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Décisions

CA Montpellier, retentions, 12 novembre 2025, n° 25/00656

MONTPELLIER

Ordonnance

Autre

CA Montpellier n° 25/00656

12 novembre 2025

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 25/00656 - N° Portalis DBVK-V-B7J-Q25L

O R D O N N A N C E N° 2025 - 671

du 12 Novembre 2025

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [C] [D]

né le 13 Février 2007 à [Localité 6] (CHILI)

de nationalité Chilienne

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant et assisté de Maître Mohamed JARRAYA, avocat commis d'office.

Appelant,

et en présence de [G] [H], interprète assermenté en langue espagnole.

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DE HAUTE-GARONNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Olivier GUIRAUD conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Maryne BONGIRAUD, greffière placée,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu le jugement du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 05 mai 2025, condamnant Monsieur [C] [D] à une interdiction du territoire français de 3 ans,

Vu la décision de placement en rétention administrative du 04 novembre 2025 de Monsieur [C] [D], pendant 4 jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Vu l'ordonnance du 08 Novembre 2025 à 15h32 notifiée le même jour à la même heure, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Perpignan chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours.

Vu la déclaration d'appel faite le 10 Novembre 2025 par Monsieur [C] [D], du centre de rétention administrative de [5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 15h27.

Vu les courriels adressés le 10 Novembre 2025 à MONSIEUR LE PREFET DE HAUTE-GARONNE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 12 Novembre 2025 à 14 H 00.

Vu les observations écrites du préfet;

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box de la salle de visio-conférence du centre de rétention administratif, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

Vu la note d'audience du 12 Novembre 2025, mentionnant les prétentions et moyens développés par les parties,

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 10 Novembre 2025, à 15h27, Monsieur [C] [D] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Perpignan chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés du 08 Novembre 2025 notifiée à 15h32, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

Sur la nullité de la décision pour défaut de motivation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Cependant, la cour observe que la décision querellée n'est nullement dépourvue de motivation et de ce fait, elle ne saurait être annulée.

L'appelant soutient que l'annulation est encourue dans la mesure où le premier juge n'a pas répondu au fait qu'il aurait exprimé des craintes quant à son retour dans son pays d'origine.

Or, le fait de ne pas répondre à une demande, se traduit par une omission de statuer qui n'a pas pour conséquence d'entacher la décision querellée de nullité.

Ce moyen de nullité sera par conséquent rejeté.

Sur l'exception de nullité liée au défaut d'assermentation des interprètes

L'appelant soutient que la notification du placement en rétention par l'officier de police judiciaire ne respecte pas les dispositions de l'article D 594-11 du code de procédure pénale en ce qu'il ne figure pas au dossier un procès-verbal mentionnant le serment des interprètes intervenus pour la traduction de la notification des droits alors qu'ils ne figurent pas sur les listes visées par l'article précité et que cela fait grief au retenu.

ll indique que la simple mention manuscrite de l'organisme d'interprétariat n'est pas probante et ne permet pas de vérifier que lesdits interprètes sont bien assermentés en l`absence d'autres éléments dans la procédure.

Le représentant de la préfecture a indiqué en première instance que les interprètes intervenus dans la procédure appartiennent a la plateforme ISM et qu'ils sont nécessairement assermentés.

Aux termes de l'article L 111-7. du code précité, lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. ll indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiq.uer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.

En l'espèce, il y a lieu de constater qu'aucun grief n'est démontré au regard de l'absence prétendue de prestation de serment des interprètes intervenus lors de la procédure de placement en rétention administrative dans la mesure où le retenu démontre avoir saisi la portée de ses droits, notamment en formant une requête en vue d'obtenir la levée de la mesure de rétention.

En tout état de cause, la prestation de serment de l'interprète n'est pas requise par le codede l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre d'une vérification d'identité, d'un placement en retenue puis en rétention.

De surcroît, il ressort des éléments de la procédure policière que la notification de l'arrêté de placement a été effectuée par M. [V] et Mme [Z] (ISM) interprète requis, par téléphone et selon l'utilisation de la plateforme ISM, dûment agréée pour cela.

Enfin, hormis sur le principe, comme cela a été indiqué plus haut, l'intéressé n'allègue aucun grief propre à justifier la mainlevée de la mesure, et n'a fait d'ailleurs état d'aucune difficulté de compréhension au moment de la signature de l'acte de notification.

En conséquence, l'exception de nullité tenant à l'absence procès-verbal de la prestation de

serment des interprètes n'apparaît pas fondée.

Sur l'irrecevabilité de la requête pour défaut du registre actualisé et des pièces utiles

L'article R. 743-2 du code précité dispose : « A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2'».

Les textes ne précisent pas les pièces justificatives utiles devant accompagner la requête à l'exception de la copie du registre actualisé.

Il s'agit dès lors des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge judiciaire des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration.

L'appelant soutient que la procédure est irrégulière en raison du défaut de production par le préfet de toutes les pièces utiles. Il précise qu'il manquerait la copie du registre actualisé.

La copie du registre actualisée est produite avec toutes les pièces utiles à l'appréciation du litige.

Par ailleurs, le dossier transmis par la préfecture est complet et permet à la juridiction saisie d'apprécier les tenants et les aboutissants de la procédure.

En conséquence de ce qui précède, ce moyen d'irrecevabilité soulevé pour la première fois en cause d'appel doit être rejeté.

Sur le défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle et familiale de l'appelant

En vertu de l'article L741-6 du code précité, la décision de placement en rétention doit être motivée en fait et en droit. Le préfet n'est certes pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Ces motifs peuvent notamment être liés à l'absence de documents de voyage, au défaut de garanties de représentation effectives, à l'impossibilité d'appliquer des mesures alternatives moins coercitives, à l'existence d'une mesure d'éloignement non exécutée antérieurement, ou encore à une menace pour l'ordre public.

L'administration doit procéder à un examen concret et circonstancié de la situation de l'étranger et prendre en compte la proportionnalité de la mesure avec le but recherché, sa situation personnelle et familiale, ainsi que sa potentielle vulnérabilité. Ainsi, le préfet est tenu de démontrer les raisons qui lui font craindre que l'étranger risque de se soustraire à la mesure d'éloignement ou que l'intéressé faute de garanties de représentation, ne peut être assigné à résidence. Le préfet doit établir que le placement en rétention constitue l'unique solution pour assurer le départ de l'étranger.

L'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé et ce, au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

L'appelant expose que la motivation de Monsieur le préfet est lapidaire et ne fait aucunement référence à sa situation personnelle et familiale dans la mesure où dans sa décision du 3 novembre 2025, il indique qu 'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition, compte tenu notamment de ce qui précède et après examen de sa situation duquel il ressort qu 'il ne justi'e d'aucun changement, qui ferait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement, ni aucune vulnérabilité, ni handicap faisant obstacle à son placement en rétention administrative sans mentionner la présence de sa s'ur qui réside régulièrement au Portugal, élément communiqué dans le cadre de mes observations à la préfecture le 31 octobre 2025.

Il ajoute avoir émis des craintes en cas de retour au Chili, pays où il ne dispose plus d'aucun soutien ni de repère que le préfet n'a pas pris en compte. Toutefois, il a déclaré dans son audition par les services de la Police de l'air et des frontières de [Localité 7] du 24 septembre 2025 en présence d'un interprète, que ses parents se trouvaient au Chili, que ses moyens de subsistance sont liés dans la vente au Chili, et qu'il souhaitait repartir dans son pays d'origine après avoir vu sa s'ur et son frère.

Il fait valoir également être entré régulièrement en Espagne sous couvert d'un visa touristique et, a fortiori, sur l'espace Schengen, caractérisant ainsi une entrée régulière sur le territoire français.

Cependant, l'autorité administrative n'est pas tenue de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l`intéressé dès lors que les motifs positifsqu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention en l'absence notamment de documents de voyage et d'adresse stable et permanente.

Ainsi, il ne saurait être imputé une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation

personnelle et aux garanties de représentation de l'appelant, qui ne justifie pas de la présence d'une partie de sa famille sur le territoire européen.

Par ailleurs, le visa accordé à l'appelant pour entrer sur le territoire espagnol ne saurait rendre régulière sa présence sur le territoire national dans la mesure où son éloignement résulte d'une condamnation pénale qui prononce une interdiction à son encontre de se trouver sur le territoire français.

Ainsi, le préfet qui expose dans sa décision que l'appelant est entré irrégulièrement en France sans document d'identité ou de voyage et qui ne justifie d'aucune résidence fixe et stable en [3], a légitimement pu retenir l'existence d'un risque de soustraction à l`exécution dela décision d'éloignement en application des seules dispositions des 1°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code précité.

Sur le fond

II résulte des articles L. 741-1 et L. 731-1 du code précité, tels que modifiés par la loi n°2024-42 du 26 Janvier 2024, que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour

une durée de 4 jours, l'étranger qui :

1° fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expire ou n'a pas été

accordé ; .

2° doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français ;

3° doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État faisant partie de la Convention Schengen ;

4° doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;

5° doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français ;

6° fait l'objet d'une décision d'e×pulsion ;

7° doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français ;

Et qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction a l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure

n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'e×écution effective de cette décision ; que le

risque de soustraction est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L.

612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

L'article L. 742-3 du même code, dans sa version applicable depuis le 12 novembre 2025, dispose que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre-vingt-seize heures mentionné à l'article L. 741-1.

L'appelant est entré irrégulièrement sur le territoire français dans le courant de l'année 2025, qu'il a fait l'objet d'une condamnation du tribunal correctionnel de Toulouse le 5 mai 2025 à une peine d'un an d'emprisonnement dont 4 mois avec sursis et d'une interdiction judiciaire du territoire français de trois ans, pour des faits de rébellion commis en réunion et de tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par «une autre circonstance, qu'il a été incarcéré le 4 mai 2025 et que son comportement représente une menace à l'ordre public.

Par ailleurs, l'appelant n'est pas en mesure de justifier d'une résidence habituelle en [3].

En conséquence de ce qui précède, la décision dont appel doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la requête de l'appelant.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons les exceptions de nullité soulevées en cause d'appel;

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 12 Novembre 2025 à 15h00.

Le greffier, Le magistrat délégué,

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