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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 12 novembre 2025, n° 24/03698

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/03698

12 novembre 2025

12/11/2025

ARRÊT N° 25/439

N° RG 24/03698

N° Portalis DBVI-V-B7I-QTHU

NA - SC

Décision déférée du 11 Octobre 2024

TJ de [Localité 14] - 24/00778

C. LOUIS

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 12/11/2025

à

Me [Z] SPINAZZE

Me Edouard JUNG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTS

Madame [H] [O]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Monsieur [R] [G]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentés par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A.S. [D] CUISINES & AGENCEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 12]

S.A.S. M.[D]

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représentées par Me Edouard JUNG, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant N. ASSELAIN, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

A.M. ROBERT, présidente

N. ASSELAIN, conseillère

L. IZAC, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par A.M. ROBERT, présidente et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSE DU LITIGE ET PROCEDURE

Mme [H] [O] et M. [R] [G] sont propriétaires d'un bien immobilier situé [Adresse 3] (31).

Ils se sont adressés à M. [F] [S] en vue de la réalisation d'une cuisine.

M. [F] [S] est dirigeant des sociétés suivantes en France :

- la société par actions simplifiées (Sas) [D] Cuisines & Agencements, immatriculée au registre du commerce et des sociétés 834 188 245, [Adresse 1],

- la Sas M.[D], immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 897 543 922, [Adresse 6],

- la Sas Moda Garden, immatriculée au registre du commerce et des sociétés 951 197 722, [Adresse 10].

Il dirige également la société de droit anglais Architecture Design European Ltd, n° 08704716, TVA GB 178013021.

Deux devis ont été établis pour la réalisation des travaux :

- le devis n° 281984 établi le 16 mars 2021 par la société Architecture Design European Ltd, domiciliée [Adresse 6], comme la société M.[D],

- le devis DV 19197 du 22 mars 2021 portant sur le plan de travail de la cuisine, établi par la société Granico 31 et portant le tampon de la société [D] Cuisines & Agencements, avec l'adresse du [Adresse 6].

Mme [O] et M.[G] ayant dénoncé des défauts d'achèvement et désordres affectant les travaux réalisés, un protocole d'accord transactionnel a été signé, le 31 octobre 2023, par Mme [O] et M.[G] et la société 'Architecte' Design European, après une expertise amiable contradictoire.

Par actes des 9 et 11 avril 2024, Mme [H] [O] et M. [R] [G], se plaignant d'un défaut d'exécution du protocole d'accord et de nouveaux désordres, ont fait assigner la société [D] Cuisines & Agencements et la société M.[D] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, pour obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par acte du 19 juin 2024, Mme [H] [O] et M. [R] [G] ont fait appeler en cause la société Architecture Design European Ltd.

Par ordonnance du 11 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- dit n'y avoir lieu à référé expertise à l'encontre de la Sas M. [D] et de la Sas [D] Cuisines & Agencements,

- dit légitime l'appel en cause de la société Architecture Design European Ltd,

Tous droits et moyens étant réservés sur le fond,

Rejetant toutes autres conclusions contraires ou plus amples,

- donné acte aux parties défenderesses de leurs protestations et réserves, concernant les prescriptions et excluant toute reconnaissance de responsabiité,

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

- ordonné en tant que de besoin la production aux débats de tous justificatifs d'assurances,

- dit qu'il n'y a pas lieu à injonction de production de ces dernières sous astreinte d'ores et déjà,

- ordonné l'organisation d'une mesure d'expertise aux frais avancés de Mme [O] et M.[G], et commis pour y procéder M.[E] [A], et à défaut M. [Z] [B],

- débouté les parties de toutes demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] [O] et M. [R] [G] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 13 novembre 2024, Mme [H] [O] et M.[R] [G] ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé expertise à l'encontre de la Sas M.[D] et la Sas [D] Cuisines & Agencements, en intimant exclusivement ces deux sociétés.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 septembre 2025, Mme [H] [O] et M. [R] [G], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 145, 485, et 915-2 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 octobre 2024 en ce qu'elle a :

'dit n'y avoir lieu à référé expertise à l'encontre de la Sas M.[D] et la Sas [D] Cuisines & Agencements ;

'dit qu'il n'y a pas lieu à injonction de production de ces dernières (attestation d'assurances) sous astreinte d'ores et déjà;

Statuant à nouveau :

- ordonner l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire des sociétés M.[D], [D] Cuisines & Agencements et 'Architecte' Design European Ltd conformément à celle ordonnée au dispositif de l'ordonnance dont appel,

- condamner chacune des sociétés M.[D], et [D] Cuisines & Agencements, à communiquer ses attestations d'assurance en cours de validité, décennales et civiles professionnelles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par attestation, à compter de la signification de 'l'ordonnance', et ce pendant un mois;

- juger mal fondées les demandes formées par les sociétés M.[D] et [D] Cuisines & Agencements et les débouter de ces demandes,

En conséquence :

- confirmer l'ordonnance sur le surplus et notamment en ce qu'elle a ordonné l'organisation d'une mesure d'expertise en déterminant les missions de l'expert et en fixant ses modalités techniques,

- condamner solidairement les sociétés M.[D] et [D] Cuisines & Agencements à régler la somme de 3.000 euros à Mme [H] [O] et M. [R] [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 mars 2025, la Sas [D] Cuisines & Agencements et la Sas M.[D], intimées, demandent à la cour, au visa des articles 145 et suivants et 835 et suivants du code de procédure civile, et de l'article 1792 du code civil de :

- confirmer la mise hors de cause de la société M.[D], immatriculée au Rcs sous le numéro 897543922 et de la société [D] Cuisines & Agencements, immatriculée au Rcs sous le numéro 834188245, le contrat ayant été conclu avec une société de droit anglais Architecture Design European Ltd, les règlements ayant également été réalisés sur le compte situé en Grande-Bretagne de cette société,

Vu l'absence de nature d'ouvrage immobilier constituée par la fourniture d'une cuisine et l'absence d'obligation d'assurance fondée sur l'article 1792 du code civil,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté intégralement M. [R] [G] et Mme [H] [O] de leur demande de production d'une attestation d'assurance sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

La réformant pour le surplus,

En tout état de cause, vu l'exécution du protocole transactionnel et l'absence d'intérêt légitime des demandeurs,

- débouter intégralement M. [R] [G] et Mme [H] [O] de leur demande de désignation d'un expert,

- condamner M. [R] [G] et Mme [H] [O] au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] [G] et Mme [H] [O] aux entiers dépens de l'instance.

La clôture est intervenue le 16 septembre 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du 16 septembre 2025.

MOTIFS

L'organisation en référé d'une expertise est subordonnée, par application de l'article 145 du code de procédure civile, à l'existence d'un 'motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige'.

En l'espèce, Mme [O] et M.[G] soutiennent que M.[S] entretient une confusion entre les trois sociétés qu'il dirige, soit les sociétés [D] Cuisines & Agencements, M.[D] et Architecture Design European. Ils font valoir que M.[S] utilise indifféremment ces trois structures pour établir devis et factures, en mélangeant les sièges sociaux, mais en sollicitant toutefois le paiement sur le compte de la société basée à Londres.

Il apparaît en effet que si le devis du 16 mars 2021 a été établi au nom de la société de droit anglais Architecture Design European Ltd, l'unique adresse de cette société, mentionnée tant dans l'entête que sur le tampon apposé sur le devis, est celle du [Adresse 8], alors que cette adresse est celle du siège de la société M.[D].

De même le devis du 22 mars 2021, établi par la société Granico 31 et portant sur la fourniture et la pose d'un plan de travail, est revêtu du tampon non pas de la société Architecture Design European, mais de la société [D] Cuisines & Agencements, quand bien même l'adresse portée sur ce tampon n'est pas celle du siège de la société [D] Cuisines & Agencements, mais celle du siège de la société M.[D], [Adresse 5], et figure également sur le tampon utilisé par la société Architecture Design European.

Par ailleurs, Mme [O] et M.[G] justifient que les plans de la cuisine ont été établis par la société [D] Cuisines & Agencements, et que c'est également cette société qui a acheté à la société Salvy les meubles de cuisine et matériaux utilisés.

Enfin, si le protocole d'accord a été souscrit par la société 'Architecte' Design European, c'est encore l'adresse du [Adresse 7] [Localité 14] qui y figure, cette adresse étant celle du siège de la société M.[D] et étant également utilisée par la société [D] Cuisines & Agencements.

Au regard de ces éléments, qui tendent à établir l'intervention de la société [D] Cuisines & Agencements et de la société M.[D], et dès lors que l'action qu'entendent exercer Mme [O] et M.[G] à l'encontre de ces deux société n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec, l'extension sollicitée de la mesure d'instruction à la société [D] Cuisines & Agencements et à la société M.[D] répond à l'objectif légitime de réunir, en leur présence, des éléments de fait pouvant être invoqués à l'appui de l'action en responsabilité envisagée.

L'ordonnance est donc infirmée en ce qu'elle a refusé d'étendre l'expertise à la société [D] Cuisines & Agencements et à la société M.[D].

Quant au principe même de l'expertise, l'existence d'un motif légitime d'ordonner une telle mesure d'instruction, malgré l'accord transactionnel souscrit le 30 octobre 2023, résulte des rapports de la société Saretec des 8 février et 8 avril 2024, qui constatent que 'les engagements actés dans le protocole n'ont pas été tenus par la société 'Architecte' Design European", et qu'une fuite a été ultérieurement identifiée sur le réseau d'alimentation de l'évier, à l'origine d'un dégât des eaux.

L'injonction faite à la société Architecture Design European de justifier des assurances de responsabilité qu'elle a souscrites doit être étendue à la société [D] Cuisines & Agencements et à la société M.[D], sans que le prononcé d'une astreinte soit à ce jour nécessaire.

L'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a laissé les dépens de première instance à la charge de Mme [O] et M.[G].

La société [D] Cuisines & Agencements et la société M.[D] doivent supporter les dépens d'appel, et régler à Mme [O] et M.[G] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 11 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé expertise à l'encontre de la Sas M.[D] et de la Sas [D] Cuisines & Agencements,

Statuant à nouveau sur ce chef de décision infirmé et y ajoutant,

Etend les opérations d'expertise à la société [D] Cuisines & Agencements et à la société M.[D], qui devront être convoquées par l'expert ;

Ordonne à la société [D] Cuisines & Agencements et à la société M.[D] de justifier des assurances de responsabilité qu'elles ont souscrites ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Condamne in solidum la société [D] Cuisines & Agencements et la société M.[D] aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum la société [D] Cuisines & Agencements et la société M.[D] à payer à Mme [O] et M.[G] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La greffière La présidente

M. POZZOBON A.M. ROBERT

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