Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 9 mars 2022, n° 20-23.687

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Chauvin

Rapporteur :

Champ

Cass. 1re civ. n° 20-23.687

8 mars 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 8 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-20.441), suivant offre de prêt acceptée le 20 mai 2011, la société Banque de Tahiti (la banque) a consenti à Mme [W] (l'emprunteur) un prêt immobilier, garanti par le cautionnement de la société Compagnie européenne de garanties et de caution (la caution), pour financer la construction d'une maison d'habitation à usage de résidence principale. En application de l'article 9 des conditions générales, qui prévoit le cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, la banque lui a notifié l'exigibilité anticipée de toutes les sommes dues au titre du prêt. Ayant désintéressé la banque, la caution a assigné l'emprunteur en paiement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à paiement, alors :

« 1°/ que la caution qui a payé le créancier ne peut exercer son recours personnel contre le débiteur principal, qu'à la condition que l'obligation de celle-ci soit exigible ; qu'en énonçant que « la nature personnelle du recours de la caution en ce qui concerne les sommes acquittées auprès de la [Banque de Tahiti] ne permet [?] pas à Mme [[V]] [W], débitrice [principale], d'opposer à la Cegc [caution qui a payé] le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée mise en oeuvre par la banque, pas plus qu'elle ne lui permet de remettre en cause ce recours du fait de la mise en oeuvre injustifiée de la clause d'exigibilité anticipée », quand l'exigibilité de l'obligation de Mme [V] [W] envers la Banque de Tahiti dépendait directement de cette validité de la clause d'exigibilité anticipée, clause abusive dont la Banque de Tahiti s'est prévalue contre elle, et qui, comme telle, doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé l'article 2028 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française (article 2305 du code civil applicable en métropole) ;

2°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme [V] [W] faisait valoir, d'une part, que « la mise en oeuvre du recours [personnel] de la caution [qui a payé contre le débiteur principal] est subordonnée à l'existence de la défaillance de l'emprunteur », et, d'autre part, que « la cour d'appel : / – jugera que l'article 9 du contrat de prêt [invoqué par la Banque de Tahiti
contre elle] crée un déséquilibre significatif, et / – jugera que ladite clause est abusive et par conséquent réputée non écrite ; – jugera que la clause de remboursement anticipé étant non écrite, Mme [W] n'était pas défaillante / – déboutera Cegc de son recours » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

3°/ que la cour d'appel, qui énonce que Mme [V] [W] et la Banque de Tahiti ont «clairement prévu dans le contrat de prêt [du 20 mai 2011] l'exercice d'un recours personnel de la caution, soumis à la seule obligation pour celle-ci de produire une quittance justifiant du règlement effectué », constate cependant que, suivant la même clause du même contrat de prêt qu'elle vise, « en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du présent prêt et consécutivement d'exécution par la caution de son obligation de règlement, la caution exercera son recours contre l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 2305 du code civil, sur simple production d'une quittance justifiant le règlement effectué » ; qu'elle méconnaît que le contrat de prêt du 20 mai 2011 subordonne le recours personnel de la caution non seulement à la délivrance d'une quittance par le créancier que la caution a payé, mais aussi, et surtout, à la défaillance préalable du débiteur principal, laquelle suppose que celui-ci ne soit pas bénéficiaire d'un terme ; qu'elle a violé le principe de la force obligatoire des conventions. »

Réponse de la Cour

3. Si, en application de l'article 2308, alinéa 2, du code civil, un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.

4. Ayant relevé que l'emprunteur s'était retrouvé dans l'impossibilité de rembourser le capital restant dû, que la banque avait réclamé le paiement à la caution, que l'emprunteur ne contestait pas avoir été averti du paiement à intervenir par celle-ci et qu'il ne soutenait pas l'avoir informée de l'irrégularité alléguée de la déchéance du terme, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, en a exactement déduit que le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée ne pouvait pas être opposé à la caution.

5. Il s'ensuit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site