricité et du monopole de la requérante, Metlen n’avait pas réellement la possibilité de s’approvisionner ailleurs ou d’importer de l’électricité des pays voisins.
161 Il s’ensuit que la requérante n’a pas apporté d’indice ou de preuve, au sens de la jurisprudence citée au point 108 ci‑dessus, susceptible de démontrer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la dépendance de Metlen par rapport à elle pour son approvisionnement en électricité au moment des faits en cause.
4) Sur le caractère « unique » de Metlen en tant que client
162 La requérante conteste le considérant 31 de la seconde décision litigieuse en alléguant qu’il existe d’autres consommateurs importants sur le marché hellénique de l’électricité et que cela ne serait de toute manière pas pertinent afin de savoir si le tarif que Metlen doit lui verser constitue une aide d’État.
163 À cet égard, il convient de relever que, par le considérant 31 de la seconde décision litigieuse, la Commission constate simplement que la consommation de Metlen était supérieure à 5 % de la consommation totale d’électricité en Grèce et égale à 40 % de la consommation totale des clients haute tension, ce qui n’est pas contesté par la requérante.
164 Par ailleurs, il ressort du dossier que Metlen était un client unique non seulement en raison de sa part importante dans la consommation totale d’électricité en Grèce, mais également en raison de sa consommation constante au fil de la journée et tout au long de l’année, puisqu’elle était obligée d’assurer un cycle de production ininterrompu. Ainsi, dans la mesure où les besoins de Metlen étaient fixes, la requérante pouvait garder ses centrales actives même pendant des périodes de consommation basse.
165 À cet égard, ainsi que le fait valoir la Commission, doit être écarté également l’argument de la requérante soulevé pour contester le caractère « unique » de Metlen en tant que client, tiré de la décision de la Commission du 16 octobre 2002 dans l’affaire N 133/01 concernant le régime de compensation des coûts échoués (JO 2003, C 9, p. 6), dans laquelle cette dernière avait constaté l’existence d’un avantage économique pour Metlen constitué par le tarif préférentiel qui lui était accordé, dans la mesure où la décision en question portait sur le tarif du contrat de 1960 et où elle avait été prise en 2002, alors que le marché hellénique de l’électricité n’avait pas encore été libéralisé.
166 Il s’ensuit que la contestation par la requérante du caractère « unique » de Metlen en tant que client n’est pas fondée. Elle n’a donc pas démontré que la Commission aurait dû avoir des doutes à cet égard lors de l’examen des circonstances d’adoption du compromis d’arbitrage en cause.
5) Sur l’évaluation comparative
167 La requérante remet en cause la constatation figurant au considérant 32 de la seconde décision litigieuse selon laquelle sa position dominante sur le marché hellénique de l’électricité, d’une part, et les caractéristiques de client unique de Metlen, d’autre part, rendaient l’évaluation comparative particulièrement difficile pour l’établissement d’un tarif approprié.
168 Il convient de relever d’emblée que, par son argumentation, la requérante ne reproche pas à la Commission de ne pas avoir procédé à une évaluation comparative, mais uniquement la constatation selon laquelle une telle évaluation n’était pas évidente en l’espèce. À cet égard, la requérante continue à se référer au tarif A‑150, qu’elle ne pouvait manifestement plus appliquer. De plus, elle évoque la décision de la Commission, du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État SA.26117 – C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Aluminium of Greece, par laquelle celle-ci avait observé que le tarif payé par Metlen était « inférieur au tarif normal payé par les autres grands consommateurs industriels ». Or, cette décision concernait une période antérieure au litige et à la libéralisation du marché hellénique de l’électricité, pendant laquelle tous les clients haute tension payaient ledit tarif, fixé par arrêté ministériel.
169 En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, le prix du marché ne peut pas être prédéfini comme un prix qui conviendrait en toute circonstance.
170 Ainsi, la requérante n’a pas apporté d’indices pertinents et concordants susceptibles de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle une évaluation comparative n’était pas évidente en l’espèce. Partant, elle n’a pas démontré que la Commission aurait dû avoir des doutes lors de l’examen des circonstances d’adoption du compromis d’arbitrage en cause.
6) Sur la contribution de la requérante à l’aggravation du conflit
171 La requérante reproche à la Commission d’avoir considéré dans la seconde décision litigieuse qu’elle avait joué un rôle actif dans le cadre de son litige avec Metlen.
172 À cet égard, il y a lieu d’observer que si la requérante explique qu’elle a cherché à imposer le tarif le plus élevé, cela correspond au critère de l’investisseur privé dont elle conteste l’application aux faits de l’espèce. Quant aux propositions des trois tarifs qu’elle aurait faites aux clients haute tension, il ressort de la décision no 346/2012 de la RAE que ces tarifs étaient encore des tarifs généralisés et donc pas personnalisés selon la consommation de chaque client haute tension ainsi que l’exigeait la législation hellénique. Dès lors, ces propositions n’étaient pas susceptibles de constituer une véritable solution pour résoudre le litige qui l’opposait à Metlen. Au demeurant, il ressort également de la même décision que la requérante n’a proposé ces tarifs qu’à la RAE, qui lui a précisé qu’elle devait proposer les tarifs aux clients concernés, tarifs qui devaient constituer seulement une base pour les négociations qu’elle était obligée d’entamer avec les clients en question.
173 En tout état de cause, dans la seconde décision litigieuse, la Commission n’a pas indiqué que l’impasse dans laquelle s’étaient trouvées les parties au compromis d’arbitrage était liée à la contribution de la requérante à l’aggravation du conflit.
174 Partant, au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que la requérante n’a pas apporté d’indices susceptibles de remettre en cause l’appréciation des faits à l’origine du différend effectuée par la Commission et des conditions dans lesquelles a été saisi le tribunal arbitral, tels qu’ils ressortent de la seconde décision litigieuse. La requérante ne démontre donc pas que la Commission aurait dû avoir des doutes lors de l’examen des circonstances d’adoption du compromis d’arbitrage en cause.
c) Sur les éléments factuels contestés, à titre subsidiaire, par la requérante
175 La requérante soutient que la Commission a mal évalué le contexte dans lequel elle a pris la décision de recourir à l’arbitrage et, notamment, la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné. À l’appui de cette argumentation, elle se contente de rappeler toute une série de faits qui ont précédé la sentence arbitrale pour expliquer qu’elle n’avait pas réellement l’option de se retirer de l’arbitrage.
176 Conformément à la jurisprudence citée au point 108 ci‑dessus, il convient d’examiner si la requérante a, par l’argumentation en cause, apporté la preuve que la Commission aurait dû avoir des doutes dans la seconde décision litigieuse quant au contexte dans lequel elle a pris la décision de conclure un compromis d’arbitrage avec Metlen et aux conditions prévues par ledit compromis.
177 En premier lieu, il importe de rappeler que, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, la Commission a pris en compte des éléments de « contexte » qui démontraient que l’arbitrage était pour la requérante une solution raisonnable, au vu des particularités de son conflit avec Metlen, qu’aurait pu choisir un opérateur privé hypothétique se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché.
178 À cet égard, la requérante a expliqué qu’elle avait choisi de soumettre le différend à l’arbitrage, dans la mesure où, premièrement, cette procédure était plus rapide qu’une procédure devant les juridictions ordinaires, deuxièmement, l’accumulation de la dette de Metlen aurait été importante dans un contexte économique et social particulièrement difficile et, troisièmement, plusieurs tentatives des parties au compromis d’arbitrage de trouver un accord avaient manifestement échoué, de sorte qu’elle n’avait pas réellement d’autres options pour régler le différend, à l’exception de la saisine des juridictions de droit commun.
179 De plus, la requérante explique que la solution en cause était préférable eu égard aux circonstances de son litige avec Metlen, et en particulier eu égard aux conditions qu’elle avait posées, à savoir le recouvrement immédiat d’une partie de la dette accumulée par Metlen et le recouvrement dans les délais prescrits des factures mensuelles de consommation d’électricité pendant la durée de l’arbitrage. Par ailleurs, il ressort de la seconde plainte que, même si Metlen n’a finalement pas honoré ces conditions, la requérante ne s’est pas retirée de la procédure d’arbitrage, puisque cela n’améliorerait pas sa position au vu de l’aggravation dudit litige.
180 Or, il est manifeste qu’un opérateur privé aurait cherché à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par son débiteur, et ce dans le délai le plus rapide. Ce constat est d’ailleurs appuyé par la jurisprudence selon laquelle, dans le cadre de l’examen du principe de créancier privé face à un débiteur, le choix du mode de résolution du conflit peut prendre en compte la durée de la procédure choisie pour cette résolution (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 103).
181 Il s’ensuit que la conclusion du compromis d’arbitrage, dans les circonstances précédemment mentionnées, est conforme au critère de la « rentabilité » qu’aurait recherchée un investisseur privé avisé hypothétique qui se trouverait dans la situation de la requérante et qui agirait dans des conditions normales de marché. D’ailleurs, la requérante n’argumente pas que les juridictions de droit commun auraient adopté une approche différente de celle du tribunal arbitral. De plus, il ressort du dossier que la requérante a saisi plusieurs autorités susceptibles de se prononcer sur la question de la fixation du tarif, à savoir la RAE, les juridictions ordinaires helléniques, la Commission et le juge de l’Union, et ce avant et après la sentence arbitrale. La requérante a donc utilisé tout recours à sa disposition afin de pouvoir fixer un tarif plus élevé, dans une logique économique qui serait celle qu’aurait eue un tel investisseur.
182 Au demeurant, l’allégation de la requérante selon laquelle les « circonstances » prises en compte par la Commission ne reflètent pas la perception qu’elle avait ou aurait pu avoir des circonstances auxquelles elle a été confrontée lors de la conclusion du compromis d’arbitrage ni l’importance qu’elle leur a attribuée ne saurait prospérer puisque cela ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits relatifs au contexte dans lequel elle a pris la décision de recourir à l’arbitrage.
183 En effet, contrairement à ce que suggère la requérante, l’examen du critère de l’investisseur privé ne signifie ni que le prix de 36,6 euros/MWh fixé par la sentence arbitrale était prévisible au vu des conditions du compromis d’arbitrage, ni qu’un opérateur privé avisé n’aurait pas pu être mécontent du résultat du règlement du différend qui l’opposait à son cocontractant. En réalité, si le tarif fixé par ladite sentence était explicitement prévisible, cela signifierait qu’il n’y avait pas réellement de désaccord entre les parties audit compromis sur le calcul dudit tarif au moment de la conclusion de ce compromis et que l’arbitrage n’était pas nécessaire. En d’autres termes, par la conclusion du compromis en question, ces parties ont chacune accepté de prendre un certain risque quant à la solution finalement adoptée par le tribunal arbitral.
184 En deuxième lieu, la requérante invoque la jurisprudence selon laquelle le fait que l’opération soit raisonnable pour les pouvoirs publics ou l’entreprise publique octroyant l’aide ne dispense pas la Commission de l’obligation de vérifier si l’entreprise bénéficiaire d’une mesure a bénéficié d’un avantage économique au sens de l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, point 213 et jurisprudence citée). Ainsi, selon la requérante, à supposer même que l’allégation de la Commission selon laquelle le prix fixé par la sentence arbitrale correspondait aux prix du marché soit fondée, cela ne dispenserait pas la Commission de l’obligation de vérifier cette allégation (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, points 221 à 223).
185 Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 113 de l’arrêt sur pourvoi, la Commission n’était pas tenue de vérifier le tarif fixé par la sentence arbitrale, mais, d’une part, d’examiner les circonstances dans lesquelles la requérante avait pris la décision de recourir à l’arbitrage et, d’autre part, de vérifier si un opérateur privé aurait, dans des conditions normales de marché, pris ladite décision aux mêmes conditions.
186 À cet égard, il convient d’observer que la seconde décision litigieuse ne se limite pas à écarter l’existence d’un avantage économique en s’appuyant sur la volonté des parties au compromis d’arbitrage de soumettre leur différend à l’arbitrage, mais fait référence au recours à l’arbitrage en question dans les circonstances particulières du litige opposant ces parties.
187 En effet, la Commission a retenu que les parties au compromis d’arbitrage avaient fixé les conditions dans ledit compromis, à savoir que le tarif fixé devait prendre en compte le profil de consommation de Metlen et les coûts de la requérante pour l’approvisionnement de Metlen en électricité.
188 Il ressort du dossier que le désaccord des parties au compromis d’arbitrage portait essentiellement sur la définition des coûts de la requérante qui devaient être pris en compte pour le calcul du tarif. Si la sentence arbitrale a considéré les coûts de la requérante en tant qu’entité juridique, c’est-à-dire en tant qu’entreprise verticalement intégrée dans son intégralité pour la fourniture d’électricité à Metlen pour la période en question, la requérante soutenait que seuls ses coûts en tant que fournisseur d’électricité devaient être pris en compte.
189 Dès lors, il convient de se demander si, à l’instar de la requérante, un opérateur privé hypothétique se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché aurait accepté la proposition d’arbitrage de Metlen.
190 Premièrement, il doit être répété que les parties au compromis d’arbitrage avaient négocié longtemps la fixation du tarif en cause, sans parvenir à se mettre d’accord sur le prix en question. De plus, Metlen avait arrêté de régler intégralement les factures émises par la requérante dans la mesure où elle n’était pas d’accord avec le tarif qui y figurait et où la requérante était obligée, par l’Elliniki Epitropi Antagonismou (commission de la concurrence, Grèce) et par la RAE, de continuer à l’approvisionner en électricité, malgré le conflit entre ces parties. Dans la mesure où le recours à l’arbitrage constituait une solution qui semblait permettre de débloquer ledit conflit dans un délai relativement court, il est alors constaté qu’un opérateur privé hypothétique qui aurait été obligé de fournir de l’électricité sans compensation aurait cherché à établir le tarif approprié dans les meilleurs délais.
191 Deuxièmement, il ressort également du dossier que la conclusion du compromis d’arbitrage était nécessaire pour la saisine du tribunal arbitral conformément à l’article 37 de la loi 4001/2011, car ce compromis doit fixer les règles que ledit tribunal doit prendre en compte selon la volonté des parties audit compromis. Un opérateur économique vigilant aurait également respecté le cadre législatif concernant la soumission de son différend à l’arbitrage et établi le cadre réglementaire à partir duquel les arbitres devaient rendre leur décision.
192 Troisièmement, les arbitres ont été sélectionnés selon une liste établie par la RAE et étaient donc des personnes ayant une expérience incontestable dans le domaine de l’énergie. D’ailleurs, le désaccord des parties au compromis d’arbitrage sur l’étendue du pouvoir des arbitres, invoqué par la requérante dans le cadre de ses observations à la suite du renvoi, ne portait pas sur le choix des arbitres en question, mais sur la question de savoir si le tarif fixé par la sentence arbitrale devait être appliqué de manière rétroactive ou pas. Or, cette considération n’est pas susceptible de remettre en cause l’application du critère de l’investisseur privé aux faits de l’espèce, dans la mesure où, ainsi que la requérante l’admet elle‑même, les arbitres étaient tenus d’appliquer la législation en vigueur, y compris les dispositions d’ordre public. Dès lors, rien ne permet de penser qu’un tel investisseur aurait agi différemment de la requérante dans le choix des arbitres.
193 Quatrièmement, ainsi qu’il ressort du point 5 ci‑dessus, les parties au compromis d’arbitrage ont précisé dans ledit compromis les décisions qui devaient être prises en compte dans le cadre de l’arbitrage. Elles ont aussi demandé à ce que les conditions de tarification figurant dans leur projet de contrat du 5 octobre 2010 soient actualisées et adaptées, de sorte que ces conditions correspondent, d’une part, aux caractéristiques de consommation de Metlen et, d’autre part, aux coûts de la requérante. Ainsi, la fixation d’un cadre réglementaire précis a obéi à un critère de rationalité économique dans le comportement d’un opérateur privé hypothétique.
194 De plus, les conditions de tarification reflètent des termes utilisés par la RAE sur lesquels les parties au compromis d’arbitrage n’étaient pas d’accord. En effet, eu égard aux conditions dans lesquelles ledit compromis a été signé, telles qu’elles ressortent du dossier soumis au Tribunal, Metlen n’aurait probablement pas accepté un tel compromis si cet équilibre n’avait pas été assuré ou si la requérante avait insisté davantage sur la précision du calcul de ses coûts que le tribunal arbitral devait prendre en compte. Dès lors, que ce soit parce que la requérante ne s’était pas rendu compte de l’importance de la définition de ses coûts dans ce compromis ou parce qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas insister davantage sur la fixation d’une méthode de calcul, elle n’est pas fondée à soutenir que la Commission a commis une erreur d’appréciation en estimant que les termes du compromis en cause garantissaient une certaine égalité dans la prise de risque de chaque partie. Ces paramètres ressortent des décisions de la RAE qui ont obligé la requérante à négocier ses tarifs avec les clients haute tension. Aucun indice soumis par la requérante ne permet de supposer qu’un opérateur privé hypothétique se trouvant dans la même situation que la requérante et agissant dans des conditions normales de marché aurait adopté un comportement différent.
195 En effet, même dans l’hypothèse où la requérante aurait dû être plus vigilante à l’égard de la fixation des critères dans le compromis d’arbitrage et, en particulier, quant à l’appréciation de ses coûts, il convient de rappeler que la requérante elle‑même était aussi dépendante de Metlen, dans le sens où l’existence et la consommation de cette dernière lui permettaient de limiter ses coûts. À cet égard, il ressort de la décision no 798/2011 de la RAE, prise en compte par le tribunal arbitral conformément aux conditions fixées par les parties dans ledit compromis, que la consommation de Metlen justifiait la construction et le fonctionnement rentable d’une unité de production d’électricité de 300 MW, compte tenu de la combinaison de la taille importante et du coefficient de charge élevé de Metlen, et du fait que l’existence d’un consommateur de la taille de cette dernière exerçait une influence déterminante aussi bien sur le « business plan » de la requérante que sur l’ensemble du marché hellénique de l’électricité. En outre, dans la mesure où Metlen avait une consommation stable, la requérante, dans le cadre du calcul des heures de tarification basse, pouvait éviter des coûts en raison de l’importante consommation de Metlen, à défaut de laquelle elle serait obligée de mettre hors tension une unité de base. Partant, il aurait été dans l’intérêt économique d’un opérateur privé avisé de régler le différend le plus rapidement possible (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 280).
196 Ainsi, au vu des considérations qui précèdent, en application de la jurisprudence citée au point 108 ci‑dessus, il convient de constater que la requérante n’a apporté aucune preuve suggérant que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant au recours à l’arbitrage de la part d’un opérateur privé normalement prudent et diligent se trouvant dans la même situation qu’elle, à savoir un opérateur obligé par l’autorité de la concurrence nationale de continuer à fournir son plus gros client en électricité quand bien même ce dernier aurait arrêté de régler ses factures et aurait accumulé une dette importante, dans un environnement économique national particulièrement instable.
197 En troisième lieu, s’agissant du devoir de la Commission de procéder à des appréciations économiques et techniques complexes pour déterminer l’existence d’un avantage au sens de l’article 107 TFUE, évoqué par la requérante dans ses observations déposées à la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, il convient de constater que l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue d’examiner davantage ce que signifiait l’expression « coûts de [la requérante] » revient à imposer à la Commission de juger le tarif qui a été finalement fixé par le tribunal arbitral, ce qui a été explicitement écarté par l’arrêt sur pourvoi. Ainsi, l’éventuel avantage ne doit pas être examiné par rapport au tarif précis fixé par la sentence arbitrale, mais par rapport à la fixation des conditions de tarification dans le compromis d’arbitrage que le tribunal arbitral devait prendre en considération.
198 Or, étant donné que la Commission est tenue de comparer le comportement de la requérante à celui d’un opérateur privé hypothétique, conformément à la jurisprudence citée au point 69 ci‑dessus, l’examen du critère de l’investisseur privé ne signifie pas que la Commission est tenue de prouver qu’un opérateur privé aurait pris exactement la même décision que l’opérateur public en cause, mais que la décision de ce dernier est raisonnable dans une économie de marché eu égard aux circonstances dans lesquelles elle a été prise.
199 Partant, aucun argument avancé par la requérante n’est susceptible de priver de plausibilité l’appréciation des éléments contextuels retenus par la Commission dans la seconde décision litigieuse dans le cadre de l’appréciation du critère de l’opérateur privé. Dès lors, la requérante n’a pas démontré, conformément à la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur de sa décision de conclure le compromis d’arbitrage.
200 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le sixième moyen dans l’affaire T‑740/17 doit être rejeté dans son intégralité.
C. Sur le cinquième moyen dans l’affaire T‑740/17, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle la Commission n’était pas tenue de procéder à des appréciations économiques complexes et d’une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce que la Commission a omis d’examiner des questions déterminantes pour constater l’existence ou non d’une aide d’État
201 Il ressort du point 118 de l’arrêt sur pourvoi que la Cour a écarté les première et deuxième branches du cinquième moyen, pour autant que, par ce moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné le tarif fixé par la sentence arbitrale, dans la mesure où la Commission n’était pas tenue, dans les circonstances de l’espèce, d’analyser le contenu de ladite sentence afin de vérifier si la décision de la requérante de conclure le compromis d’arbitrage avait procuré un avantage à Metlen au sens de l’article 107 TFUE.
202 Les parties sont en désaccord sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur pourvoi quant au présent moyen.
1. Sur la portée du renvoi de l’affaire T‑740/17 devant le Tribunal concernant le cinquième moyen
203 Dans ses observations déposées à la suite du renvoi de l’affaire T‑740/17 devant le Tribunal, la Commission fait valoir que la Cour a commis une erreur en affirmant, au point 121 de l’arrêt sur pourvoi, que le Tribunal n’avait pas examiné les « autres branches [du] cinquième moyen », dans la mesure où ledit moyen ne comporterait que deux branches, définitivement rejetées par la Cour au point 120. Cette erreur résulterait du fait que, au point 118 de l’arrêt initial, le Tribunal avait considéré qu’« il [était] nécessaire d’examiner conjointement les troisième à cinquième moyens » afin de savoir si la sentence arbitrale avait accordé une aide d’État. La Commission souligne que, au point 109 de l’arrêt initial, le Tribunal avait également retenu que le cinquième moyen ne comportait que deux branches.
204 En revanche, la requérante fait valoir, en substance, que la Cour a écarté les arguments avancés aux points 133 à 143 de la requête, par lesquels elle soutenait que la Commission était tenue de vérifier si le tarif de l’électricité fixé par le tribunal arbitral était conforme aux conditions du marché et de se substituer à l’appréciation de ce dernier pour apprécier si une aide d’État avait été accordée. Selon la requérante, le Tribunal doit encore se prononcer sur les autres branches du cinquième moyen, notamment la troisième, tirée d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle la Commission n’était pas tenue de procéder à des appréciations économiques complexes et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’appréciation de la Commission selon laquelle le cas d’espèce relevait d’une catégorie spécifique d’affaires non soumise au contrôle des aides d’État, la quatrième, tirée d’une violation de l’obligation d’examiner le cadre réglementaire en vigueur, l’organisation et le fonctionnement du marché, l’importance des caractéristiques de la consommation de Metlen et les éléments de ses coûts ainsi que la méthode de détermination desdits coûts, la cinquième, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a omis d’examiner les erreurs commises dans le calcul du tarif de 36,6 euros/MWh et la sixième, tirée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré que les prix de l’électricité dans d’autres pays avaient une importance primordiale. La requérante précise que ledit moyen est en réalité composé de six branches, dont seules les deux premières ont été écartées par la Cour.
205 Il résulte de la présentation de la requête que le cinquième moyen est formellement divisé en deux « branches » qui sont chacune divisées en trois « sous‑branches », dont les intitulés correspondent à ceux des six branches mentionnées par la requérante dans ses observations déposées à la suite du renvoi de l’affaire T‑740/17 devant le Tribunal.
206 Cependant, indépendamment de la question de savoir comment les arguments avancés à l’appui du cinquième moyen ont été présentés dans la requête, il convient de considérer, au vu de l’arrêt sur pourvoi, que la Cour a écarté ce moyen en ses deux premières branches, par lesquelles, en substance, la requérante reprochait à la Commission d’avoir violé les articles 107 et 108 TFUE dès lors que celle-ci n’avait pas examiné, dans la seconde décision litigieuse, le tarif en cause, tel qu’il résultait de la sentence arbitrale, avant d’exclure l’existence d’un avantage et de s’être limitée à vérifier si, dans des conditions normales de marché, un opérateur privé aurait, dans les mêmes circonstances, conclu le compromis d’arbitrage aux mêmes conditions.
207 Il convient donc pour le Tribunal de n’examiner que les arguments avancés à l’appui du cinquième moyen, étrangers à la question de savoir si la Commission était tenue de vérifier si le tarif fixé par la sentence arbitrale était conforme aux conditions du marché et pouvait se limiter à vérifier si, dans des conditions normales de marché, un opérateur privé aurait, dans les mêmes circonstances, conclu le compromis d’arbitrage aux mêmes conditions.
2. Sur les arguments avancés à l’appui du cinquième moyen dans la requête
208 Par ses deux premiers arguments avancés à l’appui du cinquième moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé les articles 107 et 108 TFUE dès lors que celle-ci n’avait pas examiné, dans la seconde décision litigieuse, le tarif en cause, tel qu’il résultait de la sentence arbitrale, avant d’exclure l’existence d’un avantage et de s’être limitée à vérifier si, dans des conditions normales de marché, un opérateur privé aurait, dans les mêmes circonstances, conclu le compromis d’arbitrage aux mêmes conditions. Il résulte du point 118 de l’arrêt sur pourvoi qu’il n’appartient pas au Tribunal d’examiner ces arguments dans le cadre du présent arrêt.
209 Par le troisième argument avancé à l’appui du cinquième moyen, la requérante conteste la note en bas de page n° 23 de la seconde décision litigieuse, par laquelle la Commission a estimé, dans le cadre de l’analyse de l’application du critère de l’investisseur privé, que, dans des différends opposant des entreprises publiques et privées, elle n’était pas tenue de réexaminer tous les calculs chaque fois que l’entreprise publique échouait devant le tribunal et déposait par la suite une plainte auprès de la Commission. Or, ainsi que le soutient la Commission, cette note en bas de page ne figure pas dans ladite décision, mais dans la première décision litigieuse. Partant, l’argument de la requérante est inopérant et doit être rejeté.
210 Par le quatrième argument avancé à l’appui du cinquième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission était tenue d’examiner le prix fixé par la sentence arbitrale en examinant le fonctionnement du marché de l’électricité hellénique, les caractéristiques de consommation de Metlen et les méthodes de détermination des coûts de la requérante. Au regard du point 118 de l’arrêt sur pourvoi, il n’appartient donc pas au Tribunal d’examiner cet argument dans le cadre du présent arrêt.
211 Par le cinquième argument avancé à l’appui du cinquième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission était tenue d’examiner les prétendues erreurs commises dans le cadre du calcul du tarif de 36,6 euros/MWh par le tribunal arbitral. Au regard du point 118 de l’arrêt sur pourvoi, il n’appartient donc pas au Tribunal d’examiner cet argument dans le cadre du présent arrêt.
212 Par le sixième argument avancé à l’appui du cinquième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation au considérant 47 de la seconde décision litigieuse en considérant que les prix de l’électricité dans d’autres pays avaient une importance primordiale pour apprécier si Metlen avait bénéficié d’un avantage économique.
213 Au considérant 47 de la seconde décision litigieuse, la Commission a constaté que, bien qu’elle ne soit pas tenue de le faire en l’espèce dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, le tarif fixé par la sentence arbitrale, à savoir 36,6 euros/MWh, était supérieur au tarif moyen de l’électricité appliqué aux entreprises métallurgiques en Europe, qui s’élevait, en 2013, à 30,87 euros.
214 Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’a pas considéré que les prix dans d’autres pays européens étaient d’une importance primordiale pour l’appréciation du tarif en cause. Cette comparaison apparaît comme un « obiter dictum » dans la seconde décision litigieuse, qui indique elle-même que les prix de l’électricité dans d’autres pays ne sont pas pertinents pour l’application du critère de l’investisseur privé en l’espèce.
215 Partant, aucun argument avancé à l’appui du cinquième moyen dans l’affaire T-740/17 n’ayant prospéré, ledit moyen doit être rejeté dans sa totalité.
D. Sur le deuxième moyen dans l’affaire T‑740/17, tiré d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, du droit de la requérante d’être entendue et de la charte des droits fondamentaux
216 La requérante fait valoir que la Commission a adopté la seconde décision litigieuse sans procéder à l’« examen à première vue » prévu à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 quant à l’existence d’une aide d’État illégale. Selon elle, la plainte de 2012 et la seconde plainte ont fait l’objet d’un examen de la part de la Commission entre 2012 et 2014 sur le fondement du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), qui était alors applicable avant l’adoption de la lettre litigieuse. Elle fait observer que la Commission a pourtant classé lesdites plaintes pour des motifs entièrement différents dans cette décision.
217 La requérante considère que la Commission était tenue d’assumer les obligations procédurales qui résultaient du retrait de la lettre litigieuse et, en particulier, de conduire à nouveau la procédure d’examen des plaintes en matière d’aides d’État. À cet égard, elle soutient que la jurisprudence selon laquelle la Commission n’est pas obligée de recommencer intégralement la procédure en cas d’annulation d’un acte par le juge n’est pas transposable au cas de retrait d’un acte, qui résulterait d’une initiative prise par la Commission et qui devrait respecter certaines conditions.
218 Ainsi, la portée de l’obligation de conduire à nouveau la procédure d’examen des plaintes en matière d’aides d’État en cas de retrait d’une décision de classement desdites plaintes ne devrait pas être limitée à l’instant où serait survenue l’erreur de droit fondant le retrait, mais devrait remonter à une époque antérieure afin d’assurer le respect du droit des aides d’État et de garantir aux intéressés que la décision ultérieure du juge sur le sujet est définitive. Cette appréciation devrait se faire au cas par cas et devrait tenir compte du décalage temporel entre l’acte retiré et le nouvel acte adopté, notamment en raison des nouvelles informations qui pourraient être portées à l’attention de la Commission.
219 Par ailleurs, la Commission serait également tenue de conduire à nouveau la procédure d’examen des plaintes en matière d’aides d’État en cas de modification du cadre juridique applicable. Ainsi, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 accorderait au plaignant un droit d’être entendu dans les cas où la Commission l’informerait du rejet de la plainte. Ce droit devrait être exercé de manière à pouvoir influencer la décision de l’autorité publique et l’administré devrait avoir l’occasion de se prononcer de manière utile. Toutefois, la seconde décision litigieuse aurait été adoptée en méconnaissance totale de ce droit, puisqu’elle rejette la plainte de 2012 et la seconde plainte sans que la requérante ait pu s’exprimer sur les caractéristiques de l’arbitrage et sur la question de savoir s’il aurait pu en résulter une aide d’État. D’ailleurs, la requérante estime qu’il est manifeste que l’issue de l’affaire aurait pu être différente si elle avait été entendue correctement. Ainsi, elle soutient que, faute d’avoir invité la plaignante à s’exprimer au sujet des motifs sur la base desquels la Commission entendait rejeter la plainte, celle-ci a manifestement manqué à l’obligation qui lui incombait d’examiner minutieusement lesdites plaintes.
220 Par ailleurs, le non‑respect du droit d’être entendu constituerait également une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.
221 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
222 D’emblée, il importe de relever le caractère manifestement contradictoire de l’argumentation de la requérante, dans la mesure où elle fait valoir, dans le cadre du présent moyen, que la seconde décision litigieuse doit être considérée comme valable en raison, d’une part, de la présomption de légalité des actes de l’Union et, d’autre part, de la disparition de la lettre litigieuse de l’ordre juridique de l’Union, alors qu’elle a contesté dans toutes ses écritures relatives au présent litige le pouvoir de la Commission de retirer et de remplacer les actes précédents et en particulier la lettre litigieuse, puisque cette dernière serait fondée sur des motifs différents.
223 En outre, la contestation par la requérante du fait que la Commission n’ait pas recommencé entièrement la phase préliminaire d’examen lorsqu’elle a décidé de retirer les actes précédents rejetant les plaintes est également contradictoire. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’était pas en droit de reprendre la procédure à un stade antérieur (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 70).
224 Cet argument de la requérante n’est pas non plus appuyé par l’arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission (T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470), auquel elle se réfère, dans lequel le Tribunal a considéré que la Commission pouvait être tenue, en fonction des circonstances de l’espèce, de prendre en compte des éléments postérieurs à la décision remplacée à la suite de l’annulation de la première décision par le Tribunal, en vertu des obligations tirées de l’article 266 TFUE, afin d’apprécier la nécessité de rouvrir la procédure formelle d’examen (arrêt du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 70). L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt doit en effet être distinguée de la présente affaire, puisque, premièrement, le juge de l’Union ne s’était pas prononcé sur la légalité du raisonnement de la Commission dans la lettre litigieuse, deuxièmement, il existe des différences entre l’examen préliminaire et la procédure formelle d’examen qui est encadrée par des éléments figurant dans l’avis d’ouverture et, troisièmement, la requérante ne démontre aucunement pourquoi, si la Commission rouvrait la phase d’examen préliminaire, elle adopterait une position différente.
225 Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel le laps de temps entre l’adoption de la lettre litigieuse et celle de la seconde décision litigieuse contraignait la Commission à rechercher si de nouvelles informations étaient disponibles à l’égard de la mesure contestée est hypothétique et ne saurait prospérer. En effet, la requérante n’avance aucun élément nouveau postérieur à l’adoption de la lettre litigieuse que la Commission aurait été tenue de prendre en compte dans le cadre de la contestation du tarif fixé par la sentence arbitrale.
226 Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue de recommencer entièrement la procédure avant l’adoption de la seconde décision litigieuse doit être écarté.
227 Au demeurant, s’agissant de la prétendue modification du cadre juridique applicable, il convient de constater que l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 consacre le droit de toute partie intéressée de déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée doit remplir un formulaire en bonne et due forme. Lorsque la Commission estime que les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, elle en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois. En outre, elle envoie au plaignant une copie de toute décision adoptée dans une affaire concernant le sujet de sa plainte.
228 En vertu de la version initiale du règlement no 659/1999, la Commission pouvait se limiter à informer la partie intéressée du fait que les informations transmises étaient insuffisantes pour qu’elle se prononçât sur le cas. Elle était par ailleurs tenue d’envoyer à la partie intéressée sa décision, dès lors que cette dernière avait été adoptée sur un cas qui concernait la teneur des informations fournies (arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 39).
229 Au regard des dispositions du règlement 2015/1589, il apparaît que, au cours de la procédure administrative précédant l’éventuelle ouverture d’une procédure formelle d’examen, les droits des parties intéressées ont évolué sur deux points. D’une part, les informations qu’elles transmettent à la Commission sous un format normalisé sont désormais qualifiées de plainte. D’autre part, les parties intéressées sont amenées à présenter leurs observations si, à l’issue d’un examen à première vue, la Commission les informe qu’elle envisage de rejeter la plainte (arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 40).
230 Si cette évolution permet aux parties intéressées de faire valoir leur point de vue de manière plus complète et plus détaillée dans le cas d’un rejet envisagé de la plainte, en instaurant une certaine forme de dialogue entre elles et la Commission, cela n’a toutefois pas pour conséquence de transformer fondamentalement la nature de la procédure à l’égard des parties intéressées (arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 41). D’ailleurs, la requérante ne conteste pas que le contenu essentiel de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 était applicable dès 2013, mais explique que cela ne signifie pas que la Commission l’a appliqué.
231 Toutefois, selon une jurisprudence constante, la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE est une procédure ouverte uniquement à l’encontre de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide. Seul l’État membre concerné, en tant que destinataire de la future décision de la Commission, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense (voir arrêt du 29 septembre 2021, Ryanair e.a./Commission, T‑448/18, non publié, EU:T:2021:626, point 100 et jurisprudence citée).
232 Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, l’examen préliminaire des aides institué par le paragraphe 3 de cet article a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause. Elle doit ainsi être distinguée de la procédure formelle d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 19 octobre 2022, Ighoga Region 10 e.a./Commission, T‑582/20, non publié, EU:T:2022:648, point 25 et jurisprudence citée).
233 La jurisprudence a également précisé que la charte des droits fondamentaux n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité FUE ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoyait pas (voir arrêt du 29 septembre 2021, Ryanair e.a./Commission, T‑448/18, non publié, EU:T:2021:626, point 108 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante sur le droit d’être entendu de l’administré ainsi qu’il résulte d’autres matières du droit de l’Union doit être rejetée.
234 En tout état de cause, même à supposer que la requérante puisse se prévaloir du droit d’être entendue dans le cadre de la procédure d’adoption de la seconde décision litigieuse, il y a lieu de rappeler que, en présence d’une irrégularité affectant les droits de la défense, dont le droit d’être entendu fait partie intégrante, il appartient au juge de l’Union de vérifier si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent, dans la mesure où le requérant aurait pu mieux assurer lesdits droits en l’absence de cette irrégularité (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, DD/FRA, T‑470/20, non publié, EU:T:2022:511, point 141 et jurisprudence citée). À cet égard, la charge de la preuve de l’incidence possible du manquement incombe au requérant (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, EU:T:2009:304, point 45 et jurisprudence citée).
235 Or, en l’espèce, la Commission a informé la requérante, par lettre du 6 mai 2014, de l’évaluation préliminaire négative de la seconde plainte et l’a invitée à présenter des observations. En outre, par son recours dans l’affaire T-352/15, la requérante a demandé l’annulation de la première décision litigieuse, dont la motivation était, pour l’essentiel, identique à celle de la seconde décision litigieuse, de telle sorte que, au moment de l’adoption de cette dernière décision, la Commission disposait de l’ensemble des éléments qui, de l’avis de la requérante, auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen.
236 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas démontré en quoi la possibilité de déposer de nouvelles observations aurait pu éclairer la Commission avant l’adoption de la seconde décision litigieuse et que cet éclairage aurait pu conduire à un résultat différent.
237 Ainsi, l’argument de la requérante tiré d’une violation du droit d’être entendu en raison, d’une part, de la modification de la règle juridique applicable et, d’autre part, de l’adoption d’une nouvelle décision de classement de sa plainte doit être écarté.
238 Partant, le deuxième moyen dans l’affaire T-740/17 doit être rejeté.
E. Sur le septième moyen dans l’affaire T‑740/17, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur d’appréciation des faits, dès lors que la Commission n’a pas donné suite à la plainte de 2012, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en fondant son appréciation sur le fait que cette plainte « était devenue sans objet » à la suite du prononcé de la sentence arbitrale
239 La requérante conteste la décision de la Commission de ne pas donner suite à la plainte de 2012 dans la mesure où la décision no 346/2012 de la RAE instaurerait une aide d’État. Selon la requérante, par cette décision, elle était obligée d’appliquer des prix ne couvrant pas totalement les coûts qu’elle avait supportés pour l’approvisionnement en électricité de Metlen.
240 En premier lieu, la requérante fait valoir que le classement de la plainte de 2012 était entaché d’un défaut de motivation.
241 En outre, au stade de la réplique, la requérante conteste ce qu’elle considère comme une motivation ex post, l’allégation de la Commission dans le mémoire en défense selon laquelle la plainte de 2012 était dépourvue d’objet « distinct » et « non couverte par l’appréciation de la Commission sur la [seconde plainte] ».
242 En second lieu, la requérante fait valoir que, premièrement, en substance, la décision no 346/2012 de la RAE devait être évaluée comme une décision instituant une aide d’État illégale. Elle soutient que la plainte de 2012 ne concernait pas uniquement le tarif imposé par ladite décision, puisque, étant donné que la RAE n’a donné aucune explication quant au calcul du tarif fixé, cela signifie que, indépendamment de la question de savoir si ce prix était juste ou légal, la nature et la portée juridique de ladite décision ne se limitaient pas à la détermination provisoire dudit prix. Elle souligne que, dans cette décision, la RAE a pourtant accepté de manière définitive les arguments de Metlen selon lesquels son tarif devait être calculé sur la base des coûts variables de l’électricité produite par l’unité de production d’électricité fonctionnant au lignite la plus rentable. Selon elle, bien que la décision en question soit relative à des mesures provisoires, pareille décision a, sur la base des motifs précités, la nature d’un acte quasi réglementaire définitif de la RAE, dans la mesure où une telle décision ne prend aucun autre élément en compte pour ce qui est de la méthode de calcul du prix de l’électricité qu’elle avait appliqué. Elle indique que la décision en cause s’est fondée sur trois constats erronés, déjà soulignés dans ladite plainte, lorsqu’elle a expliqué, tout d’abord, qu’elle ne serait en aucun cas obligée d’approvisionner à un prix qui ne couvrirait que ses coûts variables, ensuite, qu’elle serait tenue de récupérer l’ensemble de ses coûts, notamment ses coûts fixes, ses coûts variables et ses coûts en capital et, enfin, que la « théorie des coûts variables les plus bas » serait fondée sur une analyse économique erronée. Elle précise que, selon cette théorie qu’elle conteste, elle devait prendre en compte les économies dont elle bénéficierait en raison du fait que la demande en électricité de Metlen était continue. Elle souligne que ladite théorie est fondée sur la présomption erronée qu’elle était obligée d’arrêter le fonctionnement de l’unité « marginale » de production d’électricité fonctionnant au lignite si l’approvisionnement de Metlen s’arrêtait.
243 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la décision no 346/2012 de la RAE avait été remplacée rétroactivement par la sentence arbitrale. Quand bien même le tribunal arbitral ne serait pas tenu juridiquement par ladite décision, il en aurait en réalité suivi les motifs. Ainsi, la requérante estime que la Commission aurait dû avoir des doutes sérieux quant à la nature et à la compatibilité des motifs de la décision en question avec l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aurait donc dû ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
244 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
245 À titre liminaire, il convient de relever que, au considérant 12 de la seconde décision litigieuse, la Commission a constaté que la plainte de 2012, par laquelle la requérante avait contesté le tarif fixé provisoirement par la décision no 346/2012 de la RAE, était devenue sans objet, dans la mesure où le tarif fixé par la sentence arbitrale avait rétroactivement remplacé le tarif provisoire.
246 De même, il ressort clairement de la décision no 346/2012 de la RAE que celle‑ci n’a fixé qu’un tarif provisoire de fourniture d’électricité entre les deux parties au compromis d’arbitrage. En effet, le point 3 du dispositif de ladite décision précise explicitement que le tarif fixé sera d’application soit jusqu’à la décision de la RAE sur la plainte de Metlen, soit jusqu’à l’adoption de la sentence arbitrale, soit plus tôt dans le cas où les négociations entre lesdites parties seraient fructueuses et que, en tout état de cause, l’électricité que la requérante fournira à Metlen au prix indiqué fera l’objet d’un décompte final par la suite. De même, ladite sentence a précisé que le tarif qu’elle avait fixé remplaçait le tarif provisoire de manière rétroactive, puisqu’il avait été appliqué à partir du 1er juillet 2010. Au demeurant, la requérante n’a apporté aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’interprétation qui résulte de cette décision a un caractère réglementaire et s’applique donc au-delà de son conflit avec Metlen, de sorte qu’il est nécessaire d’apprécier si cette décision était susceptible d’instaurer un régime d’aide d’État illégal. En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, les « preuves » soumises par la requérante constituent simplement des renvois à ses allégations figurant dans la plainte de 2012 et ne portent en aucun cas sur une preuve d’application générale de la décision en question.
247 Partant, la Commission pouvait légitimement constater que la plainte de 2012 avait perdu son objet à la suite de la sentence arbitrale et, en particulier, au moment de l’adoption de la seconde décision litigieuse. Dès lors, le septième moyen dans l’affaire T-740/17 doit être rejeté.
F. Sur le premier moyen dans l’affaire T‑740/17, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409)
248 La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a mal interprété les conditions posées par la Cour dans l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), sur la question du remplacement de la lettre litigieuse et de la première décision litigieuse.
249 Pour sa part, la Commission a demandé au Tribunal de constater, en application de l’article 130 du règlement de procédure, que les recours dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV étaient devenus sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer.
250 À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, par la lettre litigieuse, la première décision litigieuse et la seconde décision litigieuse, la Commission a souhaité mettre fin à la procédure préliminaire d’examen en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 tant pour la plainte de 2012 que pour la seconde plainte puisque l’enquête entamée n’aurait pas permis de conclure à l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE et qu’elle a, dès lors, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen.
251 S’il est flagrant que la lettre litigieuse ne respecte pas les conditions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 applicable au moment des faits, l’irrégularité formelle tenant à la compétence de l’auteur de l’acte a été corrigée par les deux actes ultérieurs.
252 En second lieu, il importe de rappeler que la jurisprudence a reconnu à toute institution qui constate qu’un de ses actes est entaché d’une illégalité le pouvoir de retirer cet acte dans un délai raisonnable, avec effet rétroactif, mais dans le respect des limites imposées par le principe de confiance légitime du bénéficiaire de l’acte qui a pu se fier à la légalité de celui‑ci (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, EU:C:1982:76, point 10, et du 17 avril 1997, de Compte/Parlement, C‑90/95 P, EU:C:1997:198, point 35).
253 Cependant, la possibilité de retrait rétroactif d’une décision de classer une plainte portant sur une prétendue aide d’État n’est pas absolue. En effet, si la Commission avait un droit illimité de retirer une telle décision, il lui suffirait de classer la plainte déposée par une partie intéressée, puis, après l’introduction d’un recours de cette partie, de retirer la décision de classement, de rouvrir la phase d’examen préliminaire et de répéter ces opérations autant de fois que nécessaire pour échapper à tout contrôle juridictionnel de son action (arrêt du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 68).
254 De plus, il ressort de la jurisprudence que l’adoption d’une décision purement confirmative ne saurait être considérée comme un tel retrait, sauf à faire obstacle à l’exercice effectif du recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 70). Un acte sera considéré comme purement confirmatif d’un acte précédent lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier. Il en va toutefois différemment si la Commission remplace une décision de classement d’une plainte pour réparer une illégalité qui l’affecte, tout en indiquant la nature de l’illégalité dont cette décision est entachée (arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 33 et 40).
255 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 30 de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), par la lettre litigieuse, la Commission a pris un acte de classement de l’affaire par lequel elle a décidé de mettre fin à la procédure préliminaire d’examen déclenchée par la plainte de 2012, a constaté que l’enquête entamée n’avait pas permis de conclure à l’existence d’une aide au sens de l’article 107 TFUE et a, dès lors, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Ainsi, la Commission a adopté une position définitive sur la demande de la requérante tendant à faire constater une violation desdits articles. En outre, comme ladite lettre a empêché la requérante de présenter ses observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen, elle a produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de celle‑ci.
256 De plus, la Cour a considéré que la première décision litigieuse était « purement confirmative » de la lettre litigieuse et ne saurait s’analyser comme un retrait de ladite lettre. Il en aurait été autrement si, par l’adoption de cette décision, la Commission avait entendu retirer la lettre litigieuse afin de remédier à une illégalité dont cette lettre aurait été entachée, ce que ladite décision ne précisait aucunement (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 40 et 41).
257 En effet, d’une part, à la suite de l’introduction du premier recours de la requérante contre la lettre litigieuse, la Commission a adopté la première décision litigieuse de sa propre initiative. Cependant, ladite décision retire cette lettre, sans préciser les raisons pour lesquelles ce retrait était nécessaire.
258 D’autre part, dans la mesure où cette solution n’était pas conforme à l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), la Commission a adopté par la suite la seconde décision litigieuse qui, à la différence de la première décision litigieuse, précise l’illégalité qui affectait les actes qu’elle souhaitait remplacer. Dès lors, par la seconde décision litigieuse, la Commission non seulement retire la lettre litigieuse et la première décision litigieuse, mais précise, au considérant 51, l’illégalité qu’elle souhaitait corriger.
259 Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la seconde décision litigieuse a retiré et remplacé la lettre litigieuse et la première décision litigieuse conformément aux exigences posées par l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409).
260 Dans ces circonstances, il convient de rejeter le premier moyen dans l’affaire T‑740/17 et, par conséquent, le recours dans ladite affaire dans son intégralité.
261 Par voie de conséquence, il y a lieu de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les recours dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV.
IV. Sur les dépens
262 Conformément à l’article 195 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui‑ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure devant la Cour.
263 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
264 En outre, il ressort de l’article 137 du règlement de procédure qu’en cas de non‑lieu à statuer le Tribunal règle librement les dépens.
265 Enfin, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
266 Eu égard au fait que la requérante a succombé dans l’affaire T‑740/17 RENV et qu’il n’y a plus lieu de statuer dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV, chaque partie supportera ses propres dépens dans les affaires T‑639/14, T‑639/14 RENV, T‑639/14 RENV II, T‑352/15, T‑352/15 RENV, T‑740/17 et T‑740/17 RENV ainsi que dans les affaires C‑228/16 P, C‑701/21 P et C‑739/21 P.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours dans l’affaire T‑740/17 RENV est rejeté.
2) Il n’y a plus lieu de statuer dans les recours dans les affaires T‑639/14 RENV II et T‑352/15 RENV.
3) Chaque partie supportera ses propres dépens dans les affaires T‑639/14, T‑639/14 RENV, T‑639/14 RENV II, T‑352/15, T‑352/15 RENV, T‑740/17 et T‑740/17 RENV ainsi que dans les affaires C‑228/16 P, C‑701/21 P et C‑739/21 P.
4) La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.