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Décisions

Cass. com., 13 novembre 2025, n° 24-14.449

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. com. n° 24-14.449

12 novembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 mars 2024), le 30 janvier 2006, la société Tennis d'Aquitaine a déposé la marque verbale française « City stade » enregistrée sous le numéro 06/3407583 pour désigner, en classes 6 et 19, une « structure complète en acier habillé bois ou métal permettant la pratique de différents sports (tennis, basket, football) ».

2. Le 23 février 2021, la société Sports et loisirs, soutenant que la marque « City stade » était devenue la désignation usuelle du produit pour lequel elle est enregistrée, en a sollicité la déchéance auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI).

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Tennis d'Aquitaine fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de ses droits sur la marque « City stade » n° 06/3407583, alors :

« 1° / qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue en raison de son activité ou de son inactivité la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; que l'inactivité du propriétaire de la marque devenue usuelle dans le commerce ne se limite pas à l'absence ou l'insuffisance d'actions judiciaires de protection, mais comprend toutes celles par lesquelles le titulaire d'une marque se montre insuffisamment vigilant quant à la préservation du caractère distinctif de sa
marque ; qu'en jugeant que la société Tennis d'Aquitaine aurait participé, par son inaction, à la dégénérescence de sa marque en lui reprochant de n'avoir envoyé que trois mises en demeure de cesser son usage à ses concurrents avant l'action de la société Sports et loisirs et de ne pas avoir engagé d'action judiciaire, sans prendre en considération, par une appréciation globale, l'ensemble des mesures prises par la société Tennis d'Aquitaine pour défendre son droit privatif sur la marque verbale "City stade" qu'elle relevait, comme l'avait fait l'INPI pour rejeter la demande de déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article [L. 714-6] du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue en raison de son activité ou de son inactivité la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; que la cour d'appel constate que les pièces produites établissent un usage régulier et progressif des termes "city stade" de manière générique depuis 2016 ; qu'en jugeant que la société Tennis d'Aquitaine aurait participé, par son inaction, à la dégénérescence de sa marque en lui reprochant de n'avoir engagé que trois mises en demeure de cesser son usage à ses concurrents avant l'action de la société Sports et loisirs et pas d'action judiciaire, sans rechercher comme il lui était demandé si l'ensemble des moyens mis en œuvre pour la protection de ses droits sur la marque n'était pas adapté et proportionné à l'augmentation progressive de l'emploi générique de la marque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article [L. 714-6] du code de la propriété intellectuelle.»

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 714-6, a), du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 20, sous a), de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, qu'encourt la déchéance de ses droits le titulaire d'une marque devenue, du fait de son activité ou de son inactivité, la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service pour lequel elle est enregistrée.

5. L'arrêt retient que le terme « city stade » est utilisé de manière générique par les acteurs économiques du secteur de manière régulière et progressive depuis 2016.

6. Il constate que la société Tennis d'Aquitaine, d'une part, démontre qu'elle utilise dans ses documents commerciaux (brochures, catalogues et site internet), ainsi que sur ses produits et sur ses stands lorsqu'elle participe à des salons, le marquage d'origine anglo-saxonne ® après le signe « City stade », et, d'autre part, qu'elle a envoyé trois lettres de mise en demeure, le 20 octobre 2020 à la société Sports et loisirs, le 21 octobre 2020 à la société Kaso 2 Maison Roches, et le 4 novembre 2020 à la société Transelp, leur rappelant que le signe « City stade » est une marque enregistrée dont elle est titulaire.

7. L'arrêt retient que, cependant, aucune action en justice n'a été introduite par la société Tennis d'Aquitaine, qui ne peut prétendre ignorer l'usage générique qui est fait de sa marque depuis plusieurs années, aussi bien par les collectivités territoriales que par ses concurrents, et qu'elle ne peut arguer du fait que les collectivités sont ses partenaires commerciaux pour justifier l'absence de rappel du caractère protégé de la marque « City stade », un tel rappel pouvant se faire sans référence à une action contentieuse.

8. L'arrêt retient encore que, s'il ne peut être attendu du titulaire d'une marque un contrôle absolu et l'élimination de tout usage inapproprié de sa marque et si le marquage d'origine anglo-saxonne ® permet d'attirer l'attention du public sur la protection accordée au signe qu'il suit, ce marquage ne peut, en l'état des multiples usages génériques du terme « city stade » constatés pour désigner un stade multisport entouré d'une structure en bois ou en acier, pallier le faible nombre de démarches entreprises à l'égard des tiers qui font un tel usage du signe, afin de leur rappeler son caractère protégé et les conséquences attachées à cette protection, le cas échéant, pour les mettre en demeure de ne plus l'employer avant, en cas de non-respect desdites mises en demeure, l'introduction d'une procédure contentieuse.

9. En l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que, par son inactivité, la société Tennis d'Aquitaine a contribué à la dégénérescence de sa marque, la cour d'appel, qui a pris en considération l'ensemble des mesures que la société Tennis d'Aquitaine a prises pour défendre son droit privatif sur la marque verbale « City stade » et a procédé à la recherche prétendument omise visée à la seconde branche, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tennis d'Aquitaine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tennis d'Aquitaine et la condamne à payer à la société Sports et loisirs la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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