Cass. com., 13 novembre 2025, n° 24-11.454
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Itm alimentaire international (SASU)
Défendeur :
Lidl (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Tréfigny
Avocats :
SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Melka-Prigent-Drusch
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2024), soutenant que l'usage, par la société Itm alimentaire international (la société Itm AI), des formules « producteur et commerçant » et « producteurs et commerçants » dans une campagne de communication massive induisait les consommateurs en erreur, la société Lidl l'a assignée en concurrence déloyale devant un tribunal de commerce, demandant notamment la cessation de ces agissements.
2. Faisant valoir que la société Itm entreprises, membre, comme elle, du Groupement des mousquetaires, était titulaire de deux marques semi-figuratives françaises « producteur et commerçant » et « producteurs et commerçants », la société Itm AI a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit d'un tribunal judiciaire, en tant que juridiction spécialement désignée pour connaître des contentieux mettant en uvre des droits de propriété intellectuelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Itm AI fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence en retenant la compétence d'un tribunal de commerce, alors :
« 1°/ que les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire ; qu'il s'en déduit que, quel que soit le fondement juridique que le demandeur a choisi d'assigner à ses prétentions, l'action qui tend à voir interdire ou restreindre l'exploitation par le défendeur des droits que ce dernier détient sur une marque déposée, et dont le succès serait par conséquent de nature à porter atteinte aux droits attachés à cette marque, est une action relative aux marques et doit dès lors être portée devant le tribunal judiciaire exclusivement compétent pour en connaître ; qu'en considérant néanmoins, pour refuser de faire droit à l'exception d'incompétence dont elle était saisie et retenir la compétence du tribunal de commerce, que, même si la formule "producteur et commerçant" constitue une composante des marques complexes déposées par la société Itm entreprises, les demandes de la société Lidl tendant à ce qu'il soit fait injonction à la société Itm AI de cesser de l'utiliser sur tous ses supports publicitaires n'impliquait pas le renvoi devant la juridiction spécialisée, dès lors que ces demandes étaient exclusivement fondées sur la concurrence déloyale et ne postuleraient aucun examen de l'existence ou de la portée des droits de marque attachés à ces mentions, quand le succès de cette action serait pourtant de nature à porter atteinte aux droits que détient la société Itm AI sur ces marques, ce qui mettait la juridiction saisie dans l'obligation d'apprécier leur existence et de les prendre en considération, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 716-5, II, du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire ; qu'en considérant que l'action en concurrence déloyale introduite par la société Lidl n'impliquait pas qu'il fût statué sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit des marques, quand cette société soutenait pourtant que les mentions « producteur et commerçant » et « producteurs et commerçants », qui sont une composante des marques complexes déposées par la société Itm entreprises, seraient trompeuses et source de confusion dans l'esprit des consommateurs, ce qui revenait indirectement à remettre en cause la validité même de ces marques, sous l'angle de leur éventuelle déceptivité, ainsi que le faisait justement observer l'appelante, la cour d'appel a de nouveau violé, par refus d'application, l'article L. 716-5, II, du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 711-2 du même code. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé à bon droit qu'il était indifférent que la société Itm entreprises, appartenant au même groupe que la société Itm AI, soit titulaire de deux marques françaises semi-figuratives, dès lors que l'action de la société Lidl, fondée exclusivement sur des actes de concurrence déloyale commis par la société Itm AI, n'impliquait ni examen de l'existence ou de la portée des droits sur ces marques ni mise en uvre des règles du droit de la propriété intellectuelle, en particulier celles relatives à la validité ou à la contrefaçon des marques, quand bien même les mesures d'interdiction demandées étaient relatives aux mentions « producteur et commerçant » et « producteurs et commerçants », qui sont une composante des signes complexes déposés, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande ne relevait pas de la compétence exclusive d'un tribunal judiciaire.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Itm alimentaire international aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Itm alimentaire international et la condamne à payer à la société Lidl la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.