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Décisions

CJUE, 1re ch., 20 novembre 2025, n° C-401/24

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Question préjudicielle

PARTIES

Demandeur :

Staten genom Sjöfartsverket

Défendeur :

Stockholms Hamn AB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

F. Biltgen

Vice-président :

T. von Danwitz

Juges :

I. Ziemele, A. Kumin, S. Gervasoni

Avocat général :

A. Biondi

CJUE n° C-401/24

19 novembre 2025

Arrêt

1  La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 107 TFUE et de l’article 1er, sous b), i), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), ainsi que de l’article 144 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l’« acte d’adhésion »).

2  Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staten genom Sjöfartsverket (administration nationale de la navigation maritime, Suède) (ci-après l’« administration maritime ») à Stockholms Hamn AB au sujet du remboursement par cette dernière des sommes versées par la première pour compenser la suppression de redevances de passage d’écluse.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le traité FUE

3  L’article 107, paragraphe 1, TFUE dispose :

« Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

 L’acte d’adhésion

4  En vertu de l’article 144 de l’acte d’adhésion :

« Dans le domaine des aides prévues aux articles [107 et 108 TFUE] :

a)  parmi les aides en application dans les nouveaux États membres avant l’adhésion, seulement celles communiquées à la Commission [des Communautés européennes] avant le 30 avril 1995 sont considérées comme aides “existantes” au sens de l’article [108], paragraphe 1 [TFUE] ;

b)  les aides existantes et les projets destinés à octroyer ou à modifier des aides, qui sont portés à connaissance de la Commission avant l’adhésion, sont considérés communiqués le jour de l’adhésion. »

 Le règlement 2015/1589

5  L’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 définit les « aides existantes » comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)  “aide existante”

i)  sans préjudice des articles 144 et 172 de l’[acte d’adhésion] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du [traité FUE] dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après l’entrée en vigueur du [traité FUE] dans les États membres respectifs ».

6  Les « aides nouvelles » sont définies à l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589 comme « toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

 Le règlement (CE) no 794/2004

7  L’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 2004, L 140, p. 1), dont l’intitulé a été modifié par le règlement (UE) 2015/2282 de la Commission, du 27 novembre 2015 (JO 2015, L 325, p. 1), comme visant désormais la mise en œuvre du règlement 2015/1589, dispose :

« 1.  Aux fins de l’article 1er, [sous] c), du règlement (CE) no 659/1999, on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2.  Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a)  augmentations de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

b)  prolongation d’un régime d’aides existant autorisé de six ans au maximum, avec ou sans augmentation budgétaire ;

c)  renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, réduction de l’intensité d’aide ou réduction des dépenses admissibles. 

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8  Deux voies de navigation, l’une empruntant le canal de Södertälje (Suède) et l’autre passant par Stockholm (Suède) et son écluse de Hammarby, relient la mer Baltique au lac Mälar, le troisième plus grand lac de Suède.

9  L’administration maritime suédoise est l’autorité publique responsable du passage des bateaux par le canal de Södertälje et gère notamment son écluse. Stockholms Hamn est une société municipale détenue à 100 % par la municipalité de Stockholm qui exploite l’écluse de Hammarby. Le niveau des redevances d’éclusage perçues au passage de l’écluse de Södertälje et de celle de Hammarby était coordonné pour assurer une répartition équilibrée du trafic entre les deux liaisons entre la mer Baltique et le lac Mälar.

10  Par une réglementation adoptée le 26 octobre 1978, les autorités suédoises ont décidé de supprimer, à partir de l’année 1979, certaines redevances pour le passage de l’écluse du canal de Södertälje et, afin de poursuivre la coordination des redevances d’éclusage, d’engager des démarches en vue de supprimer également celles perçues au passage de l’écluse de Hammarby. En conséquence, l’administration maritime et la municipalité de Stockholm ont conclu la même année un accord (ci-après l’« accord ») aux termes duquel cette dernière renonçait à percevoir les redevances pour le passage de l’écluse de Hammarby par les navires autres que les bateaux de plaisance en échange d’une compensation annuelle versée par la première (ci-après la « compensation en cause au principal »).

11  Selon les termes de l’accord, la compensation en cause au principal devait être adaptée annuellement sur la base de l’indice des prix à la consommation. L’accord devait être reconduit pour une période de cinq ans, sous réserve d’une résiliation au moins six mois avant l’expiration de celui-ci. Pour chaque nouvelle période quinquennale, un nouveau montant annuel de compensation était déterminé en fonction de l’évolution du volume du trafic passant l’écluse de Hammarby au cours de la période contractuelle précédente.

12  La compensation en cause au principal a été initialement versée à la municipalité de Stockholm, puis, depuis le début des années 90, à Stockholms Hamn. À compter de l’année 2014, son montant oscillait entre 3 et 4 millions de couronnes suédoises (SEK) (environ 260 000 et 360 000 euros) par an.

13  L’administration maritime a résilié l’accord de manière anticipée à la fin de l’année 2021. Un litige relatif à cette résiliation est pendant devant les juridictions suédoises.

14  Le 4 mai 2023, l’administration maritime a introduit un recours contre Stockholms Hamn devant le Stockholms tingsrätt (tribunal de première instance de Stockholm, Suède), qui est la juridiction de renvoi. Elle lui réclamait le remboursement avec intérêts de la somme de 38 086 436 SEK (environ 3 378 242 euros), correspondant aux paiements effectués en vertu de l’accord dans le délai de prescription national de dix ans.

15  L’administration maritime fait valoir que la compensation en cause au principal réunit les conditions pour être qualifiée d’aide d’État. Selon elle, en particulier, cette compensation est constitutive d’un avantage pour Stockholms Hamn, dès lors que celle-ci lui garantissait un revenu régulier indépendant des fluctuations du trafic ou d’autres risques d’exploitation. La qualification d’aide d’État serait en outre confirmée par l’application du principe de l’investisseur en économie de marché, dès lors qu’aucun investisseur privé n’aurait indemnisé Stockholms Hamn pour que cette dernière s’abstienne de facturer des redevances d’éclusage. L’administration maritime estime par ailleurs que les critères posés par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les « critères Altmark »), pour considérer que la contrepartie d’obligations de service public ne constitue pas une aide d’État, ne sont pas remplis. Enfin, prenant appui sur l’article 144 de l’acte d’adhésion, elle soutient que l’exception relative aux aides existantes ne s’applique pas à ladite compensation, compte tenu de son absence de notification à la Commission, et que, en tout état de cause, la même compensation ne pourrait être qualifiée d’aide existante, eu égard aux négociations précédant chaque nouvelle période contractuelle de cinq ans.

16  Stockholms Hamn rétorque que son activité d’exploitation d’une écluse n’est pas une activité économique couverte par les règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État. En tout état de cause, il s’agirait d’un service d’intérêt économique général qui n’aurait pas donné lieu à une surcompensation. Stockholms Hamn ajoute que, même si la qualification d’aide d’État devait être retenue, celle-ci serait autorisée en tant qu’aide existante en vertu du règlement 2015/1589 et indépendamment de l’article 144 de l’acte d’adhésion, non pertinent en l’occurrence. L’aide en cause au principal ne pourrait, en outre, être considérée comme étant nouvelle ou modifiée en l’absence de renégociation entre les parties des termes de l’accord et notamment du montant de la compensation en cause au principal.

17  Estimant qu’il n’existerait pas d’orientations claires dans la jurisprudence de la Cour sur la manière dont le droit de l’Union doit être appliqué dans une situation telle que celle en cause au principal, s’agissant en particulier de l’existence d’un avantage économique, de l’applicabilité de l’acte d’adhésion et de la qualification d’aide nouvelle ou existante, le Stockholms tingsrätt (tribunal de première instance de Stockholm) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)  Le critère de [l’avantage] visé à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] doit-il être interprété en ce sens qu’une compensation annuelle qui, en vertu d’un accord, est versée au moyen de ressources d’État par une autorité publique à une société anonyme municipale, afin de compenser l’engagement de cette société de fournir gratuitement un service déterminé, en l’occurrence des opérations d’éclusage, lequel service était, jusqu’à la conclusion de l’accord, soumis à une redevance,

a)  doit être considérée, dans son intégralité, comme étant une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant le bénéficiaire ?

b)  doit être considérée comme étant une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant le bénéficiaire, dans la mesure où la compensation excède les recettes annuelles antérieures du bénéficiaire provenant des redevances perçues pour le service, compte tenu des variations, par exemple, de l’indice des prix à la consommation et du volume du trafic dans les opérations d’éclusage ?

c)  doit être considérée comme étant une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant le bénéficiaire, dans la mesure où la compensation excède les coûts annuels du bénéficiaire pour la fourniture du service ?

d)  doit être considérée comme étant une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence en faveur du bénéficiaire sur la base d’un autre mode de calcul ?

e)  ne doit en aucun cas être considérée comme étant une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant le bénéficiaire ?

2)  Un accord sur la rémunération annuelle au moyen de ressources d’État versée par une autorité publique à une société anonyme municipale pour compenser l’engagement de cette société de fournir gratuitement un service non agricole – en l’occurrence des opérations d’éclusage –, qui a été conclu avant l’adhésion du Royaume de Suède à l’Union européenne et qui n’a pas été notifié à la Commission, doit-il être considéré comme étant une mesure d’aide existante qui, conformément à l’article 1er, sous b), i), du règlement [2015/1589], doit être réputée légale aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté que l’aide était incompatible avec le marché intérieur ?

3)  En cas de réponse affirmative à la deuxième question, cette compensation annuelle doit-elle néanmoins être considérée comme étant une aide nouvelle lorsque, après l’adhésion du Royaume de Suède à l’Union européenne, l’accord a été prolongé à plusieurs reprises, conformément aux conditions initiales, pour des périodes respectives de cinq ans en raison de l’absence de résiliation et que la compensation annuelle au titre de chaque nouvelle période quinquennale a varié en fonction de l’indice des prix à la consommation et de l’étendue du service gratuit fourni au cours de la période contractuelle précédente, en l’occurrence le volume du trafic dans le cadre des opérations d’éclusage ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

18  Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une compensation, versée en vertu d’un accord au moyen de ressources d’État par une autorité publique à une société anonyme municipale afin de compenser l’engagement de cette société de fournir gratuitement un service d’éclusage sur une voie navigable, qui était soumis à une redevance avant la conclusion de cet accord, constitue une aide d’État.

19  Selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 66 ainsi que jurisprudence citée).

20  En l’occurrence, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir si la société anonyme municipale qui a bénéficié de la compensation en cause au principal constitue une « entreprise », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sur l’existence d’un avantage économique ainsi que sur l’affectation des échanges et de la concurrence.

 Sur l’existence d’une entreprise

21  Afin d’apporter à la juridiction de renvoi une réponse utile, il importe de rappeler que, aux fins de la qualification d’aide d’État, l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose notamment l’existence d’un avantage accordé à une entreprise. À cet égard, il y a lieu de souligner, d’une part, qu’est une entreprise, aux fins de l’application des dispositions du droit de l’Union en matière de concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. D’autre part, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée).

22  Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de déterminer si, en l’occurrence, la société anonyme municipale, Stockholms Hamn, en sa qualité d’exploitant de l’écluse de Hammarby, exerce une activité économique et doit, dès lors, être qualifiée d’« entreprise », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

23  À cet égard, il convient, en premier lieu, de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, le caractère public ou privé de l’entité exerçant l’activité en cause ne saurait influer sur la question de savoir si cette entité revêt, ou non, la qualité d’« entreprise ». En effet, l’État lui-même ou une entité étatique peut agir en tant qu’entreprise. En outre, un sujet de droit, et notamment une entité publique, peut être considéré comme une entreprise uniquement en ce qui concerne une partie de ses activités, si les activités correspondant à celle-ci doivent être qualifiées d’activités économiques (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, EU:C:2012:449, points 35 et 37, et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 42). Partant, le statut de l’entité en droit interne n’est pas déterminant.

24  Il s’ensuit que la circonstance que le service d’éclusage en cause au principal soit assuré par Stockholms Hamn, une société détenue à 100 % par la municipalité de Stockholm, n’empêche pas de retenir l’existence d’une entreprise exerçant une activité économique.

25  Il importe, en deuxième lieu, de préciser que ne présentent pas de caractère économique, justifiant l’application des règles de concurrence prévues par le traité FUE, les activités qui se rattachent à l’exercice de prérogatives de puissance publique (arrêt du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, EU:C:2012:449, point 36 et jurisprudence citée), notamment dans le cas où l’exploitation d’une infrastructure est indissociablement liée à l’exercice de fonctions relevant de la mission publique attribuée à l’entité qui l’exploite et où cette dernière agit dans l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, point 44, ainsi que du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 40).

26  Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 18 de ses conclusions, la nature d’activité économique du service d’éclusage en cause au principal ne semble pas pouvoir être exclue en ce que celui-ci comporterait l’exercice de prérogatives de puissance publique. Il ne ressort, en effet, ni de la demande de décision préjudicielle ni du dossier dont dispose la Cour que le service d’éclusage en cause au principal impliquerait ou serait indissociablement lié à l’exercice par Stockholms Hamn de telles prérogatives, telles que le contrôle et la sécurité du trafic fluvial, des fonctions de police de la navigation ou de surveillance antipollution.

27  En troisième lieu, selon la jurisprudence de la Cour, la qualification d’activité économique est toujours liée à une activité bien précise (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 44 et jurisprudence citée).

28  En l’occurrence, le service d’éclusage en cause au principal, sur lequel portait l’accord et qui a donné lieu au versement de la compensation en cause au principal à Stockholms Hamn, consiste à effectuer toutes les manœuvres requises pour assurer le passage des bateaux autres que ceux de plaisance par l’écluse de Hammarby. Sauf à considérer que ce service ne peut, compte tenu notamment des conditions de sa fourniture, être dissocié de celui consistant à assurer le service d’éclusage aux bateaux de plaisance, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner, la vérification de l’existence d’une activité économique doit porter sur le seul service aux bateaux autres que ceux de plaisance.

29  Il convient de rappeler, en quatrième lieu, que, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 21 du présent arrêt, pour être qualifié d’activité économique, le service d’éclusage concerné doit consister à offrir des biens ou des services sur un marché donné.

30  À cet égard, selon une jurisprudence constante, la circonstance que l’offre de biens ou de services soit faite sans but lucratif ne fait pas obstacle à ce que l’entité qui effectue ces opérations sur le marché doive être considérée comme une entreprise, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif. En outre, constituent des services susceptibles d’être qualifiés d’« activités économiques » les prestations fournies normalement contre rémunération. La caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause (arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée).

31  En l’occurrence, il peut être relevé que, en vertu de la réglementation suédoise, le service d’éclusage en cause au principal est fourni à titre gratuit à ses destinataires.

32  Or, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 16 de ses conclusions, une activité ne peut, en principe, être considérée comme étant économique si elle ne rapporte pas, à tout le moins à terme, des recettes permettant de générer des bénéfices ou du moins de couvrir les coûts.

33  Il s’ensuit que la circonstance que le service d’éclusage en cause au principal soit fourni à titre gratuit peut constituer un indice de l’absence d’activité économique.

34  Pour autant, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si le service d’éclusage en cause au principal est opéré sur un marché, c’est-à-dire en concurrence avec d’autres opérateurs économiques.

35  À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que ce service permet la liaison entre la mer Baltique et le lac Mälar et que la seule autre voie navigable permettant cette liaison est le canal de Södertälje, dont le passage est géré par l’État suédois et était également assuré à titre gratuit pendant la durée de l’accord. Il semble ainsi qu’il n’existe pas de substituabilité avec un autre opérateur poursuivant un but lucratif, au sens de la jurisprudence rappelée au point 30 du présent arrêt, et, ce faisant, de rapport de concurrence entre les services d’éclusage sur les deux voies navigables concernées, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier.

36  Par conséquent, il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si, en dépit de la gratuité du service d’éclusage assuré par Stockholms Hamn, ce service est fourni sur un marché en concurrence avec d’autres opérateurs économiques et si, au vu du contexte de la prestation dudit service, Stockholms Hamn peut être qualifiée d’« entreprise », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

 Sur l’existence d’un avantage

37  Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 19 du présent arrêt, pour être qualifiée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une mesure nationale doit accorder un avantage sélectif à l’entreprise ou aux entreprises qui en sont bénéficiaires.

38  Doit être considérée comme remplissant cette condition toute mesure étatique qui, quels qu’en soient la forme et les objectifs, est susceptible de favoriser directement ou indirectement une ou plusieurs entreprises, ou qui accorde à celles-ci un avantage qu’elles n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 107 et jurisprudence citée).

39  L’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectue, en principe, par application du principe de l’opérateur privé, à moins qu’il n’existe aucune possibilité de comparer le comportement étatique qui est en cause en l’occurrence à celui d’un opérateur privé, notamment parce que l’État a agi en sa qualité de puissance publique (arrêt du 17 novembre 2022, Volotea et easyJet/Commission, C‑331/20 P et C‑343/20 P, EU:C:2022:886, point 108 ainsi que jurisprudence citée). L’applicabilité du critère de l’opérateur privé dépend donc de ce que l’État membre concerné accorde en sa qualité d’opérateur privé, et non pas en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise. Sont pertinents aux fins de cette appréciation, en particulier, la nature et l’objet de la mesure en cause, le contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que l’objectif poursuivi et les règles auxquelles cette mesure est soumise (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 81 et 86, ainsi que du 13 mars 2025, Cividale e.a., C‑746/23 et C‑747/23, EU:C:2025:171, point 42).

40  En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’accord a été conclu à la suite de la décision des autorités suédoises de supprimer au niveau régional certaines redevances imposées au passage de certaines voies navigables intérieures, dans le but de maintenir la répartition équilibrée du trafic entre les voies navigables concernées. Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 21 de ses conclusions, les éléments dont dispose la Cour sur les raisons du versement de la compensation en cause au principal à Stockholms Hamn semblent plutôt devoir être interprétés dans le sens d’une intervention de l’État suédois en sa qualité de puissance publique et non d’opérateur privé.

41  En ce qui concerne les critères dégagés par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), invoqués par Stockholms Hamn devant la juridiction de renvoi, il importe de rappeler que, au point 87 de cet arrêt, la Cour a précisé que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

42  La Cour a établi quatre conditions cumulatives qu’une telle compensation doit remplir pour exclure l’existence d’un avantage. Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise qui va se trouver chargée de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, points 89 à 93).

43  En l’occurrence, il y a lieu de relever que la gratuité des opérations d’éclusage effectuées par Stockholms Hamn pendant la période pertinente pour les bateaux commerciaux semblait constituer une obligation imposée par la loi et formalisée par la suite dans un accord conclu avec l’autorité administrative déléguée à cette fin, par laquelle les autorités suédoises poursuivaient l’objectif d’assurer une répartition optimale du trafic maritime commercial dans l’intérêt général. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 25 de ses conclusions, il ne peut, dès lors, être exclu que, pendant cette période, Stockholms Hamn ait été chargée d’une obligation de service public, au sens des critères Altmark, ce qu’il appartiendra toutefois au juge de renvoi d’apprécier, à la lumière de tous les éléments pertinents.

44  S’agissant des trois autres critères Altmark, il convient de souligner, à l’instar de M. l’avocat général aux points 26 et 27 de ses conclusions, que les indications fournies par la juridiction de renvoi ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure ces trois autres critères, visant à garantir l’absence de surcompensation, sont satisfaits en l’occurrence. En effet, si le montant de la compensation en cause au principal est principalement fondé sur celui des redevances qui étaient perçues avant leur suppression, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que ces redevances seraient en lien avec les coûts occasionnés par le service d’éclusage concerné.

45  Il incombera, par conséquent, à la juridiction de renvoi d’apprécier, au regard de tous les éléments pertinents, et notamment des développements qui précèdent, si le critère de l’opérateur privé en économie de marché ou les critères Altmark permettent de conclure à l’octroi d’un avantage à Stockholms Hamn résultant du versement de la compensation en cause au principal.

 Sur l’affectation des échanges entre les États membres et la distorsion de concurrence

46  Selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence. En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme étant influencés par cette aide (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, points 65 et 66 ainsi que jurisprudence citée).

47  À cet égard, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. Par ailleurs, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage au-dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre les États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre les États membres soient affectés. Dès lors, la condition selon laquelle l’aide en cause doit être de nature à affecter les échanges entre les États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, points 67 à 69 et jurisprudence citée).

48  Il s’ensuit que, en ce qui concerne la mesure en cause au principal, l’incidence sur les échanges entre États membres et sur la concurrence dépend de l’existence d’un marché sur lequel serait offert le service d’éclusage en cause au principal. À cet égard, il devra notamment être tenu compte de la gratuité imposée par les autorités suédoises, qui peut constituer un obstacle à ce que des entreprises établies dans d’autres États membres envisagent de fournir le service en cause au principal.

49  Compte tenu de l’ensemble ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une compensation annuelle versée en vertu d’un accord au moyen de ressources d’État par une autorité publique à une société anonyme municipale afin de compenser l’engagement de cette société de fournir gratuitement un service d’éclusage sur une voie navigable, qui était soumis à une redevance avant la conclusion de cet accord, constitue une aide d’État si ladite société peut être considérée comme étant une entreprise et si cette compensation lui confère un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

 Sur les deuxième et troisième questions

50  Par ses deuxième et troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cas où la compensation, prévue dans un accord conclu avant l’adhésion d’un État à l’Union, constituerait une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle devrait être qualifiée d’« aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, et si, dans l’affirmative, elle devrait être considérée comme étant une « aide nouvelle » après cette adhésion, dans la mesure où son application a été prorogée à plusieurs reprises et son montant adapté conformément aux termes initiaux de l’accord l’ayant instituée.

51  Il convient de rappeler que la qualification d’une aide d’État en tant qu’aide existante ou aide nouvelle a des conséquences procédurales différentes. En effet, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur (arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, EU:C:1994:100, points 19 et 20, ainsi que du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 36 et jurisprudence citée). En revanche, l’article 108, paragraphe 3, TFUE impose de notifier en temps utile, à la Commission, les projets tendant à instituer des aides nouvelles ou à modifier des aides existantes, lesquels ne peuvent être mis à exécution avant que la procédure d’examen n’ait abouti à une décision finale (arrêt du 20 mai 2021, Azienda Sanitaria Provinciale di Catania, C‑128/19, EU:C:2021:401, point 30 et jurisprudence citée).

52  Aux termes de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, la notion d’« aide existante » comprend, « sans préjudice des articles 144 et 172 de l’acte d’adhésion [...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du [traité FUE] dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après l’entrée en vigueur du [traité FUE] dans les États membres respectifs ».

53  En l’occurrence, il n’est pas contesté que la compensation en cause au principal a commencé à être versée et, ainsi, existait avant l’entrée en vigueur du traité FUE en Suède, au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589.

54  Il ressort de la décision de renvoi que la compensation en cause au principal n’a pas été notifiée à la Commission et que le juge de renvoi s’interroge, dès lors, sur la question de savoir si l’article 144 de l’acte d’adhésion, qui prévoit, à son point a), que, « dans le domaine des aides prévues aux articles [107 et 108 TFUE] », « parmi les aides en application dans les nouveaux États membres avant l’adhésion, seulement celles communiquées à la Commission avant le 30 avril 1995 sont considérées comme aides “existantes” au sens de l’article [108, paragraphe 1, TFUE] », est applicable en l’occurrence.

55  Il ressort de l’acte d’adhésion et, en particulier, de l’article 137, paragraphe 1, de celui-ci, que le titre VI de cet accord, qui comprend l’article 144 de celui-ci, s’applique aux produits agricoles (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 44). Par conséquent, l’article 144 de l’acte d’adhésion ne s’applique pas à la compensation en cause au principal qui porte sur des services d’éclusage.

56  Il s’ensuit que, bien que la compensation en cause au principal n’ait pas été notifiée à la Commission, celle-ci doit être qualifiée d’aide existante, puisqu’elle répond aux conditions auxquelles l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 subordonne une telle qualification.

57  Il importe toutefois de déterminer si cette qualification est susceptible d’être remise en cause par les prorogations et les ajustements dont la compensation en cause au principal a fait l’objet. En effet, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi se demande si les modifications relatives à la durée et au montant de la compensation en cause au principal intervenues après l’expiration de l’accord, conclu en 1979 initialement pour une période de cinq ans, peuvent être considérées comme étant « la modification d’une aide existante », de sorte que cette compensation doive, en définitive, être qualifiée d’« aide nouvelle », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589.

58  Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 794/2004, « tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché [intérieur] » constitue la modification d’une aide existante. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, seule une modification substantielle – de nature subjective, objective ou temporelle – affectant les éléments constitutifs d’une aide et susceptible d’altérer l’appréciation de sa compatibilité avec le marché intérieur donne lieu à une aide nouvelle (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2018, Carrefour Hypermarchés e.a., C‑510/16, EU:C:2018:751, point 41, et du 13 décembre 2018, Rittinger e.a., C‑492/17, EU:C:2018:1019, point 57).

59  En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la validité de l’accord a été automatiquement prorogée tous les cinq ans jusqu’à sa résiliation en 2021. Cette prorogation quinquennale automatique de l’accord, sauf résiliation, et l’adaptation des montants de la compensation en cause au principal, à la fois annuelle sur la base de l’indice des prix à la consommation et quinquennale sur la base de l’évolution du trafic, étaient prévues dans ledit accord et pouvaient, ce faisant, être prises en compte dès la conclusion de l’accord aux fins d’une évaluation de compatibilité.

60  Or, selon une jurisprudence constante, seules des prorogations introduites par des actes adoptés postérieurement à celui ayant prévu l’aide concernée, le cas échéant après l’autorisation de cette dernière par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, EU:C:2003:444, point 109, et du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, EU:C:2010:291, point 47), ou des prorogations allant au-delà des limites temporelles prévues dans le contrat ayant institué cette aide, à l’exclusion du fonctionnement normal de ce contrat (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, point 59), comportent des modifications d’une aide existante.

61  Quant à l’adaptation des montants de la compensation en cause au principal, comme l’a constaté M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, d’une part, l’adaptation annuelle du montant de la compensation en cause au principal sur la base de l’indice des prix à la consommation relève de variations automatiques des montants d’une aide pécuniaire dans une situation d’inflation et non d’une modification substantielle du montant de cette compensation. D’autre part, en ce qui concerne la redéfinition du montant de base de la compensation en cause au principal à chaque échéance quinquennale, il incombera à la juridiction de renvoi d’apprécier si cette redéfinition, bien qu’elle ait eu lieu sur la base d’une formule restée inchangée dans le temps, a entraîné dans les faits une série de renégociations pouvant être qualifiées de « modifications ». Tel pourrait être le cas, notamment, si ladite redéfinition requérait que les parties s’accordent sur le volume de trafic à prendre en considération.

62  Si tel est effectivement le cas, la juridiction de renvoi sera tenue d’examiner si ces modifications peuvent être qualifiées de « substantielles », étant précisé que le seuil de 20 % au-dessus duquel une modification du budget initial est considérée comme étant la modification d’une aide existante s’applique uniquement, conformément aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, aux régimes d’aides et non aux aides individuelles, telle celle en cause au principal.

63  Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 1er, sous b), i), et sous c), du règlement 2015/1589 doit être interprété en ce sens que, à supposer qu’elle constitue une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une compensation, dont le versement, conformément aux termes initiaux de l’accord qui l’a instituée, a été prorogé pour des périodes de cinq ans en l’absence de résiliation de cet accord et dont le montant a été modifié, d’une part, annuellement, sur la base de l’indice des prix à la consommation et, d’autre part, à chaque échéance quinquennale, selon le volume du trafic concerné, en application d’une formule fixée dans l’accord initial et restée inchangée dans le temps, constitue une aide existante.

 Sur les dépens

64  La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)  L’article 107, paragraphe 1, TFUE

doit être interprété en ce sens que :

une compensation annuelle versée en vertu d’un accord au moyen de ressources d’État par une autorité publique à une société anonyme municipale afin de compenser l’engagement de cette société de fournir gratuitement un service d’éclusage sur une voie navigable, qui était soumis à une redevance avant la conclusion de cet accord, constitue une aide d’État si ladite société peut être considérée comme étant une entreprise et si cette compensation lui confère un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

2)  L’article 1er, sous b), i), et sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE],

doit être interprété en ce sens que :

à supposer qu’elle constitue une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, une compensation, dont le versement, conformément aux termes initiaux de l’accord qui l’a instituée, a été prorogé pour des périodes de cinq ans en l’absence de résiliation de cet accord et dont le montant a été modifié, d’une part, annuellement, sur la base de l’indice des prix à la consommation et, d’autre part, à chaque échéance quinquennale, selon le volume du trafic concerné, en application d’une formule fixée dans l’accord initial et restée inchangée dans le temps, constitue une aide existante.

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