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Décisions

Cass. 3e civ., 13 novembre 2025, n° 24-10.503

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. 3e civ. n° 24-10.503

12 novembre 2025

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [P] [N], à Mme [B] [N], à M. [A] [N] et à Mme [T], du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [R] et [F], les sociétés MAAF, Serrurerie menuiserie fermeture 08, Ardenne peinture évolution, Urano Antoine bâtiment travaux publics, Allianz IARD, SMABTP, CHA S A C Perrin, la Caisse régionale d'assurances mutuelles du Nord-Est et la société [X] [C], prise en sa qualité de liquidateur de la société CCG isolation.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 novembre 2023), Mme [T] et [S] [N], décédé, aux droits duquel viennent MM. [P] et [A] [N] et Mme [B] [N] (les maîtres de l'ouvrage), ont, à la suite d'un incendie, confié les travaux de reconstruction de leur maison à divers constructeurs dont M. [G], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), pour une mission de maîtrise d'oeuvre complète.

3. La réception des travaux a eu lieu le 5 mars 2009, avec réserves.

4. Se plaignant de divers désordres et non-conformités, les maîtres de l'ouvrage ont, après expertise, assigné les constructeurs et leurs assureurs.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de condamner in solidum M. [G] et la MAF à leur payer la seule somme de 9 680 euros TTC au titre de la réparation du conduit de cheminée de la salle à manger, alors « que le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour la victime, et donc être fixé au regard des conséquences dommageables de l'inexécution du contrat ; que la cour d'appel a constaté que M. [G] était responsable de plein droit du désordre décennal résidant dans le remplacement du boisseau de la cheminée de type ardennais typique à foyer ouvert par un boisseau de 20 cmX40 cm ne permettant pas une bonne évacuation des fumées et induisant un risque d'asphyxie ; que la cour d'appel a cependant considéré que selon l'expert, la législation imposant un foyer fermé à [Localité 15] et dans la région parisienne avait vocation à s'étendre même si aucune date n'était prévue et que le coût de la réparation induit par le maintien de la cheminée originelle (100 250 euros) devait être comparé au coût (9 680 euros) de l'installation d'un foyer à insert fermé évoqué par l'expert assurant les fonctionnalités (chauffage) attendues d'une cheminée, ces deux circonstances devant, au regard du principe de proportionnalité, "être priorisées et s'imposer sur la reconstruction à l'identique de la cheminée" pour un coût de 100 250 euros ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne contestait pas les motifs des premiers juges selon lesquels "la réfection de la cheminée était contractuellement prévue, de sorte que cette réfection concernait la cheminée actuelle, à foyer ouvert", a violé l'article 1792 du code civil et le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

6. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont sont responsables de plein droit les constructeurs doivent réparer le préjudice dans son intégralité, sans perte ni profit pour le maître de l'ouvrage.

7. Pour allouer aux maîtres de l'ouvrage la seule somme de 9 680 euros au titre de la remise en état des conduits de cheminée, l'arrêt énonce que le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent doit rechercher, si cela lui est demandé, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.

8. Puis il retient que, le coût de la réparation induit par le maintien de la cheminée originelle, soit 100 250 euros, devant nécessairement être mis en rapport avec celui évoqué par l'expert, qui propose une alternative technique, pour un coût de 8 640 euros, consistant en l'installation d'un insert à foyer fermé assurant les fonctionnalités attendues d'une cheminée dont la fonction première est d'assurer le chauffage, même s'il peut se concevoir que la présence d'un foyer à insert ouvert assure un cachet supérieur à celle d'un foyer à insert fermé, le paiement d'une indemnité correspondant au coût de la reconstruction à l'identique serait disproportionné, compte tenu des conséquences dommageables pour les maîtres de l'ouvrage des manquements commis par le maître d'oeuvre dont la bonne foi n'est pas mise en cause.

9. En statuant ainsi, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la réfection de la cheminée à foyer ouvert de type ardennais avait été contractuellement prévue à l'occasion des travaux de reconstruction de la maison ensuite d'un incendie et que les dommages de nature décennale imputables au maître d'oeuvre, dont les maîtres de l'ouvrage sollicitaient réparation, résultaient de l'inadaptation du nouveau conduit de cette cheminée, liée à l'insuffisance de section des boisseaux et à leur non-conformité au DTU pertinent, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation des chefs du dispositif en ce qu'il limite la condamnation in solidum de M. [G] et de la MAF à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 9 680 euros au titre de la réparation du conduit de cheminée n'emporte pas celle des chefs du dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et les frais irrépétibles, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 9 680 euros, la condamnation in solidum de M. [G] et de la Mutuelle des architectes français au titre de la réparation du conduit de cheminée, l'arrêt rendu le 14 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [G] et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer à M. [P] [N], Mme [B] [N], M. [A] [N] et à Mme [J] [T] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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