Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 12 novembre 2025, n° 25/10332

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/10332

12 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/10332 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLQKZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2025 - Tribunal de Commerce de Creteil - RG n° 2025P00588

APPELANTE

S.A.S.U. RK GLOBAL

[Adresse 2]

[Localité 7]

Immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 913 509 147

Représentée par Me Charlotte LAPICQUE, avocate au barreau de PARIS

Assistée par Me Kamal TABI de la SELEURL K.T, avocat au barreau de PARIS, toque : 70

INTIMÉES

Etablissement Public PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 333

Assisté par Me Florence FRICAUDET de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocate au barreau de HAUTS-DE-SEINE

S.E.L.A.R.L. S21Y ès qualités de la S.A.S.U. RK GLOBAL

[Adresse 5]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 813 660 693

Représentée par Me Charlotte LAPIDUS de la SELARL LAPIDUS, avocate au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : A0150

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Isabelle ROHART, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SASU RK Global est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 913509147 (2022 B 3841). Elle a déclaré exercer une activité commerciale d'intermédiaire dans l'achat et la revente d'objets, de bijoux et d'accessoires de luxe. Son siège social est sis [Adresse 3].

Par assignation, le Pôle de Recouvrement Spécialisé du Val de Marne (PRS) Créteil a demandé au Tribunal de commerce de Créteil d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement de redressement judiciaire, à l'encontre de la société, invoquant une créance de 1 886 925 euros, relative à de la TVA impayée.

Par jugement du 4 juin 2025, le tribunal :

Constate l'état de cessation des paiements,

Ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SASU RK Global,

Fixe provisoirement au 6 décembre 2024 la date de cessation des paiements,

Désigne :

M. [D] [U], juge commissaire,

la SELARL S21Y prise en la personne de Me [P] [Y], liquidateur,

Constate que le débiteur pourra accomplir les actes et exercer les actions qui ne sont pas comprises dans la mission du liquidateur conformément à l'article L. 641-9 du Code de commerce,

désigne :

La SELARL Emme Enchères Meaux [Adresse 4] en qualité de commissaire de justice, aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur et dit que celui-ci devra déposer son rapport au greffe du tribunal et le communiquer aux personnes prévues à l'article R. 622-4 alinéa 5 du Code de commerce,

Invite le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel ou à défaut les salariés, à désigner au sein de le débiteur un représentant dans les conditions prévues par l'article L. 621-4 du code de commerce et l'article R. 621-14 du Code de commerce et à communiquer le nom et l'adresse de ce représentant au greffe,

Dit que le liquidateur devra déposer la liste des créances dans un délai de dix mois à compter du terme du délai de déclaration des créances,

Fixe à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée, conformément aux dispositions de l'article L. 643-9 du Code de commerce,

Dit que ce délai pourra être prorogé par décision du tribunal si la clôture ne peut être prononcée à cette date,

Dit que le jugement sera publié conformément à la loi,

Ordonne l'exécution provisoire,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La SASU RK Global en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 10 juin 2025.

Par conclusions notifiées par RPVA le 9 octobre 2025, la SASU RK Global demande à la Cour de :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil le 4 juin 2025 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Débouter M. le Comptable du Trésor de ses demandes, fins et conclusions ;

Dire n'y avoir lieu à l'ouverture d'une liquidation judiciaire ;

Condamner la partie succombant aux dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Elle expose qu'il existe un différend avec l'administration fiscale sur l'assiette de la TVA ; dans le cadre de sa contestation de la créance fiscale, elle a demandé un sursis à paiement ; le sursis est un droit qui n'est pas subordonné à la constitution de garanties ; il s'applique à compter de la date de dépôt d'une réclamation d'assiette régulière assortie d'une demande de sursis ; le fait qu'un contribuable ne saisisse pas la juridiction compétente à l'expiration du délai de six mois pour l'administration pour statuer ne met pas fin au sursis de paiement ; la réclamation contentieuse a été présentée le 31 mai 2025, soit antérieurement à l'audience devant le Tribunal de commerce ; la Cour n'a aucune compétence pour statuer sur la régularité de la procédure de redressement fiscal ; elle ajoute avoir un intérêt à agir dès lors qu'elle entend obtenir la décharge de l'imposition ; le fait qu'elle ne dispose pas de comptes bancaires ni d'aucun actif n'a pas d'incidence sur la procédure.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 octobre 2025, le Comptable public responsable du service du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 4 juin 2025 en toutes ses dispositions ;

Employer les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Il expose que la société est débitrice d'une somme de 1 886 925 euros dont 1 026 736 euros de droit et 860 189 euros de pénalités dont 80 % de majorations pour man'uvres frauduleuses ; la proposition de rectification a été notifiée le 3 octobre 2024 au siège social et a été distribué le 8 octobre 2024 ; aucune contestation n'a été formée dans le délai de 30 jours ; la créance a été authentifiée le 6 décembre 2024 et une mise en demeure a été adressée le 16 décembre 2024 dont il a été accusé réception le 15 janvier 2025 ; le président ne s'est jamais manifesté après la proposition de rectification, malgré l'avis de mise en recouvrement ; la créance est certaine, liquide et exigible.

Il ajoute que la réclamation n'a pas précisé les bases du dégrèvement auquel le contribuable estimait avoir droit, alors que la société ne faisait que contester le caractère contradictoire de la procédure ; au regard du montant réclamé, la société devait en outre constituer une garantie ; la société n'ayant aucune activité apparente, n'avait aucun intérêt à former une réclamation contentieuse ; la cessation des paiements est caractérisée par les tentatives d'exécution et alors même que la société ne déposait pas ses comptes au greffe et que les comptes bancaires avaient été clôturés ; la société n'a aucun actif à faire valoir.

Le liquidateur a déposé une note demandant à la Cour de confirmer le jugement, estimant que la créance réclamée par le Trésor était certaine, liquide et exigible ; il n'est pas justifié par la société qu'elle a obtenu un sursis au paiement de la créance.

Lors de l'audience, la Cour a interrogé l'appelante sur l'existence d'une créance de Cotisation Foncière des Entreprises pour l'année 2024.

La clôture des débats a été prononcée le 15 octobre 2025.

SUR CE

L'article L. 640-1 du Code de commerce dispose que :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens. »

L'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la juridiction saisie statue. Le passif contesté n'est pas inclus dans le passif exigible.

L'article L. 277 du Livre des Procédures Fiscales énonce que :

« Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes.

L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent.

Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés.

A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés.

Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 279 sont applicables à cette procédure, la juridiction d'appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire. »

Ces dispositions sont inapplicables en cas d'opposition à poursuites. La décision de l'administration visée au deuxième alinéa doit être explicite.

L'article R*196-1 du même code énonce en outre que :

« Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :

a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ;

b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ;

c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190.

Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas :

a) De la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ;

b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues ;

c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. »

Il en résulte que le défaut de réponse à la proposition de rectification n'interdit pas la contestation ultérieure de l'avis de recouvrement, la charge de la preuve appartenant alors au contribuable.

L'avis de recouvrement de la somme de 1 886 925 euros, dont 860 189 euros de pénalités et intérêts de retard, porte sur les suites d'une proposition de rectification de la TVA pour la période du mois d'avril 2022 au mois de mai 2023. Il a été établi le 3 octobre 2024, adressé le 6 décembre 2024 par le PRS et notifié par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 12 décembre 2024. La société pouvait donc contester cet avis jusqu'au 31 décembre 2027, s'agissant de la suite de la procédure de rectification de l'imposition de la TVA.

La réclamation contentieuse formée le 31 mai 2025, adressée le même jour au directeur des services fiscaux en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 10 juin 2025 à son destinataire, mentionne la contestation de l'avis de recouvrement pour la somme de 1 886 925 euros, du fait de la violation de la procédure faute pour son président d'avoir pu bénéficier d'un entretien oral avec le contrôleur en application de la jurisprudence prise en application de l'article L. 13 du Livre des Procédures Fiscales.

Dans sa correspondance, le gérant a contesté l'intégralité de la somme réclamée par le trésor public et a bien sollicité le sursis à paiement.

L'article L. 277 du Livre des Procédures Fiscales ne sanctionnant pas le défaut de constitution de garantie d'une déchéance du sursis à paiement, mais ouvrant le droit au comptable du Trésor de prendre des mesures conservatoires, l'absence de toute possibilité de prise de garantie sur une société ne disposant d'aucun actif ne saurait être prise en compte pour constater l'absence de sursis au paiement.

Le fait que la société ne dispose d'aucun actif et n'ait pas déposé ses comptes, laissant présumer une inactivité est sans incidences sur le litige, dès lors qu'elle a intérêt à contester la créance réclamée.

Dès lors, le passif lié à la proposition de rectification puis à l'avis de recouvrement pour la TVA est contesté et ne peut être inclus dans le passif exigible.

Le passif déclaré devant le liquidateur correspond à la créance de taxe sur la valeur ajoutée, déclarée pour 1 026 736 euros en principal et 821 389 euros en pénalités, correspondant au numéro de rôle 202412Q00 02 pour la période du 1er avril 2022 au 31 mai 2023. Cette somme correspond donc à l'avis de recouvrement, diminué des intérêts échus.

S'y ajoute la cotisation foncière des entreprises pour la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 pour 2 898 euros en principal, correspondant au numéro d'AMR 092, qui n'a pas été contestée et n'est pas incluse dans la proposition de rectification fiscale et l'avis de mise en recouvrement, ce d'autant qu'elle ne porte pas sur la même période.

Il n'est pas établi que la SASU RK Global ait demandé le sursis à paiement de cette dette qu'elle ne démontre pas avoir contestée. Ce passif est donc échu, certain, liquide et exigible.

La société n'allègue ni ne justifie d'aucun actif disponible, ni d'aucun compte bancaire ouvert à son nom. Le passif exigible s'élève à 2 898 euros, de sorte que la débitrice est en état de cessation des paiements.

La société ne démontrant aucune activité, ne laisse entrevoir ni ne prouve aucune perspective de redressement.

La SASU RK Global n'ayant pas formé de demande subsidiaire relativement à la date de cessation des paiements et la date retenue par le tribunal étant antérieure de moins de 18 mois à la date du présent arrêt, le jugement sera confirmé.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour :

CONFIRME le jugement du 4 juillet 2025 du Tribunal de commerce de Créteil ;

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site