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Décisions

Cass. com., 9 juillet 1996, n° 94-16.191

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

BEZARD

Rapporteur :

Badi

Avocat général :

Mourier

Cass. com. n° 94-16.191

8 juillet 1996

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société Grandes tuileries de Roumazières (société GTR) a été mise en règlement judiciaire et que la société de Développement régional Expanso (société Expanso), qui lui avait consenti deux prêts pour le remboursement desquels M. X... s'était porté caution, a produit sa créance qui a été admise pour la somme de 1 441 757,98 francs et a poursuivi la caution; que celle-ci, après avoir payé une somme de 1 417 298, 90 francs, a exercé contre la société GTR, qui avait bénéficié d'un concordat homologué, un recours fondé sur l'article 2029 du Code civil;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que la société GTR fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 774 858,88 francs outre les intérêts au taux conventionnel à courir à compter du 20 septembre 1991, alors, selon le pourvoi, que le créancier ne peut exiger de la caution davantage que ce que le débiteur principal lui doit; que dans ses conclusions responsives la société GTR avait fait valoir que s'agissant de créances hypothécaires, fixées en principal et intérêts de façon définitive par l'arrêté de l'état des créances, la caution ne pouvait prétendre exercer les droits du créancier qu'en justifiant à ce jour de l'existence d'inscriptions d'hypothèques et de publication de sa subrogation conformément à l'article 2149 du Code civil, ce qu'il ne faisait pas, et qu'enfin M. X... ne pouvait prétendre exercer les droits du créancier hypothécaire que jusqu'à hauteur du prix de vente des immeubles grevés, le surplus étant chirographaire donc soumis au concordat; qu'en ne répondant pas à ces conclusions la cour d'appel a privé de motifs sa décision en violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux allégations de la société GTR faisant état de ce que la caution ne justifiait pas de l'existence d'inscriptions d'hypothèques et de publication de sa subrogation dès lors que, des faits ainsi exposés, la société GTR ne tirait pas les déductions juridiques que fait valoir le moyen; que celui-ci n'est pas fondé;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société GTR fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la subrogation de la caution aux droits du créancier contre le débiteur ne peut conférer à la caution plus de droits que n'en a le créancier contre le débiteur et suppose que la caution ait préalablement réglé une dette exigible non éteinte; qu'il est constant que la créance de la société Expanso définitivement admise au règlement judiciaire de la société GTR d'un montant de 1 441 757,98 francs en principal s'est trouvée partiellement éteinte du fait des paiements effectués par la société GTR depuis la fin de l'année 1985; qu'il en résulte que la caution, qui a payé le créancier après les paiements effectués par le débiteur, ne pouvait recourir contre celui-ci que pour le remboursement de la dette non encore éteinte qui restait due au créancier au moment du paiement par elle effectué; qu'en décidant, dès lors, que M. X... était en droit d'obtenir de la société GTR le remboursement du montant total de la production de la société Expanso au règlement judiciaire de la société GTR, la cour d'appel a violé les articles 2029 et 1251.3 du Code civil;

Mais attendu que la cour d'appel ne s'est pas bornée à énoncer que M. X... devait obtenir le remboursement du montant de la créance de la société Expanso admise au passif du règlement judiciaire, son arrêt ayant ajouté, par motifs adoptés que M. X... avait réglé à la société Expanso le somme de 1 417 298, 90 francs correspondant aux échéances de 1983, 1984 et 1985 et par motifs propres que la société GTR avait, de son côté, dès la fin de l'année 1985 repris le paiement des annuités courantes des prêts qui lui avaient été accordés; que le moyen est sans fondement;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société GTR reproche aussi à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était mal fondée en son appel, et confirmant le jugement entrepris, rejeté tous autres moyens, fins et conclusions de cette société contraires à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la société GTR avait formé une demande reconventionnelle en paiement par M. X... de la somme de 774 616,35,35 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 1991 représentant l'excédent de la somme de 1 041 218,60 francs qu'elle avait payée par erreur à M. X... avec le montant du solde de la créance auquel ce dernier pouvait juridiquement prétendre; qu'en ne répondant par aucun motif à cette demande, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, pour rejeter les prétentions de la société GTR tendant au paiement par M. X... d'une certaine somme, que celui-ci avait payé à la société Expanso les sommes qui lui étaient dues au titre de sa créance vérifiée, tandis que la société GTR remise in bonis avait repris, dès la fin de l'année 1985 le paiement des annuités courantes des prêts qui lui avaient été accordés et qu'il apparaissait que les sommes versées à la société Expanso par la caution et le débiteur principal l'avaient été sur deux fondements juridiques distincts;

qu'ayant ainsi fait ressortir l'absence de fondement de la demande reconventionnelle formée par la société GTR, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen; que celui-ci n'est pas fondé;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 2029 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la société GTR à payer à M. X... les intérêts au taux conventionnel de la somme de 774 858,88 francs à compter du 20 septembre 1991, l'arrêt énonce que l'article 39 de la loi du 13 juillet 1967 dispose que les intérêts sont arrêtés par le jugement à l'égard de la masse seulement pour les créances chirographaires, que ce texte signifie donc à l'évidence que les intérêts continuent à courir à l'encontre du débiteur;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le recours subrogatoire prévu à l'article 2029 du Code civil, ouvert à la caution qui a payé la créance du créancier contre le débiteur principal, ne peut avoir pour objet que le recouvrement de ladite créance dans la limite de ce que la caution a effectivement payé, la cour d'appel a violé le texte suvisé;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société GTR à payer à M. X... les intérêts au taux conventionnel à compter du 20 septembre 1991, l'arrêt rendu le 6 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers;

Condamne M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bordeaux, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé;

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