Livv
Décisions

Cass. crim., 19 novembre 2025, n° 24-86.907

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

Cass. crim. n° 24-86.907

19 novembre 2025

N° K 24-86.907 F-B

N° 01499

SL2
19 NOVEMBRE 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 NOVEMBRE 2025

M. [S] [R] a formé un pourvoi contre l'ordonnance de la présidente de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Douai, en date du 2 décembre 2024, qui a prononcé sur sa requête portant sur ses conditions de détention.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [S] [R], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, M. Micolet, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. M. [S] [R] est détenu depuis le 1er juillet 2011, en exécution de plusieurs peines notamment de quatorze et vingt-huit années de réclusion criminelle. Il s'est évadé du 13 avril au 29 mai 2013 et du 2 juillet au 4 octobre 2018. Il est placé à l'isolement depuis le 29 mai 2013 et est inscrit au répertoire des détenus particulièrement surveillés. Il est actuellement écroué sous ce même régime, depuis le 20 novembre 2023, au centre pénitentiaire de [Localité 3]. Sa fin de peine est fixée au 17 août 2057.

3. M. [R] a saisi le juge de l'application des peines, sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, d'un recours concernant ses conditions de détention.

4. Le juge de l'application des peines par ordonnance du 18 novembre 2024, a déclaré cette requête bien fondée, a dit que le placement à l'isolement depuis plus de onze années, uniquement suspendu par les périodes d'évasion, sans perspectives concrètes et objectifs réalisables de levée donnés au détenu, les parloirs équipés d'un hygiaphone, et l'absence d'accès à l'unité de vie familiale depuis octobre 2018, constituent des conditions indignes de détention, et a fixé à trente jours le délai pour permettre à l'administration pénitentiaire de mettre fin à ces conditions, par tout moyen.

5. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance déférée et rejeté comme mal fondée la requête portant sur les conditions de détention actuelles de M. [R], alors :

« 1°/ que la décision rendue sur une requête portant sur les conditions de détention contraires à la dignité humaine doit être motivée ; que M. [R] soutenait, de manière développée, que ses conditions de détention étaient indignes, notamment en ce qu'il fait l'objet de décisions de placement à l'isolement de manière continue depuis plus de dix ans, entraînant une dégradation de sa santé physique et mentale, certificats médicaux à l'appui ; l'ordonnance ne le remet pas en cause, relevant elle-même qu'il « fait l'objet depuis au moins le 29 mai 2013 suite à son évasion du centre pénitentiaire de [Localité 1]-[Localité 2], de décisions de placement à l'isolement régulièrement renouvelées » et relenant également que « l'alerte donnée par le médecin généraliste et le psychiatre affectés au centre pénitentiaire de [Localité 3] mérite toute l'attention de l'administration » (ordonnance, p.5) ; qu'en se bornant à énoncer, de manière générale et abstraite, pour rejeter comme mal fondée la requête de M. [R], que « il ne résulte pas du dossier de la présente procédure que les conditions actuelles de détention de M. [S] [R] revêtent un caractère indigne au sens de l'article 803-8 du code de procédure pénale ni ne portent atteinte aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH, sans davantage s'en expliquer, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 803-8 du code de procédure pénale ;

2°/ que la décision rendue sur une requête portant sur les conditions de détention contraires à la dignité humaine doit être motivée ; que M. [R] soutenait, de manière développée, que ses conditions de détention étaient indignes, notamment en ce qu'il ne pouvait recevoir ses proches que par le biais de parloirs avec dispositif de séparation et ce depuis plus de cinq ans ; qu'en se bornant à énoncer, de manière générale et abstraite, pour rejeter comme mal fondée la requête de M. [R], que « il ne résulte pas du dossier de la présente procédure que les conditions actuelles de détention de M. [S] [R] revêtent un caractère indigne au sens de l'article 803-8 du code de procédure pénale ni ne portent atteinte aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH, sans davantage s'en expliquer, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 803-8 du code de procédure pénale ;

3°/ que la décision rendue sur une requête portant sur les conditions de détention contraires à la dignité humaine doit être motivée ; que M. [R] soutenait, de manière développée, que ses conditions de détention étaient indignes, en ce qu'il se voyait appliquer un régime combinant placement à l'isolement depuis plus de dix ans, mesure combinée au maintien du dispositif de séparation hygiaphone, conduisant à un isolement sensoriel et d'un isolement social caractérisé par l'impossible socialisation intrinsèque au quartier d'isolement et l'impossible socialisation lors des visites aux parloirs avec ses proches ; que l'ordonnance relève qu'il « fait l'objet depuis au moins le 29 mai 2013 suite à son évasion du centre pénitentiaire de [Localité 1]-[Localité 2], de décisions de placement à l'isolement régulièrement renouvelées » et relevant également que « l'alerte donnée par le médecin généraliste et le psychiatre affectés au centre pénitentiaire de [Localité 3] mérite toute l'attention de l'administration » (ordonnance, p.5) ; qu'en se bornant à énoncer, de manière générale et abstraite, pour rejeter comme mal fondée la requête de M. [R], que « il ne résulte pas du dossier de la présente procédure que les conditions actuelles de détention de M. [S] [R] revêtent un caractère indigne au sens de l'article 803-8 du code de procédure pénale ni ne portent atteinte aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH, sans davantage s'en expliquer, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 803-8 du code de procédure pénale ;

4°/ que la décision rendue sur une requête portant sur les conditions de détention contraires à la dignité humaine doit être motivée ; que M. [R] soutenait, de manière développée, que ses conditions de détention étaient indignes, du fait de la combinaison des mesures de contraintes dont il fait l'objet, telles que fouilles à nu systématiques en cas de fouilles de sa cellule, du passage régulier des surveillants à l'oeilleton à horaires réguliers entravant l'équilibre de son sommeil, du recours au menottage à chaque déplacement à l'infirmerie ou aux parloirs, parloirs avec un dispositif de séparation hygiaphone, exacerbant son isolement, et maintien prolongé à l'isolement depuis plus de dix ans, portant atteinte à sa santé ; que l'ordonnance relève qu'il « fait l'objet depuis au moins le 29 mai 2013 suite à son évasion du centre pénitentiaire de [Localité 1]-[Localité 2], de décisions de placement à l'isolement régulièrement renouvelées » et relenant également que « l'alerte donnée par le médecin généraliste et le psychiatre affectés au centre pénitentiaire de [Localité 3] mérite toute l'attention de l'administration » (ordonnance, p.5) ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter comme mal fondée la requête de M. [R], que « il ne résulte pas du dossier de la présente procédure que les conditions actuelles de détention de M. [S] [R] revêtent un caractère indigne au sens de l'article 803-8 du code de procédure pénale ni ne portent atteinte aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH », sans davantage s'en expliquer, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 803-8 du code de procédure pénale ;

5°/ qu'en infirmant l'ordonnance de première instance, sans davantage expliciter les motifs pour lesquelles elle entendait réfuter l'ordonnance de première instance, la présidente de la chambre de l'application des peines a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour rejeter la requête de M. [R], l'ordonnance attaquée retient que le requérant, qui dispose d'une cellule individuelle, ne souffre à l'établissement de [Localité 3] d'aucune situation de sur-occupation et notamment de manque d'espace personnel, non plus que de conditions matérielles de détention inadaptées au regard des prescriptions d'hygiène, de salubrité et de propreté des locaux définies par les lois et règlements en vigueur. Il a régulièrement accès à une salle de sport, à une cour de promenade, à la bibliothèque, ainsi qu'à l'enseignement et l'aumônier de son choix.

9. Le juge ajoute que l'intéressé est inscrit au répertoire des détenus particulièrement surveillés depuis le 1er juillet 2011, qu'il fait l'objet, depuis au moins le 29 mai 2013, à la suite de son évasion d'un autre centre pénitentiaire, de décisions de placement à l'isolement régulièrement renouvelées sous le contrôle des juridictions administratives, en raison de son profil pénal et pénitentiaire confirmé au long des années et du risque de corruption qu'il représente. Quatre fois par nuit, il fait l'objet d'un contrôle visuel de sa présence en cellule, associé à une petite lumière en cas de suspicion, et, une fois par mois environ, de fouilles intégrales. Des modalités particulières lui sont appliquées parmi lesquelles, depuis 2018, le fait que les visites qu'il reçoit au parloir, à l'exception de celles de l'aumônier ou du visiteur de prison, se déroulent dans une salle munie de parois de séparation de type « hygiaphone », et l'impossibilité d'accéder aux « unités de vie familiale » dont d'autres détenus peuvent disposer au sein du quartier d'isolement.

10. Il en conclut que s'il est incontestable que le régime actuellement appliqué à M. [R] est particulièrement rigoureux et que l'alerte donnée par le médecin généraliste et le psychiatre affectés au centre pénitentiaire de [Localité 3] mérite toute l'attention de l'administration pénitentiaire, il ne résulte pas du dossier de la procédure que les conditions actuelles de détention du requérant revêtent un caractère indigne au sens de l'article 803-8 du code de procédure pénale, ni ne portent atteinte aux prescriptions de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, le développement d'une offre d'activités pouvant atténuer l'isolement sensoriel et culturel de l'intéressé étant par ailleurs à l'étude par l'administration pénitentiaire.

11. En se déterminant ainsi, la présidente de la chambre de l'application des peines a justifié sa décision.

12. En effet, d'une part, le demandeur n'est pas fondé à se prévaloir de l'incidence des mesures d'isolement et de séparation par hygiaphone des visites au parloir, sur ses conditions d'incarcération, dès lors qu'il dispose devant le juge administratif d'un recours effectif de nature à faire cesser lesdites mesures.

13. D'autre part, il résulte de l'ordonnance attaquée que les mesures de contrainte dont fait état le demandeur, prises dans leur ensemble, sont proportionnées aux nécessités de sécurité induites par sa dangerosité.

14. Le moyen doit en conséquence être rejeté.

15. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt-cinq.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site