CA Bordeaux, 1re ch. civ., 10 novembre 2025, n° 23/03287
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 10 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/03287 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLCZ
[P] [T]
[M] [Z]
c/
S.E.L.A.R.L. PHILAE
Société CA CONSUMER FINANCE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 août 2022 par le Tribunal Judiciciaire de Bordeaux - Juge des contentieux de la protection (RG : 21/01538) suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2023
APPELANTS :
1- [P] [T]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]/ FRANCE
2- [M] [Z]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]/ FRANCE
Représentés par Me Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE de la SELARL AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistés de Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉES :
1- S.E.L.A.R.L. PHILAE es qualité de « administrateur judiciaire » de la « SOLEECO SASU », prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
Non représentée, assignée par dépôt à étude par acte de commissaire de justice
2- Société CA CONSUMER FINANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
Représentée par Me William MAXWELL de la SELAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Laurence MICHEL, présidente,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Roland POTEE, président, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont fait assigner par acte du 20 mai 2021 la société CA CONSUMER FINANCE avec la SELARL Philae, mandataire ad hoc de la société en liquidation SOLEECO, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de vente d'une installation photovoltaïque conclu le 15 avril 2010 après démarchage à domicile de la société SOLEECO et par voie de conséquence, la nullité du contrat de crédit affecté passé avec la société CA CONSUMER FINANCE avec les conséquences qui en résultent en termes d'indemnisation et de restitutions.
2. Les demandeurs exposaient avoir signé un bon de commande pour l'acquisition d'une installation photovoltaïque d'un montant de 25.200 euros TTC, financée au moyen d'un crédit consenti par la société CA CONSUMER FINANCE et ils faisaient valoir que l'installation ne produit pas le rendement escompté ni les économies promises, que le bon de commande est irrégulier au regard des prescriptions du code de la consommation et que la banque avait commis des fautes justifiant sa condamnation à leur restituer le prix de vente et à leur verser des indemnités compensatrices.
3.Par jugement du 12 août 2022 auquel il est référé pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure, le tribunal a:
- Déclaré irrecevables car prescrites les actions intentées par Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE et de la SELARL PHILIAE ès qualité de mandataire de la SAS SOLEECO
- Débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamné Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à régler à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;
- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties
4. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont formé un premier appel de la décision le 4 juillet 2023 en intimant la seule SELARL PHILAE es qualités de mandataire ad hoc de la SASU SOLEECO, procédure enregistrée sous le numéro 23/3188.
5. Le magistrat de la mise en état a constaté la caducité de cette déclaration d'appel par une ordonnance rendue le 5 octobre 2023 en application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile et qui n'a fait l'objet d'aucun recours.
6. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont entre-temps formé un second appel le 10 juillet 2023, en intimant cette fois la société CA CONSUMER FINANCE et la SELARL PHILAE es qualités, procédure enregistrée sous le numéro 23/3287.
7. Aux termes de leurs dernières conclusions du 19 mars 2024, les appelants demandent à la cour de:
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Déclaré irrecevables car prescrites les actions intentées par Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE et de la SELARL PHILAE ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS SOLEECO ;
Débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamné Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à régler à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;
Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties.
Et statuant de nouveau:
- Déclarer les demandes de M.[P] [T] et Mme [M] [Z] recevables et bien fondées ;
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société SOLEECO et M.[P] [T] et Mme [M] [Z] ;
Par conséquent,
- Prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M.[P] [T] et Mme [M] [Z] et la société CA CONSUMER FINANCE
- Constater que la société CONSUMER FINANCE sera privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et par ailleurs la condamner à restituer à M.[P] [T] et Mme [M] [Z] les sommes d'ores et déjà remboursées à la banque dans le cadre de l'exécution normale du crédit ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à verser à M. [P] [T] et Mme [M] [Z] les sommes suivantes :
- 25.200,00 € correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;
- 17.442,72 € correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par M.[P] [T] et Mme [M] [Z] à la société CA CONSUMER FINANCE en exécution du prêt souscrit ;
- 5.000,00 euros au titre du préjudice moral ;
- 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à verser à M.[P] [T] et Mme [M] [Z] l'ensemble des intérêts versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ;
- Débouter la société CA CONSUMER FINANCE et la société SOLEECO de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à supporter les dépens, en ce compris ceux de première instance et d'appel
8.La société CA CONSUMER FINANCE demande à la cour, par dernières conclusions du 3 mai 2024 de:
- Confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions sauf en ce qu'il déboute la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande tendant à voir M. [T] et Mme [Z] condamnés, in solidum, à lui payer une indemnité de 800 €,
Statuant à nouveau sur la demande indemnitaire de la société CA CONSUMER FINANCE :
- Condamner M. [T] et Mme [R] à payer une somme de 500 euros à la société CA CONSUMER FINANCE sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Subsidiairement si la cour venait à juger l'action recevable :
- Débouter M.[T] et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société CA CONSUMER FINANCE
- Condamner M.[T] et Mme [R] à payer une somme de 500 euros à la société CA CONSUMER FINANCE sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
En tout état de cause :
- Condamner M.[T] et Mme [Z] à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
9. La SELARL PHILAE es qualités n' a pas comparu. Les conclusions des parties lui ont été régulièrement signifiées dans le cadre de la procédure n°23/3287.
10. L'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2025.
11. A l'audience de plaidoirie, les parties ont été invitées à présenter sous quinzaine, leurs observations sur la recevabilité du second appel formé à l'encontre de la SELARL PHILAE es qualités et par voie de conséquence, sur la recevabilité de l'appel formé à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE, le tout en application des dispositions de l'article 914 alinéa 2 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023. Dans leurs messages des 8 et 9 octobre 2025, les conseils des parties ont déclaré s'en remettre à l'appréciation de la cour sur ce point.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel du 10 juillet 2023 à l'égard de la SELARL PHILAE
12. Il a été rappelé plus haut qu'une première déclaration d'appel du jugement entrepris a été formée le 4 juillet 2023 à l'égard de la seule SELARL PHILAE es qualités et que la caducité de cet appel a été constatée par une ordonnance du magistrat de la mise en état du 5 octobre 2023, devenue définitive.
13. Dès lors, la seconde déclaration d'appel, formée le 10 juillet 2023 à l'égard de la même partie et du même jugement est irrecevable, faute d'intérêt pour agir des appelants, puisque la première déclaration d'appel a été formée régulièrement et que sa caducité n'a été constatée que postérieurement à la seconde déclaration.
Sur la recevabilité de l'appel du 10 juillet 2023 à l'égard de la société CA CONSUMER FINANCE
14. Les appelants contestant la prescription de leur action opposée par l'intimée et retenue par le premier juge, demandent à la cour de prononcer la nullité du bon de commande signé le 15 avril 2010 avec la société SOLEECO pour manoeuvres dolosives et violations des dispositions impératives du code de la consommation et, par voie de conséquence, la nullité corrélative du contrat de crédit affecté en application des articles L 311-32 et L. 312-55 du code de la consommation applicables au litige selon lesquels le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même résolu ou annulé judiciairement.
15. La société CA CONSUMER FINANCE maintient en appel les fins de non-recevoir soumises au premier juge, tirées d'une part de la prescription quinquennale, l'action ayant été engagée 11 ans après la signature du contrat et d'autre part, du défaut d'intérêt et de qualité à agir des appelants à son encontre puisqu'elle a refusé de leur octroyer le prêt litigieux et qu'aucune pièce n'est produite pour démontrer le contraire.
16. Avant même d'examiner la question de la prescription, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, que le principe du contradictoire s'impose aux parties et au juge dans les termes des articles 15 et 16 du même code et que le juge commet un excès de pouvoir s'il se prononce sur la nullité d'un contrat sans s'assurer que toutes les parties au contrat ont été entendues ou régulièrement appelées.
17.En l'espèce, la cour constate que les appelants demandent de prononcer la nullité du contrat de vente signé avec la société SOLEECO alors que l'appel formé à l'égard de cette partie est déclaré irrecevable, ce qui prive son représentant de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense.
18. Les appelants seront donc déclarés irrecevables en leur demande de nullité du contrat de vente ce qui rend inutile l'examen de la prescription à l'égard du vendeur.
19. La demande de nullité du contrat de crédit affecté étant assise sur la nullité du contrat principal dont elle découle par application des articles L 311-32 et L312-55 du code de la consommation, l'irrecevabilité de la demande de nullité du contrat principal implique celle de la demande de nullité du contrat de crédit affecté.
20. Au surplus, comme le fait valoir la banque, les appelants ne produisent toujours pas en appel, les éléments permettant de rapporter la preuve qui leur incombe, de l'existence du contrat de prêt.
21. En effet, la seule production du bon de commande et de l'offre de crédit, sans courrier de confirmation de l'agrément de l'emprunteur par la banque, conformément aux dispositions de l'article L 311-16 du code de la consommation, ne suffit pas à rapporter la preuve du contrat de prêt, alors que les appelants, déjà interpellés sur ce point en première instance, avaient tout loisir de soumettre à la cour toute pièce utile comme leurs relevés de compte bancaire ou tout courrier pertinent de l'organisme prêteur et qu'ils ne répondent d'ailleurs pas, malgré de longues écritures, au moyen de droit qui leur est opposé sur ce point.
22. Le jugement qui a déclaré irrecevables les actions engagées par Mme [Z] et M.[T] sera en conséquence confirmé par motifs substitués.
Sur les demandes annexes
23.C'est à juste titre que la société CA CONSUMER FINANCE invoque le caractère abusif à son égard de la procédure engagée contre elle plus de 11 années après la signature du contrat litigieux et poursuivie en appel sans versement aux débats ni des éléments de preuve de l'existence du contrat de prêt, malgré l'invitation déjà faite en première instance, ni d'aucun élément relatif aux manoeuvres dolosives imputées aux intimées, les appelants se contentant d'ajouter aux trois pièces produites en première instance le bon de commande, l'offre de prêt et la facture de la société SOLEECO), les consultations juridiques de deux universitaires sur la prescription et le contentieux en matière de photovoltaïque.
24. La poursuite en appel d'une procédure engagée d'une manière manifestement légère en première instance sans production d'aucun élément de preuve des faits invoqués caractérise un usage abusif des voies de recours de nature à préjudicier à l'image de la société CA CONSUMER FINANCE qui est ainsi fondée à obtenir l'indemnité de 500 euros qu'elle réclame en réparation de ce préjudice.
25. Les appelants supporteront les dépens d'appel et verseront à cette société une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare irrecevable l'appel formé à l'encontre de la SELARL PHILAE en sa qualité de mandataire ad hoc de la société en liquidation SOLEECO;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau de ce chef;
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à verser à la société CA CONSUMER FINANCE une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif;
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à verser à la société CA CONSUMER FINANCE une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Laurence MICHEL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 10 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/03287 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLCZ
[P] [T]
[M] [Z]
c/
S.E.L.A.R.L. PHILAE
Société CA CONSUMER FINANCE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 août 2022 par le Tribunal Judiciciaire de Bordeaux - Juge des contentieux de la protection (RG : 21/01538) suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2023
APPELANTS :
1- [P] [T]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]/ FRANCE
2- [M] [Z]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]/ FRANCE
Représentés par Me Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE de la SELARL AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistés de Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉES :
1- S.E.L.A.R.L. PHILAE es qualité de « administrateur judiciaire » de la « SOLEECO SASU », prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
Non représentée, assignée par dépôt à étude par acte de commissaire de justice
2- Société CA CONSUMER FINANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
Représentée par Me William MAXWELL de la SELAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Laurence MICHEL, présidente,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Roland POTEE, président, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont fait assigner par acte du 20 mai 2021 la société CA CONSUMER FINANCE avec la SELARL Philae, mandataire ad hoc de la société en liquidation SOLEECO, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de vente d'une installation photovoltaïque conclu le 15 avril 2010 après démarchage à domicile de la société SOLEECO et par voie de conséquence, la nullité du contrat de crédit affecté passé avec la société CA CONSUMER FINANCE avec les conséquences qui en résultent en termes d'indemnisation et de restitutions.
2. Les demandeurs exposaient avoir signé un bon de commande pour l'acquisition d'une installation photovoltaïque d'un montant de 25.200 euros TTC, financée au moyen d'un crédit consenti par la société CA CONSUMER FINANCE et ils faisaient valoir que l'installation ne produit pas le rendement escompté ni les économies promises, que le bon de commande est irrégulier au regard des prescriptions du code de la consommation et que la banque avait commis des fautes justifiant sa condamnation à leur restituer le prix de vente et à leur verser des indemnités compensatrices.
3.Par jugement du 12 août 2022 auquel il est référé pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure, le tribunal a:
- Déclaré irrecevables car prescrites les actions intentées par Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE et de la SELARL PHILIAE ès qualité de mandataire de la SAS SOLEECO
- Débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamné Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à régler à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;
- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties
4. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont formé un premier appel de la décision le 4 juillet 2023 en intimant la seule SELARL PHILAE es qualités de mandataire ad hoc de la SASU SOLEECO, procédure enregistrée sous le numéro 23/3188.
5. Le magistrat de la mise en état a constaté la caducité de cette déclaration d'appel par une ordonnance rendue le 5 octobre 2023 en application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile et qui n'a fait l'objet d'aucun recours.
6. Mme [M] [Z] et M.[P] [T] ont entre-temps formé un second appel le 10 juillet 2023, en intimant cette fois la société CA CONSUMER FINANCE et la SELARL PHILAE es qualités, procédure enregistrée sous le numéro 23/3287.
7. Aux termes de leurs dernières conclusions du 19 mars 2024, les appelants demandent à la cour de:
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Déclaré irrecevables car prescrites les actions intentées par Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE et de la SELARL PHILAE ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS SOLEECO ;
Débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamné Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à régler à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance ;
Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties.
Et statuant de nouveau:
- Déclarer les demandes de M.[P] [T] et Mme [M] [Z] recevables et bien fondées ;
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société SOLEECO et M.[P] [T] et Mme [M] [Z] ;
Par conséquent,
- Prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M.[P] [T] et Mme [M] [Z] et la société CA CONSUMER FINANCE
- Constater que la société CONSUMER FINANCE sera privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et par ailleurs la condamner à restituer à M.[P] [T] et Mme [M] [Z] les sommes d'ores et déjà remboursées à la banque dans le cadre de l'exécution normale du crédit ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à verser à M. [P] [T] et Mme [M] [Z] les sommes suivantes :
- 25.200,00 € correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;
- 17.442,72 € correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par M.[P] [T] et Mme [M] [Z] à la société CA CONSUMER FINANCE en exécution du prêt souscrit ;
- 5.000,00 euros au titre du préjudice moral ;
- 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à verser à M.[P] [T] et Mme [M] [Z] l'ensemble des intérêts versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ;
- Débouter la société CA CONSUMER FINANCE et la société SOLEECO de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
- Condamner la société CA CONSUMER FINANCE à supporter les dépens, en ce compris ceux de première instance et d'appel
8.La société CA CONSUMER FINANCE demande à la cour, par dernières conclusions du 3 mai 2024 de:
- Confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions sauf en ce qu'il déboute la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande tendant à voir M. [T] et Mme [Z] condamnés, in solidum, à lui payer une indemnité de 800 €,
Statuant à nouveau sur la demande indemnitaire de la société CA CONSUMER FINANCE :
- Condamner M. [T] et Mme [R] à payer une somme de 500 euros à la société CA CONSUMER FINANCE sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Subsidiairement si la cour venait à juger l'action recevable :
- Débouter M.[T] et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société CA CONSUMER FINANCE
- Condamner M.[T] et Mme [R] à payer une somme de 500 euros à la société CA CONSUMER FINANCE sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
En tout état de cause :
- Condamner M.[T] et Mme [Z] à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
9. La SELARL PHILAE es qualités n' a pas comparu. Les conclusions des parties lui ont été régulièrement signifiées dans le cadre de la procédure n°23/3287.
10. L'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2025.
11. A l'audience de plaidoirie, les parties ont été invitées à présenter sous quinzaine, leurs observations sur la recevabilité du second appel formé à l'encontre de la SELARL PHILAE es qualités et par voie de conséquence, sur la recevabilité de l'appel formé à l'encontre de la société CA CONSUMER FINANCE, le tout en application des dispositions de l'article 914 alinéa 2 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023. Dans leurs messages des 8 et 9 octobre 2025, les conseils des parties ont déclaré s'en remettre à l'appréciation de la cour sur ce point.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel du 10 juillet 2023 à l'égard de la SELARL PHILAE
12. Il a été rappelé plus haut qu'une première déclaration d'appel du jugement entrepris a été formée le 4 juillet 2023 à l'égard de la seule SELARL PHILAE es qualités et que la caducité de cet appel a été constatée par une ordonnance du magistrat de la mise en état du 5 octobre 2023, devenue définitive.
13. Dès lors, la seconde déclaration d'appel, formée le 10 juillet 2023 à l'égard de la même partie et du même jugement est irrecevable, faute d'intérêt pour agir des appelants, puisque la première déclaration d'appel a été formée régulièrement et que sa caducité n'a été constatée que postérieurement à la seconde déclaration.
Sur la recevabilité de l'appel du 10 juillet 2023 à l'égard de la société CA CONSUMER FINANCE
14. Les appelants contestant la prescription de leur action opposée par l'intimée et retenue par le premier juge, demandent à la cour de prononcer la nullité du bon de commande signé le 15 avril 2010 avec la société SOLEECO pour manoeuvres dolosives et violations des dispositions impératives du code de la consommation et, par voie de conséquence, la nullité corrélative du contrat de crédit affecté en application des articles L 311-32 et L. 312-55 du code de la consommation applicables au litige selon lesquels le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même résolu ou annulé judiciairement.
15. La société CA CONSUMER FINANCE maintient en appel les fins de non-recevoir soumises au premier juge, tirées d'une part de la prescription quinquennale, l'action ayant été engagée 11 ans après la signature du contrat et d'autre part, du défaut d'intérêt et de qualité à agir des appelants à son encontre puisqu'elle a refusé de leur octroyer le prêt litigieux et qu'aucune pièce n'est produite pour démontrer le contraire.
16. Avant même d'examiner la question de la prescription, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, que le principe du contradictoire s'impose aux parties et au juge dans les termes des articles 15 et 16 du même code et que le juge commet un excès de pouvoir s'il se prononce sur la nullité d'un contrat sans s'assurer que toutes les parties au contrat ont été entendues ou régulièrement appelées.
17.En l'espèce, la cour constate que les appelants demandent de prononcer la nullité du contrat de vente signé avec la société SOLEECO alors que l'appel formé à l'égard de cette partie est déclaré irrecevable, ce qui prive son représentant de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense.
18. Les appelants seront donc déclarés irrecevables en leur demande de nullité du contrat de vente ce qui rend inutile l'examen de la prescription à l'égard du vendeur.
19. La demande de nullité du contrat de crédit affecté étant assise sur la nullité du contrat principal dont elle découle par application des articles L 311-32 et L312-55 du code de la consommation, l'irrecevabilité de la demande de nullité du contrat principal implique celle de la demande de nullité du contrat de crédit affecté.
20. Au surplus, comme le fait valoir la banque, les appelants ne produisent toujours pas en appel, les éléments permettant de rapporter la preuve qui leur incombe, de l'existence du contrat de prêt.
21. En effet, la seule production du bon de commande et de l'offre de crédit, sans courrier de confirmation de l'agrément de l'emprunteur par la banque, conformément aux dispositions de l'article L 311-16 du code de la consommation, ne suffit pas à rapporter la preuve du contrat de prêt, alors que les appelants, déjà interpellés sur ce point en première instance, avaient tout loisir de soumettre à la cour toute pièce utile comme leurs relevés de compte bancaire ou tout courrier pertinent de l'organisme prêteur et qu'ils ne répondent d'ailleurs pas, malgré de longues écritures, au moyen de droit qui leur est opposé sur ce point.
22. Le jugement qui a déclaré irrecevables les actions engagées par Mme [Z] et M.[T] sera en conséquence confirmé par motifs substitués.
Sur les demandes annexes
23.C'est à juste titre que la société CA CONSUMER FINANCE invoque le caractère abusif à son égard de la procédure engagée contre elle plus de 11 années après la signature du contrat litigieux et poursuivie en appel sans versement aux débats ni des éléments de preuve de l'existence du contrat de prêt, malgré l'invitation déjà faite en première instance, ni d'aucun élément relatif aux manoeuvres dolosives imputées aux intimées, les appelants se contentant d'ajouter aux trois pièces produites en première instance le bon de commande, l'offre de prêt et la facture de la société SOLEECO), les consultations juridiques de deux universitaires sur la prescription et le contentieux en matière de photovoltaïque.
24. La poursuite en appel d'une procédure engagée d'une manière manifestement légère en première instance sans production d'aucun élément de preuve des faits invoqués caractérise un usage abusif des voies de recours de nature à préjudicier à l'image de la société CA CONSUMER FINANCE qui est ainsi fondée à obtenir l'indemnité de 500 euros qu'elle réclame en réparation de ce préjudice.
25. Les appelants supporteront les dépens d'appel et verseront à cette société une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare irrecevable l'appel formé à l'encontre de la SELARL PHILAE en sa qualité de mandataire ad hoc de la société en liquidation SOLEECO;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau de ce chef;
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à verser à la société CA CONSUMER FINANCE une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif;
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] à verser à la société CA CONSUMER FINANCE une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [M] [Z] et M.[P] [T] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Laurence MICHEL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,