Cass. 3e civ., 13 novembre 2025, n° 23-22.262
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [Z] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [I], exerçant sous l'enseigne BA services.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 juin 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-11.636), M. et Mme [Z] ont acquis un immeuble pour lequel ils ont souscrit une assurance habitation auprès de la société Assurances du crédit mutuel.
3. Ils ont confié à la société Aenergie, assurée auprès de la société AGF, devenue Allianz IARD (la société Allianz), l'installation d'un système de production d'eau chaude comprenant la pose d'une pompe à chaleur et de deux panneaux solaires sur un pan de toiture. Cette opération a été sous-traitée à M. [I], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
4. Cette zone de la toiture, ainsi que des constructions environnantes, se
sont effondrées.
5. M. et Mme [Z] ont, après expertise, assigné la société Assurances du crédit mutuel, M. [I], les sociétés Axa et Allianz en réparation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de dire que la société Assurances du crédit mutuel est bien fondée à leur opposer une exclusion de garantie et de rejeter leurs demandes formées à l'encontre de cette société, alors « qu'est définitif et revêt l'autorité de la chose jugée le chef de dispositif de l'arrêt d'appel non visé par la cassation ; que dans son arrêt du 1er octobre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 20 septembre 2018, sauf en ce qu'il avait « dit que la société Crédit mutuel devait sa garantie aux époux [Z] dans la limite d'une réduction proportionnelle de 21 % en application des dispositions de l'article L. 113-9 du code des assurances et de la franchise contractuelle d'un montant maximum de 2 000 euros » ; « dit que la garantie de la société Crédit Mutuel ne couvre pas les biens mobiliers » et « rejette les autres limitations contractuelles de garantie opposées par le Crédit mutuel » de sorte que ces chefs de dispositif étaient devenus définitifs et revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'en jugeant néanmoins que la clause d'exclusion de garantie invoquée par la société Assurances du crédit mutuel s'appliquait et que la garantie de cet assureur n'était pas due, la cour d'appel a violé les articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a relevé, en premier lieu, que la cassation prononcée était intervenue sur le premier moyen des maîtres de l'ouvrage se rapportant au rejet de leurs demandes contre l'entreprise sur le fondement de la garantie décennale et à la condamnation de celle-ci au titre d'un manquement au devoir de conseil, en deuxième lieu, que la Cour de cassation avait rappelé, s'agissant de la portée et des conséquences de la cassation, que la cassation de la disposition retenant le manquement de la société Aenergie France à son devoir de conseil entraînait celle des dispositions de l'arrêt ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec elle et que la présence de la société Assurances du crédit mutuel était nécessaire à la solution du litige, en troisième lieu, que, l'exclusion de garantie invoquée par cet assureur, lorsque les dommages sont de nature à engager la responsabilité d'un constructeur sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 du code civil, avait été écartée par le premier juge au motif que la responsabilité de la société Aenergie et de son sous-traitant n'avait pas été retenue sur le fondement de ces textes.
8. Ayant ainsi fait ressortir que, la garantie de l'assureur-habitation étant dépendante du fondement retenu de la responsabilité des constructeurs à l'égard des maîtres de l'ouvrage et le chef de dispositif prononçant condamnation de cet assureur à payer certaines sommes à ces derniers ayant été cassé par voie de conséquence, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 20 septembre 2018, disant que l'assureur-habitation doit sa garantie aux maîtres de l'ouvrage dans la limite d'une réduction proportionnelle de 21 % se trouvait en lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif, cassé, ayant condamné l'entreprise sur le seul fondement de la responsabilité de droit commun, elle en a exactement déduit que, devant statuer sur la nature de la responsabilité, décennale ou de droit commun, de l'entreprise, elle était nécessairement saisie des exclusions de garantie opposées par la société Assurances du crédit mutuel aux demandes de M. et Mme [Z].
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de dire que la société Allianz est bien fondée à leur opposer une non garantie et de rejeter leurs demandes formées à l'encontre de cette société, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que les conditions particulières de la police d'assurance souscrite auprès de la société Allianz, par la société Aquavital, devenue Aenergie, stipulent : « vous déclarez que vous avez été informé que toute réticence, fausse déclaration, omission ou inexactitude peut entraîner les sanctions prévues aux articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances (nullité du contrat ou réduction proportionnelle d'indemnité) »; que la cour d'appel, après avoir retenu que la garantie au titre de l'activité déclarée était due, et relevé qu'il n'était pas contesté par les parties que M. [I] était intervenu sur le chantier des époux [Z] en sous traitance de la société Aenergie et que les dispositions particulières de la police souscrite par cette dernière mentionnaient : « vous déclarez ne pas donner en sous-traitance plus de 0% de votre chiffre d'affaires annuel », a retenu qu'il ressortait de ces dispositions particulières que le recours à la sous-traitance n'était pas garanti de sorte que la société Allianz était fondée à opposer une non garantie ; qu'en statuant ainsi, quand les dispositions particulières du contrat d'assurance prévoyaient uniquement que la déclaration inexacte de l'assuré entraînait la nullité du contrat ou la réduction proportionnelle de l'indemnité, en application des articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, sans préciser par ailleurs qu'il s'agirait d'une cause de non-garantie, la cour d'appel a dénaturé les conditions particulières du contrat d'assurance en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 5.1 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Aenergie auprès de la société Allianz stipule : « nous garantissons le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel vous avez contribué lorsque votre responsabilité est engagée, après réception, dans les conditions visées aux paragraphes ci-après »; qu'en énonçant, pour juger que la société Allianz IARD était fondée à opposer une non garantie, que les conditions générales ne prévoyaient, en ce qui concernait la garantie responsabilité décennale, qu'une garantie quant à l'intervention directe de l'assuré (ne sont garantis que le paiement des travaux en réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel vous avez contribué lorsque votre responsabilité est engagée), la cour d'appel a dénaturé les conditions générales du contrat d'assurance, lesquelles imposaient seulement à l'assuré d'avoir contribué à la réalisation de l'ouvrage et non d'intervenir directement sur celui ci ; qu'en statuant ainsi, elle a, dès lors, violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
11. Pour rejeter les demandes d'indemnisation à l'encontre de la société Allianz, l'arrêt retient que, l'assuré ayant déclaré aux conditions particulières de la police ne pas recourir à la sous-traitance et les conditions générales ne prévoyant, en ce qui concerne l'assurance de responsabilité décennale, l'application de la garantie qu'en cas d'intervention directe ou en sous-traitance de l'assuré, le recours à la sous-traitance par l'assuré n'est pas garanti.
12. En statuant ainsi, alors que les conditions particulières et générales du contrat d'assurance ne comportaient aucune stipulation conditionnant la garantie d'assurance à l'absence de recours à la sous-traitance, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- dit la société Allianz IARD bien fondée à opposer à M. et Mme [Z] une non garantie,
- déboute M. et Mme [Z] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Allianz IARD,
- et en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 22 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz IARD à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.