Cass. com., 6 mai 1997, n° 94-17.914
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
BEZARD
Rapporteur :
Grimaldi
Avocat général :
Raynaud
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Aix-en-Provence, 27 mai 1994), que la société Location moderne a conclu deux contrats de crédit-bail avec la société Air Méditerranée (la société), moyennant diverses garanties dont le cautionnement solidaire de M. Gérard X...; que la société ayant interrompu le paiement des loyers, les contrats ont été résiliés; qu'ultérieurement, la société a été mise en redressement judiciaire et que le crédit-bailleur a assigné M. Gérard X... en exécution de son engagement de caution ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu que M. Gérard X... reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat; que la société Location moderne, créancière, s'étant bornée à soutenir que M. Gérard X..., caution, était pilote salarié et porteur de parts de la société cautionnée, et qu'ayant un pouvoir de direction, les règles de l'article 109 du Code de commerce devraient s'appliquer, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur les connaissances de la caution, ses relations avec la société cautionnée et avec son gérant, à l'objet et à l'importance inhabituelle de l'opération à l'occasion de laquelle son cautionnement est intervenu, autant d'éléments non invoqués comme complétant l'acte de cautionnement irrégulier au regard de l'article 1326 du Code civil; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 7 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, qu'en relevant d'office ces éléments sans inviter les parties à faire valoir leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, qu'en se bornant à énoncer qu'eu égard à la qualité, aux fonctions et aux connaissances de la caution, de ses relations avec la société cautionnée et avec son gérant, à l'objet et l'importance de l'opération cautionnée, M. Gérard X... avait eu une connaissance "explicite et non équivoque" de la nature et de l'étendue de ses engagements de caution, sans préciser en quelle occasion la caution avait concrètement eu connaissance de l'étendue de ses engagements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir, d'un côté, relevé que M. Gérard X... n'était pas commerçant et exactement énoncé que les dispositions de l'article 1326 du Code civil s'appliquaient pour établir la preuve du cautionnement litigieux, à l'exclusion de celles de l'article 109 du Code de Commerce, et, d'un autre côté, retenu que l'acte de cautionnement signé par M. Gérard X..., dépourvu de toute mention manuscrite, constituait un commencement de preuve par écrit, l'arrêt retient souverainement, par motifs propres et adoptés, utilisant les seuls faits mis aux débats et sans méconnaître les dispositions des articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile, que les divers éléments concrets qu'il énumère, au nombre desquels la connaissance que M. Gérard X... avait des engagements conclus entre le crédit-bailleur et la société, complètent valablement le commencement de preuve par écrit et font, avec celui-ci, preuve parfaite du cautionnement litigieux; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Sur les quatrième et cinquième branches :
Attendu que M. Gérard X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le cautionnement n'est que l'accessoire de la dette principale dont il suit le sort et que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, telle que l'extinction de celle-ci, laquelle résulte nécessairement de l'interdiction faite aux créanciers du droit de poursuite à l'encontre du débiteur postérieurement au jugement de clôture pour insuffisance d'actif; qu'en l'espèce, en affirmant que la caution demeurait tenue, au motif que la libération du débiteur présentait le caractère d'une exception lui étant personnelle, la cour d'appel a violé les articles 2036 du Code civil, 92 et 169 de la loi du 25 janvier 1985; et alors, d'autre part, que l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985 interdit aux cautions solidaires de se prévaloir du plan de continuation et non du plan de cession; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
Mais attendu, d'une part, que si, en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause, les créanciers ne recouvrent pas l'exercice individuel de leur action contre le débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif, ils conservent, la dette n'étant pas éteinte, le droit de poursuite à l'encontre de la caution du débiteur; qu'il en est ainsi bien que le droit, subsistant, de la caution à subrogation ne puisse s'exercer, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de la loi du 25 janvier 1985; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a exactement décidé que, malgré la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, M. Gérard X... était tenu envers le crédit-bailleur en vertu du cautionnement par lui contracté ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt énonce à bon droit, sur le fondement de l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985, inclus dans un chapitre intitulé "Le Plan de continuation ou de cession de l'entreprise", que la caution solidaire ne peut se prévaloir du jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur la sixième branche du moyen :
Attendu que M. Gérard X... fait enfin le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la caution est totalement déchargée lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution; qu'il en est ainsi de la société de crédit-bail créancière qui réclame à la caution du preneur le montant de loyers impayés et des indemnités prévues en cas de résiliation de plein droit, puis récupère le même matériel auprès de l'administrateur judiciaire de la procédure du preneur en faillite et le revend à un tiers sans même en aviser la caution, la privant de la subrogation dans le droit de reprise du matériel; qu'en l'espèce, l'arrêt ayant constaté que la société Location moderne a récupéré l'appareil Merlin auprès de l'administrateur judiciaire de la procédure ouverte contre la société et l'a immédiatement revendu à une société tiers le 29 mai 1990, il en résultait que cette revente était intervenue sans que M. Gérard X... en ait été avisé et qu'ainsi, par le fait du créancier, il a été privé de la subrogation sur l'appareil, et se trouvait, dès lors, déchargé de son engagement de caution; qu'en déclarant néanmoins que M. Gérard X... demeurait tenu en sa qualité de caution, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, en violant ainsi l'article 2037 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les sommes réclamées tiennent intégralement compte du prix de revente du matériel, qui "a été réalisé dans des conditions à la fois régulières et avantageuses", ce dont il résulte que, faute de préjudice, la caution ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2037 du Code civil; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Location moderne ;